Convention de rupture conventionnelle : 30 mars 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01683

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Convention de rupture conventionnelle : 30 mars 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01683

AFFAIRE : N° RG 21/01683 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FTXR

 Code Aff. :

ARRÊT N° AP

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT PIERRE en date du 27 Août 2021, rg n° 19/00272

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 30 MARS 2023

APPELANT :

Monsieur [X] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Isabelle Lauret, avocat au barreau de Saint-Pierre de la Réunion

INTIMÉE:

S.A.S. COTRANS AUTOMOBILES, SAS au capital de 10.507.300,00 euros, immatriculée au RCS de Saint Denis sous le n°SIREN 444.285.829, agissant poursuite et diligences par son Président domicilié audit siège;

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Olivier Chopin de la Selarl Codet-Chopin, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion

Clôture : 5 septembre 2022

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Décembre 2022 devant la cour composée de :

Président : M. Alain Lacour

Conseiller : Monsieur Laurent Calbo

Conseiller : Madame Aurélie Police

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 23 février 2023.

ARRÊT : mis à disposition des parties le 23 février 2023 puis prorogé à cette date au 30 mars 2023

Greffier lors des débats : Mme Delphine Grondin

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige :

M. [I] a été embauché par la société Cotrans Automobiles (la société), en qualité de conseiller commercial puis de chef des ventes, statut cadre, à compter du 2 janvier 2009.

Une rupture conventionnelle du contrat de travail est intervenue en date du 13 juillet 2017.

M. [I] a de nouveau été embauché par la société Cotrans Automobiles, selon contrat à durée indéterminée du 15 juin 2018 à effet du 18 juin 2018, en qualité de chef de ventes.

Le 20 juin 2019, M. [I] a été licencié « pour cause réelle et sérieuse ».

Contestant son licenciement et sollicitant l’indemnisation de son préjudice, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre de la Réunion qui a, par jugement du 27 août 2021, débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné à payer à la société Cotrans Automobiles la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil et aux dépens.

Appel de cette décision a été interjeté par M. [I] le 29 septembre 2021.

Vu les dernières conclusions notifiées par la société Cotrans Automobiles le 25 mars 2022 ;

Vu les dernières conclusions notifiées par M. [I] le 24 juin 2022 ;

La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 septembre 2022.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

Sur ce :

Sur le licenciement

Selon l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’article L. 1232-6 du même code ajoute que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

L’article L. 1235-1 du même code ajoute également qu’à défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :

« Par courrier en date du 29 Mai 2019, adressé en lettre recommandée avec accusé de réception, nous vous avons convoqué à un entretien en vue d’un éventuel licenciement.

Vous vous êtes présenté à celui-ci, accompagné de Monsieur [L] [A], salarié de l’entreprise.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les faits qui nous ont conduit à mettre en ‘uvre la présente procédure. Malheureusement, les explications recueillies auprès de vous ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et nous conduisent à vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Il est, en effet, apparu que votre savoir être et plus spécifiquement votre attitude managériale à l’égard de membres de votre équipe se sont révélés particulièrement inadaptés au point que la société a été contactée par ceux-ci pour lui faire part des difficultés qu’ils rencontraient avec vous.

Ainsi, deux salariés de votre équipe, Messieurs [T] [B] et [W] [K] ont pris contact avec Madame [V], Responsable des ressources humaines, le 6 novembre 2018.

Ils lui ont confié que vous leur manquiez de respect en faisant des allusions et des blagues très imagées, en leur posant des étiquettes de  »RTTiste » qui se la  »coulaient douce ». Ils se sentaient ainsi dévalorisés comme s’ils avaient 14 ans ce qui était source de démotivation. L’un d’entre eux a exprimé le fait qu’il avait l’impression d’être votre  »tête de turc ».

Tous deux ont évoqué un management consistant à  »diviser pour mieux régner » et regrettaient la bienveillance de votre prédécesseur.

Monsieur [K] a précisé qu’il ne voulait plus travailler avec vous et souhaitait changer d’équipe. À défaut, il envisageait de quitter l’entreprise.

Un troisième salarié, Monsieur [C] [P], s’est également plaint le 19/10/2018, de votre manque d’impartialité lors de plusieurs différends survenus entre commerciaux. Il estimait que vous privilégiez systématiquement certains commerciaux sans objectivité ni argument. Il le vivait comme une injustice.

Sur ces trois salariés, l’un a démissionné et l’autre a sollicité une rupture conventionnelle.

À la suite de ces plaintes, Madame [V] vous a fait un retour de ces entretiens en vous demandant d’être vigilant à l’avenir et plus souple sur la manière de vous exprimer et de vous comporter. Elle vous a incité à analyser et identifier les talents de chacun, d’instaurer un esprit d’équipe pour travailler dans un climat plus serein et de confiance.

En dépit de cette intervention, Monsieur [F], Directeur de l’établissement de [Localité 4] qui a pris son poste au mois de Mars 2019, a rapidement identifié des tensions et une posture managériale inadaptée, se manifestant par un excès d’autorité.

Il vous a reçu en entretien fin mars 2019 pour vous conseiller d’adopter une attitude différente à l’égard des membres de votre équipe sans que vous ne teniez compte de ses remarques. Pour toute réponse, vous lui avait expliqué que vous justifiez d’une expérience de quatre ans sur le poste, sous-entendant ainsi que vous n’aviez pas de conseils à recevoir.

Le 29 Avril dernier, Madame [Z] [G] a sollicité un entretien avec Monsieur [F] afin de faire un bilan de son année de CQP (certificat de qualification professionnelle), souhaitant le réaliser avec le Directeur plutôt qu’avec vous. Elle a exprimé un certain ressentiment en raison d’une absence totale d’accompagnement, nous précisant, sans ménagement, que vous lui aviez refusé des formations sans raison valable ou du moins en raison du fait qu’elle n’était qu’en CQP.

Mais surtout, elle a évoqué avec Monsieur [F] des comportements irrespectueux qui ne sont pas en adéquation avec les valeurs que nous attendons d’un cadre. Vous avez tenu des propos sexistes à son égard, notamment à la suite d’un petit-déjeuner avec l’équipe en lui demandant de nettoyer puisqu’elle était une femme…

elle a appris que vous aviez précisé au Directeur du Centre de formation que vous n’entendiez pas la recruter car vous ne souhaitiez surtout plus de femme et encore moins avec un enfant.

Vous avez tenu des propos déplacés et sans fondement auprès de son formateur  »qu’elle ne fumait pas que des cigarettes », propos qu’elle a très mal vécus.

Son ressentiment à votre égard était tel qu’elle nous a confié avoir envisagé de quitter la société en Novembre 2018.

L’entreprise est moteur en matière de certification et contribue à la formation des jeunes en les accueillant régulièrement en stages, en apprentissage et en contrat de professionnalisation, dans le but de les former et de les intégrer par anticipation et de renforcer les équipes. Nous mettons en place des parcours d’intégration et désignons des tuteurs. Les comportements que vous avez eus vont à l’encontre des efforts et des engagements de la société.

De la même façon, vous avez géré en mars 2019, la fin d’un contrat de travail à durée déterminée de manière, là encore, tout à fait inappropriée. Vous êtes entré en conflit avec Monsieur [N] [D] et lui avez signifié qu’il devait quitter la société le soir même pour ne plus revenir. Vous n’êtes pas sans savoir que toute rupture de contrat ne peut intervenir sans le respect d’une procédure permettant au salarié de s’exprimer sur les griefs qui lui sont reprochés.

En agissant ainsi vous avez placé la société en risque juridique, obligeant Madame [V] à intervenir auprès de Monsieur [D] pour apaiser la situation. Grâce à cette intervention, la société a terminé son contrat et nous avons évité un contentieux potentiel.

Votre préavis d’une durée de trois mois débutera à la date de première présentation de la lettre de licenciement.

Au terme de votre contrat de travail, vos documents de fin de contrat seront tenus à votre disposition. Vous voudrez bien prendre l’attache du service des ressources humaines pour convenir d’un rendez-vous.

Nous vous informons également que vous pourrez bénéficier du maintien à titre gratuit des garanties de couverture complémentaire santé en vigueur dans notre entreprise, et ce pour une durée de douze mois.

Enfin, nous vous informons que nous levons la clause de non-concurrence contenue dans votre contrat de travail. ».

Bien que la société n’ait pas qualifié le licenciement dans la dite lettre, il apparaît en revanche qu’elle se place exclusivement sur le terrain de l’insuffisance professionnelle dans ses conclusions et que le salarié fonde également son argumentation sur cette seule cause de licenciement.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi qui relève de sa qualification.

Dans la lettre de licenciement, la société reproche à M. [I] d’avoir adopté un management inadapté, à savoir avoir tenu des propos dévalorisants voire sexistes à l’égard des membres de son équipe, d’avoir favorisé certains de ceux-ci, d’avoir fait usage d’un excès d’autorité, d’avoir refusé sans raison des formations et d’avoir pris la décision de rompre un contrat de travail en violation des règles juridiques.

La société verse aux débats l’attestation de M. [K] de laquelle il résulte que : « Mr [I] était assez souvent alcoolisé surtout du retour du déjeuner lors des jours travaillés.

Il lui est arrivé d’avoir des comportements déplacés envers ses collaboratrices féminines lors d’une soirée organisée par la société. Il s’est également dit qu’il était possible d’attacher les mains d’une ancienne collègue avec une cravate.

Des gestes obscènes ont également été constatés par plusieurs personnes pendant une autre soirée d’entreprise où Mr [I] très alcoolisé s’est mis à danser et se frotte de manière insistante sur une ancienne collaboratrice. ».

Mme [G] atteste quant à elle que : « – Durant ma formation, en tant que CQPVAC, à plusieurs reprises, j’ai demandé à Mr [X] [I] des formations en interne. Il me les a toutes refusé en m’informant que je n’y avais pas droit compte tenu de mon statut donc je n’ai pas fait de formation ni sur les financements, ni sur les produits et ni sur les logiciels utilisés dans le cadre de l’entreprise.

– De plus, toutes les tâches, qu’il m’a confié, n’avaient aucun but pédagogique en autre récupérer des voitures d’un site à l’autre, faire signer des contrats services pour les commerciaux de Mercedes ou encore faire leur relance client alors qu’on m’avait attribué les marques Suzuki et Mitsubishi.

– De son statut de Chef des Ventes, Mr [X] [I], ne m’a jamais donné les moyens d’apprendre et découvrir le métier de commercial automobile. Je n’ai pas eu d’objectifs à atteindre, ni de véhicule de service pour connaître mes produits et je n’étais pas non plus sur le planning. Il me prévenait toujours à la dernière minute pour soit faire des heures de permanence ou pour venir travailler le samedi.

– Enfin, au-delà de cette formation interne bâclée, j’ai eu droit à des remarques déplacées voire misogynes sous couvert de plaisanteries de la part de Mr [X] [I] me stipulant que mon rôle était de passer le balais ou de mettre en avant mes atouts féminins pour vendre. ».

Enfin, M. [D] atteste que : « Suite à un pot organisé par les gagnants d’un véhicule du jeu avec Carrefour, [X] [I] c’est permis de me dire devant plusieurs de mes collègues :  »un [N] converti Musulman qui boit pas l’alcools, on aura tout vu » en ricanant et après avoir plusieur fois refusé de boire avec lui. J’ai été rabaissé par ce jugement personnel qui est pas digne d’un cadre.

De plus, [X] c’est permis de draguer ouvertement une de mes clientes marié, qu’il connaissait, en lui envoyant des SMS perso pour l’inviter. Le mari de ma cliente s’en est apercus et il est venu se plaindre avec moi et un de mes collègues, puis avec [X].

Enfin à une semaine de la fin de mon CDD, [X] m’a demandé expressement et de manière forcée de vider mon bureau le soir même et de ne plus revenir demain. Il a justifié cette demande en prétextant avoir tout arrangé avec la direction et qu’il a plus besoin de mes services.

De nouveau, je me suis sentie rabaissé et très mal de subir autant d’ingratitude injustifiée.

J’ai travaillé 6 mois sous sa direction et pour moi il avait un comportement toxique qui détruisait le moral de son équipe. ».

M. [I] conteste les griefs qui sont formés à son encontre.

Il convient de relever qu’il ne résulte en effet aucunement des attestations dont la teneur est rappelée ci-dessus que M. [I] aurait tenu des propos dévalorisant auprès de Messieurs [B] et [K], aurait fait preuve d’excès d’autorité à leur égard ou aurait favorisé certains des membres de son équipe. M. [C] [P] atteste d’ailleurs du fait que : « Mon départ de Cotrans Automobiles n’a aucun rapport direct avec mon ancien responsable, Monsieur [I] [X], et je tiens à préciser que je n’ai jamais eu de problème avec lui. Lorsque j’en avais besoin il était présent, équitable et respectueux. », ce qui contredit les affirmations de l’employeur.

Il est en revanche établi que M. [I] a pu adopter des comportements inadaptés lors de soirées et à l’égard des femmes de son équipe. Pour autant, ces faits qui constituent des fautes de la part du salarié ne peuvent venir au soutien d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, terrain sur lequel se place l’employeur, dès lors qu’il sont décorrélés de ses capacités professionnelles.

Enfin, il est démontré que M. [I] a failli dans sa mission d’accompagnement et de formation de Mme [G] et a mis fin au contrat de travail de M. [D] en-dehors de tout cadre légal, exposant ainsi la société à des suites judiciaires.

Pour autant, M. [I] soutient n’avoir jamais été informé des reproches qui lui étaient faits quant à son management.

La société ne justifie en effet pas des rappels à l’ordre qui se seraient tenus avec Mme [V] ou M. [F], mentionnés dans la lettre de licenciement. De surcroît, l’entretien d’évaluation du 7 février 2019 fait état d’un niveau de performance décrite comme « bonne », hormis en matière de développement de la rentabilité de son service. En ce qui concerne son savoir-être, sa performance est également décrite comme bonne, étant précisé qu’il est mentionné que M. [I] : « Anime son équipe en étant au plus près de ses collaborateurs, [X] devra sur 2019 fédérer et motiver son équipe pour atteindre les objectifs » et « [X] est exemplaire dans sa tenue et disponibilité. [X] à su regagner la confiance des collaborateurs sur qui il peut compter en adoptant son management au caractère de chacun. ». Cette évaluation met donc plutôt en avant les qualités managériales de M. [I] et ne met certainement pas en exergue des manquements, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges.

En outre, si une formation relative à l’amélioration de sa méthode de management était envisagée pour l’année 2019, il apparaît que M. [I] n’a pas été mis en mesure de l’accomplir avant son licenciement, de sorte que ce dernier n’a pu être sensibilisé sur les progrès à accomplir en matière de management.

En conséquence, il convient d’en déduire que l’insuffisance dans le management de M. [I] n’est pas établie, de sorte que son licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse et que le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Vu l’article L. 1235-3 du code du travail, la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et la Charte sociale européenne ;

M. [I] considère qu’il convient de retenir une ancienneté au 2 janvier 2009 pour déterminer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est exact que les bulletins de paie font mention d’une ancienneté au 2 janvier 2009 et que cette mention fait présumer une reprise d’ancienneté du salarié.

Il convient toutefois de relever d’une part que la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, applicable en l’espèce, prévoit, en son article 1.13 relatif à l’ancienneté, qu’il est également tenu compte, le cas échéant, de la durée des contrats de travail antérieurs ayant lié le salarié à l’entreprise considérée, l’ancienneté correspondante étant alors calculée comme indiqué aux paragraphes précédents. Toutefois, les années d’ancienneté prises en considération pour le calcul d’une indemnité de rupture sont, en cas de nouvelle rupture suivant elle-même un réembauchage, réduites des années qui ont pu être antérieurement retenues pour le paiement d’une précédente indemnité.

Ainsi, si la convention collective prévoit une reprise d’ancienneté pour les contrats antérieurs, elle exclut en revanche la prise en compte des années d’ancienneté acquises dans le cadre d’un précédent contrat pour le calcul d’une indemnité de rupture allouée dans le cadre d’un second contrat.

D’autre part, il résulte du contrat du 15 juin 2018 qu’aucune reprise d’ancienneté n’y est stipulée et qu’une période d’essai a été prévue. De surcroît, il est démontré que les parties se sont entendues sur l’absence de reprise d’ancienneté, M. [I] ayant rempli en date du 20 juin 2018 une demande d’adhésion au titre chèques déjeuners, demande dont il sollicite la mise en ‘uvre postérieurement à l’acquisition de trois mois d’ancienneté.

La mention apposée sur les bulletins de paie relative à une ancienneté au 2 janvier 2009 apparaît donc erronée. M. [I], embauché au 18 juin 2018, dispose, pour le calcul de l’indemnité, d’une ancienneté d’une année et trois mois.

M. [I] sollicite une indemnité correspondant à 24 mois de salaire, considérant que malgré les décisions du Conseil constitutionnel du 5 août 2015, du Conseil d’État du 7 décembre 2017 et avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019, les juges disposent toujours de la possibilité d’effectuer un contrôle in concreto de conventionnalité de l’article L. 1235-3 du code du travail avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Au soutien, M. [I] indique que l’acharnement et l’intimidation qu’il a subis pour qu’il accepte une rupture conventionnelle de son contrat de travail justifient l’indemnisation sollicitée pour une réparation intégrale de son préjudice.

Néanmoins, les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la convention susvisée, de sorte qu’il ne sera pas dérogé aux dispositions du code du travail, compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la convention de l’OIT, ainsi que l’a retenu la Cour de cassation dans ses arrêts du 11 mai 2022.

En outre, les dispositions de la Charte sociale européenne ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

M. [I] évalue son salaire brut mensuel à 5 349 euros tandis que la société retient un salaire brut mensuel de 4 500 euros.

Il résulte de l’examen des bulletins de paie que M. [I] a perçu un salaire brut mensuel de 4 500 euros sur une période de treize mois. De plus, il convient d’ajouter au salaire brut l’avantage en nature pour la voiture de 279 euros, chaque mois, ainsi que les deux primes sur objectifs perçues aux mois de mai et juin 2019 de 570 et 850 euros. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il apparaît que M. [I] a perçu un salaire brut moyen de 5 272,33 euros sur les douze mois précédent son licenciement.

En conséquence, il en sera fait une juste réparation par la condamnation de la société à lui payer la somme de 5 272,33 euros, correspondant à un mois de salaire.

Sur la recevabilité des demandes indemnitaires

Selon les articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, M. [I] sollicite l’octroi des sommes de 64 188 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et de 32 094 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat.

Il est constant que ces demandes n’ont pas été présentées en première instance.

Pour autant, il apparaît que ces demandes de dommages et intérêts sont fondées sur les conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu, de sorte qu’elles sont nécessairement le complément de celle formée en première instance pour indemniser la rupture du contrat de travail.

Les demandes de dommages et intérêts rappelées ci-dessus seront donc déclarées recevables.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et brutal

M. [I] soutient que son licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires aux motifs que les griefs formés à son encontre étaient infondés et que la raison de son licenciement serait sa mésentente avec son supérieur hiérarchique et son refus d’une rupture conventionnelle.

Le bien-fondé d’une demande de dommages-intérêts à raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail est toutefois indépendante du bien-fondé de celle-ci. Ainsi, le fait que le licenciement ait été reconnu sans cause ou encore que certains griefs n’aient pas été démontrés sont indifférents à établir une faute de la part de l’employeur dans les circonstances dans lesquelles la rupture est intervenue.

De surcroît, M. [I] ne démontre pas avoir subi des pressions de la part de son employeur pour quitter l’entreprise ou pour signer la convention de rupture conventionnelle, celui-ci pouvant toujours engager des démarches et des pourparlers avec le salarié.

M. [I] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ou brutal.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

M. [I] soutient que la mauvaise foi avec laquelle l’employeur a exécuté le contrat de travail a entraîné une dégradation de son état de santé, devant être suivi pour syndrome anxiodépressif. Il fait état d’intimidations de la part de M. [F], directeur arrivé au mois de mars 2019, de reproches injustifiés et d’une mise à l’écart.

Pris dans leur ensemble, ces éléments laissent supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe par conséquent à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société conteste l’intégralité des faits, soulignant que l’arrêt maladie du salarié date du jour où la convocation à l’entretien préalable lui a été remise et qu’aucun grief n’avait été formulé par le salarié précédemment.

Il apparaît en effet que M. [I] ne démontre pas avoir subi une mise à l’écart ou de propos menaçants de la part de ses supérieurs hiérarchiques. De même, M. [I] ne peut soutenir avoir reçu des reproches injustifiés dès lors que certains collaborateurs attestent avoir subi des comportements inappropriés de sa part et qu’il reconnaît n’avoir pas été informé avant l’engagement de la procédure de licenciement de manquements.

Les agissements de la société sont donc étrangers à tout fait de harcèlement.

En outre, la reconnaissance par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion du caractère professionnel de l’accident survenu le 29 mai 2019 est sans emport sur la démonstration d’une exécution fautive du contrat de travail.

Enfin, l’indemnisation des dommages résultant de l’accident du travail du 29 mai 2019 qui relève spécifiquement de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ne peut être fondée sur l’exécution déloyale du contrat de travail.

En conséquence, M. [I] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 27 août 2021 par le tribunal de prud’hommes de Saint-Pierre de la Réunion en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare le licenciement de M. [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Cotrans Automobiles à payer à M. [I] la somme de 5 272,33 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit recevables les demandes de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Déboute M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

Déboute M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Cotrans Automobiles de sa demande au titre des frais non répétibles ;

Condamne la société Cotrans Automobiles à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre des frais non répétibles ;

Condamne la société Cotrans Automobiles aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Calbo, conseiller, et par Mme Grondin, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Pour le président empêché

Delphine Grondin Laurent Calbo, conseiller

 


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