27/01/2023
ARRÊT N° 2023/53
N° RG 21/04244 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ONR7
SB/KS
Décision déférée du 13 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALBI
( 20/00040)
SECTION ENCADREMENT
[L] [S]
C/
S.A.S. API RESTAURATION
INFIRMATION PARTIELLE
Grosses délivrées
le 27/01/2023
à
Me Nicole BABEAU
Me Jean-françois CORMONT
ccc
le 27/01/2023
à
Me Nicole BABEAU
Me Jean-françois CORMONT
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [L] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Nicole BABEAU, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.S. API RESTAURATION
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-françois CORMONT de la SELARL AUXIS AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUME, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : K. SOUIFA
lors du prononcé : C.DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [S] a été embauché le 1er septembre 2017 par la société Api restauration en qualité de chef de secteur suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du Personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983.
Par un entretien du 21 janvier 2020, Monsieur [S] et la société Api restauration se sont accordés sur la signature d’une rupture conventionnelle . Un délai de rétractation a été fixé jusqu’au 5 février 2020 et une rupture du contrat de travail effective
au 29 février 2020.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’Albi le 13 mai 2020 pour solliciter la requalification de cette rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes d’Albi, section encadrement, par jugement
du 13 septembre 2021, a :
– dit que l’acte de rupture conventionnelle est valide,
– débouté Monsieur [S] de la totalité de ses demandes sur la remise en cause de la rupture conventionnelle, de sa demande à bénéficier de l’avantage en nature constitué par la fourniture de repas,
– condamné Monsieur [S] à payer à la société Api restauration la somme
de 200,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné Monsieur [S] aux entiers dépens.
***
Par déclaration du 15 octobre 2021, Monsieur [S] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 15 septembre 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 5 janvier 2022, Monsieur [S] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* considéré la convention de rupture conventionnelle valide,
* débouté Monsieur [S] de sa demande sur la remise en cause de la rupture conventionnelle et de sa demande à bénéficier de l’avantage en nature constitué par la fourniture de repas,
* a condamné Monsieur [S] à payer à la société Api restauration les entiers dépens et la somme de 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
– déclarer nulle la convention de rupture conventionnelle pour vice du consentement,
– requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et en conséquence,
– condamner la société Api restauration au paiement de l’indemnité de licenciement de 2 827,95 euros,
– condamner la société Api restauration au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis de 13 574,16 euros et à 1 357,41 euros au titre des congés payés y afférents,
– condamner la société Api restauration à des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 15 836.52 euros,
– condamner la société Api restauration à transmettre l’attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte rectifiés à Monsieur [S],
– condamner la société Api restauration au paiement de l’avantage en nature au titre des repas pour un montant de 2 332,70 euros pour les années 2017 à 2019,
– condamner la société Api restauration au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner la société Api restauration aux entiers dépens.
M.[S] conclut à la nullité de la rupture conventionnelle et sollicite la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le paiement des indemnités de rupture. Il fait valoir:
– qu’il n’a pas sollicité de rupture conventionnelle,
– qu’il n’a pas été assisté lors de l’entretien alors que la lettre de convocation remise en main propre le 20 janvier 2020 pour le lendemain le prévoyait,
-qu’il n’a pas bénéficié d’une possibilité de réflexion , la signature étant intervenue le jour de l’entretien,
– qu’il a été privé de son droit de rétractation à défaut de remise d’un exemplaire de l’acte de rupture,
Il estime également être fondé à prétendre à l’indemnité repas pour la période de septembre 2017 à septembre 2019, s’agissant d’un avantage en nature prévu par la convention collective nationale du personnel de restauration des collectivités.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 11 mars 2022, la société Api restauration demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* jugé la convention de rupture conventionnelle valide,
* débouté Monsieur [S] de l’intégralité de ses demandes formulées tant au titre de la rupture que de l’avantage en nature,
* condamné Monsieur [S] au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
A titre principal :
– débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
– limiter le préavis à la somme de 11 250 euros outre 1 125 euros au titre des congés payés,
– condamner Monsieur [S] à rembourser l’indemnité de rupture conventionnelle et compenser avec l’indemnité de licenciement,
– limiter le montant des dommages et intérêts conformément au barème de l’article L1235-3, soit à la somme de 12 187,50 euros,
– le débouter de ses autres demandes,
En tout état de cause :
– condamner Monsieur [S] à verser à la société Api restauration la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 à hauteur d’appel.
Elle objecte qu’elle a respecté l’ensemble des dispositions légales et réglementaires applicables à la convention de rupture conventionnelle ainsi que l’a relevé le conseil de prud’hommes, et que le salarié ne rapporte pas la preuve d’un vice de son consentement lors de la signature de l’acte. Il soutient qu’un exemplaire de la convention de rupture a été remis au salarié le jour de la signature ainsi qu’en atteste M.[T] et qu’il n’est justifié d’aucune pression ni menace à son encontre en vue d’obtenir la signature de la convention.
Elle ajoute que le salarié, chef de secteur, ne peut bénéficier de l’avantage en nature nourriture qui est réservé aux personnels de service.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date
du 10 novembre 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure
civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la convention de rupture amiable
Selon l’article L1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
En vertu de l’article L1237-12 les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié, soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Il s’agit là d’une possibilité et non d’une obligation , et le salarié qui prétend que la lettre de convocation remise par l’employeur la veille de l’entretien mentionnait la possibilité d’assistance par un salarié se trouvant dans le département du Nord (59) – circonstance rendant matériellement impossible son assistance le lendemain – s’abstient de produire la lettre de convocation dont il excipe, privant la cour de la possibilité d’apprécier le caractère éventuellement erroné des indications fournies par l’employeur.
De plus aucun délai n’est imposé entre l’entretien et la signature de la convention de rupture amiable.
L’article L.1237-13 du code du travail fait bénéficier aux parties d’un droit de rétractation, à exercer dans un délai de quinze jours calendaires à compter de la date de signature par les deux parties.
Tirant les conséquences de ces dispositions, la cour de cassation a, au terme d’une jurisprudence constante initiée par un arrêt du 6 février 2013 n°1127000 , dit que seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permettait de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause, et qu’à défaut d’une telle remise la convention est nulle.
En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.
Il est constant que l’employeur a eu un exemplaire de la convention de rupture puisque c’est lui qui l’a adressé à la DIRRECTE, aucune contestation n’étant émise par le salarié sur l’envoi de la convention à la DIRRECTE.
Si le formulaire rempli par les parties ne mentionne pas qu’un exemplaire a été remis au salarié, l’employeur produit une attestation de M.[T] directeur régional qui a reçu le salarié lors de l’entretien du 21 janvier 2020, certifiant la remise de la convention de rupture à M. [S] le jour de sa signature.
Ce témoignage, accueilli avec prudence par la cour en ce qu’il émane d’un membre de la direction qui a régularisé la convention de rupture, se trouve conforté de façon sérieuse par la production de l’acte concerné par le salarié lui-même dès la première instance.
Le salarié qui convient d’une remise de la convention par l’employeur affirme que celle-ci est intervenue tardivement lors de la remise du solde de tout compte le 6 mars 2020, sans toutefois en justifier et alors même que ledit reçu mentionne la liste des documents remis au salarié, au nombre desquels ne figure pas la convention de rupture.
Au surplus, alors que le salarié expose de façon détaillée et circonstanciée sa contestation sur les conditions de la rupture au directeur de la sociétéAPI Restauration
dans un courriel du 24 février 2020 , il s’abstient de solliciter la délivrance de la convention de rupture dont il évoque pourtant plusieurs mois après le défaut de remise, ce qui prive de caractère probant l’affirmation selon laquelle il n’aurait obtenu copie du document que lors de l’envoi du reçu pour solde de tout compte le 5 mars 2020.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments, que le salarié s’est vu remettre un exemplaire de la convention de rupture le 21 janvier 2020 et a pu avoir connaissance du délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la signature de l’acte, expressément mentionné dans la convention.
Par ailleurs , aucun élément fourni par le salarié ne vient par ailleurs établir la réalité de pressions ou manoeuvres de l’employeur ayant vicié son consentement le jour de la signature.
Au vu de ces éléments, la nullité de la convention de rupture pour vice de consentement et défaut de remise d’un exemplaire de l’acte le jour de la signature, susceptible d’avoir privé le salarié du droit de rétractation par méconnaissance du délai imparti, a été justement écartée par les premiers juges.
Les demandes financières fondées sur la nullité de la rupture conventionnelle analysée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peuvent donc prospérer.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur l’avantage en nature
Selon l’article 22 de la convention collective nationale du personnel des collectivités, ‘l’employeur est tenu de nourrir gratuitement son personnel de service, lorsqu’il est présent sur les lieux de travail au moment des repas. La nourriture sera saine, abondante et variée.
Le personnel des bureaux et des sièges sociaux des entreprises présent au travail bénéficiera, pour le repas consommé dans le restaurant mis à sa disposition, d’une participation patronale ou du comité d’entreprise égale à la valeur du ticket d’admission plafonné à 8,50 F (plafond révisé automatiquement lors de chaque relèvement par l’administration fiscale)’.
L’article 1er de l’arrêté du 10 décembre 2002 dispose:
« Pour le personnel des entreprises compris dans le champ d’application de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, de la convention collective nationale de restauration de collectivités, de la convention collective nationale de la restauration rapide, de la convention collective nationale des chaînes de cafétérias et assimilés et de la convention collective nationale des casinos, que les conditions particulières de travail, les accords collectifs ou les usages imposent à l’employeur de nourrir gratuitement, en totalité ou en partie, dans l’établissement, la valeur de cet avantage est fixée par les dispositions de l’article D. 141-6 du code du travail. »
Selon l’article D3231-10 du code du travail, ‘lorsque l’employeur fournit la nourriture, toute ou partie, cette prestation en nature est évaluée par convention ou accord collectif de travail.
A défaut, la nourriture est évaluée par journée à deux fois le minimum garanti ou, pour un seul repas, à une fois ce minimum’.
Il résulte de l’ensemble des dispositions qui précèdent que l’avantage en nature prévu par la convention collective est obligatoire non seulement pour le personnel de service mais aussi pour le personnel des bureaux présent au travail, contrairement à l’analyse retenue par les premiers juges.
Le salarié doit donc être nourri par l’employeur ou recevoir une indemnité compensatrice.
L’analyse des bulletins de salaire révèle du reste que le salarié a bien perçu cet avantage en nature repas sur une courte période d’octobre 2019 à décembre 2019.
Il est donc fondé à solliciter le paiement de cet avantage en nature sur la période de 3 ans précédant la saisine du conseil de prud’hommes le 13 mai 2020 , soit sur la période du 1er septembre 2017 , date d’embauche, au 29 février 2020, date d’effet de la rupture.
L’avantage en nature « nourriture » est évalué conformément aux dispositions du code du travail. Dans ce secteur professionnel, l’avantage en nature repas est donc égal à une fois le minimum garanti par repas soit :
– 4,75€ au 1er janvier 2017
– 4,80 € au 1er janvier 2018
– 4,85 € au 1er janvier 2019
Cet élément variable de la rémunération est attribué en fonction du nombre de jours travaillés dans le mois.
Sur la base des bulletins de salaire produits et des éléments de calcul détaillés et exacts fournis par le salarié en page 9 de ses conclusions,il sera fait droit à la demande à hauteur de 2 332,70 euros selon le détail suivant:
– 370,50 euros en 2017
– 1228 euros en 2018
– 834,20 euros en 2019
Sur les demandes annexes
La SAS API Restauration, partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.
M.[S] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La SAS API Restauration sera donc tenue de lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.
Le jugement entrepris est infirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
La SAS API Restauration est déboutée de sa demande formée au titre des frais et dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement , contradictoirement, en dernier ressort
Infirme le jugement déféré en ses dispositions ayant débouté M.[S] de sa demande au titre de l’avantage en nature nourriture ainsi qu’en celles relatives aux frais et dépens
Le confirme pour le surplus
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Condamne la SAS API Restauration à payer à M.[L] [S] la somme
de 2 332,70 à titre d’avantage en nature nourriture
Rejette toute demande plus ample ou contraire
Condamne la SAS API Restauration aux entiers dépens de première instance et d’appel
Condamne la SAS API Restauration à payer à M.[L] [S] la somme
de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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