COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023
N° RG 21/02234 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G3CY
[X] [M]
C/ S.A.R.L. CGPI etc…
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 11 Octobre 2021, RG F 20/00046
APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE
Madame [X] [M]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Nadine MOINE-PICARD, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
INTIMEES ET APPELANTES INCIDENTES
S.A.R.L. CGPI
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Marie LAMOTTE de la SELARL LAMOTTE & AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
S.E.L.A.R.L. AJ UP Es qualité d’Administrateur Judiciaire de la SARL CGPI, désigné à cette fonction par Jugement du 08 décembre 2020.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Marie LAMOTTE de la SELARL LAMOTTE & AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
SELARL MJ SYNERGIE venant aux droits de S.E.L.A.R.L. [S] [T] Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « SARL CGPI»
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Marie LAMOTTE de la SELARL LAMOTTE & AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Copies délivrées le :
INTIMEE
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D’ANNECY
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Laetitia GAUDIN de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 10 Janvier 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [X] [M] a été embauchée sous contrat à durée indéterminée par la Sarl CGPI ORPI à compter du 25 avril 2016, en qualité d’assistante de gestion locative, au coefficient hiérarchique E2.
La convention collective de l’immobilier est applicable.
L’effectif de la société est de plus de onze salariés.
Mme [M] alors en congé maternité a demandé à l’employeur par courrier remis en main propre du 12 juin 2019, le bénéfice d’un poste à temps partiel dans le cadre de son congé parental d’éducation, à compter du 1er septembre 2019. La société a accepté.
Un avenant au contrat a été signé par les deux parties le 1er septembre 2019, ses horaires de travail étaient de 8 heures à 18 heures les lundi, mardi et jeudi et à 17 heures 12 le vendredi.
Mme [M] arrivait à son travail à 8 heures 30 le matin et partait avant 18 heures du fait des horaires de crèche de son fils.
La 26 novembre 2019 la Sarl CGPI ORPI notifiait à la salariée un avertissement pour non-respect de ses horaires contractuels de travail.
Après discussion, une rupture conventionnelle était signée par les deux parties le 9 décembre 2019.
Le 18 décembre 2019, la Sarl CGPI ORPI a effectué son droit de rétractation dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle et convoquait, par courrier remis en main propre, la salariée à un entretien préalable pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé le 30 décembre 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 6 janvier 2020, la salariée s’est vu notifier son licenciement pour faute grave au motif d’un refus de respecter ses horaires de travail indiqués sur son contrat de travail.
Par requête du 30 avril 2020, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Bonneville pour contester son licenciement pour faute grave.
Par jugement du 8 décembre 2020, la Sarl CGPI ORPI a été placée en redressement judiciaire et la Selarl AJ UP, Me [J] [E], a été désignée comme administrateur judiciaire avec mission d’assistance et la Selarl [S] [T] aux fonctions de mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 11 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Bonneville a :
– donné acte à la Selarl AJ UP ès qualité d’administrateur judiciaire et à la Selarl [S] [T] es qualité de mandataire judiciaire de leur intervention volontaire à la présente procédure à la suite du jugement de redressement judiciaire du 8 décembre 2020,
– dit et jugé le jugement à intervenir seulement opposable à l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy,
– dit et jugé en leur intégralité, non prescrits les faits reprochés à Mme [X] [M],
– dit et jugé le licenciement suite à l’accumulation des faits fautif reprochés à Mme [X] [M] repose sur un faute grave justifiée,
– débouté Mme [X] [M] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté la Sarl CGPI ORPI de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [X] [M] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 15 novembre 2021 par RPVA, Mme [X] [M] a interjeté appel de la décision dans son intégralité.
La Sarl CGPI ORPI, la Selarl AJ UP, Me [J] [E], administrateur judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de redressement et la Selarl MJ Synergie, venant aux droits de la Selarl [S] [T], mandataire judiciaire, intervenant volontaire ont formé appel incident le 1er avril 2022.
Dans ses conclusions notifiées le 4 août 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, Mme [M] demande à la cour de:
– infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle est bien fondée dans ses demandes, fins et prétentions,
– débouter l’employeur et les AGS de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– constater l’absence de faute grave,
En conséquence,
– dire que le licenciement disciplinaire est sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la Sarl CGPI ORPI à lui payer les sommes suivantes :
* 1 064,87 € à titre de paiement afférent à la période de la mise à pied conservatoire,
* 11.679,65 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 167,96 € à titre d’indemnité de licenciement,
* 4 671,86 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et 467,18 € de congés payés afférents,
* 4 500 €s au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’instance,
– déclarer opposable le jugement à intervenir à l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy.
Elle soutient en substance que l’employeur avait connaissance du problème concernant les horaires de travail depuis le 6 septembre 2019, or la convocation à l’entretien préalable a eu lieu le 18 décembre 2019, soit plus de deux mois après. Ce fait est donc prescrit conformément à l’article L.1332-4 du code du travail.
Le non-respect des horaires n’est pas fautif car l’employeur l’a toléré depuis septembre 2019 sans exercer son pouvoir disciplinaire.
Cela n’a pas causé la moindre difficulté liée à l’organisation du service puisque l’accueil du public ne débutait qu’à 9 heures et la salariée s’était organisée avec une collègue.
Elle récupérait son temps de travail lors de sa pause méridienne.
L’absence du 18 décembre 2019 était prévue, cette journée ne lui a pas été rémunérée. Ses absences du 16 et 17 décembre 2019 ont été justifiées. L’employeur ne démontre pas que celle-ci a refusé d’obtempérer à sa mise à pied.
La société a suggéré la rupture conventionnelle afin d’éviter le licenciement.
Elle ne pouvait pas respecter ses horaires du fait de contraintes personnelles, un fait de la vie personnelle de ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire.
Elle avait fait l’objet d’un avertissement concernant le non-respect des horaires de travail, qu’elle avait contesté, un salarié ne peut faire l’objet de multiple sanctions disciplinaires pour des faits identiques.
La société ne démontre pas l’existence d’un comportement irrespectueux de la salariée, il ne lui a pas été fait mention qu’elle se trouvait sous l’autorité de Mme [R].
La convention de rupture ne mentionnait pas l’obligation pour la salariée de former sa remplaçante.
Le prétendu refus d’obtempérer n’a pas été mentionné lors de l’entretien préalable, l’appelante à pris connaissance de ce grief via sa lettre de licenciement.
Dans ses conclusions notifiées le 1er avril 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la Sarl CGPI ORPI, la Selarl AJ UP, Me [J] [E], administrateur judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de redressement de la Sarl CGPI ORPI et la Selarl MJ Synergie, venant aux droits de la Selarl [S] [T], mandataire judiciaire, intervenant volontaire, demandent à la cour de:
– mettre hors de cause la Selarl MJ Synergie, aujourd’hui aux droits de la Selarl [S] [T], en sa qualité de Mandataire judiciaire,
Statuant sur le licenciement pour faute grave de Mme [X] [M],
– dire et juger non prescrit les faits qui lui sont reprochés,
– dire et juger que son licenciement repose sur une faute grave justifiée,
– la débouter en conséquence de I’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– la condamner au paiement d’une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir que la convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire caractérise l’engagement des poursuites disciplinaires et est un acte interruptif de la prescription.
Un fait fautif ne peut plus à lui seul donner lieu à une sanction au-delà d’un délai de deux mois mais l’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté ou lorsque les faits constatés procèdent d’un comportement identique et continu du salarié.
Le non-respect des horaires de travail a perduré et elle a fait l’objet de plusieurs absences non-autorisées et injustifiées les 16, 17 et 18 décembre 2019 et elle a refusé d’obtempérer après sa mise à pied à titre conservatoire.
La salariée n’a pas tenu compte de l’avertissement du 26 novembre 2019.
La salariée a décidé d’elle-même de compenser ses horaires lors de sa pause déjeuner.
Elle a fait preuve d’insubordination à l’égard de sa hiérarchie.
La convention collective impose un délai de 48 heures au salarié pour justifier de son absence, ce qu’elle n’a pas respecté les 16, 17 et 18 décembre 2019.
Elle a refusé de former et de participer à l’intégration de sa remplaçante.
Elle a refusé de quitter l’entreprise lors de la notification de sa mise à pied à titre conservatoire.
Dans ses conclusions notifiées le 14 février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré,
– débouter Mme [X] [M] de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
Relevant que la société CGPI est au bénéfice d’un plan de continuation depuis le 15 décembre 2021,
– mettre hors de cause l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy quant aux demandes présentées par Mme [X] [M],
A titre infiniment subsidiaire,
– dire et juger le jugement à intervenir seulement opposable à l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy sur le fondement de l’article L.625-3 du code de commerce,
– dire et juger que l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail,
– dire et juger que l’indemnité qui serait fixée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ou sur la loi du 10 juillet 1991 relative à la juridictionnelle et les dépens ainsi que l’astreinte qui serait prononcée doivent être exclus de la garantie de l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy, les conditions spécifiques de celle-ci n’étant pas réunies notamment au visa de l’article L 3253-6 du code du travail,
– dire et juger que la garantie de l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy est encadrée par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail qui prévoient, pour toutes causes de créances confondues, le principe du plafond de garantie de l’AGS applicable aux créances qui seraient fixées au bénéfice de Mme [X] [M] au titre de son contrat de travail,
– dire et juger que l’obligation de l’Unedic délégation AGS CGEA d’Annecy de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
– condamner Mme [X] [M] aux dépens.
Elle fait valoir que la société est au bénéfice d’un plan de redressement depuis le 15 décembre 2021, elle n’est donc plus en redressement judiciaire et l’AGS sera mise hors de cause.
La salariée a fait l’aveu de son non-respect des horaires de travail.
La signature d’une rupture conventionnelle ne vaut pas renonciation par l’employeur à son droit d’exercer son pouvoir disciplinaire.
L’employeur démontre également des problèmes de comportement de la part de l’appelante.
L’AGS sur la faute grave s’en rapporte aux observations de la société.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 7 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s’attachant à son emploi, d’une importance telle qu’il rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Le juge doit apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés.
La procédure de licenciement doit être engagée avant l’expiration du délai de prescription de deux mois courant à compter de la date de connaissance des faits par l’employeur.
Le fait pour un salarié de refuser malgré les injonctions de l’employeur, d’accomplir un travail lui incombant ou d’exécuter un ordre compatible avec son service, constitue une faute grave.
La charge de la preuve repose exclusivement sur l’employeur.
En application de l’article L 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement du 6 janvier 2020 fixant l’objet du litige expose : Depuis septembre 2019, vous refusez de respecter les horaires indiqués dans votre contrat de travail… La direction vous a pourtant indiqué à maintes reprises votre obligation de les respecter, car ceux-ci correspondent à l’horaire collectif et aux besoins de l’entreprise.
Vous arrivez systématiquement avec un demi heure de retard le matin et partez avec une demi-heure d’avance certains soirs. Par conséquent, vous arrivez tous les matins à 8h30 au lieu de 8h00 et partez certains soirs à 17 h30 au lieu de 18 h00…
Vos retards et départs anticipés désorganisent le service : de ce fait, vos collègues ont dû pallier à vos absences afin de ne pas laisser l’agence fermée, délaissant ainsi leurs propres obligations professionnelles pour assurer les vôtres.
Vous avez unilatéralement décidé d’aménager vos horaires de 8h30 à 17 h30, en réduisant votre pause déjeuner. Vous dites récupérer vos heures entre 12 h00 et 14h00 alors qu’à plusieurs reprises vous êtes partie à 12 h00 et revenue à 14 h00.
En plus du non respect de vos horaires de travail, vous n’accomplissez pas la totalité de vos heures mensualisées et payées.
Nous vous avons rappelé à l’ordre à plusieurs reprises, dans un premier temps oralement, puis par écrit en vous adressant un avertissement en date du 25/11/2019.
Lors de la remise de cet avertissement, vous avez eu un comportement inadmissible envers votre responsable, Mme [R]. Vous lui avez parlé avec arrogance et de manière irrespectueuse…
Malgré nos remarques et notre sanction disciplinaire à votre égard, vous avez persisté dans votre refus et votre insubordination, de façon totalement délibérée, au vu et au su de tous les salariés. Vous nous avez indiqué à plusieurs reprises que c’était comme cela et pas autrement selon vos propres propos…
Malheureusement, nous constatons de votre part d’autres absences non autorisées et non justifiées dans les délais prévus par votre contrat de travail…
Le 18/11/2019 vous vous êtes absentée une demi-journée sans autorisation ni justificatif.
Fin novembre 2019, vous avez demandé à bénéficier d’une rupture conventionnelle. Vous nous avez relancé à plusieurs reprises…nous avons finalement accepté…
A la suite de cette négociation vous avez refusé d’effectuer l’intégration de votre remplaçante, prétextant que cela ne faisait pas partie de vos attributions. Nous vous demandions simplement de lui transmettre les consignes et les particularités de chaque dossier, afin d’assurer le transfert de savoir-faire et des informations spécifiques.
Vous avez une fois de plus exprimé une nouvelle insubordination par votre refus de respecter les consignes de la direction.
Parallèlement vous avez persisté à appliquer les horaires que vous aviez choisi sans tenir compte des remarques de votre direction.
L’employeur lui reproche en outre après avoir rappelé qu’il lui avait une nouvelle remontrance le 12 décembre 2019 au sujet de ses retards et de son refus de former sa collègue, de ne pas l’avoir informé de deux absences le lundi 16 décembre et le mardi 17 décembre, préférant informer une de ses collègues que son fils était malade, aucun justificatif n’étant adressé dans les 48 heures.
Il se montre surpris que cette absence corresponde à une demande de congés qu’elle avait formulé et non acceptée.
Il ajoute : Vous nous avez remis un justificatif le jeudi 19/12, en main propre, alors qu’il vous était possible de nous l’envoyer le jour même de votre absence par mail ou tout autre moyen. Le jeudi 19/12/2019 vous êtes de nouveau arrivée à 8h30 au lieu de 8 h00.
Cette situation ne pouvait plus durer. Elle engendre une ambiance très tendue et affaiblit considérablement notre management…
Au vu de l’accumulation et la répétition de faits caractérisant votre insubordination, nous vous avons informé de notre décision de nous rétracter de la rupture conventionnelle, comme la loi nous y autorise, et vous avons remis en main propre une copie de la convocation à un entretien préalable assortie d’une mise à pied à tire conservatoire… Vous avez eu alors une réaction à nouveau inadmissible en invectivant votre responsable Mme [R]. Vous avez refusé de quitter l’entreprise, prétextant que nous n’avons s pas le droit de nous rétracter par rapport à la rupture conventionnelle et nous menaçant de prud’hommes devant les autres salariés de l’entreprise. Nous vous avons demandé de vous calmer mais vous avez persisté dans votre comportement agressif. Après 30 mn, vous avez fini par partir après avoir semé la zizanie dans nos locaux et auprès de vos collègues.
Il est constant que le problème de respect des horaires se pose depuis la conclusion du temps partiel en raison des horaires de la crèche gardant l’enfant de la salariée.
Si la fixation de horaires relève du pouvoir de direction de l’employeur, le refus par le salarié d’accepter les horaires ne constitue pas une faute grave lorsque la proposition de l’employeur n’est pas compatible avec les obligations familiales impérieuses du salarié (Cass soc 1er avril 2003 n° 00-41.873).
Par mail du 22 novembre 2019 la salariée exposait être dans l’impossibilité de respecter les horaires de travail, compte tenu des heures d’ouverture et de fermeture de la crèche pour son jeune enfant. Elle précisait que cela ne pouvait continuer car la situation était trop pesante pour continuer et qu’elle attendait une proposition, puisque le fonctionnement actuel ne convient pas, sachant qu’une fin de poste à 18 heures était pour elle en aucun envisageable.
Il ressort de l’avertissement du 26 novembre 2019 où l’employeur fait grief à la salariée de ne pas respecter les horaires qu’elle a modifié unilatéralement en réduisant la pause déjeuner, alors que cela engendre des problèmes d’organisation car ses collègues sont amenés à la remplacer. Il lui rappelait que le non respect des horaires constituait un acte d’insubordination pouvant être lourdement sanctionné. Il lui demandait en conséquence de respecter à compter de ce jour les horaires contractuels de travail. L’employeur concluait que ‘nous restons ouverts à une discussion sur une rupture amiable, si tel est votre souhait’.
Dans une lettre du 28 novembre 2019 adressée à l’employeur, la salariée exposait que le problème d’horaires trouvait son origine dans une impossibilité totale pour elle, et elle rappelait que sa demande d’aménagement d’horaires était faite dans le cadre de son congé parental d’éducation à temps partiel. Elle convenait que la décision finale revient à l’employeur ‘mais il se doit d’être accommodant et justifier son refus par un dysfonctionnement réel et avéré ainsi que d’une impossibilité totale d’une autre solution.’.
C’est suite à ce courrier que l’employeur acceptait d’engager une procédure de rupture conventionnelle demandée par la salariée le 28 novembre 2019.
Une convention de rupture conventionnelle était alors signée par les deux parties le 9 décembre 2019, le délai de rétractation de quinze jours expirant le mardi 24 décembre 2019 à minuit.
Après le 9 décembre il ressort de la fiche d’arrivée produit aux débats que la salariée est arrivée le 10 décembre à 8 h30, le 12 décembre à 8 h30 et le 13 décembre à 8 h00.
Les 16 et 17 décembre la salariée était absente, et l’employeur l’a mise à pied à titre conservatoire le 18 décembre 2019.
Le non respect des horaires s’est poursuivi jusqu’à la rupture du contrat de travail, après l’avertissement du 26 novembre 2019, et la règle non bis in idem a été respectée, les faits fautifs s’étant répétés, la prescription des faits pour le même motif ne peut être opposée par la salariée.
Toutefois la salariée justifie en produisant des attestations de membres de sa famille qu’elle ne pouvait pas trouver de solution pour amener son fils à la crèche le matin et le récupérer le soir, les horaires de la crèche étant impératifs.
La fixation des horaires telle que prévus par l’employeur était dès lors incompatible avec les obligations familiales de la salarié.
L’employeur a toléré pendant plusieurs mois que la salariée commence son travail en retard, et rattrape son temps de travail entre 12 heures et 14 heures.
Il ne justifie pas que l’organisation de l’entreprise nécessitait impérativement la présence de la salariée à 8 heures, et entre 17 heures 30 et 18 heures.
Le grief de non respect des horaires n’est donc pas fondé.
De même si la salariée n’a pas prévenu son employeur du motif de son absence les 16 et 17 décembre 2019 dans les 48 heures, il est constant que la salariée avait appelé une collègue sur le lieu de travail en l’informant qu’elle ne venait pas, son fils étant malade. De plus, le rapport de M. [C] [Z] ayant assisté la salariée lors de l’entretien préalable mentionne que Mme [R] a expliqué lors de l’entretien qu’elle avait été informé de l’arrêt de travail mais qu’elle aurait aimé être informée directement.
Ces faits ne justifient pas un licenciement qu’il soit grave ou pour cause réelle et sérieuse.
Bien que ces griefs ne soient pas établis, il ressort toutefois de l’attestation de Mme [R], responsable administrative et financière de la société que la salariée s’est opposée à un changement d’horaire proposé le 21 novembre 2019, à savoir commencer à 9 heures et finir la journée à 18 heures et a exprimé son refus de manière violente en claquant la porte et en disant qu’elle ne partirait pas à 18 heures et que ‘si on n’est pas content, on avait qu’à la virer’.
Si l’employeur n’a pas considéré avant de délivrer un avertissement que ces faits justifiaient une sanction disciplinaire, il reste que Mme [R] a en revanche fait état que la salariée avait haussé le ton lors de la remise de l’avertissement le 26 novembre 2019, qu’elle avait refusé de prendre en considération sa demande de passation de relais avec sa remplaçante et de signaler les particularités des dossiers qu’elle avait traité.
Mme [R] occupait les fonctions de responsable administrative et financière de la société et représentait à ce titre l’employeur pour la gestion du personnel ; l’employeur l’avait chargé de notifier un avertissement à la salariée le 26 novembre 2019. La salariée du fait de ces fonctions devait respecter l’autorité de cette responsable administrative et financière mandaté par l’employeur.
Il résulte de ces éléments que la salariée n’a pas respecté les demandes de l’employeur quant à la passation entre elle et le ou la salariée qui devait la remplacer et a montré par son attitude irrespectueuse à l’égard de la responsable administrative qu’elle contestait l’autorité de son employeur.
L’insubordination de la salariée est donc caractérisée.
Il s’agit d’une faute grave et le licenciement avec mise à pied était dès lors justifié.
Le jugement sera confirmé.
Le mandataire judiciaire et l’AGS seront mis hors de cause, la société étant bénéficiaire d’un plan de redressement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement en date du 11 octobre 2021 rendu par le conseil de prud’hommes de Bonneville ;
Y ajoutant,
MET hors de cause la Selarl MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire, et l’AGS, délégation CGEA d’Annecy ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société CGPI-Orpi et la Selarl MJ Synergie de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [X] [M] aux dépens d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 09 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président