Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 31 AOÛT 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06159 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B77ZQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/00885
APPELANT
Monsieur [E] [H]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Paly TAMEGA, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SAS AB BATIGNOLLES
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Fabrice TAIEB, avocat au barreau de PARIS, toque : C1885
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise SALOMON, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat du 5 octobre 2015, la société BAO a engagé M. [H] en qualité de cuisinier superviseur.
Le 25 octobre 2018, la société BAO a cédé son fonds de commerce à la société AB Batignolles. L’acte de cession stipulait que les contrats de travail des deux salariés de la société BAO étaient transférés au cessionnaire, en application de l’article L.1224-1 du code du travail.
Les parties s’opposent sur les conditions de la poursuite du contrat de travail du salarié, ce dernier soutenant que l’employeur aurait refusé de lui fournir du travail et l’employeur invoquant un abandon de poste.
Convoqué le 22 janvier 2019 à un entretien fixé au 30 janvier 2019, le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 4 février suivant.
Il a saisi le 31 janvier 2019 la juridiction prud’homale d’une requête dont le dispositif était le suivant :
‘- Requalifier la prise d’acte de Monseiur [H] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts exclusifs de la société AB BATIGNOLLES
– EN CONSEQUENCE
– Condamner la société AB BATIGNOLLES à verser à Monsieur [H] (…).’
Par jugement du 18 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes et a rejeté la demande de l’employeur formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le salarié a interjeté appel de ce jugement le 13 mai 2019.
Par conclusions transmises par voie électronique le 24 juillet 2019, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de ‘juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs’ de l’employeur, en conséquence de condamner la société intimée au paiement des sommes suivantes :
– 1 927,39 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 192,73 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 595,04 euros d’indemnité de licenciement,
– 1 927,39 euros d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 11 564,34 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Subsidiairement, il sollicite la condamnation de l’intimée au paiement des sommes de 5 782,17 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 9 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat, condamner l’intimée au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’ordonner la remise des documents de fin de contrat, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, et la capitalisation des intérêts.
Par conclusions transmises par voie électronique le 27 septembre 2019, l’intimée sollicite la confirmation du jugement et le versement à son profit de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 10 mai 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 28 juin.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
Le salarié conteste le bien-fondé du licenciement prononcé à son encontre et sollicite en même temps la requalification de sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur affirme que la saisine directe du conseil de prud’hommes sans notification préalable à l’employeur ne peut être assimilée à une prise d’acte.
Si la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est soumise à aucun formalisme, c’est à la condition qu’elle soit envoyée à l’employeur.
En l’espèce, le seul acte émis en ce sens par le salarié n’a pas été adressé à l’employeur mais a consisté en une prétention émise devant le conseil de prud’hommes. En l’absence de prise d’acte, le contrat était toujours en cours au moment du licenciement et la cour doit apprécier le bien-fondé de cette mesure.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.
En l’occurrence, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée ainsi:
‘. Notre société, AB BATIGNOLLES, a acquis le fonds de commerce de la société BAO le 25 octobre 2018.
Vous étiez parfaitement au courant de cette cession de fonds de commerce puisqu’une notification en ce sens vous a été notifiée par le vendeur conformément à la loi.
En outre, lors des discussions ayant eu lieu avec votre ancien employeur vous aviez manifesté votre volonté de régulariser une convention de rupture conventionnelle avec notre société.
C’est dans ces circonstances que vous vous êtes présenté à l’entreprise le 27 octobre 2018 devant la nouvelle direction (en présence d’un témoin) et avez réitéré votre accord pour la mise en place de cette rupture.
Nous vous avons alors demandé de nous adresser un courrier nous demandant la mise en place de cette rupture conventionnelle.
. Vous ne vous êtes alors plus présenté dans l’entreprise jusqu’au 21 décembre 2018 à la suite de la réception du courrier que nous vous avons adressé le 18 décembre 2018 en réponse au vôtre (daté du 7 décembre mais posté le 15 et reçu le 17 décembre).
. Le 21 décembre, nous avons dû appeler les services de police car vous faisiez preuve d’agressivité. Nous avions toutefois convenu que vous vous représenteriez le même jour à 15 heures pour évoquer votre affectation dans l’entreprise.
Vous ne vous êtes à nouveau pas présenté.
. Vous êtes venu au restaurant le samedi 22 décembre 2018 au matin sans prévenir alors que le dirigeant de la société était absent de l’entreprise.
. Vous n’êtes pas revenu depuis et notre société vous a une seconde fois sommé par courrier LRAR du 31 décembre 2018 de reprendre votre poste ce que vous n’avez pas fait.
. Vous nous avez écrit par l’intermédiaire d’un avocat par LRAR du 4 janvier 2019 en sollicitant le paiement de vos salaires de novembre et décembre 2018 ainsi que pour fixer une date de reprise.
. S’agissant du paiement de vos salaires, nous avons fait répondre par notre conseil que votre prétention ne saurait être acceptée par la société AB BATIGNOLLES dans la mesure où vous ne vous étiez pas manifesté pendant les mois en question pour reprendre votre travail.
Qu’en outre et s’agissant de la reprise de votre poste de travail, notre société vous a écrit à plusieurs reprises en vous demandant de réintégrer la société sans délai ce que vous n’avez pas fait.
Les faits qui vous sont reprochés constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise.’
Le procès-verbal de constat d’huissier du 24 octobre 2018 versé aux débats établit que la société BAO a fait procéder à un ‘affichage public à l’attention des salariés de l’entreprise’ pour les informer de sa volonté de céder son fonds de commerce. Le salarié ne peut donc soutenir avoir été tenu dans l’ignorance de cette cession.
S’il résulte des éléments versés aux débats que l’employeur a adressé les 2 et 22 novembre 2018 des lettres à l’ancienne adresse du salarié par erreur et s’il n’est pas contesté que le restaurant a été fermé pendant six semaines pour travaux après la cession du fonds de commerce, les attestations circonstanciées produites par l’employeur établissent que :
– les deux salariés du fonds cédé ont été convoqués par le repreneur lors de la cession du fonds. Au cours de cet entretien, le salarié a émis le souhait de ne pas rester dans le restaurant et de conclure une rupture conventionnelle, les parties se sont accordées sur le principe de cette rupture et le cessionnaire a demandé au salarié de formaliser sa demande par écrit avant un nouvel entretien,
– le salarié ne s’est jamais présenté à son poste de travail pendant les travaux de rénovation,
– il ne s’est pas rendu au rendez-vous du 21 décembre 2018 après-midi.
La volonté du salarié de mettre fin au contrat de travail par une rupture conventionnelle ‘pour 2 500 euros’ résulte également des SMS échangés avec son ancien employeur versés aux débats.
Aucun élément ne permet de retenir, comme l’allègue le salarié, que l’employeur aurait eu la volonté de faire échec au transfert légal des contrats de travail des deux salariés, mentionné au demeurant par l’acte de cession du fonds de commerce. La cour relève de surcroît que le contrat de travail du second salarié transféré s’est poursuivi.
Les attestations versées aux débats par le salarié ne contredisent pas utilement les pièces produites par l’employeur en raison de leur imprécision pour la première, de ce qu’elle fait état du ressenti de son auteur pour la deuxième, et de ce qu’elle est contredite par l’acte d’huissier pour la dernière.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour retient que l’employeur établit la matérialité des griefs, lesquels rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifiaient son licenciement pour faute grave. La cour confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
L’équité commande d’allouer à l’employeur la somme de 300 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Le salarié, qui succombe, supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
– Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
– Condamne M. [H] à verser à la société AB Batignolles la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne M. [H] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE