Convention de rupture conventionnelle : 4 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04541

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Convention de rupture conventionnelle : 4 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04541

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 04 MAI 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 19/04541 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LF6N

Madame [R] [S]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/20/8539 du 18/06/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

SA MÉRIGNAC GESTION ÉQUIPEMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 juillet 2019 (RG n° F 17/01623) par le conseil de prud’hommes – formation paritaire de BORDEAUX, section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 07 août 2019,

APPELANTE :

Madame [R] [S], née le 06 février 1977 à [Localité 3], de

nationalité française, profession secrétaire, demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Olivier MEYER de la SCP GUEDON – MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

SA Mérignac Gestion Équipement, siret n° 348 930 371 00011, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2],

représentée par Maître Carole MORET de la SELAS BARTHÉLÉMY AVOCATS, avocate au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 février 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire,

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [R] [S], née en 1977, a été engagée en qualité de secrétaire par contrat de travail à durée déterminée à effet au 24 octobre 2012 par la SA Mérignac Gestion Equipement, laquelle gère notamment la salle de spectacle du « Pin Galant » dans la commune de Mérignac.

Un contrat à durée indéterminée a ensuite été conclu le 13 avril 2013.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [S] s’élevait à la somme de 1.990,88 euros.

Mme [S] a été en arrêt de travail pour maladie du 3 au 8 février 2015, du 26 mai au 19 septembre 2015, puis en raison de son état de grossesse, placée en congé pathologique à compter du 20 septembre 2015 et en congé maternité du 3 octobre 2015 au 7 février 2016.

Mme [S] a ensuite sollicité un congé parental à temps partiel à 80 % pour la période du 7 mars au 23 octobre 2016. Cette demande a été acceptée son employeur.

Le 8 février 2016, Mme [S] a été convoquée à une visite médicale obligatoire de reprise suite à son congé maternité. Le médecin du travail l’a déclarée « apte avec revisite dans 3 mois ». Le même jour, la salariée a posé des congés payés du 8 février au 6 mars 2016.

Le 7 mars 2016, elle a repris son travail à temps partiel.

Un avenant à son contrat de travail a été signé dans le même temps emportant modification de son poste, Mme [S] étant désormais chargée du secrétariat des congrès et des partenaires. Ce nouveau poste imposait une modification de ses horaires.

Mme [S] a rencontré le médecin du travail le 31 mai 2016 qui a établi l’avis suivant : « à revoir dans un mois. Prévoir suivi par médecin traitant. L’état de santé actuel nécessite des horaires réguliers ».

Le 3 juin 2016, Mme [S] a été convoquée à un entretien par le directeur de la société, M. [D].

Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 3 au 30 juin 2016.

Le 1er juillet 2016, Mme [S] a été convoquée à un entretien fixé au 5 juillet 2016 dans les termes suivants : « ‘suite à votre demande, je vous convoque pour un entretien préalable en vue d’une rupture conventionnelle’Vous pouvez vous faire assister par un membre du personnel’ ».

Le 4 juillet 2016, Mme [S] a été placée en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 5 août 2016, rendant impossible la tenue de l’entretien. Cet arrêt a été prolongé jusqu’au 4 septembre 2016.

Le 6 septembre 2016, Mme [S] et son employeur ont signé une convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Le 30 septembre 2016, la DIRECCTE a refusé d’homologuer la convention de rupture conventionnelle en raison de trois irrégularités.

Le 6 octobre 2016, la société, estimant que les irrégularités étaient de pure forme a rectifié unilatéralement la convention de rupture conventionnelle et l’a renvoyée à la DIRECCTE qui l’a homologuée le 26 octobre 2016.

Le 16 octobre 2017, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux d’une demande de nullité de la convention de rupture conventionnelle et de requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 9 juillet 2019, le conseil de prud’hommes a :

– dit irrecevable et mal fondée l’action dirigée à l’encontre de la société aux fins de nullité de la rupture conventionnelle homologuée, de requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts,

– débouté Mme [S] de la totalité de ses demandes et laissé les dépens à sa charge,

– débouté la société de ses demandes reconventionnelles.

Par déclaration du 7 août 2019, Mme [S] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 janvier 2022, Mme [S] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

– prononcer la nullité de la rupture conventionnelle en raison de l’absence de remise d’un exemplaire de la convention de rupture à Mme [S], de la fraude de la société et de l’absence de consentement de Mme [S],

– dire que la rupture du contrat de travail intervenue le 28 octobre 2016 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis : 3.981,76 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 398,18 euros,

* indemnité de licenciement : 4.345,9 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 13.930 euros,

* indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros,

– ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes dues conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouter la société de sa demande indemnitaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 janvier 2020, la société demande à la cour de confirmer le jugement rendu et de :

– dire que la rupture conventionnelle conclue entre Mme [S] et la société n’est entachée d’aucun vice du consentement ni fraude de l’employeur,

– débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes,

– dans l’hypothèse d’une annulation de la rupture conventionnelle, condamner Mme [S] à rembourser l’indemnité perçue soit 8.364 euros et ramener à justes proportions les sommes demandées,

– condamner Mme [S] au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [S] aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [S] affirme qu’elle a été poussée à accepter le principe de la signature d’une rupture conventionnelle, alors qu’ayant demandé à pouvoir bénéficier d’horaires de travail aménagés en raison de la charge d’un enfant en bas âge, né après une grossesse difficile, son employeur aurait modifié ses horaires mais dans un sens plus contraignant dès lors qu’aux termes de ses nouveaux horaires, elle était amenée à travailler plus souvent en soirée.

Elle considère que la rupture conventionnelle est nulle soulignant les éléments suivants :

– le 1er juillet 2016, jour de reprise de son travail, alors qu’elle allait débaucher, elle a été convoquée par son employeur qui lui a remis deux courriers, l’un daté du 15 juin 2016 lui indiquant qu’elle allait être convoquée à un entretien en vue d’une rupture conventionnelle, le second courrier manuscrit et daté du 1er juillet 2016, la convoquant effectivement à un entretien fixé le 5 juillet 2016 ; son employeur aurait exigé qu’elle appose sa signature sur ces deux courriers sans qu’elle n’ait pu en prendre connaissance ;

– elle a été bouleversée par ces agissements et a de nouveau été placée en arrêt maladie jusqu’au 4 septembre 2016 ;

– à sa reprise le 5 septembre, elle a aussitôt été convoquée par son employeur qui lui a indiqué qu’elle ne travaillerait pas et qu’elle devait signer le formulaire de rupture conventionnelle de son contrat de travail. Elle a ainsi signé ce formulaire sous la contrainte alors même qu’elle n’était pas assistée, au contraire de son employeur ;

– par lettre du 30 septembre 2016, elle a été informée par la DIRECCTE que celle-ci refusait d’homologuer la rupture conventionnelle ;

– alors qu’elle interrogeait son employeur sur son sort, il l’informait le 6 octobre 2016 qu’il adressait le jour même un formulaire de demande d’homologation rectifié et qu’en raison du délai de rétractation à observer, cela repoussait au 28 octobre 2016, la date de la rupture effective du contrat de travail ;

– si la DIRECTE a homologué la rupture conventionnelle, l’appelante considère néanmoins que son employeur a établi un faux auquel elle est étrangère en ayant supprimé le fait que l’employeur était assisté lors de la réunion du 3 juin 2016, en modifiant la date de la rupture du contrat, sans recueillir son avis, et dans le même sens et dans les mêmes conditions, la date de fin du délai de rétractation ;

– une telle fraude doit emporter la nullité de la convention de rupture

conventionnelle ;

– en outre, elle n’a pas reçu de son employeur le document CERFA de rupture conventionnelle homologué, ce qui doit encore entraîner la nullité de la rupture conventionnelle puisqu’ainsi elle ne pouvait pas exercer son droit de rétractation ;

– enfin, elle n’a jamais consenti à la rupture conventionnelle homologuée par la DIRECCTE si bien que celle-ci doit encore être frappée de nullité.

La société Mérignac Gestion Equipement ne livre pas la même version des faits.

Elle explique que le 1er juin 2016, lorsqu’elle a été informée par le médecin du travail que Mme [S] se plaignait de ses horaires de travail, elle a convoqué la salariée à un entretien informel pour discuter de ses conditions de travail.

Pour cette raison, l’administratrice de la structure était également présente. Or à l’occasion de cet entretien, Mme [S] a refusé la proposition de son employeur de travailler à temps partiel et a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juin 2016, l’employeur a donné son accord à la demande de rupture conventionnelle faite par l’appelante.

Cette dernière n’a pas retiré la lettre recommandée, si bien que le 1er juillet 2016 et l’employeur lui a remis une convocation à un entretien préalable prévu le 5 juillet. Toutefois, la veille, Mme [S] a été placée en arrêt maladie jusqu’au 5 août, rendant impossible la tenue de l’entretien.

Par ailleurs, le 8 juillet 2016, l’employeur a adressé au médecin du travail les nouveaux horaires qui pourraient être proposés à Mme [S] et lui a demandé si ceux-ci seraient compatibles avec ses préconisations. Le médecin du travail a répondu favorablement le 28 juillet 2016.

Le 5 septembre 2016, un entretien a eu lieu entre l’employeur et la salariée afin de convenir des modalités de la rupture, chacun étant assisté et le 6 septembre Mme [S], toujours assistée, a signé la rupture conventionnelle.

Le refus d’homologation de la DIRECCTE ne reposait que sur des irrégularités de forme, si bien que sur les conseils d’un collaborateur de cette administration, l’employeur a rectifié la convention de rupture conventionnelle et en a informé sa salariée le 6 octobre 2016.

La société conteste que le consentement de sa salariée ait été vicié. C’est en effet elle qui aurait sollicité le bénéfice d’une rupture conventionnelle. Par ailleurs, ce n’est pas pour un défaut de consentement de Mme [S] que la première demande d’homologation a été rejetée mais pour des motifs de forme. Ceci est si vrai qu’après avoir signé cette convention le 6 septembre 2016, elle aurait pu se rétracter, ce qu’elle n’a nullement fait.

Par ailleurs, lorsque la DIRECCTE a homologué la convention rectifiée, elle n’a pas relevé une absence de consentement de la salariée.

Par ailleurs, si un salarié peut se faire assister lors des entretiens portant sur la rupture conventionnelle du contrat de travail, si celui-ci n’en a pas été informé, ce défaut d’information n’est pas de nature à entraîner la nullité de la rupture conventionnelle si le consentement du salarié n’a pas été vicié.

Or l’entretien du 3 juin 2016, n’avait pas pour objet d’échanger sur une éventuelle rupture conventionnelle puisque c’est à cette occasion que Mme [S] en a émis l’éventualité. Si le nom de Mme [J] figurait dans le premier formulaire, c’est qu’elle était bien présente le 3 juin, non pas pour échanger sur les modalités d’une rupture conventionnelle mais sur l’organisation des horaires de la salariée eu égard aux préconisations du médecin du travail et, si l’existence de la réunion du 3 juin a été mentionnée dans le formulaire CERFA, c’est qu’il a bien été abordé l’idée émise par la salariée d’une rupture conventionnelle même si son objet était totalement différent.

Le seul entretien qui avait effectivement pour objet le principe et la mise en ‘uvre d’une rupture conventionnelle est celui du 5 septembre 2016. Or, pour cet entretien, l’appelante a connu le motif de celui-ci et la faculté pour elle de se faire assister par un délégué du personnel conformément à la loi. Mme [S] a signé en connaissance de cause la convention de rupture et a en a reçu un exemplaire.

Par ailleurs, lorsque l’employeur a rectifié les erreurs formelles de la convention, Mme [S] en a été aussitôt informée et lorsque celle-ci a été homologuée, elle en a encore été avisée, outre le fait que par voie de conséquence, le délai de rétractation de 15 jours était repoussé.

En conséquence, la société considère que Mme [S] a été informée de son droit de rétractation et de la date de la rupture du contrat de travail, qu’elle était libre d’exercer ce droit de rétractation, ce qu’elle n’a pas fait.

Par ailleurs, si l’employeur n’a pas remis à la salariée la convention de rupture rectifiée, c’est qu’il a pensé que cela ne modifiait rien si ce n’est le délai de rétractation qu’il lui a fait connaître.

Enfin, l’administration a bien été informée que le second formulaire était celui d’origine rectifié, lequel ne constitue pas une nouvelle convention de rupture, et a homologué la convention après avoir sollicité et obtenu des informations complémentaires.

Aucune fraude n’a été commise à l’occasion de cette rectification, laquelle a été entreprise sur les conseils d’un collaborateur de la DIRECCTE ; dans le premier formulaire, l’employeur avait cru devoir mentionner l’entretien du 3 juin 2016, entretien durant lequel Mme [S] n’était pas assistée puisque l’objet initial de celui-ci n’était pas de débattre d’une éventuelle rupture de son contrat de travail. Dans le second formulaire, il a simplement effacé la présence à cet entretien de Mme [J] pour souligner qu’il ne s’agissait pas d’un entretien dont l’objet devait porter sur la rupture conventionnelle, si bien qu’il n’imposait pas une assistance des parties.

La deuxième erreur portait sur la date de la rupture qui devait être décalée et si cette deuxième erreur a été rectifiée, Mme [S] en a eu aussitôt connaissance.

La troisième erreur portait sur le délai de rétractation qui devait être le 21 septembre et non le 20. Cette erreur a été rectifiée et la salariée informée également de ce nouveau délai.

Outre le fait que Mme [S] a été informée de ces trois rectifications, celles-ci n’ont entraîné aucun préjudice pour Mme [S] qui soutient sans en rapporter la moindre preuve que son consentement aurait vicié, alors que ces trois rectifications ne remettaient pas en cause le consentement libre et éclairé des parties à la convention, ni davantage le périmètre de leur accord.

Ainsi, selon la société, Mme [S] n’avait pas à signer à nouveau l’exemplaire rectifié de la rupture alors que le document initial n’était affecté que d’erreurs de pure forme. Ceci est si vrai que Mme [S] n’a jamais fait part de son intention de se rétracter, ce qui est somme toute logique puisque c’est elle qui souhaitait aboutir à une rupture conventionnelle du contrat quand l’employeur cherchait à la retenir.

***

En application de l’article L.1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie et cette rupture résulte d’une convention signée par les parties.

Il ressort des pièces communiquées par les parties les éléments suivants :

– le 15 juin 2016 la société Mérignac Gestion Equipement a écrit à Mme [R] [S] la lettre suivante :

« Madame,

Par la présente (et conformément à votre demande lors de notre entretien du vendredi 3 juin 2016 à 10h30), j’accepte la mise en ‘uvre de la procédure de rupture conventionnelle de votre contrat de travail.(…) nous allons vous convoquer à un entretien préalable formalisé, en vue de convenir du principe de la rupture conventionnelle et de ses modalités…. » ;

– il n’est pas justifié de l’envoi par la voie postale, que ce soit par lettre simple ou par pli recommandé, de cette lettre à la salariée qui lui a été remise en main propre le 1er juillet, date à laquelle il lui a également été remis une convocation pour un entretien le 5 juillet 2016, convocation précisant qu’elle pouvait se faire assister ;

– cet entretien a dû être repoussé en raison de l’arrêt de travail pour maladie de la salariée à compter du 4 juillet ;

– la convention de rupture conventionnelle qui a été signée par les parties le 6 septembre 2016, à l’issue d’un entretien au cours duquel Mme [S] était effectivement assistée, a fait l’objet d’un refus d’homologation par la DIRECCTE aux motifs que les règles de l’assistance de la salariée n’avaient pas été respectées lors de l’entretien du 3 juin, que la demande d’homologation ne pouvait être adressée à l’administration qu’à l’issue du délai de rétractation et enfin que la date envisagée de rupture ne pouvait intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’administration ;

– la société Mérignac Gestion Equipement a rectifié unilatéralement les trois erreurs commises, en faisant disparaître l’existence lors de la réunion du 3 juin 2016, de la présence de Mme [J] qui y avait effectivement participé, en modifiant la date de fin du délai de rétractation, et enfin en adressant à l’administration le nouveau formulaire, à l’issue du délai, le 6 octobre 2016 ;

– par courriel du 6 octobre 2016 adressé par la société Mérignac Gestion Equipement à Mme [S], il a été indiqué à celle-ci qu’à la suite du refus d’homologation de l’administration de leur demande commune, celle-ci avait été rectifiée en respectant le délai de rétractation sans plus de précision, ce qui avait pour incidence de reporter au 28 octobre 2016 la rupture définitive du contrat de travail ; il n’était pas mentionné la modification portant sur les conditions de l’entretien du 3 juin ni la date exacte d’expiration du délai de rétractation ;

– il n’est enfin pas établi que Mme [S] a été destinataire du document rectifié.

Sur la validité de la rupture conventionnelle

Sur le défaut d’assistance de la salariée lors de l’entretien du 3 juin 2016

Les parties ont fait figurer sur le 1er formulaire CERFA la réunion du 3 juin 2016 alors qu’il n’est pas démontré que l’objet de cette réunion pour l’employeur était d’envisager une rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [S].

C’est dans une lettre du 15 juin 2016 que l’employeur a indiqué qu’il acceptait de mettre en ‘uvre la procédure relative à une rupture conventionnelle prétendument demandée par sa salariée.

Celle-ci n’a pas contesté cette affirmation si ce n’est dans le cadre de la présente procédure.

Aussi les parties n’avaient pas à faire état de cette réunion du 3 juin 2016 dont l’objet était différent et à l’occasion de laquelle la salariée n’était donc pas assistée.

En conséquence, l’omission de cette réunion dans le formulaire rectifié ne portait pas atteinte aux droits de Mme [S] qui a été régulièrement assistée lors du seul entretien utile soit le 5 septembre 2016.

Par ailleurs, cette omission ne modifiait pas l’économie de la convention de rupture conventionnelle.

Sur l’erreur résultant de l’envoi prématuré à l’administration et affectant le délai de rétractation

Dans le premier document CERFA, il était mentionné que la date de fin du délai de rétractation était le 20 septembre 2016, ce qui constituait une erreur puisque le délai expirait le 21 septembre 2016.

Dans l’exemplaire modifié unilatéralement par l’employeur, cette erreur a été rectifiée puisqu’il a été précisé que conformément à la loi, le délai de rétractation prenait fin le 21 septembre 2016.

Par ailleurs, il résulte de l’application combinée des articles L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail qu’une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander l’homologation de cette convention à l’autorité administrative avant l’expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par le premier de ces textes.

Or l’erreur contenue dans le formulaire initial restreignait de 24 heures le délai légal de rétractation et portait ainsi préjudice aux parties et ainsi à Mme [S].

La rectification établie a posteriori ne pouvait suppléer cette irrégularité.

En effet, la mention d’un délai de rétractation inférieur au délai légal porte nécessairement préjudice aux droits de la salariée puisqu’elle avait reçu une information erronée quant à la date d’expiration pour exercer son droit.

Il appartenait donc à l’employeur, à la suite du refus d’homologation de la convention, de convoquer la salariée à un nouvel entretien, en respectant les formes légales pour que soit signée une nouvelle convention portant rectification des erreurs relevées par la DIRECCTE et ainsi la fixation d’un nouveau délai de rétractation, puisque le délai initial était erroné, étant observé que le fait qu’un fonctionnaire de cette administration ait pu éventuellement donner un conseil inapproprié – ce qui n’est pas établi – est sans effet sur les obligations des parties.

La cour, réformant en conséquence le jugement entrepris, prononce l’annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail, laquelle produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, du fait du comportement de l’employeur qui a modifié unilatéralement le texte de la convention sur laquelle la salariée avait donné son consentement.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur le salaire de référence

Il résulte de l’avenant au contrat de travail de Mme [S] signé par les parties le 7 mars 2016, que son salaire s’élevait initialement à la somme de 1.911, 68 euros.

Cependant, les parties s’accordent que une rémunération de 1.990, 88 euros bruts (page 3 des conclusions de l’appelante et page 29 des conclusions de l’intimée).

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

L’indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire sera fixée à la somme de 3.823,36 euros et la société Mérignac Gestion Equipement devra en outre verser à la salariée la somme de 382,33 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l’indemnité légale de licenciement

Pour le calcul de l’indemnité de licenciement, Mme [S] revendique un salaire moyen de 2.160,80 euros en se référant à la moyenne des trois derniers mois précédant son arrêt de travail.

En réalité, Mme [S] a repris le travail le 7 mars 2016, à temps partiel et ce, jusqu’au 2 juin 2016.

Dans la mesure où elle ne produit pas les bulletins de paie correspondant, la cour retiendra un salaire de 1.990,88 euros.

En application de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, l’indemnité de licenciement est égale à un demi-mois de salaire par année de présence, pour un salarié ayant au moins deux années d’ancienneté (article V. 11).

Madame [S] avait quatre ans d’ancienneté pour avoir été embauchée le 24 octobre 2012.

L’indemnité conventionnelle sera donc fixée à la somme de 3.981,76 euros.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [S] sollicite le paiement de la somme de 13.930 euros, soulignant qu’elle est restée au chômage jusqu’en octobre 2018, n’ayant pas été en mesure de retrouver un emploi à temps plain.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise (supérieur à 10), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [S], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 12.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite d’un mois d’indemnités.

Sur la demande de remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle

L’employeur sollicite le remboursement de la somme de 8.364 euros versée à madame [S] au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

Il sera fait droit à cette demande, la nullité de la convention de rupture ayant pour effet de remettre les parties en l’état, cette somme venant par conséquent,en compensation des condamnations prononcées à l’encontre de la société.

Sur les autres demandes

La société Mérignac Gestion Equipement, partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer au conseil de Mme [S], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700. 2° du code de procédure civile, en contrepartie de sa renonciation à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce l’annulation de la convention de rupture conventionnelle conclue entre les parties,

Dit que la rupture des relations de travail s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Mérignac Gestion Equipement à payer à Mme [R] [S] les sommes suivantes :

– 3.823,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 382,33 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3.981,76 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne Mme [R] [S] à restituer à la société Mérignac Gestion Equipement la somme de 8.364 euros perçue au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle,

Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Mérignac Gestion Equipement aux dépens ainsi qu’à payer au conseil de Mme [R] [S], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700. 2° du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire

 


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