Convention de rupture conventionnelle : 6 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00695

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Convention de rupture conventionnelle : 6 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00695

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°102

N° RG 20/00695 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QN35

EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT

C/

Mme [R] [G]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Décembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

L’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Angeline LE PIGOCHE substituant à l’audience Me François-Xavier MICHEL de la SELARL CVS, Avocats au barreau de RENNES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [R] [G] née [W]

née le 12 Mai 1958 à [Localité 3] (ALLEMAGNE)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Isabelle GUIMARAES de la SELARL GUIMARAES & POULARD, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002, l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a engagé Mme [R] [G], à temps partiel, en qualité d’Agent administratif au service gestion locative.

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003, l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a engagé Mme [G], à temps partiel, en qualité d’Agent administratif au Cabinet du Président.

Puis Mme [G] a fait l’objet d’une décision de recrutement à compter du 1er janvier 2004, en qualité de Chargée de missions près du Président, puis d’un contrat de travail à durée déterminée du 30 juin au 30 septembre 2007, à temps partiel, en qualité de Chargée de missions.

Enfin, suivant contrat de travail à durée indéterminée, l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a engagé Mme [G], à temps partiel, à compter du 1er octobre 2007 en qualité de Chargée de missions, statut Cadre, niveau 3.1.

Après un changement du Conseil d’administration de l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT, le nouveau Président de la Commission d’attribution des logements, M. [E], a dispensé à partir du mois d’avril 2014 Mme [G] de sa présence lors des réunions de la commission.

Au mois de janvier 2015, Mme [G] a sollicité son employeur afin d’obtenir une convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail qui lui a été refusée.

Le 16 février 2015 Mme [G] a été placée en arrêt de travail, lequel a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu’au 20 octobre 2015.

Au cours de cet arrêt de travail, le 23 avril 2015, Mme [G] a saisi le Conseil de prud’hommes de NANTES d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Mme [G] a sollicité une visite médicale auprès du médecin du travail. Le 5 juin 2015, lors de cette visite, le médecin du travail a émis les observations suivantes :

‘Ne pas avoir les moyens de faire un travail de qualité. Un défaut d’utilisation des prérogatives. Un manque de coopération au travail [mot illisible] constituent des facteurs de risques pour la santé de l’agent.

A évaluer pour essayer d’y remédier.

Agent en arrêt : Pas d »avis à donner’.

Le 10 juillet et le 21 octobre 2015, le médecin du travail a reçu Mme [G], à la demande de son médecin traitant et l’a déclarée temporairement inapte, puis définitivement inapte à ses fonctions.

Le 29 février 2016, lors d’une seconde visite médicale, Mme [G] a été déclarée inapte définitivement à ses fonctions et à toutes fonctions dans l’entreprise.

Le 06 avril 2016, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour inaptitude.

Le 12 avril 2016, l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a notifié à Mme [G], par courrier recommandé, son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.

Le licenciement de Mme [G] étant intervenu au cours de la procédure prud’homale, elle n’a pu se mettre en état pour l’audience de jugement. Par décision du 12 septembre 2016, le Conseil des prud’hommes a ordonné la radiation de l’affaire.

Le 3 août 2017, Mme [G] a fait ré-enrôler l’affaire devant le Conseil de prud’hommes de Nantes.

La cour est saisie d’un appel formé le 28 janvier 2020 par l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à l’encontre du jugement prononcé le 20 décembre 2019 par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du licenciement ;

‘ Dit que le licenciement de Mme [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse;

‘ Condamné l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à verser à Mme [G] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal outre capitalisation :

– 7.542,69 € net au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 754,27 € net au titre des congés payés afférents,

– 1.734,93 € net au titre de l’indemnité spéciale de licenciement prévue par le décret du 08 juin 2011,

– 30.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Ordonné à l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT de remettre à Mme [G] les bulletins de salaires afférents, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, tous documents conformes à la décision à intervenir, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard à compter du 30ème jour jusqu’au 45ème jour suivant la notification du jugement ;

‘ Dit que le Conseil de prud’hommes se réserve expressément le pouvoir de liquider cette astreinte provisoire, charge à la partie intéressée d’en formuler la demande au greffe ;

‘ Limité l’exécution provisoire du jugement à l’exécution provisoire de droit définie à l’article R. 1454-28 du code du travail et fixé à 2.514,23€ brut le salaire mensuel moyen de référence ;

‘ Débouté Mme [G] de ses autres demandes ;

‘ Reçu l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT en ses demandes reconventionnelles et l’en a débouté.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 octobre 2020, suivant lesquelles l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– débouté Mme [G] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur,

– débouté Mme [G] de sa demande de réparation du préjudice lié à l’exécution déloyale du contrat de travail ;

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de Mme [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

– dit qu’il a manqué à ses obligations contractuelles en modifiant le contrat de travail de Mme [G] et en dégradant ses conditions de travail,

– condamné l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT au paiement des sommes suivantes :

– 7.542,69 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 754,27 € au titre des congés payés afférents,

– 1.734,93 € net au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

– 30.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Débouter Mme [G] de ses demandes de condamnation suivantes :

– 556,62 € net à titre de reliquat d’indemnité de licenciement prévue par le décret du 08 juin 2011,

– 40.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Débouter Mme [G] de sa demande de condamnation au titre du manquement aux obligations d’exécution loyale du contrat de travail, de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale,

‘ Débouter Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l’organisation tardive de la seconde visite médicale de reprise ;

‘ Dire le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement régulier et fondé ;

‘ Débouter Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 2.393 € net au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement ;

‘ Débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

‘ Débouter Mme [G] de sa demande au paiement de la somme de 3.000 € net sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamner Mme [G] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, suivant lesquelles Mme [G] demande à la cour de :

A titre principal,

‘ Dire que l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a manqué à ses obligations contractuelles en modifiant unilatéralement son contrat de travail et en dégradant ses conditions de travail ;

‘ Réformer le jugement et prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à la date de son licenciement, soit le 13 avril 2016 ;

‘ Juger que la rupture du contrat produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

‘ Juger que l’origine de l’inaptitude de Mme [G] correspond aux manquements de son employeur et que l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a manqué à son obligation légale de reclassement ;

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé son licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement dénué de cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à lui verser les sommes suivantes :

– 7.542,69 € net à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 754,27 € net à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

– 1.734,93 € net à titre d’indemnité spéciale de licenciement prévue par le décret du 8 juin 2011 ;

‘ Réformer le jugement sur le quantum des dommages et intérêts alloués pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et sur le reliquat d’indemnité de licenciement ;

‘ Condamner l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à lui verser les sommes suivantes :

– 556,62 € net à titre de reliquat d’indemnité de licenciement prévue par le décret du 8 juin 2011,

– 40.000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à 1’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

A titre subsidiaire,

dans l’hypothèse où la Cour jugerait que le licenciement de Mme [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner 1’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à lui verser la somme de 2.393€ net à titre de dommages et intérêts en réparation de l’irrégularité de la procédure de licenciement ;

En tout état de cause,

‘ Réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail ; du manquement à l’obligation de sécurité et aux règles en matière d’organisation de la visite médicale de reprise ;

‘ Juger que l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a manqué à son obligation :

– d’exécution loyale du contrat de travail de Mme [G],

– de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale de sa salariée,

– d’organiser une seconde visite médicale de reprise deux semaines après la première visite de reprise ;

‘ Condamner l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à lui verser la somme de 5.000€ net à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié aux manquements de l’EPIC à l’origine de la détérioration de son état de santé et de son inaptitude physique ainsi qu’à son préjudice moral lié à l’incertitude de sa situation professionnelle du fait de l’organisation tardive de sa seconde visite médicale de reprise ;

‘ Ordonner la délivrance des bulletins de paie afférents, d’une attestation Pôle emploi rectifiée et de tout document conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard, dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir;

‘ Condamner l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à verser à Mme [G] la somme de 3.000 € net sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [G] la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais générés par la procédure de première instance ;

‘ Juger que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de l’introduction de l’instance pour celles ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes ;

‘ Juger que les intérêts se capitaliseront en application de l’article 1343-2 du code civil ;

‘ Condamner l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er décembre 2022.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur le manquement à l’obligation de bonne foi

Il convient de rappeler que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel.

Si Mme [G] développe dans les motifs de ses conclusions une prétention relative au manquement à l’exécution loyale du contrat de travail, elle ne formule, dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile, aucune demande indemnitaire à ce titre dès lors que la demande de 5.000€ formulée est relative uniquement à la réparation du préjudice lié aux manquements de l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à l’origine de la détérioration de son état de santé et de son inaptitude physique ainsi qu’à son préjudice moral lié à l’incertitude de sa situation professionnelle du fait de l’organisation tardive de sa seconde visite médicale de reprise.

Partant, la cour ne saurait statuer sur une demande non énoncée au dispositif des écritures de l’intimée dans le cadre de son appel incident.

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Sur les manquements liés à la détérioration de l’état de santé et l’inaptitude physique

Pour infirmation à ce titre, Mme [G] fait valoir :

– une décrédibilisation et une mise en doute de la qualité de son travail fin 2008,

– une réduction unilatérale de sa prime différentielle fin 2009 avec effet rétroactif,

– une rétrogradation à la catégorie d’agent de maîtrise, niveau 2.2, lors de l’entretien d’évaluation au titre de l’année 2011,

– des convocations dans le bureau du directeur général le 4 juillet 2013,

– la modification unilatérale de son contrat de travail qui a affecté son état de santé en ce que le directeur général de l’EPIC l’a informée qu’à compter du 10 octobre 2013, elle n’assisterait plus le Président de la Commission d’attribution des logements, ni ne participerait à ces réunions hebdomadaires,

– la réorganisation des services initiée en 2013 qui a été effective courant octobre 2015 et qui a entraîné des tensions.

Pour confirmation, l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT rétorque, pour l’essentiel, que les prétendus manquements sont anciens et pas établis. Il précise que la salariée ne verse aucun élément aux débats qui permettrait d’établir, ne serait-ce même suggérer, que son inaptitude serait la conséquence de ses conditions de travail au sein de l’établissement. Il ajoute que Mme [G] n’apporte pas la preuve d’un quelconque manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, qu’elles soient préventives ou correctives.

S’agissant des mesures préventives, il incombe à l’employeur de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l’exécution de la prestation de travail, mais également à l’environnement professionnel dans lequel elle s’exécute.

Enfin, toute demande indemnitaire suppose la caractérisation d’un manquement, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

En l’espèce, sur la base des documents qu’elle produit aux débats pour justificatifs de ses prétentions, Mme [G] ne justifie pas avoir subi un quelconque préjudice résultant d’un manquement de son employeur à cette obligation de sécurité. De même, il appartient à la salariée d’établir le lien de causalité entre le manquement à l’obligation de sécurité invoquée et le préjudice allégué de sorte que, par confirmation du jugement déféré, elle sera déboutée de ce chef de demande.

Sur les visites médicales tardives

Pour solliciter 5.000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral lié à l’incertitude de sa situation professionnelle, Mme [G] fait valoir que l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT a organisé tardivement une seconde visite médicale de reprise.

L’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT affirme que la salariée ne fait état d’aucun préjudice concernant sa visite médicale et qu’elle ne démontre pas le lien entre ses conditions de travail et son état de santé.

Il résulte des dispositions de l’article R. 4624-22 du code du travail alors en vigueur que le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, maladie ou accident non professionnel.

En application du dernier alinéa de l’article R. 4624-23 du même code, dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, il est établi que la salariée a bénéficié d’un arrêt de travail à compter du 16 février 2015, renouvelé à plusieurs reprises jusqu’au 20 octobre 2015.

Mme [G] a bénéficié d’une première visite médicale de reprise le 12 novembre 2015 et d’une seconde visite le 29 février 2016.

Si l’organisation de la seconde visite médicale est tardive, pour autant Mme [G] n’apporte à l’appui de sa demande aucun élément permettant de justifier de la réalité de son préjudice moral.

Par voie de conséquence, la salariée sera déboutée de ses demandes et la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme [G] invoque une modification unilatérale de son contrat de travail. Elle fait valoir que dès le mois d’octobre 2013 son employeur lui a demandé de ne plus assister aux réunions de la commission d’attribution du logement.

L’employeur objecte que les missions de la salariée sont restées les mêmes mais que les modalités d’accomplissement de celles-ci ont évolué.

Sur le fondement des dispositions des articles 1226 et 1228 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si l’inexécution de certaines des dispositions résultant d’un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l’hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Il est de principe que lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit, s’il estime que la demande est justifiée, fixer la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement.

Le juge, saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci quelle que soit leur ancienneté. Si les manquements anciens reprochés à l’employeur et qui n’ont pas empêché la poursuite de la

relation contractuelle ne peuvent servir de fondement valable pour une résiliation judiciaire, la persistance de ces manquements rend impossible la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier (n°6 de la salariée) que Mme [G] a été embauchée le 1er octobre 2017 en qualité de Chargée de missions, statut Cadre, niveau 3.1. avec parmi ses fonctions celle de : ‘Assistance(collaboration et conseil) auprès du président de la commission d’attribution’.

Une fiche de poste de référent interventions était jointe à ce contrat de travail à durée indéterminée de Mme [G], dont les activités principales étaient les suivantes :

‘ – Veille à la mise en ‘uvre des réponses aux interventions écrites des ELUS (Ville de [Localité 4],

Conseil Général, Conseil Régional)

– Diagnostique les candidatures, analyse les potentialités

– Travaille en concertation avec les Agences pour proposer les candidatures, en fonction du degré d’urgence, en vue d’une présentation à la CAL [commission d’attribution des logements]

– Assure le suivi de l’évolution des demandes et en informe le Directeur Général et le Président

– Suit plus particulièrement les sollicitations faites auprès du Président de [Localité 4] Habitat, consécutives à des problèmes techniques, de voisinages, d’impayés ainsi que les demandes de logement adressées au Président , rédige les réponses argumentées

– S ‘assure de la recevabilité des dossiers, assiste aux CAL [commissions d’attribution des logements] ; apporte au Président de la CAL [commission d’attribution des logements] des compléments d’informations sur les dossiers dont elle a la charge,

– Participe en Mairie à la plateforme logement mise en place par le Cabinet du Maire pour évoquer les situations complexes et urgentes ; transmet les informations nécessaires à la compréhension des Attributions de Logement (justificatifs obligatoires, fonctionnement de la CAL [commission d ‘attribution des logements], les critères d ‘urgence, les contraintes en matières de disponibilité’.

Sur les fonctions de la salariée, M. [L], vice-président de l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT et Président de la Commission d’attribution des logements de décembre 2009 à avril 2014, atteste (pièce n°9 de la salariée) que : ‘Les 50 à 60 dossiers hebdomadaires présentés chaque mardi à la Commission d’Attribution Locative, dont j’assurais la présidence, faisaient l’objet d’un repérage préalable. Le rôle de Madame [R] [G], en sa qualité d’agent du service juridique et d ‘assistante du Président, était de m’alerter et de m’éclairer sur les dossiers ayant fait l’objet de contentieux internes ou d ‘interventions de toute nature (services sociaux, représentants des locataires, permanence d ‘élus, services du Maire, y compris les interventions directes auprès de moi-même), de manière à ce que leur contenu, vérifié en liaison avec les Agences, soit versé à la délibération collective de la Commission.

La permanence de cette fonction d’Assistance avait été validée par la précédente Direction à l’occasion d’une absence pour congés de Mme [G]. La Direction avait convenu et confirmé que l’assistante de Mme [G] devait la remplacer en séance auprès du Président de la Commission lors des absences de cette dernière’.

La cour relève également que le rôle de Mme [G] était connu des nantais puisque Le Journal [Localité 4] Habitat du mois de décembre 2012, dans un dossier intitulé Zoom sur les attributions de logement, a précisé sur le fonctionnement de la Commission d’attribution des logements : ‘(…) enfin, après échange sur la situation des demandeurs, éclairée par son dossier et éléments d ‘intervention éventuelle ([R] [G]), le président valide l’ordre de priorité retenu, la commission demeurant souveraine dans ses choix'(pièce n°43 de la salariée).

Il ressort de l’entretien d’évaluation au titre de l’année 2013 que l’assistance aux commissions d’attribution des logements faisait partie de l’activité de la salariée (pièce n°55).

Il doit ici être relevé que suite à la décision de son employeur de ne plus lui permettre d’assister aux réunions de la commission d’attribution du logement au mois d’octobre 2013, Mme [G] a été placée ‘en arrêt de travail du 5 au 30 octobre 2013, dans le cadre d’une dépression réactionnelle au travail’ (pièce n°10 de la salariée) sans qu’il y ait lieu de remettre en cause, comme le soutient l’intimée, le certificat du docteur [I], médecin traitant de la salariée, qui a succédé au docteur [K].

De même, il sera observé que suite à la décision définitive de ne plus lui permettre de participer aux commissions d’attribution des logements fin avril 2014, Mme [G] a alerté son responsable hiérarchique, M. [J], dans les termes suivants : ‘je ne suis pas d ‘accord du tout avec le fait de ne plus aller en commission car les raisons me paraissent bien confuses. SD [[O] [N], le Directeur Général] devrait m’inviter lors d’un RV avec A. [E] [Président de [Localité 4] METROPOLE HABITAT depuis avril 2014] pour m’en expliquer, m’a-t-il dit…

Si je ne dois plus travailler avec le Président de la CAL(puisqu’il ne voit pas comment je vais pouvoir le faire), il va falloir qu’il modifie mon contrat de travail ce qui n ‘est pas sans me poser question…’ (pièce n°11 de la salariée).

Enfin, l’assistance à la commission d’attribution des logements représentait une demi-journée le mardi, pour une salariée travaillant à temps partiel (30 h) et sa préparation constituait une part non négligeable de son temps de travail.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que nonobstant l’absence de modification de l’intitulé de son poste et de sa rémunération, la réduction des missions de Mme [G] y compris dans le cadre d’une fonction support, de son périmètre d’intervention et de ses responsabilités, est établie et s’analyse en une modification unilatérale du contrat de travail.

Ces manquements de l’employeur, sur une durée de plus de deux ans, au cours de laquelle la salariée a été dans l’incertitude quant à son avenir professionnel, entraînant des répercussions sur son état de santé, sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date d’envoi de la notification du licenciement, soit le 13 avril 2016.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

Dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [G] n’en a pas moins droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de travail, outre les congés payés afférents.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Au vu des éléments produits (bulletins de paie et attestation employeur destinée à Pôle emploi), le salaire de référence s’élève à 2.393 € brut par mois, la somme due à Mme [G] s’élève ainsi à :

– 7.179 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 717 € brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera réformé à ce titre en ce qu’il a fixé le montant de ces sommes en net.

Sur l’indemnité de licenciement

Conformément aux dispositions de l’article L. 2253-1 du code du travail alors applicables, ‘une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. Une convention ou un accord peut également comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés’.

En l’espèce, aux termes de l’article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 portant dispositions relatives aux personnels des offices publics de l’habitat et valant convention collective :

‘I. – Sauf dans le cas de licenciement pour faute grave ou lourde, les salariés relevant du présent titre qui sont licenciés ont droit à une indemnité calculée par référence à la plus forte des valeurs suivantes : les trois quarts de la rémunération globale correspondant au douzième de la rémunération des douze derniers mois, ou le tiers de la rémunération des trois derniers mois.

La valeur retenue est multipliée par le nombre d’années d’ancienneté, toute fraction de service supérieure à six mois étant comptée pour un an, sans que le montant total puisse excéder douze fois la rémunération mensuelle retenue pour le calcul de cette indemnité.

(…)

III. – L’indemnité de licenciement est calculée en prenant en compte, le cas échéant et outre l’ancienneté acquise dans l’office public de l’habitat, la durée des fonctions du salarié dans cet établissement avant sa transformation en office public de l’habitat’.

Selon l’article 11 de l’accord d’entreprise de [Localité 4] Métropole Habitat en date du 15 juin 2012 (pièce n°1 de l’employeur), l’indemnité de licenciement se calcule comme suit :

‘En cas de licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde, les salariés relevant du présent accord ont droit à une indemnité de licenciement égale à 80% de mois par année d’ancienneté.

Conformément à la législation en vigueur le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité est :

– Le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;

– Ou, si cela est plus avantageux pour le salarié, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aura été versée au salarié pendant cette période, ne sera prise en compte que dans la limite d’un montant calculé prorata temporis.

Toute fraction d’ancienneté supérieure à six mois entre pour un an dans le calcul de l’indemnité’.

En cas de concours d’instruments conventionnels collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d’entre eux pouvant seul être accordé.

En l’espèce, c’est donc l’accord d’entreprise de [Localité 4] Métropole Habitat en date du 15 juin 2012 qui doit prévaloir.

Le salaire brut moyen retenu s’élève à 2.514,23 € sur les 12 derniers mois, soit une indemnité s’élevant à : 2.514,23 x 80% x 14 = 28.159,38 €.

Il ressort des pièces versées que Mme [G] a perçu la totalité de l’indemnité de licenciement qui lui était due. Elle sera donc déboutée de sa demande de complément d’indemnité et le jugement confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité spéciale de licenciement prévue par le décret 8 juin 2011

Aux termes de l’article 45 II du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 portant dispositions relatives aux personnels des offices publics de l’habitat : ‘Les salariés qui comptent plus de deux ans d’ancienneté ininterrompue à la date du licenciement perçoivent, en outre, une indemnité spéciale correspondant à un vingtième de mois par année d’ancienneté’.

En l’espèce, il convient de préciser que l’indemnité spéciale prévue par le décret du 8 juin 2011 ne saurait se cumuler avec l’indemnité issue de l’accord d’entreprise du 15 juin 2012 précité, les deux indemnités ayant le même objet.

Mme [G] a donc reçu la totalité de ses droits et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

Par ailleurs, en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Agée de près de 58 ans à la date de rupture du contrat de travail, Mme [G] indique n’avoir pas retrouvé d’emploi et justifie avoir perçu une allocation Pôle emploi de 1.460,72€ par mois jusqu’en mai 2019, date à laquelle elle aurait épuisé ses droits, étant précisé qu’elle était alors âgée de près de 61 ans.

Le salaire perçu par la salariée sur les six derniers mois travaillés s’élève à un total de 17.064 € brut (pièce n°49 de la salariée).

Compte tenu de la perte d’une ancienneté de 14 ans pour une salariée âgée de près de 58 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard dans les circonstances rapportées, il lui sera alloué une somme de 32.000 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande par ajout au jugement entrepris.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; l’appelante, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser la salariée intimée des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] [G] aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 13 avril 2016 ;

CONDAMNE l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à verser à Mme [R] [G] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal :

– 7.179 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 717 € brut au titre des congés payés afférents,

– 32.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DÉBOUTE Mme [R] [G] de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement prévue par le décret du 08 juin 2011 ;

CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que la somme à caractère indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

Et y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à verser à Mme [R] [G] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu’il y ait lieu à astreinte ;

CONDAMNE l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT à verser à Mme [R] [G] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

DÉBOUTE l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’EPIC [Localité 4] METROPOLE HABITAT aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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