Convention de rupture conventionnelle : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00589

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Convention de rupture conventionnelle : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00589

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 4 JANVIER 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00589 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJGJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 Novembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section diverses chambre 3 – RG n° F19/05582

APPELANTE

Madame [B] [Z] épouse [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Maëva ACHACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0497

INTIMÉE

SCM SO.SA.ME

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0790

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 mars 2017, Mme [Z] épouse [L] a été engagée en qualité de collaboratrice, avec une durée hebdomadaire du travail de 39 heures, par la société SO.SA.ME, celle-ci employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes.

Suivant avenant au contrat de travail du 26 février 2018, la durée hebdomadaire du travail a été réduite à hauteur de 35 heures.

Les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle le 13 juin 2018 et, suivant courrier du 26 juin 2018, Mme [Z] épouse [L] a exercé son droit de rétractation.

Mme [Z] épouse [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur suivant courrier reçu par la société SO.SA.ME le 3 juillet 2018, l’intéressée ayant saisi la juridiction prud’homale le 25 juin 2019 aux fins qu’il soit statué sur les effets de la prise d’acte.

Par jugement du 6 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– dit et jugé la prise d’acte comme étant une démission,

– condamné Mme [Z] épouse [L] à payer à la société SO.SA.ME la somme de 2 442,95 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis non effectué,

– débouté Mme [Z] épouse [L] du surplus de ses demandes,

– débouté la société SO.SA.ME de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Z] épouse [L] aux dépens.

Par déclaration du 17 janvier 2020, Mme [Z] épouse [L] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 19 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 avril 2020, Mme [Z] épouse [L] demande à la cour de :

– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société SO.SA.ME de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, en conséquence,

– dire que la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur et qu’elle produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société SO.SA.ME au paiement des sommes suivantes :

– 773,46 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 4 885,90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 488,59 euros au titre des congés payés y afférents,

– 14 657,70 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 juillet 2020, la société SO.SA.ME demande à la cour de :

– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

– requalifier la prise d’acte en démission et débouter Mme [Z] épouse [L] de l’intégralité de ses demandes formulées à ce titre,

– subsidiairement, minorer le montant de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dire que Mme [Z] épouse [L] n’a jamais subi de faits constitutifs de harcèlement moral et que le contrat de travail a toujours été exécuté de bonne foi,

– débouter Mme [Z] épouse [L] de l’intégralité de ses demandes formulées à ce titre et, subsidiairement, minorer le montant de celles-ci,

– condamner Mme [Z] épouse [L] au paiement des sommes suivantes :

– 2 442,95 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée le 13 septembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la prise d’acte

Au soutien de sa demande de voir la prise d’acte produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’appelante invoque l’existence d’un refus d’accès aux locaux de l’entreprise ainsi que la non-fourniture de travail, la non-remise du bulletin de paie et l’absence de paiement du salaire de juin 2019, et, enfin, l’absence de remise d’un double de la rupture conventionnelle initialement prévue par l’employeur.

L’intimée réplique que les reproches formulés par l’appelante ne sont ni avérés ni de nature à justifier la requalification d’une prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission, les faits invoqués par le salarié devant être établis et constituer des manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Aux termes de l’article L. 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Selon l’article L. 1237-13 du même code, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation. A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

S’agissant tout d’abord du grief relatif à l’absence de remise d’un double de la rupture conventionnelle initialement prévue par l’employeur, outre le fait qu’il ne revenait pas à l’employeur de remettre à la salariée un exemplaire de la convention de rupture dès le 1er juin 2018, en ce qu’il ne s’agissait alors que d’un entretien en vue de convenir du principe d’une rupture conventionnelle, la convention de rupture n’ayant été régularisée par les parties que le 13 juin 2018, la cour relève en toute hypothèse que la salariée a exercé son droit de rétractation le 26 juin 2018, de sorte qu’un éventuel manquement de ce chef ne peut aucunement s’analyser comme étant d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Concernant le grief relatif au refus d’accès aux locaux de l’entreprise ainsi qu’à la non-fourniture de travail, si l’appelante soutient que suite à sa rétractation, l’employeur ne l’a pas réintégrée à son poste et lui a refusé l’accès aux locaux lorsqu’elle s’y est présentée, il sera tout d’abord constaté que l’intéressée ne produit aucun élément de nature à démontrer qu’elle se serait effectivement présentée sur son lieu de travail pour reprendre ses fonctions postérieurement à sa rétractation. Par ailleurs, même à considérer, comme l’affirme la salariée, que son courrier de rétractation du mardi 26 juin 2018 aurait été réceptionné par l’employeur le jeudi 28 juin 2018, il n’en demeure pas moins que l’appelante a pris acte de la rupture de son contrat de travail à tout le moins dès le lundi 2 juillet 2018 (compte tenu de la réception du courrier de prise d’acte par l’employeur le 3 juillet 2018), l’appelante apparaissant ainsi n’avoir laissé aucun délai à l’intimée pour organiser son retour dans l’entreprise, aucun manquement ne pouvant dès lors être retenu de ce chef.

S’agissant enfin du grief afférent à la non-remise du bulletin de paie ainsi qu’à l’absence de paiement du salaire de juin 2018, l’employeur apparaissant avoir adressé à sa salariée un bulletin de paie ainsi qu’un chèque n°0000263 afférents au salaire du mois de juin 2018 dès le vendredi 29 juin 2018 ou, à tout le moins le samedi 30 juin 2018, soit en toute hypothèse à des dates antérieures à la prise d’acte, la cour relève à nouveau que la salariée a immédiatement pris acte de la rupture de son contrat de travail dès le premier jour ouvrable suivant, soit le lundi 2 juillet 2018, le fait que la salariée n’ait, à cette date, pas encore reçu les documents précités compte tenu des délais d’acheminement postaux, ne pouvant aucunement s’analyser comme un manquement de l’employeur à ses obligations en matière de paiement du salaire et de délivrance d’un bulletin de paie et, encore moins, comme un manquement grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Il sera enfin observé que, contrairement aux affirmations de la salariée, si l’employeur lui a effectivement adressé un nouveau chèque en paiement du salaire de juin 2018 suivant courrier du 20 juillet 2018, il a dans le même temps expressément sollicité qu’elle lui adresse une lettre de désistement relativement au chèque n°0000263 lui ayant été adressé le 29 juin 2018.

Par conséquent, au vu de l’ensemble des développements précédents, l’appelante ne justifiant pas de l’existence de manquements graves de l’employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, qui apparaît de surcroît pour le moins prématurée et précipitée, devant dès lors produire les effets d’une démission, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses différentes demandes relatives à la rupture du contrat de travail, en ce comprise sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

Par ailleurs, étant rappelé que la prise d’acte de la rupture du contrat qui n’est pas justifiée produit les effets d’une démission et qu’il en résulte que le salarié doit alors à l’employeur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis résultant de l’application de l’article L. 1237-1 du code du travail, et ce peu important que l’employeur ait subi ou non un préjudice, la cour relève par ailleurs que, contrairement aux affirmations de la salariée, il ne résulte pas de son courrier de prise d’acte qu’elle aurait proposé d’effectuer un préavis (l’intéressée indiquant au contraire « cette rupture prendra effet à la date de première présentation du présent recommandé avec AR »), ni que l’employeur l’en aurait dispensée ou l’aurait empêchée de l’exécuter (celui-ci indiquant, à l’inverse, dans son courrier en réponse du 4 juillet 2018 que « dans la mesure où vous n’avez effectué aucun préavis, nous nous réservons la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes afin que vous soyez condamnée au paiement d’une indemnité compensatrice à ce titre, conformément à la jurisprudence en la matière »). Il sera enfin observé de ce même chef que la période antérieure de dispense d’activité, uniquement mise en oeuvre dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle, est inopérante pour caractériser l’existence d’un accord exprès de l’employeur aux fins de dispenser la salariée de l’exécution de son préavis postérieurement à la réception du courrier de prise d’acte.

Dès lors, étant rappelé que dans une telle hypothèse seul le préavis légal doit être retenu, à moins que les dispositions conventionnelles ne prévoient une durée moindre, la cour accorde à l’employeur, la durée du préavis étant d’un mois, une somme de 2 442,95 euros à titre d’indemnité correspondant au préavis de démission non exécuté, et ce par confirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

L’appelante soutient que l’employeur a voulu lui imposer une rupture conventionnelle visant à contourner les garanties prévues en matière de licenciement, qu’elle a été convoquée à un entretien préalable pour discuter de ladite rupture par courrier du 30 mai 2018 pour un entretien le 1er juin suivant et, qu’au surplus, la rupture est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, l’intéressée indiquant s’être trouvée contrainte de l’accepter au regard de la présentation particulièrement mensongère qui lui en a été faite par l’employeur, ce dernier ayant exercé des pressions pour obtenir son consentement.

L’intimée réplique qu’elle a toujours exécuté de bonne foi le contrat de travail, la salariée n’apportant aucun fait pouvant se rapporter à une exécution déloyale du contrat de travail ni aucune preuve de son préjudice.

En l’espèce, en application des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, s’agissant des affirmations de l’appelante selon lesquelles la rupture conventionnelle serait intervenue dans un contexte de harcèlement moral et qu’elle aurait été contrainte de l’accepter compte tenu des pressions exercées par l’employeur, étant constaté que lesdites allégations ne résultent que des seules affirmations de l’intéressée qui ne produit aucun élément pour les corroborer, si ce n’est ses propres courriers reprenant ses seules déclarations, la cour relève que ces éléments ne sont pas établis dans leur matérialité, l’appelante ne présentant dès lors pas d’éléments de faits, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

Par ailleurs, en application des dispositions des articles L. 1222-1 et L. 1237-11 et suivants du code du travail, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations de l’appelante, la cour relève que cette dernière ne démontre pas l’existence d’un manquement de l’intimée s’agissant des circonstances relatives à la mise en oeuvre de la procédure de rupture conventionnelle, la salariée apparaissant notamment avoir bénéficié d’un large délai de réflexion hors du cadre professionnel quotidien pour prendre sa décision et avoir confirmé à plusieurs reprises sa volonté de conclure une telle convention avant de finalement exercer son droit de rétractation, l’intéressée ne justifiant de surcroît ni du principe ni du quantum du préjudice allégué.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la salariée sera condamnée à payer à l’employeur la somme de 500 euros au titre des frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens.

La salariée, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] épouse [L] à payer à la société SO.SA.ME la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne Mme [Z] épouse [L] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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