COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 4 JANVIER 2023
N° RG 20/02789
N° Portalis DBV3-V-B7E-UGGV
AFFAIRE :
[U] [S]
C/
SA AZ COM
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE
Section : E
N° RG : F 18/01328
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Alina PARAGYIOS
Me Christophe DEBRAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [U] [S]
né le 18 juillet 1974 à [Localité 7] ([Localité 7])
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Alina PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374 et Pierre BEFRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374
APPELANT
****************
SA AZ COM
N° SIRET : 422 659 219
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Stéphanie CHEDEVILLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0635
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 3 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [S] a été engagé par la société A Z Com, en qualité d’agent technique, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 23 avril 1999. Il a été promu au poste de technico-commercial en septembre 2014.
Cette société est spécialisée dans le commerce, l’installation et la maintenance de matériel informatique ou téléphonique et de réseaux électriques. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de moins de 10 salariés. Elle applique la convention collective de la métallurgie.
Le salarié percevait une rémunération brute mensuelle de 5 852,41 euros. En dernier lieu, il était l’unique salarié de la société A Z Com.
Les parties ont régularisé une rupture conventionnelle le 12 juillet 2017 et le salarié est sorti des effectifs le 25 août 2017. L’indemnité spécifique de rupture versée au salarié s’est élevée à 47 990 euros.
M. [S] a créé la société CCA Holding le 1er juillet 2017, qui a fait l’objet d’une liquidation par dissolution le 31 décembre 2018.
Le 1er juin 2018, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre de demandes de nullité de la rupture conventionnelle, de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos compensateur.
Par jugement du 6 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a :
– débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [S] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et congés-payés afférents,
– débouté M. [S] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, congés-payés afférent et travail dissimulé,
– condamné la société A Z Com à verser à M. [S] les sommes suivantes:
. 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos dominical,
. 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– n’a pas ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– débouté la société A Z Com de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société A Z Com aux éventuels dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 9 décembre 2020, M. [S] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance d’incident du 17 janvier 2022, le conseiller de la mise en état de la 25ème chambre s’est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande de la société A Z Com tendant à voir dire l’appel de M. [S] dépourvu de tout effet dévolutif, a condamné la société A Z Com aux dépens de l’incident et au paiement au salarié de la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [S] demande à la cour de :
– dire recevables son appel et ses demandes,
– infirmer le jugement entrepris,
par conséquent,
– dire que la rupture conventionnelle du contrat de travail est nulle,
– condamner la société A Z Com à lui verser les sommes suivantes :
. 182 421,84 euros (ou de 140 457,84 euros en cas de non-reconnaissance des heures supplémentaires) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 17 557,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 1 755,72 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
. 42 178,48 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,
. 4 217,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
. 13 682 euros à titre de rappel de rémunération du repos compensateur,
. 1 368,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
. 45 605,40 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 15 201,82 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos,
– débouter la société A Z Com de toutes ses demandes,
– condamner la société A Z Com à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société A Z Com aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société A Z Com demande à la cour de :
à titre principal,
– dire que la déclaration d’appel de M. [S], ne mentionne pas de demande d’infirmation ou de réformation du jugement entrepris et n’indique pas les chefs de jugements critiqués,
en conséquence,
– dire que la déclaration d’appel de M. [S] en date du 9 décembre 2020 n°20/ 07169 ne saisit la cour d’appel d’aucun chef du jugement entrepris, en l’absence d’effet dévolutif,
– déclarer que le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 6 novembre 2020, est devenu définitif en l’absence de saisine régulière de la cour,
à titre subsidiaire,
– la recevoir en ses écritures et en son appel incident et l’y déclarer bien fondée,
– confirmer le jugement dont appel, du conseil de prud’hommes de Nanterre du 6 novembre 2020, en ce qu’il a jugé que la rupture conventionnelle de M. [S] est valable, que le dol n’est ni constitué ni prouvé,
en conséquence,
– débouter M. [S] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle,
– débouter M. [S] de sa demande de 182 421,84 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [S] de sa demande de 17 557,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 1 755,72 euros au titre des congés payés afférents,
– confirmer le jugement dont appel, du conseil de prud’hommes de Nanterre du 6 novembre 2020, en ce qu’il a jugé que M. [S] n’apporte aucune preuve des heures supplémentaires qu’il invoque,
en conséquence,
– débouter M. [S] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, et de sa demande d’indemnisation du repos compensateur et de congés payés afférents,
– confirmer le jugement dont appel, du conseil de prud’hommes de Nanterre du 6 novembre 2020, en ce qu’il a jugé que M. [S] n’apporte aucune preuve de l’infraction de travail dissimulé,
en conséquence,
– débouter M. [S] de sa demande de 45 605,46 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– infirmer le jugement dont appel, du 6 novembre 2020, en ce qu’il a jugé que la société A Z Com a violé le droit au repos dominical de M. [S],
statuant à nouveau,
– dire qu’elle n’a pas violé le droit au repos dominical de M. [S],
en conséquence,
– débouter M. [S] de sa demande de 15 201,82 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos,
– débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,
– infirmer le jugement dont appel, du 6 novembre 2020, en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [S] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens,
statuant à nouveau,
– condamner M. [S] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.
MOTIFS
Sur la régularité de la saisine de la cour d’appel
L’employeur fait valoir que la cour n’est pas valablement saisie en ce que, dans la déclaration d’appel, le salarié ne mentionne pas de demande d’infirmation ou de réformation du jugement entrepris et n’indique pas les chefs de jugements critiqués.
Le salarié réplique que la déclaration d’appel indique parfaitement qu’il entend faire appel de la décision en ce qu’elle l’a débouté de ses demandes. Il ajoute que le débouté de ses demandes est un chef de jugement dans la mesure où il s’agit d’un point tranché dans le dispositif du jugement.
Selon les dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, applicable au litige, à peine de nullité, la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité notammentles chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel estlimitésauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Contrairement à ce que soutient la société, les textes spécifiques régissant la procédure d’appel, et plus particulièrement l’article 901 précité et les article 542 et 954 du code de procédure, ne prévoient pas que la déclaration d’appel indique qu’elle a pour objet la réformation, l’infirmation du jugement ou bien son annulation, cette indication devant en revanche figurer dans le dispositif des conclusions de l’appelant, en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile.
En l’espèce, la déclaration d’appel mentionne en objet/portée de l’appel : ‘ Appel de la décision en ce qu’elle a déboutée M. [S] de ses demandes à savoir :
– juger que la rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [S] est nulle ;
– condamner la société AZ COM a verser à Monsieur [S] la somme de 182.421,84 euros (ou de 140.457,84 euros en cas de non-reconnaissance des heures supplementaires) à titre de dommages-interêts pour licenciement sans cause reelle et sérieuse ;
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 17557.23 euros à titre , d’indemnité compensatrice de préavis ;
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 31.755,72 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
-condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 42.178,48 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires ;
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 4.217,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la sommede 13,682 euros à titre de rappel de rémunération du repos compensateur ;
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 1.36820 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 45.605,40 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
ORDONNER l’éxécution provisoire de la décision à intervenir.
Et en ce qu’elle a condamnée ; (étant précisé que la remise en cause des dommages et interêts pour violation du droit au repos et l’article 700 du code de procédure civile ne repose que sur le quantum accordé) –
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos ;
– condamner la société AZ COM à verser à Monsieur [S] la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.’
Cette formulation peut être regardée comme emportant expressément la critique des chefs du jugement en ce qu’elle précise les chefs de demande du jugement expressément critiqués, dont la cour d’appel est donc saisie.
Le moyen tiré de l’irrégularité de la saisine de la cour d’appel n’est, dès lors, pas fondé.
Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs
L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l’employeur de justifier des horaires de travail effectués par l’intéressé.
Il revient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre l’instauration d’un débat contradictoire et à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s’y rapportant.
Au cas présent, le salarié allègue qu’il a effectué, selon ses bulletins de paie, 439,46 heures supplémentaires en 2002, soit une moyenne hebdomadaire de 9h35 d’heures supplémentaires.
Le salarié calcule, dans les limites de la prescription, les heures supplémentaires effectuées de septembre 2014 à août 2017 en appliquant systématiquement ce volume hebdomadaire de 9h35, par extrapolation des heures supplémentaires versées par l’employeur en 2002.
Le salarié communique ensuite des courriels justifiant qu’il a travaillé certaines fins de semaine et l’attestation de Mme [J], assistante commerciale dans la société A Z Com de 1999 à 2006, qui témoigne du fort investissement professionnel du salarié ‘ qui ne comptait pas ses heures’.
Le salarié établit également qu’il n’a pas pris l’intégralité de ses congés payés. Toutefois, ils lui ont été versés sous forme de salaire en 2015, 2016 et lors du solde de tout compte.
Par conséquent, le salarié ne soumet pas à la cour d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies entre septembre 2014 et août 2016, auxquels l’employeur pourrait utilement répondre en produisant ses propres éléments.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et de la demande subséquente au titre de la contrepartie en repos compensateurs.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Cette circonstance n’a pas été précédemment établie de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
La cour ayant écarté le fait que le salarié ait effectué des heures supplémentaires, et l’ayant débouté de sa demande de rappel de salaire afférente, il sera également débouté de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Sur les dommages-intérêts pour violation du droit au repos hebdomadaire
Le salarié soutient avoir été amené à travailler certains weeks- ends en supplément de la semaine, l’empêchant de bénéficier d’une vie privée et familiale, et bien évidemment d’un repos, ce que conteste l’employeur.
Aux termes des articles L. 3132-1 à L. 3132-3 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine et le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier. Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.
C’est à l’employeur de rapporter la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par la loi.
Il ressort des pièces versées aux débats que le salarié a travaillé plusieurs weeks-ends en 2016 et 2017, les courriels attestant de sa présence chez des clients de manière certaine et précise les 5/6 novembre 2016, 12/13 novembre 2016, 26/27 novembre 2016, 14/15 janvier 2017, 4/ 5 mars 2017 et ce notamment en province.
Un autre client précise qu’il n’est pas en mesure d’indiquer quand le salarié était présent mais communique le planning des interventions de la Société A Z Com à raison de 6 week-ends entre mai et juillet 2017 . Le salarié justifie qu’il a pris le train notamment le dimanche 14 mai 2017 pour un retour de [Localité 5] à [Localité 6] à19h55 et le client le remercie de ses actions le week-end du 20/21 mai 2017.
Les bulletins de paye ne font pas mention de congés annuels ou de journée de récupération dans la semaine précédant ces week-ends travaillés.
Le salarié a donc été amené à plusieurs reprises à travailler plus de 6 jours par semaine sans disposer d’un repos hebdomadaire.
Les deux attestations d’autres clients communiquées par l’employeur ne sont pas suffisamment circonstanciées et précises pour remettre en cause les courriels produits par le salarié en ce qu’elles relatent que M. [L], le président de la société, effectuait pour la grande majorité les déplacements seul le week-ends et que le salarié n’effectuait que le démarrage du chantier à [Localité 4].
Toutefois, l’employeur ne verse aux débats aucun élément venant contredire le salarié sur ce point.
Dès lors, l’employeur ne rapporte pas la preuve du respect du seuil fixant à 24 heures consécutives la durée minimale du repos hebdomadaire qui lui incombe.
Il en est résulté, pour le salarié, un préjudice qui sera intégralement réparé par l’octroi d’une somme de 4 000 euros, somme au paiement de laquelle, confirmant le jugement, l’employeur sera condamné.
Sur la rupture conventionnelle
Le salarié expose que les circonstances entourant la rupture conventionnelle caractérisent une manoeuvre dolosive de l’employeur à son égard en vue d’obtenir son consentement à la rupture. Il explique que le président de la société A Z Com, M. [L], lui a fait croire que la société allait fermer et qu’il pouvait récupérer la clientèle afin de lui faire accepter une rupture du contrat.
Le salarié ajoute que M. [L] lui a remis une attestation selon laquelle la société n’aurait plus d’activité et que de nombreux éléments permettent de démontrer qu’il était convaincu que la société allait fermer avec le départ à la retraite de M. [L], ce qui n’a pas été le cas et dont il n’a été informé qu’en 2018.
En réplique, l’employeur affirme n’avoir jamais mis en place des manoeuvres de nature à vicier le consentement du salarié. L’employeur réfute avoir dit au salarié que la société allait fermer mais il lui a indiqué qu’il allait en diminuer l’activité pour accompagner son départ à la retraite et qu’il était prêt à laisser le salarié démarcher la clientèle de la société, ce qui s’est effectivement passé ensuite.
***
Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Selon l’article 1137 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Aux termes de l’article L.1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Il appartient au salarié de justifier de la pertinence et de la gravité des faits allégués comme constitutifs des manoeuvres de l’employeur destinées à provoquer une erreur de nature à vicier son consentement.
Pour ce faire, le salarié produit aux débats l’attestation sur l’honneur de M.[L] adressée à la CNAV le 08 avril 2017 qui déclare qu’il a cessé toute activité professionnelle depuis le 31 mars 2017, date à laquelle il a pris sa retraite après avoir occupé le poste de président directeur général de la Société A Z Com, ce qui n’est pas contesté, l’expert comptable de la Société A Z Com, attestant que M. [L] n’a perçu aucune rémunération depuis la fin du mois de mars 2017.
Par ailleurs, M. [L], par lettre sous seing privé du 28 juillet 2017 a autorisé le salarié, ou toute société constituée à cet effet, à démarcher toute clientèle, y compris des contacts commerciaux de la Société A Z Com ‘dès à présent’ et sans attendre l’effet de la rupture conventionnelle du contrat de travail, sans toutefois faire mention d’une fermeture de la société.
Le salarié a adressé un courriel à un client pour lui faire part le 8 juillet 2017 de la cessation d’activité de la société. Il a également répondu en ce sens à un client qui l’a interrogé sur la poursuite de l’activité de la Société A Z Com. Un autre client lui a indiqué le 28 février 2018 qu’il n’avait été informé que récemment de la fermeture de la Société A Z Com.
Il ne s’agit pas de témoignages directs relatant qu’ils ont été tenus informés par M. [L] de la cessation d’activité de la société.
Le salarié communique également l’attestation de M. [F], commercial chez un fournisseur de la Société A Z Com, qui relate que M. [L] l’a informé qu’il devait fermer la société en 2017 suite à son départ à la retraite.
Il s’agit du seul témoignage qui évoque la fermeture par M. [L] de la Société A Z Com et il convient de relever qu’interpellé sur la question des interventions du salarié lors de fins de semaine et sur l’annonce de la fermeture de la Société A Z Com. De plus, un autre client, M. [N], n’a répondu que sur le premier point, ne confirmant pas qu’il travaillait avec la société de M. [S] à la suite de la fermeture de la Société A Z Com.
Les échanges écrits entre les parties et la convention de rupture conventionnelle n’apportent aucune information sur l’intention de M. [L] de fermer définitivement la société à son départ à la retraite.
Si le salarié rapporte la preuve de la poursuite juridique de la société, non contestée d’ailleurs par l’employeur, il n’établit pas que son activité s’est poursuivie comme auparavant.
Enfin, le salarié ne verse aux débats aucune pièce établissant que M. [L] lui a fait part de la cessation définitive de la société.
Le salarié ne justifie pas davantage que le mensonge qu’il invoque a été déterminant lors de son consentement.
En effet le salarié n’apporte pas la preuve que M. [L] lui a volontairement dissimulé qu’il avait en réalité l’intention de poursuivre son activité pour se ‘ débarrasser à moindre de frais’ du salarié et il n’établit pas que l’employeur lui a communiqué des informations tronquées et déterminantes en vue d’obtenir, par erreur, son consentement à la rupture conventionnelle.
En conséquence, faute d’établir l’existence d’un vice du consentement, la demande de nullité de la rupture conventionnelle doit être rejetée, de même que les demandes subséquentes de condamnation de l’employeur à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux indemnités de rupture. Le jugement sera confirmée de ces chefs.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
L’employeur qui succombe en son appel incident, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais par lui exposés en cause d’appel non compris dans les dépens, qu’il conviendra de fixer à la somme de 2 800 euros, la décision des premiers juges étant confirmée de ce chef.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DIT M. [S] recevable en son appel et ses demandes,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la Société A Z Com à payer à M. [S] la somme de 2 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE la Société A Z Com aux dépens d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président