Convention de rupture conventionnelle : 27 mai 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/01271

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Convention de rupture conventionnelle : 27 mai 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/01271

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 817/22

N° RG 19/01271 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SL7O

AM/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

29 Avril 2019

(RG F17/00205 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [Y] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Corinne PHILIPPE, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/02/22/002401 du 24/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A.S. ACCESS’OR

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS :à l’audience publique du 22 Mars 2022

Tenue par Alain MOUYSSET

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 mars 2022

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat de travail à durée déterminée Mme [Y] [N] a été embauchée le 18 novembre 2013 par la société OR LINE, aux droits de laquelle vient la société ACCESS OR, qui est l’une des sociétés détenues par la société JSK DEVELOPPEMENT, en qualité de vendeuse.

Le 10 janvier 2014 les parties ont régularisé un contrat à durée indéterminée, dont la durée de travail a été fixée à 30 heures par semaine suivant avenant du 1er septembre 2014

Le 14 mai 2016 les parties ont conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail, et sollicité son homologation par la DIRECCTE, qui a fait droit à leur demande.

Le 9 mai 2017 la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes, lequel par jugement en date du 29 avril 2019 a débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes, en la condamnant à payer à la société la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Le 29 mai 2019 la salariée a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 24 février 2022 par la salariée.

Vu les conclusions déposées le 20 novembre 2019 par la société.

Vu la clôture de la procédure au 21 mars 2022.

SUR CE

De la demande en nullité de la convention de rupture conventionnelle

Lorsqu’à la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, un salarié est dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en sont découlés, celui-ci peut se prévaloir d’un vice de son consentement, et par là même de la nullité de la convention de rupture conventionnelle.

Il convient de rappeler à ce titre qu’en cas de litige, l’article L. 1154-1 du code du travail dispose que le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe à la partie adverse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce il y a donc lieu dans de rechercher si la salariée a été victime d’un harcèlement moral l’ayant placée dans une situation de violence morale dont il est découlé des troubles psychologiques, de sorte que son consentement à la convention de rupture conventionnelle a été vicié.

Il convient tout d’abord de constater que les deux parties s’expliquent à titre liminaire dans leurs écritures sur la production par la salariée d’attestations émanant de collègues de travail étant également en litige avec la société, laquelle stigmatise la situation de Mme [V], en soulignant ce qu’elle considère comme des contradictions décribilisant non seulement son dossier mais aussi celui des autres salariés.

Si les témoignages émanant de salariés étant également en litige avec la société doivent être examinés avec circonspection, compte tenu des risques d’impartialité pouvant être induits par une telle situation, pour autant ils peuvent être pris en compte s’ils sont corroborés par des éléments objectifs relativement aux faits qu’ils décrivent.

S’agissant de la situation de Mme [V], le fait que cette dernière ait parallèlement et même postérieurement à la signature d’une convention de rupture conventionnelle formalisé sa satisfaction quant au déroulement de la relation de travail au sein de la société, tout en indiquant que sa demande de rupture conventionnelle est la conséquence d’un changement de lieu géographique de vie, est seulement de nature à fournir des arguments à l’employeur quant à l’absence de vice de son consentement.

Le lien établi par la société entre sa situation et celle des autres salariées ne peut pris en compte que relativement à l’utilisation par l’une de ses collègues de travail d’un éventuel témoignage, et la possibilité de ne pas reconnaître à ce dernier de force probante, ce qui ne prive pas l’autre salariée de la faculté de se prévaloir d’autres éléments.

Il y a lieu par ailleurs d’observer que les allégations de la société selon lesquelles les demandes des différentes salariées seraient le résultat d’une concertation, voire le signe d’un complot, ne reposent sur aucun élément objectif, étant précisé d’une part qu’il n’est pas impossible que les agissements de harcèlement moral aient été commis à l’égard de plusieurs personnes, et d’autre part que la salariée indique avoir pris conscience de ne pas avoir été la seule à subir de tels actes.

S’agissant de la situation de Mme [N] il convient de constater qu’elle présente des éléments, qui pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.

En effet la salariée ne se prévaut pas des mêmes éléments que certaines de ses collègues de travail, à savoir notamment des notes de service et des difficultés relativement à des aménagements du temps de travail.

Elle invoque essentiellement des agissements dont attestent des collègues de travail, dont les témoignages doivent être examinés avec circonspection compte tenu des risques d’impartialité au regard de leur propre implication dans le litige avec l’employeur, alors que des membres de son entourage font état de ses difficultés psychologiques à la suite du comportement de son employeur.

Or aucun élément objectif ne vient corroborer les allégations de ces témoins, qui font référence à des situations particulières notamment relatées par Mme [N], sans que des pièces ne viennent conforter de telles allégations.

Les documents remis par la salariée présentant un caractère objectif sont trois messages émanant du gérant de la société.

Il convient de constater que dans une note du 31 mars 2016 la société a tenus des propos accusateurs à l’égard des vendeuses en faisant état d’une volonté de recourir à des arrêts de complaisance dans certaines situations.

En effet dans cette note à destination de l’ensemble des vendeuses, la société n’hésite pas à indiquer à ces dernières « nous savons en toute transparence, que dans le cas de refus de notre part pour les dates indiquées nous pourrions subir soit des éventuels arrêts maladie de complaisance soit une volonté délibérée de ne pas réaliser les objectifs en chiffre d’affaires ».

Le contenu de cette note est révélateur de la pression exercée par la société à l’égard des vendeuses quant aux dates de congés pouvant leur être attribuées, et ce d’autant que dans ce même document il est précisé « il est grand temps que chacune prenne conscience ou se rappelle que si les congés est un droit acquis, il y a avant tout des devoirs envers l’entreprise qui lui a fait confiance en acceptant de l’intégrer dans la société pour se consacrer aux missions contractuelles ».

Cette note contient également des accusations relativement à des attitudes frauduleuses de salariées par fourniture d’arrêts de travail de complaisance, et des manquements professionnels par le biais d’une volonté délibérée de limiter le chiffre d’affaires.

Il n’en demeure pas moins que ce ton suspicieux et accusateur, constitue un fait isolé, alors même que les agissements doivent être répétés pour constituer un harcèlement moral.

En effet la note du 1er mars 2016 contient la délivrance d’une consigne consistant à abandonner toute activité en présence d’un client et de se consacrer à ce dernier, en précisant « Nous vous conseillons vivement de mettre les clients au centre de vos intérêts ».

La salariée, qui indique que l’attitude dénoncée ne la concernait pas puique seule était stigmatisé le comportement de deux vendeuses d’une boutique, considère que ladite note constitue une menace à peine voilée.

Toutefois un employeur a le droit de délivrer des consignes et de demander à des salariés de s’y conformer en leur rappelant éventuellement les conséquences de leur non respect, étant précisé que l’exercice du pouvoir discipliaire n’est pas évoqué par l’employeur.

Par ailleurs l’usage du terme vivement ne revêt aucun caractère insultant, et peut être interprété comme le reflet de l’importance accordée par l’employeur à cette consigne, et la nécessité de la respecter.

La deuxième note du même jour stigmatise l’absence de retrait de courriers adressés en recommandés de la part de certaines salariés, en rappelant à ce titre que les consignes contenues dans ces missives leur sont pour autant applicables, et souligne qu’un tel comportement pourrait être interprété comme une volonté délibérée de ne pas prendre connaissance des dernières dispositions.

Il apparait ainsi que cette dernière note non seulement ne s’inscrit pas dans le même registre que celle du 31 mars 2016 et n’en constitue pas la répétition, mais aussi qu’elle ne peut être qualifiée d’un agissement de harcèlement moral distinct.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la salariée ne justifie pas d’un vice de son consentement lors de la conclusion de la convention de rupture conventionnelle, en lien avec un harcèlement moral, dont l’existence ne peut être retenue.

Par voie de conséquence la salariée doit être déboutée de sa demande en nullité et de ses demandes subséquentes indemnitaires, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

De la demande en dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité

Le jugement entrepris doit être confirmé quant au rejet de la demande de la salariée en dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, dès lors qu’indépendamment de la question de la constatation d’une telle violation, la salariée ne fait pas état d’un préjudice en lien avec une telle situation, se contentant d’affirmer que celle-ci lui cause nécessairement un préjudice, dont la réalité n’est pas ainsi établie.

De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte qe le jugement entrepris doit être infimé sur ce point.

Des dépens

La salariée doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné Mme [Y] [N] au paiement de la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant en appel qu’en première instance,

Condamne Mme [Y] [N] aux dépens.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Monique DOUXAMI

 


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