07/04/2023
ARRÊT N° 2023/161
N° RG 21/04498 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OOXI
MD/CD
Décision déférée du 21 Octobre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse
» »( 20/01798)
D. [M]
Section COM CH2
[Y] [K]
S.A.R.L. ATELIER DU TRANSPORTER
C/
[Y] [K]
S.A.R.L. ATELIER DU TRANSPORTER
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée :
le 7/4/23
à Me TERRIE, Me EYBERT
Ccc Pôle Emploi
Le 7/4/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT/INTIM »
Monsieur [Y] [K]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Thibault TERRIE de la SELARL TERRIE CHACON, avocat au barreau D’ALBI
INTIM »E/APPELANTE
S.A.R.L. ATELIER DU TRANSPORTER
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Thomas EYBERT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [Y] [K] a été embauché le 16 mai 2019 par la SARL Atelier du Transporter, en qualité d’employé administratif polyvalent, suivant contrat de travail à durée déterminée conclu pour surcroît temporaire d’activité devant prendre fin le 15 novembre 2019.
La relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée par la signature d’un avenant conclu le 12 novembre 2019.
En raison de la crise sanitaire de la covid-19, l’activité de la société a été perturbée à compter du mois de mars 2020. Le 11 mai suivant, le salarié a repris ses fonctions à temps partiel.
Le 1er juillet 2020, les parties ont signé une rupture conventionnelle et la relation de travail a pris fin le 14 août 2020.
Le 4 septembre 2020, le salarié a reçu ses documents de fin de contrat.
M. [Y] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, le 18 décembre 2020, pour obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, faire juger que la rupture conventionnelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le versement de diverses sommes.
Par jugement du 21 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce, a :
– rejeté l’exception d’incompétence formulée par la SARL Atelier du Transporter ;
– rejeté la demande de requalification du contrat à durée déterminée de M. [K] en un contrat à durée indéterminée ;
– rejeté la demande de nullité de la rupture conventionnelle ;
– rejeté la demande du salarié concernant la remise tardive de ses documents de fin de contrat ;
– dit que la SARL Atelier du Transporter avait indument prélevé 17 jours de congés payés à M. [K] ;
– condamné la SARL Atelier du Transporter à payer à M. [K] la somme de 1.196,32 € au titre des congés payés prélevés à tort ;
– débouté M. [K] de « toutes ses autres demandes » ;
– débouté la SARL Atelier du Transporter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [K] aux entiers dépens de l’instance ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit ;
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1.829,67 €.
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Par déclaration du 8 novembre 2021, M. [Y] [K] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle l’a débouté de ses demandes et condamné aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 16 novembre 2021, la SARL Atelier du Transporter a également interjeté appel principal de cette décision en ce que les premiers juges ont rejeté l’exception d’incompétence et l’ont condamnée à payer une somme au titre des congés payés prélevés à tort.
Par ordonnance du président de chambre en date du 30 novembre 2021, les deux procédures appelées sous les numéros RG 21/4498 et RG 21/4580 ont été jointes sous le numéro RG 21/4498.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 21 décembre 2021, M. [Y] [K] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a :
* débouté de « ses autres demandes » ;
* condamné aux entiers dépens de l’instance ;
Et, statuant à nouveau, de :
– juger que le contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ;
– condamner la SARL Atelier du Transporter à lui payer la somme de 2.000 € à titre d’indemnité de requalification ;
– juger que la rupture conventionnelle est entachée de nullité et doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société à lui payer en conséquence les sommes suivantes :
* 394,29 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 1.829,67 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 182,96 € de congés payés y afférents,
* 3.658 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société à lui payer 15.000 € à titre de dommages et intérêts résultant de la rupture intervenue en raison de son état de santé ;
– condamner la société à lui payer 1.829 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;
– condamner la société à payer 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 2 décembre 2021, la SARL Atelier du Transporter demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il :
* a rejeté l’exception d’incompétence du bureau de jugement,
* l’a condamnée à payer la somme de 1.196 € au titre du solde des congés payés ;
– de condamner M. [K] à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 20 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’exception d’incompétence :
L’employeur fait valoir que le litige ne devait pas être directement porté devant le bureau de jugement en application de l’article L. 1245-2 du code du travail. En effet, au jour de la rupture, les parties étaient déjà liées par un contrat de travail à durée indéterminée. L’employeur ajoute que la question de la requalification était « très subsidiaire » vis-à-vis du débat principal concernant la rupture du contrat de travail.
Le salarié répond que cette exception d’incompétence est sans objet devant la cour d’appel et que l’employeur fait une interprétation erronée de l’article L. 1245-2 du code du travail.
Sur ce,
L’article L. 1245-2, alinéa 1er, du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.
Lorsque l’affaire est directement appelée devant la formation de jugement en application du texte susvisé, le salarié peut également porter devant cette formation toute autre demande qui dérive du contrat de travail.
La saisine directe du bureau de jugement n’est pas interdite du seul fait que la relation de travail se soit poursuivie à durée indéterminée, dès lors que le salarié se prévaut d’une irrégularité du contrat de travail à durée déterminée qu’il entend faire requalifier.
Au cas d’espèce, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse pour obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 13 mai 2018 en contrat à durée indéterminée. Par conséquent, ses autres demandes, lesquelles dérivent de la même relation de travail, pouvaient également être portées devant le bureau de jugement.
Le conseil de prud’hommes a donc fait une juste application des dispositions impératives de l’article L. 1245-2 du code du travail en décidant d’appeler l’affaire en bureau de jugement, quand bien même les parties ont pu demander à ce que l’affaire soit appelée devant le bureau de conciliation et d’orientation.
L’exception soulevée par la société Atelier du Transporter sera donc rejetée.
Sur le motif de recours au contrat à durée déterminée :
L’article L. 1242-2 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
(‘)
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
L’article L. 1242-12 du même code ajoute que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Il appartient à l’employeur d’établir la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée. La réalité de ce motif s’apprécie au jour de la conclusion du contrat de travail, de sorte qu’un autre motif ne peut s’y substituer en cours d’exécution.
En vertu de l’article L. 1245-2 du code précité, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
La circonstance que le contrat de travail à durée déterminée ait été poursuivi après l’échéance du terme ou que les parties aient conclu un contrat à durée indéterminée ne prive pas le salarié du droit de demander la requalification du contrat à durée déterminée initial, qu’il estime irrégulier, en contrat à durée indéterminée et l’indemnité spéciale de requalification.
Au cas d’espèce, le contrat de travail à durée déterminée signé le 13 mai 2019 stipule que M. [K] a été engagé pour une durée de six mois, jusqu’au 15 novembre suivant, « au motif d’un accroissement temporaire d’activité auquel l’employeur ne peut pas faire face avec la structure dont il dispose ».
Le salarié a été embauché pour exercer les fonctions d’employé administratif polyvalent et accomplir : « les diverses tâches administratives qui lui seront confiées et aura également en charge la gestion des stocks (suivi, commande, réception et rangement) des produits et matériels nécessaires à l’activité de l’entreprise. Cette liste est non exhaustive ».
La société Atelier du Transporter fournit un tableau qu’elle a elle-même réalisé et qui mentionne, de janvier 2016 à décembre 2020, le nombre de factures éditées chaque mois, les chiffres d’affaires mensuels et les chiffres d’affaires annuels.
Elle produit en outre une attestation de son expert-comptable, laquelle renseigne les chiffres d’affaires mensuels et annuels sur la période 2018-2019 ; hormis quelques différences concernant les chiffres d’affaires mensuels d’octobre à décembre 2019, les montants renseignés par l’employeur dans son tableau sont globalement conformes aux chiffres d’affaires présentés par l’expert-comptable et que la cour retiendra.
Si le chiffre d’affaires a augmenté de 12 % en 2019 par rapport à l’année 2018 (pièce n° 21 employeur), il ressort des éléments précités que l’activité économique comprise entre le 13 mai et le 15 novembre 2019 correspond à l’activité normale de l’entreprise, sans réelle augmentation : alors que 777 factures ont été émises en 2018 (soit 64,75 factures par mois), dont 485 factures entre mai et novembre, seulement 725 factures ont été émises en 2019 (soit 60,40 factures par mois), dont 445 factures entre mai et novembre. En outre, ainsi que le soutient le salarié, aucun accroissement temporaire ne pouvait être constaté sur la période précédant la conclusion du contrat à durée déterminée (de janvier à avril 2019), puisque le nombre de factures et les chiffres d’affaires sont sensiblement identiques à ceux correspondant à la même période au titre de l’année 2018 (246 factures en 2019 contre 249 factures en 2018 ; 169.459 € de chiffre d’affaires en 2019 contre 165.778 € de chiffres d’affaires en 2018).
Ainsi, il ne ressort pas des éléments comptables que l’entreprise a dû faire face à un accroissement temporaire d’activité sur la période couvrant l’embauche de M. [K], lequel n’a d’ailleurs pas été affecté à un poste de production, mais à des tâches administratives.
À défaut de plus amples éléments, le recours au contrat à durée déterminée n’est pas justifié, étant surabondamment ajouté que la société reconnait que l’embauche de M. [K] fut nécessaire en vue de pallier l’absence de la gérante, laquelle effectuait les tâches administratives de l’entreprise.
Par conséquent le contrat de travail à durée déterminée est réputé être conclu à durée indéterminée.
Par avenant du 12 mai 2019, « les parties ont convenu de poursuivre le contrat, qui devient de facto un contrat à durée indéterminée, sans interruption. Compte tenu de la transformation du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il ne sera versé aucune indemnité de fin de contrat, telle que mentionnée dans le contrat initial ».
Il résulte de cet avenant que les parties ont entendu poursuivre la relation de travail à durée indéterminée après le terme du contrat initialement fixé au 15 novembre 2019. Or, il est de principe que la signature d’un nouveau contrat, voire d’un avenant, n’empêche pas le salarié de prétendre à l’indemnité de requalification dès lors que le contrat à durée déterminée initial est affecté d’une irrégularité, ce qui est le cas en l’espèce.
M. [K] est donc en droit de prétendre à une indemnité de requalification dont le montant équivaut à un mois de salaire, soit 1.829,67 €.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur la nullité de la rupture conventionnelle :
En substance, M. [K] reproche à l’employeur une absence d’entretien préalable à la rupture conventionnelle, une absence de négociation et la signature sous contrainte de la convention de rupture, laquelle est antidatée. Il ajoute que le réel motif de la rupture est inhérent à son état de santé.
L’employeur répond que la rupture conventionnelle est régulière et valide.
Sur ce,
En application des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, la rupture d’un commun accord, qualifiée de rupture conventionnelle, résulte d’une convention signée par les parties laquelle est valablement conclue si elle manifeste le consentement libre et non équivoque du salarié pour mettre fin à son contrat et si elle respecte les droits auxquels il peut prétendre.
Pour garantir la liberté du consentement des parties, les articles L. 1237-12 et suivants du même code prévoient :
– l’organisation d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister, sans obligation pour l’employeur d’en informer le salarié, aucun délai n’étant par ailleurs prévu entre d’une part, l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et d’autre part, la signature de la convention de rupture, cette dernière pouvant ainsi être conclue à l’issue d’un seul entretien entre l’employeur et le salarié ;
– un délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la date de la signature de la convention ;
– à l’issue du délai de rétractation, l’homologation de la convention par l’autorité administrative.
Le défaut du ou des entretiens prévus par l’article L. 1237-12 du code du travail relatif à la conclusion d’une convention de rupture entraîne la nullité de la convention ; c’est à celui qui invoque cette cause de nullité d’en établir l’existence.
La convention est nulle lorsque le salarié a été privé de son droit à rétractation qui constitue l’une des garanties de la liberté du consentement des parties à l’acte.
La convention de rupture étant un contrat, les parties peuvent en demander la nullité en présence d’un vice du consentement, la charge de la preuve pesant sur le salarié qui prétend que son consentement a été vicié.
Au cas d’espèce, M. [K] et la société Atelier du Transporter ont signé une rupture conventionnelle le 1er juillet 2020, le document CERFA de rupture mentionnant que le délai de rétractation prend fin le 17 juillet 2020.
Le 1er juillet 2020, les parties ont réalisé un entretien préalable à la rupture, au terme duquel les échanges ont été formalisés comme suit :
« (‘). Ce jour, nous formalisons par ce courrier notre souhait d’entrer en négociation de rupture conventionnelle avec vous.
L’entretien préalable a lieu aujourd’hui, mercredi 1er juillet 2020.
La convention de rupture conventionnelle individuelle sera demandée au plus tôt, et fixera la date et montant de l’indemnité spécifique. Un délai de quinze jours calendaires pour rétractation court au lendemain de la signature de la convention (‘) ».
Il s’en évince que, le 1er juillet 2020, la convention de rupture n’avait donc pas encore été signée, puisque celle-ci n’était pas encore éditée.
Cela est corroboré par les échanges de courriels entre les parties, le 6 juillet 2020, aux termes desquels l’employeur a indiqué au salarié qu’il avait reçu la convention de rupture et que celui-ci pouvait venir la consulter et la signer : « Merci de bien vouloir passer pour consulter la convention, et la signer si cela te convient ».
L’employeur adressait finalement au salarié un exemplaire de la convention de rupture par courriel du 6 juillet 2020, en lui précisant : « l’exemplaire Direccte ne peut être envoyé avant 17 juillet si nous le signions tous deux à la date du 1er juillet 2020 » ; cet exemplaire communiqué au salarié porte la signature de l’employeur à la date du 1er juillet 2020 et fait mention d’un délai de rétractation expirant le 17 juillet 2020.
La convention de rupture n’a donc en réalité pas été signée par le salarié le 1er juillet, mais – au plus tôt – le 6 juillet 2020. Or, la Dirrecte a reçu la convention de rupture signée par les parties le 20 juillet 2020. Ainsi, en considérant que M. [K] a effectivement signé la convention le 6 juillet 2020, il y a lieu de retenir que l’employeur l’a adressée à la Dirrecte avant la fin du délai de rétractation lequel ne pouvait pas expirer avant le 22 juillet 2020.
Il résulte de ces éléments que la convention de rupture est antidatée et que M. [K] a été privé de son droit de rétractation qui constitue l’une des garanties fondamentales du mode de rupture envisagé.
Par conséquent, la convention de rupture sera déclarée nulle, sans qu’il y ait besoin d’examiner la réalité des autres griefs formulés.
La rupture s’analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités liées à la rupture illicite :
Sur l’indemnité de licenciement
Après analyse des pièces produites par l’employeur, la cour constate que M. [K] a perçu une indemnité spécifique de rupture conventionnelle, laquelle équivaut au montant sollicité par le salarié au titre de l’indemnité de licenciement, soit 394,29 €. La rupture conventionnelle a été annulée, mais l’employeur n’en sollicite pas la restitution à titre subsidiaire.
Il doit être retenu que M. [K] a donc été rempli de ses droits relatifs à l’indemnité de licenciement.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Le contrat de travail a pris fin le 14 août 2020, cette date figurant sur les documents de fin de contrat.
En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, M. [K], qui n’a pas effectué le préavis d’un mois auquel il avait droit, est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice d’un montant de 1.829,67 €, outre 182,96 € de congés payés y afférents.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur au 24 septembre 2017, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et si l’une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal fixés par la loi.
Compte tenu de l’ancienneté de M. [K], le barème prévoit une indemnité comprise entre un mois et deux mois de salaire.
Au cas d’espèce, M. [K] justifie de ce qu’il est retraité de l’armée et perçoit une pension mensuelle de 875 €.
Il établit avoir été admis au bénéficie de l’aide au retour à l’emploi de septembre 2020 à octobre 2021 et avoir perçu de l’organisme pôle emploi près de 13.000 € sur cette période.
Compte tenu de son âge au moment du licenciement (60 ans) et des éléments précités en lien avec sa situation professionnelle et économique, le préjudice de M. [K] tiré de la perte injustifiée de son emploi sera intégralement réparé à hauteur de 2.500 €.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour rupture liée à l’état de santé :
Les échanges formalisés entre les parties le 1er juillet 2020 dans le cadre de la procédure conventionnelle font état de ce que :
« Au 30 juin 2020, l’entreprise ne souhaite plus avoir recours au dispositif de chômage partiel, mis en place lors de la crise covid-19 en mars 2020.
Vous indiquez ne pas souhaiter reprendre à temps plein 35 h hebdomadaires pour raison de santé et charge familiale.
La proposition invoquée de réduction / aménagement de votre temps de travail ne répondra pas à nos attentes sur le long terme ; ni aux vôtres en terme de rémunération ».
Le salarié a « visé » les échanges ainsi formalisés et, contrairement à ce qu’il prétend, il ne s’en évince pas que le réel motif de la rupture du contrat de travail résulte de ses problèmes de santé dont il a spontanément fait état.
À défaut pour M. [K] d’établir la faute de l’employeur, sa demande indemnitaire sera rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la retenue au titre des congés payés du mois juillet 2020 :
M. [K] indique que l’employeur l’a placé en congés payés forcés du 13 au 31 juillet 2020, soit 17 jours, sans respecter le délai de communication de départ en congé d’un mois. Il explique que l’employeur lui avait pourtant indiqué qu’il serait payé à temps plein jusqu’à la rupture du contrat de travail fixée au 14 août 2020. Il sollicite donc « le règlement de 17 jours de congés payés » indument retenus, soit 1.196,32 €.
L’employeur répond que M. [K] n’a plus travaillé du 1er juillet au 14 août 2020. Il ajoute qu’il était prévu que M. [K] solde ses congés payés, les parties en ayant convenu au terme d’un accord qui découle des faits mêmes de l’espèce, puisque le salarié n’a jamais été sanctionné pour ses absences.
Sur ce,
Il est constant que M. [K] n’a plus travaillé du 1er juillet au 14 août 2020. Il ressort du courriel adressé au salarié le 6 juillet 2020 que l’employeur lui a garanti qu’il serait payé à temps plein jusqu’à la rupture de son contrat de travail : « la rupture ne pourra être validée par la Direccte avant le 14/08/2020. Tu seras donc payé temps plein jusqu’à cette date ».
Si la détermination de la date des congés payés est une prérogative de l’employeur qui découle de son pouvoir de direction, celui-ci a toutefois commis une faute en positionnant d’office M. [K] en congés payés, sans l’en avertir dans le délai d’un mois prévu à l’article D. 3141-6 du code du travail.
La cour constate que M. [K] a perçu une indemnité de congés payés de l’ordre de 1.219,14 €, du 13 au 31 juillet 2020.
Le salarié sollicite une somme dont le montant équivaut au salaire déduit sur la période des congés payés courant du 13 au 31 juillet 2020.
Or, étant rappelé qu’une indemnité de congés payés lui a été versée, le salarié ne peut que solliciter une somme à titre de dommages et intérêts découlant de la faute de l’employeur précédemment caractérisée.
Or, aucun préjudice n’est établi, étant précisé que celui-ci ne peut résulter de l’impossibilité pour le salarié d’avoir été privé d’une indemnité compensatrice de congés payés à laquelle il n’avait pas droit.
Sa demande sera donc rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la remise tardive des documents de fin de contrat :
M. [K] soutient que la transmission tardive des documents de fin de contrat par l’employeur lui a causé un préjudice, puisqu’il s’est heurté au refus de pôle emploi qui n’a pas validé son inscription rétroactive. Il aurait pu prétendre à une indemnisation de pôle emploi dès le 25 août 2020, de sorte qu’il évalue son préjudice à hauteur de 17 jours d’indemnisation par l’organisme.
L’employeur répond que le contrat s’est achevé le 14 août 2020, durant la période des congés d’été, alors qu’il était fermé à cette date, et que les documents ont été remis au salarié au début du mois de septembre. Le salarié n’a subi aucun préjudice, ses droits au chômage étant acquis dès la rupture, indépendamment de la date à laquelle le dossier est déposé à pôle emploi.
Sur ce,
L’article R. 1234-9 du code du travail dispose que l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à pôle emploi.
Les employeurs d’au moins onze salariés effectuent cette transmission à pôle emploi par voie électronique, sauf impossibilité pour une cause qui leur est étrangère, selon des modalités précisées par un arrêté du ministre chargé de l’emploi.
M. [K] justifie d’un refus d’inscription rétroactive opposé par pôle emploi. Toutefois, le courrier du 13 octobre 2020 lui notifiant ce refus indique que le salarié s’est inscrit à pôle emploi le 6 octobre 2020 en sollicitant une rétroactivité d’inscription au lendemain de la rupture du contrat de travail.
Le salarié ne justifie pas pour autant avoir été empêché de s’inscrire auprès de pôle emploi dès le lendemain de la rupture dont il avait connaissance.
Quand bien même l’attestation pôle emploi lui a été remise par courriel du 4 septembre 2020, le salarié ne démontre pas en quoi le retard d’indemnisation dont il se prévaut découlerait d’une faute de l’employeur.
Sa demande sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur les demandes annexes :
La SARL Atelier du Transporter, partie principalement perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.
M. [K] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure. La société Atelier du Transporter sera donc tenue de lui payer la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
***
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a :
– débouté M. [K] de sa demande au titre de l’indemnité de licenciement, de sa demande indemnitaire de 15.000 € pour rupture du contrat liée à son état de santé et de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;
– rejeté la demande de l’employeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et, statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette l’exception d’incompétence ;
Requalifie le contrat à durée déterminée conclu le 13 mai 2019 en contrat à durée indéterminée ;
Prononce la nullité de la rupture conventionnelle ;
Condamne la SARL Atelier du Transporter à payer à M. [Y] [K] les sommes suivantes :
– 1.829,67 € à titre d’indemnité de requalification,
– 1.829,67 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 182,96 € de congés payés y afférents,
– 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute M. [Y] [K] de ses demandes plus amples ;
Condamne la SARL Atelier du Transporter aux dépens de première instance et d’appel ;
Déboute la SARL Atelier du Transporter de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SARL Atelier du Transporter à payer à M. [Y] [K] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière.
LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE
C. DELVER S. BLUM »
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