31/03/2023
ARRÊT N° 2023/151
N° RG 21/00856 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N73K
NB/CD
Décision déférée du 25 Janvier 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse
(19/01581)
G. MONTAUT
Section Encadrement
[E] [F]
C/
S.A.S. SO.BIO
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée :
le 10/3/23
à Me TRAN, Me BENOIT-DAIEF
ccc Pôle Emploi
Le 10/3/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [E] [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Thuy TRAN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »E
S.A.S. SO.BIO
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , M. DARIES, conseillère et N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [E] [F] a été embauché par la société So Bio à compter du 28 février 2017 en qualité de chef boucher, statut cadre, niveau 7, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers. Son contrat de travail prévoyait qu’il serait rémunéré sur la base d’un forfait annuel de 218 jours par an, et qu’il serait reçu une fois par semestre par la direction de la société fin d’examiner avec lui sa charge de travail.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel s’élevait à la somme de 2 549,51 euros bruts.
Il s’est trouvé en congé maladie du 3 au 22 juin 2017.
Par courrier remis en main propre contre décharge le 23 juin 2017, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 30 juin 2017.
Par courrier remis en main propre contre décharge le 19 juillet 2017, la société employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de trois jours, en raison de divers manquements aux règles d’hygiène et de sécurité, ainsi que de la traçabilité des viandes, découverts à l’occasion de son absence maladie.
Durant le mois d’août 2017, M. [F] a bénéficié d’une période de formation.
Le 11 octobre 2017, il a été placé de nouveau en arrêt de travail.
Par courrier recommandé du 20 octobre 2017, le salarié a sollicité une rupture conventionnelle. Un entretien a eu lieu entre les parties le 9 novembre 2017, à la suite duquel les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle qui a été homologuée par la DIRECCTE.
Le contrat de travail de M. [F] a pris fin le 19 décembre 2017.
M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, le 16 février 2018 pour contester le bien fondé de la rupture conventionnelle, la requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse et demander le versement de diverses sommes.
Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– jugé in limine litis que la société So Bio a respecté ses obligations en matière de preuve des horaires de travail de ses salariés cadres,
– jugé que la mise à pied est justifiée et que la procédure a été respectée,
– débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire sur la mise à pied et de congés payés afférents,
– jugé que la convention de forfait de M. [F] est réglementaire,
– jugé que M. [F] ne prouve pas avoir fait des heures supplémentaires et donc ne pas avoir de droit au repos compensateur et qu’il n’y a pas eu de dissimulation d’heures de travail,
– jugé que la société So Bio a respecté ses obligations en matière de respect des durées maximales de travail journalière et hebdomadaire et de la durée du repos journalier de 11 heures,
– débouté M. [E] [F] de ses demandes relatives au paiement d’heures supplémentaires, de repos compensateurs ainsi qu’aux congés payés afférents,
– débouté M. [F] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail journalières et hebdomadaires et sur la durée du repos journalier,
– débouté M. [F] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– jugé qu’il n’y a pas eu de harcèlement moral,
– débouté M. [F] de sa demande à ce titre,
– jugé que la société So Bio a respecté ses obligations en matière de sécurité et de prévention de la santé de ses salariés,
– débouté M. [F] de sa demande à ce titre,
– jugé que la rupture conventionnelle est réglementaire,
– débouté M. [F] de ses demandes relatives au paiement du préavis et des congés payés afférents,
– débouté M. [F] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et du préjudice moral,
– jugé que la prime annuelle a été réglementairement calculée,
– débouté M. [F] de sa demande de rappel de prime et des congés payés afférents,
– jugé que la prime supplémentaire annuelle a été réglementairement calculée,
– débouté M. [F] de sa demande de rappel de prime et de congés payés afférents,
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné M. [F] aux entiers dépens.
***
Par déclaration reçue au greffe le 24 février 2021, M. [E] [F] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 février 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 21 mai 2021, M. [E] [F] demande à la cour de :
*rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,
*infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse 2 février 2021 RG n°18/02000 en ce qu’il a :
*avant de dire droit,
-dit que « la société So Bio a respecté ses obligations en matière de preuve des horaires de travail de ses salariés cadres »,
-n’a pas répondu à la demande du salarié de constater qu’il a versé aux débats un faisceau d’indices contenant des éléments probants et suffisamment précis permet de retenir le fait que le salarié travaille au moins de 6 heures à 19 heures 30 chaque jour de travail,
-n’a pas répondu à la demande d’ordonner à l’employeur de produire les plannings durant l’exécution du contrat de travail,
-dit que « M. [F] sollicite la fourniture de documents supplémentaires qui n’existent pas au sein de la société ou qui ont été supprimés, deux ans après les faits» alors que le salarié a apporté des preuves justificatives de l’existence des plannings de travail,
*au fond,
-jugé que la mise à pied est justifiée et que la procédure a été respectée,
-débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire sur la mise à pied et de congés payés afférents,
-jugé que la convention de forfait de M. [F] est réglementaire,
-jugé que M. [F] ne prouve pas avoir fait des heures supplémentaires et donc ne pas avoir de droit au repos compensateur et qu’il n’y a pas eu de dissimulation d’heures de travail,
-jugé que la société So Bio a respecté ses obligations en matière du respect des durées maximales de travail journalière et hebdomadaire et de la durée du repos journalier de 11 heures,
-débouté M. [F] de ses demandes relatives au paiement d’heures supplémentaires, de repos compensatoires ainsi qu’aux congés payés afférents,
-débouté M. [F] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail journalières et hebdomadaires et sur la durée du repos journalier,
-débouté M. [F] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
-jugé qu’il n’y a pas eu de harcèlement moral,
-débouté M. [F] de sa demande à ce titre,
-jugé que la rupture conventionnelle est réglementaire,
-débouté M. [F] de ses demandes relatives au paiement du préavis et des congés payés afférents,
-débouté M. [F] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et du préjudice moral,
-jugé que la prime annuelle a été réglementairement calculée,
-débouté M. [F] de sa demande de rappel de prime et des congés payés afférents,
-jugé que la prime supplémentaire a été réglementairement calculée,
-débouté M. [F] de sa demande de rappel de prime et des congés payés afférents,
-débouté M. [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [F] aux entiers dépens »,
Statuer sur les chefs infirmés et y ajouter,
*avant de dire droit,
-constater des faits matériels justificatifs de l’existence des plannings dits « planning journalier » et « plannings de date à date »,
-ordonner, à SO Bio de produire les plannings pour les périodes qui ont fait l’objet des sommations de communication de pièces en date du 16 novembre 2018 et 16 janvier 2019,
-à défaut, ordonner à l’employeur de produire tout décompte quotidien établi par tout moyen d’enregistrement justificatif de la durée du travail du salarié,
-à défaut de production de ces demandes, il est demandé à la juridiction d’en tirer toutes les conséquences de droit, notamment la soumission du salarié aux horaires fixés par la société So Bio de 6 heures à 19 heures30 du mardi au samedi, la résistance abusive de la part de Sà Bio pour ne pas avoir répondu aux sommations de communication de pièces ainsi que la mauvaise foi de l’employeur,
*au fond,
-dire que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la société So Bio de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Toulouse et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition de l’arrêt à venir,
-autoriser la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
-condamner la Sasu So. Bio à payer à M. [F] les sommes suivantes :
-375,57 euros au titre de trois jours de salaires indûment retenus outre 37,55 euros à titre de l’indemnité de congés payés y afférents,
-20 103,92 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 2010,39 euros au titre des congés payés y afférents,
-5 934,96 euros au titre du repos compensateur outre 593,49 euros au titre des congés payés y afférents,
-7 748,64 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale du travail et/ou pour non-respect du repos quotidien du salarié,
-15 497,28 euros au titre des dommages intérêts pour le travail dissimulé,
-15 000 euros au titre des dommages-intérêts pour avoir subi un harcèlement moral,
-10 000 euros au titre de réparation forfaitaire du préjudice résultant de l’absence de prévention de l’employeur eu égard à la gravité de l’état de santé du salarié et aux agissements dé loyaux de l’employeur notamment la prise de la sanction vexatoire infondée le jour de reprise de travail après un problème grave de santé en juin 2017 et la retenue des salaires injustifiée,
-7 748,64 euros et 774,86 euros à titre de l’indemnité de congés payés y afférents (convention collective applicable : 3 mois de salaire), en contrepartie, M. [F] doit verser à cette dernière la somme de 430,48 euros perçus au titre de l’indemnité minimale légale de rupture conventionnelle,
-5 165,76 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié : 5 165,76 euros (salaire brut mensuel de référence : 2 582,88 euros),
-1 euro symbolique au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
-2 066,30 euros au titre de prime annuelle, outre la somme de 206,63 euros à titre de l’indemnité de congés payés y afférents,
– 2 066,30 euros au titre de « prime supplémentaire annuelle » calculée en fonction de la réalisation des objectifs qualitatifs outre celle de 206,63 euros au titre des congés payés y afférents,
-condamner la Sasu So Bio aux entiers dépens,
-condamner la Sasu So Bio à payer à M. [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 5500 euros,
-débouter la Sasu So Bio de l’ensemble de ses demandes.
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M. [E] [F] conteste, en premier lieu, la régularité et le bien fondé de la sanction disciplinaire de mise à pied qui lui a été infligée, le jour de la reprise du travail après 20 jours d’hospitalisation et un début d’AVC ; il réfute point par point les griefs qui lui sont adressés par l’employeur dans la lettre de notification de la sanction.
En deuxième lieu, il invoque la nullité du forfait annuel en jours, alléguant qu’il ne disposait d’aucune autonomie quant à l’organisation de ses horaires de travail, ses fonctions exigeant qu’il soit présent durant les heures d’ouverture de son rayon (de 9h 30 à 13h 30 et de 15h30 à 19 h 30 du mardi au samedi), pour accueillir et servir la clientèle ; qu’en tout état de cause, la convention de forfait annuel en jours lui est inopposable, en l’absence de contrôle par l’employeur de la charge et de l’amplitude de son temps de travail. Il indique qu’il est fondé à réclamer le paiement des heures supplémentaires qu’il a effectué pendant les horaires d’ouverture du magasin, mais également avant l’ouverture, puisqu’il devait être présent pour préparer l’ouverture, et également après l’ouverture, puisqu’il devait nettoyer son laboratoire, l’ensemble des instruments ayant servi à la découpe de la viande et ranger son étal ; qu’il devait en outre réaliser un travail conséquent d’inventaire une fois par mois, de sorte qu’il travaillait environ 70 heures par semaine.
En troisième lieu, il invoque un manquement de la société employeur à son obligation de sécurité et de prévention des risques, alors même qu’il était averti de sa surcharge de travail.
En quatrième lieu, il invoque l’existence de faits répétés de harcèlement moral constitués par une surcharge de travail, une dévalorisation et sa mise au placard, qui ont conduit à une dégradation de son état de santé, jusqu’à engendrer une tentative de suicide quelques mois après la rupture de son contrat de travail.
En cinquième lieu, il demande l’annulation de la convention de rupture conventionnelle dont la signature est entachée de vices du consentement et la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En sixième et dernier lieu, il demande le paiement de primes contractuelles : prime annuelle et prime supplémentaire annuelle, qui ne lui ont pas été payées.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 5 août 2021, la Sasu So Bio demande à la cour de :
-confirmer dans son intégralité le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 25 janvier 2021,
*à ce titre,
-dire et juger que la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [F] par courrier daté du 17 juillet 2017 est parfaitement justifiée,
-rejeter la demande de M. [F] à titre de rappel de salaires,
-dire et juger que la convention de forfait en jours conclue entre M. [F] et la société est parfaitement valable,
-rejeter, en conséquence, la demande excédentaire de M. [F] au titre de paiement de prétendues heures supplémentaires et congés payés y afférents,
-rejeter, en conséquence, la demande de M. [F] à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale du travail,
-rejeter la demande de M. [F] à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
-rejeter la demande de M. [F] au titre du repos compensateur,
-dire et juger que M. [F] n’a pas subi de harcèlement moral au sein de la société,
-rejeter, en conséquence, la demande de M. [F] à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
-dire et juger que la société a parfaitement rempli son obligation de prévention à l’égard de M. [F],
-rejeter, en conséquence, la demande de M. [F] à titre de dommages et intérêts pour réparation forfaitaire du préjudice résultant de l’absence de prévention de l’employeur,
-dire et juger que la rupture conventionnelle conclue par M. [F] et la société SO Bio est parfaitement valable,
-rejeter, en conséquence, les demandes de M. [F] à titre d’indemnité de congés payés y afférent et à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et au titre d’un préjudice moral,
-dire et juger que la rémunération variable de M. [F] a été parfaitement calculée et payée par la société,
-rejeter, en conséquence, les demandes de M. [F] à titre des primes annuelles et de salaires indûment retenus et congés payés y afférents,
-rejeter pour le surplus l’intégralité des demandes, fins et prétentions de M. [F],
*en toute hypothèse,
-rejeter la demande de M. [F] à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-rejeter pour le surplus l’intégralité des demandes, fins et prétentions de M. [F],
-condamner M. [F] au versement de 5 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [F] aux entiers dépens.
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La Sasu So Bio soutient que la sanction disciplinaire de mise à pied est justifiée par les manquements fautifs du salarié dans l’exécution de ses tâches, dont elle rapporte la preuve par les pièces qu’elle verse aux débats ; que M. [F] a été recruté en qualité de chef boucher, catégorie cadre, et qu’il disposait à ce titre d’une totale autonomie dans l’organisation de ses journées de travail, mais également dans la répartition des tâches à accomplir ; que le salarié est resté moins de dix mois dans la société, dont 1,5 mois en formation et 3,5 mois en arrêt maladie d’origine non professionnelle, de sorte qu’elle n’a pas pu matériellement organiser l’entretien semestriel de suivi de la charge de travail ; que la convention de forfait annuel en jours est donc parfaitement valable, et que le salarié doit être débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé.
Elle conteste l’existence de faits de harcèlement moral commis à l’encontre de M. [F], ainsi que le manquement à ses obligations de matière de sécurité et de prévention des risques.
Elle fait valoir enfin que le consentement de M. [F] lors de la signature de la convention de rupture conventionnelle n’a pas été vicié, le salarié n’étant pas dans une situation professionnelle de violence morale au sein de la société ; que M. [F] a été rempli de l’intégralité de ses droits en matière de primes.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 27 janvier 2023.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
– Sur la convention de forfait annuel en jours :
M. [F] a été embauché en qualité de chef boucher, statut cadre, niveau 7.
L’avenant n° 37 du 3 mars 2000 à la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, relatif à la réduction du temps de travail, prévoit, dans son article 5 que pour les cadres, il est possible de conclure des conventions de forfait annuel en jours, à condition que le salarié l’ait accepté dans son contrat de travail ou par avenant à son contrat de travail. Le plafond annuel de jours de l’année considérée est alors réduit d’autant.
Le contrat de travail de M. [F] prévoit expressément que ‘ la rémunération brute de M. [F] est indépendante du nombre de jours effectivement travaillés ; conformément aux dispositions de l’accord de branche de la convention collective du 3 mars 2000, M. [F] sera soumis au forfait annuel en jours dans les conditions prévues par cet accord. En conséquence, la durée annuelle de travail de M. [F] sera égale à 218 jours travaillés par an (journée de solidatité incluse), ce qu’il accepte expressément.
Ce forfait correspond à une année complète de travail et est calculé sur la base d’un droit intégral à congés payés.’
Il résulte de ce qui précède que le forfait annuel en jours de M. [F], dont le contrat de travail rappelle qu’il disposera d’une totale liberté dans l’organisation de son temps de travail sous réserve de respecter les règles légales relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire, n’encourt pas la nullité.
M. [E] [F], embauché à compter du 28 février 2017 sans période d’essai, a bénéficié d’une formation interne d’une durée maximale d’un mois lors de son entrée en fonction (en réalité, du 27 février au 4 mars 2017 et du 7 au 22 mars ), puis d’une formation complémentaire de quinze jours au mois d’août 2017. Il a donc exercé ses fonctions de chef boucher au sein du magasin de [Localité 6] du 23 mars 2017 au 2 juin 2017, date de son départ en congé maladie, soit pendant moins de trois mois, puis du 23 juin au 31 juillet 2017, et enfin du 1er septembre au 10 octobre 2017, date à laquelle il a été placé en arrêt maladie. A compter de cette date, il n’a pas repris son travail au sein de la société So Bio.
La chronologie de ces événements démontre l’impossibilité pour la société employeur d’organiser l’entretien semestriel d’évaluation de la charge de travail du salarié prévu à l’article 6 de son contrat de travail.
M. [F] doit en conséquence être débouté de sa demande tendant à entendre juger que le forfait annuel en jours lui soit déclaré inopposable.
Du fait de la régularité de la convention de forfait annuel en jours, M. [F] doit être débouté, par confirmation sur ce point du jugement déféré, de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du non respect de la durée légale du travail et du repos compensateur, ainsi que de l’indemnité pour travail dissimulé.
– Sur le bien fondé de la sanction disciplinaire :
M. [F] s’est vu infliger une mise à pied disciplinaire de 3 jours en raison de pratiques fautives découvertes à l’occasion de son absence maladie et de son remplacement par M. [G] [X].
Il lui est notamment reproché :
– d’avoir, le 27 mai, mis sous vide et ré-étiqueté à cette date une grande quantité de viande destinée à la vente au détail. Or, certaines de ces poches emballées initialement le 12 mai, devaient être consommées dans les 15 jours suivants, soit au plus tard le 26 mai. M. [F] aurait donc délibérément modifié et caché les dates d’emballages initiales de ces produits en trompant le consommateur et en mettant la société employeur en non conformité avec les règles d’hygiène et de sécurité.
– d’avoir travaillé sur des viandes sans respecter les consignes (une fois la viande préparée, la quantité de déchets, de suif et de viande doit être équivalente au poids du produit brut, afin d’assurer la traçabilité de la viande. Or, le 6 juin 2017, la société employeur a eu connaissance de plusieurs anomalies entre le poids d’achat et le poids de vente des différents lots de boeuf et de veau :
* lot 10 créé le 15avril : manque 14 kg de veau,
*lot 3317 créé le 28 avril : manque 33,7 kg de boeuf,
*lot 871 créé le 4 mai : manque 45 kg de boeuf,
*lot 5 créé le 19 mai : manque 85 kg de boeuf,
soit un écart de 179,29 kg de viande.
– d’avoir vendu, sur le lot 560 créé par le salarié le 5 mai 2017, un poids de viande plus important (147,134 kg)sur un même lot que son poids initial (130 kg), soit plus de 17 kg de différence, ce qui amène la société employeur à s’interroger sur la provenance de ces 17 kg de viande vendus aux clients.
– d’avoir laissé au rayon fromagerie des produits ayant dépassé la date limite de consommation (munsters périmés en rayon le 6 juin alors que leurs DLC étaient le 3 avril et le 21 mai.
– d’avoir commandé des produits chez des fournisseurs non référencés : le 31 mai, commande de 4,9 kg de parmesan et 2,3 kg de cantal chez Vitafrais au lieu d’Armofrais en payant le produit 5 à 6 euros de plus au kg, soit un coût supplémentaire de 107,62 euros, et ce, sans avoir répercuté le coût sur le prix de vente.
– d’avoir mis à la poubelle 3 lapins entiers, sans qu’aucune promotion n’ait été mise en place en amont afin de limiter les pertes.
– de ne pas travailler les viande de manière qualitative ou immédiatement, ce qui engendre des pertes.
– d’avoir acheté des ART13 (factures [Localité 5] des 5, 19 et 31 mai 2017) au lieu d’acheter des 1/2 bêtes, alors que le prix de vente et calculé sur un rendement d’une 1/2 bête.
A l’appui de ses allégations, la société So Bio verse aux débats :
– une attestation de M. [X], préposé de l’employeur, qui indique avoir repris la gestion de la boucherie du magasin de [Localité 6] pendant l’arrêt maladie d'[E] [F] en juin 2017 et avoir constaté de graves anomalies aussi bien sur l’hygiène, la traçabilité que la gestion, reprenant sur ce point les termes de la lettre notifiant à M. [F] la sanction disciplinaire de mise à pied (pièce n° 29),
– deux photographies (pièces n°32 et 33), dont l’une mentionne la DLC d’un munster appartenant au lot 11090117, sans indication de la date à laquelle cette photo a été prise ; sur l’autre figurent trois lapins prétendument jetés à la poubelle, sans qu’une date puisse être déchiffrée. Ces photographies ne permettent pas d’établir la matérialité des faits reprochés à M. [F], de sorte que la sanction disciplinaire de mise à pied de 3 jours apparaît injustifiée et doit, par infirmation sur ce point du jugement déféré, être annulée. M. [F] est dès lors fondé à obtenir le paiement du salaire de la mise à pied et des congés payés y afférents à hauteur des sommes brutes de 375,57 euros et de 37,55 euros qu’il réclame.
M. [F], qui s’est vu convoquer à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le jour de sa reprise du travail après un arrêt maladie de 20 jours a subi, du fait du caractère injustifié de la sanction et des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, un préjudice moral qu’il convient de réparer par la condamnation de la société So Bio à lui payer une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.
– Sur le harcèlement moral :
M. [F] soutient qu’il a subi de la part de la société employeur des agissements répétés de harcèlement moral résultant de la surcharge de travail qui lui a été imposée et de la dévalorisation résultant de sa mise au placard et de l’imposition d’une semaine dite de formation au mois d’août 2017 à [Localité 8] ; que ces faits sont à l’origine d’une profonde dégradation de son état de santé (burn out en septembre 2017 et tentative de suicide quelques mois après la rupture de son contrat de travail).
En application de l’article L.1152-1 du code du travail, «’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’».
L’article L. 1154-1 du même code prévoit que le salarié présente des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
La seule notification d’une sanction disciplinaire, fut-elle injustifiée, est insuffisante à caractériser l’existence de faits répétés de harcèlement moral commis à l’encontre du salarié.
Le fait qu’il ait été envoyé en formation à [Localité 8], dans un autre point de vente de la société au mois d’août 2017, afin d’approfondir les protocoles en vigueur au sein de la société ne constitue pas davantage une mise à l’écart.
M. [F] verse aux débats divers documents médicaux, desquels il résulte qu’il travaillerait plus de 50 heures par jour depuis plusieurs années (pièce n° 19), et qui ne font que reproduire les allégations du patient, salarié de la société So Bio depuis quelques mois seulement et non pas depuis plusieurs années
Le schéma de sa journée type, selon lequel il commencerait son activité entre 5 et 6 heures du matin pour la terminer à 19h 30, voire 19H 45 (pièce n° 35 de M. [F]) relève d’une pure affirmation de sa part, alors qu’il résulte par ailleurs du comparatif établi par la société employeur entre le magasin de [Localité 6] et celui de [Localité 7], qui ont tous deux un chef boucher et dont la situation est comparable (pièce n° 27), que M. [F] avait la charge de travail la plus faible et que six mois après son départ, le rayon de [Localité 6] a progressé de 63% de chiffre d’affaires en plus par rapport au mois de mai 2017, toujours avec un seul boucher.
M. [F] échoue en conséquence à rapporter la preuve de faits qui laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Il y a lieu en conséquence de débouter M. [F], par confirmation sur ce point du jugement déféré, de ses demandes formées au titre du harcèlement moral.
– Sur le respect par l’employeur de son obligation de sécurité et de prévention:
La société So Bio verse aux débats une attestation selon laquelle M. [F] a suivi une visite d’information et de prévention organisée par la médecine du travail le 12 septembre 2017, laquelle ne fait état d’aucune contre indication ou restriction particulière. Il ne peut en outre être sérieusement fait grief à la société employeur de n’avoir pas organisé la visite semestrielle de suivi du temps de travail du salarié, compte tenu du peu de temps qu’il a passé dans l’entreprise, entrecoupé de périodes de formation et d’arrêts maladie.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit que la société SO Bio avait respecté ses obligations en matière de sécurité et de prévention de la santé de ses salariés.
– Sur la validité de la convention de rupture conventionnelle:
Selon l’article L.1237-11 du code du travail, « l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. »
Il résulte de ces dispositions que la convention de rupture du contrat de travail ne peut être valablement conclue que si elle manifeste le consentement libre et non équivoque du salarié pour mettre fin à son contrat et si elle respecte les droits auxquels il peut prétendre.
Les avertissements infligés, voire les allégations de harcèlement moral au demeurant non circonstanciées, n’affectent pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L.1237-11 du code du travail.
En l’espèce, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’une contestation de la validité de la convention de rupture conventionnelle le 16 février 2018, avant l’expiration du délai de douze mois avant la date d’homologation de la convention.
M. [F] a lui-même sollicité la rupture par courrier du 20 octobre 2017, en précisant qu’il n’était plus désireux de travailler au sein de cette structure (pièce n° 15). Il ne rapporte aucun élément de preuve démontrant que son consentement aurait été vicié, de sorte qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la convention de rupture conventionnelle régulière.
– Sur la demande de rappel de primes :
M. [E] [F] demande le paiement d’un rappel de prime annuelle et de prime réglementaire annuelle prévues à son contrat de travail.
Son contrat prévoit le versement, en sus de sa rémunération mensuelle brute, d’une prime annuelle correspondant à un mois de salaire, sous la condition que le résultat de l’exercice précédent du magasin d’affectation soit positif.
Il résulte en l’espèce de l’attestation de présentation des comptes annuels de l’entreprise So Bio Lauragais pour la période du 01/06/2016 au 31/12/2017 (pièce n° 28 de l’intimée) que le résultat net comptable du magasin pour cette période était négatif (- 301 746 euros), de sorte que la société So Bio n’était pas tenue de verser cette prime.
Le fait qu’elle l’ait en partie versée volontairement au salarié, s’agissant de la première année d’ouverture du magasin de [Localité 6] ne saurait avoir pour effet qu’elle soit égale à l’équivalent d’un mois de salaire.
Le contrat de travail de M. [F] prévoit également le versement d’une prime annuelle supplémentaire correspondant au maximum à un mois de salaire, en fonction de la réalisation des objectifs qualitatifs fixés par l’employeur.
Les objectifs sont déterminés selon la grille d’évaluation jointe en annexe, sur la base de 56 points.
M. [F] verse aux débats un entretien fixant ses objectifs pour l’année N+1 daté du 14 février 2017, soit préalablement à son embauche, lesquels s’élèvent à 70 points. Il n’établit pas avoir atteint ces objectifs, alors même que la relation de travail a duré moins de dix mois, dont prés de 3 mois d’arrêt maladie. L’entretien annuel d’évaluation n’a pu avoir lieu en raison de la rupture du contrat. Il s’ensuit que la prime annuelle supplémentaire n’est pas due au salarié, qui devra également être débouté de sa demande à ce titre.
– Sur les autres demandes :
La société So Bio, qui succombe pour une part de ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [F] les frais exposés non compris dans les dépens. Il y a lieu de faire droit à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’une somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 25 janvier 2021, sauf en ce qu’il a jugé que la mise à pied est régulière et a débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire sur la mise à pied et de congés payés y afférents, débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour sanction vexatoire le jour de la reprise du travail, et a condamné M. [F] aux dépens.
Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant.
Annule comme injustifiée la sanction disciplinaire de mise à pied du 19 juillet 2017.
Condamne la société So Bio à payer à M. [E] [F] les sommes suivantes :
– 375,57 euros bruts au titre du salaire de la mise à pied,
-37,55 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère vexatoire de la sanction.
Déboute M. [F] du surplus de ses demandes.
Condamne la société So Bio aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Condamne la société So Bio à payer à M. [E] [F] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière.
LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE
C. DELVER S.BLUM »
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