Convention de rupture conventionnelle : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/02517

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Convention de rupture conventionnelle : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/02517

MHD/PR

ARRET N° 686

N° RG 20/02517

N° Portalis DBV5-V-B7E-GDR5

[J]-[O]

C/

S.A. SYSTEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 octobre 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE

APPELANT :

Monsieur [N] [J]-[O]

né le 16 juillet 1976 à [Localité 5] (17)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Laurence AUDIDIER-ANTONA de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE :

S.A. SYSTEL

N° SIRET : 331 633 123

[Adresse 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Me Xavier BOREL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 septembre 2022, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, légitimement empêché et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 janvier 1999, Monsieur [N] [J]-[O] a été engagé par la SA Systèmes et Télécommunications (dite SYSTEL), entreprise en Systèmes et Télécommunications auprès de la Sécurité Civile, sapeurs-pompiers et SAMU comptant 130 salariés.

Il occupait en dernier lieu les fonctions de Directeur commercial, catégorie cadre Niveau II coefficient 114 suivant les dispositions de la Convention collective de la Métallurgie.

Le 13 mars 2019, salarié et employeur ont signé une rupture conventionnelle aux termes de laquelle le contrat de travail de Monsieur [J] prenait fin le 30 avril 2019.

Par courrier en date du 26 août 2019, le conseil de Monsieur [J] a mis vainement en demeure l’employeur de régler à son client des rappels de salaires au titre d’indemnités de congés payés calculées en tenant compte de ses commissions annuelles sur le chiffre d’affaires réalisé et des heures supplémentaires qu’il aurait effectuées.

Par requête du 4 février 2020, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle afin de voir prononcer la condamnation de son employeur à lui payer notamment des rappels d’indemnités de congés payés, des rappels de salaires au titre d’heures supplémentaires avec congés payés et indemnité pour travail dissimulé outre une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 20 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de La Rochelle a :

– débouté Monsieur [J]-[O] de ses demandes excepté le paiement par son employeur de 3668,95€ au titre de congés payés dus,

– condamné la société SA Systel à verser à Monsieur [J]-[O] la somme de 3 668, 95 € au titre des congés payés dus,

– condamné Monsieur [J]-[O] à verser à la SA Systel la somme de 700 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile’ et aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 6 novembre 2020, Monsieur [J]-[O] a interjeté appel de cette décision.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée en cet état de la procédure le 24 août 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 23 décembre 2020 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [N] [J]-[O] demande à la Cour de :

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de La Rochelle le 20 octobre 2020, sauf en ce qu’il a condamné la société SYSTEL à lui verser une somme de 3668,95 € au titre de l’indemnité de congés payés ;

– par conséquent :

– juger que la société n’a pas respecté les dispositions relatives au calcul de l’indemnité de congés payés et qu’il a effectué des heures supplémentaires sans contrepartie financière ou repos ;

– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

° 4 151,11 € bruts au titre d’un rappel indemnité de congés payés,

° 45 838,73 € bruts au titre d’un rappel de salaire heures supplémentaires,

° 4 583,87 € bruts au titre de congés payés sur rappel de salaire,

° 43 904,59 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

° 2 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société aux dépens et aux intérêts de droit.

Par conclusions du 23 mars 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société SYSTEL SA demande à la Cour de :

– lui donner acte, nonobstant la prescription de l’action en paiement des congés payés, du règlement de la somme de 3 668.95 € correspondant à la différence entre la méthode du maintien de la rémunération et celle plus favorable de la règle du 1/10ème de la rémunération de référence;

– juger ce paiement libératoire ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de sa demande en paiement de 4 151.11 € bruts pour solde de l’indemnité de congés payés ;

– juger l’inexistence d’heures supplémentaires ;

– dire et juger que Monsieur [J] ne rapporte pas la preuve, en tout état de cause, de l’accomplissement d’heures supplémentaires sur ordre de l’employeur ou avec son accord implicite ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de sa demande en paiement de rappel d’heures supplémentaires et des congés payés y afférents ;

– constater qu’elle n’a pas eu recours au service de Monsieur [J] en méconnaissance des dispositions de l’article L 8221-5-2° du code du travail ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de sa demande en paiement de 43 904.59 € au titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– le confirmer en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de toutes ses autres demandes ;

– condamner Monsieur [J] au paiement de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

SUR QUOI,

I – SUR LE RAPPEL DE CONGES PAYÉS :

A – Sur la prescription :

En application de l’article L3245-1 du code du travail, ‘l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.’

Il en résulte que le salarié dispose d’un délai de trois ans – courant à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (Cass. soc., 14 nov. 2013, no 12-17.409 ; Cass. soc., 29 mars 2017, no 15-22.057) – pour demander un rappel d’indemnité de congés payés.

***

En l’espèce, l’employeur soutient que l’action en paiement d’un rappel de congés payés est prescrite pour toutes les sommes réclamées avant le 4 février 2017 – le contrat ayant été rompu le 3 avril 2019 et l’action engagée le 4 février 2020 – dans la mesure où le salarié connaissait la méthode appliquée par l’entreprise pour les calculer, à savoir le ‘maintien de la rémunération’ et non la règle du dizième.

En réponse, Monsieur [J]-[O] fait valoir que s’il connaissait la méthode de calcul, il ignorait quelles sommes seraient prises en compte par son employeur et quels montants d’indemnités lui seraient versées.

Il en déduit que la prescription – même partielle – des sommes réclamées au titre du rappel d’indemnités de congés payés n’est pas applicable.

***

Cela étant, il convient de rappeler :

– que le contrat de travail a été rompu le 30 avril 2019,

– que Monsieur [J]-[O] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle le 4 février 2020,

– qu’il sollicite un rappel d’indemnités compensatrices de congés payés, d’un montant de 7820.06€, calculé de la façon suivante :

° congés payés pris de juin 2016 à mai 2017 pour la période d’acquisition de juin 2015 à mai 2016 : 3.990,62€ bruts

° congés payés pris de juin 2017 à mai 2018 pour une période d’acquisition de juin 2016 à mai 2017 : 2.685,67€ bruts

° congés payés pris de juin 2018 à mai 2019 pour une période d’acquisition de juin 2017 à mai 2018 : 1.143,77€ bruts.

Il en résulte que si Monsieur [J]-[O] connaissait la méthode de calcul retenue – à savoir le maintien de rémunération et non la règle du 1/10 -, il n’a pu constater qu’au moment du paiement des indemnités de congés payés que l’employeur ne prenait pas en compte – dans le calcul de l’indemnité de congés payés – les primes sur le chiffre d’affaires contrairement aux dispositions légales qui imposent un calcul sur toutes les sommes composant le salaire.

En conséquence, comme l’action devant le conseil de prud’hommes a été engagée le 4 février 2020 et comme le paiement des indemnités litigieuses ‘ pour les congés payés pris de juin 2016 à mai 2017 au titre de la période d’acquisition de juin 2015 à mai 2016 ‘ est intervenu en juin 2017, l’action en rappel d’indemnités de congés payés n’encourt pas la prescription contrairement à ce que soutient l’employeur.

La demande en paiement engagée par le salarié est donc recevable.

B – Sur le fond :

L’article L 3141-24 I et II du code du travail prévoit deux formules de calcul possibles pour le calcul de l’indemnité de congés payés :

° soit la règle du dixième de la rémunération totale perçue au cours de la période de référence – formule dite du dixième -,

° soit celle de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait travaillé – formule du maintien de salaire- .

Chaque salarié doit bénéficier de l’application de la formule qui lui est la plus avantageuse.

Par ailleurs, il résulte du même article que tous les éléments de rémunération du salarié ne couvrant pas à la fois les périodes de travail et celles de congés payés, doivent être pris en compte dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, notamment les pourcentages sur le chiffre d’affaires et plus largement les primes sur le chiffre d’affaires.

***

En l’espèce, Monsieur [J]-[O] fait valoir que l’employeur n’a pas pris en compte pour le calcul des indemnités de congés payés, le montant des primes variables sur chiffres d’affaires et reprend dans un décompte les sommes pré citées qu’il estime lui être dues et qu’il chiffre à un montant de 7 820, 06 €.

Pour s’en défendre, la société soutient :

– que si l’on peut concevoir que, parfois, la méthode de maintien a été moins favorable que la méthode du 1/10, elle tenait compte des primes sur chiffre d’affaires pour le calcul de l’indemnité de congés payés, selon la méthode de maintien de salaire,

– qu’il résulte des trois tableaux de comparaison qu’elle a établis entre les deux méthodes sur les congés payés : 2016, 2017, 2018 qu’un écart de -1566.85 ; -1189.58 ; -912.52, soit un total de 3668.95€ brut existe (et non 7820.06 que le salarié réclame),

– que de ce fait, même si certaines sommes sont prescrites, par souci d’équité, elle a accepté de régler la part différentielle de 3 668.95 € bruts.

Elle demande donc à la cour de déclarer ce versement libératoire.

***

Cela étant, il résulte des tableaux versés par les deux parties – établis pour les périodes de référence de juin 2015 à mai 2016, de juin 2016 à mai 2017 et de juin 2017 à mai 2018 – comparés aux bulletins de salaire de Monsieur [J] afférents aux périodes que contrairement à ce que soutient l’employeur, à l’exception des mois de juillet et août 2017, les primes sur le chiffre d’affaires n’ont jamais été prises en compte dans le calcul des indemnités de congés payés.

De ce fait, la créance de Monsieur [J]-[O] au titre des rappels de congés payés de ce chef est fondée.

En conséquence, à défaut de tout élément contraire, il convient de condamner la société – qui a déjà versé au salarié la somme de 3668, 95 € bruts – à lui verser un montant complémentaire de 4 151,11 € bruts.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 3 668,95 € et infirmé en ce qu’il a débouté celui-ci pour le surplus.

II – SUR LE TEMPS DU TRAVAIL :

A – Sur la convention forfait heures :

Employeur et salarié peuvent valablement – par accord écrit – prévoir une rémunération forfaitaire, incluant la rémunération de toutes les heures travaillées, y compris les heures supplémentaires.

Ce type de forfait – qui fait référence à une durée de travail hebdomadaire ou mensuelle -, appelé également ‘convention forfait heure’, n’est pas réservé aux cadres et peut être conclu avec tout salarié, quelle que soit sa catégorie professionnelle.

Il ne doit pas être confondu avec des forfaits annuels en heures (C. trav., art. L. 3121-56 al. 2 et s.) ou en jours (C. trav., art. L. 3121-58 et s.) qui peuvent être proposés à certains cadres et salariés autonomes et qui nécessitent un accord collectif préalable (d’entreprise ou de branche).

Une convention de forfait n’est pas une manière d’écarter la réglementation des heures supplémentaires, mais un moyen particulier de paiement de ces heures.

Si le salarié réalise des heures supplémentaires au-delà des durées prévues par la convention de forfait, il a droit à leur paiement supplémentaire au taux majoré des heures supplémentaires (Cass. soc., 16 juin 1998, no 96-42.139) dans la mesure où une rémunération forfaitaire incluant un nombre déterminé d’heures supplémentaires n’emporte pas de dérogation au principe du décompte du travail dans un cadre hebdomadaire et où les heures de dépassement doivent être payées.

L’employeur ne peut s’en exonérer en calculant une moyenne d’heures sur plusieurs semaines : même si cette moyenne est inférieure au nombre indiqué par la convention de forfait, tout dépassement doit être rémunéré (Cass. soc., 8 juil. 2020, no 18-23.366).

***

En l’espèce, Monsieur [J]-[O], après avoir rappelé les règles régissant les conventions forfait et les stipulations de son contrat de travail fait valoir :

– que l’employeur n’est pas en mesure de prouver l’existence d’une convention forfait découlant de l’article 2 de son contrat de travail,

– que postérieurement à la conclusion du contrat de travail, la société a fait le choix de faire travailler ses salariés à hauteur de 37h/semaine et de leur accorder en compensation une journée de repos mensuelle, soit 12 jours par an, tout en indiquant dans les bulletins de salaire que l’horaire de travail est de 151.67h mensuelles soit 35h hebdomadaires.

– qu’en tout état de cause, au-delà du forfait, les heures supplémentaires doivent donner lieu à une majoration (Cass. soc 7 déc. 1993 n°90-42026).

En réponse, la société prétend :

– que le salarié, qui exerçait pendant la période concernée par ses demandes un emploi de directeur commercial, était un cadre autonome,

– qu’autonomie et absence d’heures supplémentaires ne sont pas antinomiques,

– qu’au contraire, l’autonomie dans le cadre du forfait hebdomadaire en heures permet par une gestion souple et pertinente du temps disponible et d’éviter les dépassements horaires qui génèrent l’accomplissement d’heures supplémentaires ;

– que la notion de forfait d’heure est inscrite dans le contrat de travail et découle de l’article II intitulé  » horaires de travail « ;

– qu’il s’agissait pour le salarié, de lui permettre d’inscrire sa prestation de travail basée sur un temps plein, nonobstant d’éventuelles variations hebdomadaires, dans le contingent d’un temps plein.

Elle conclut à l’existence et à la validité d’une convention forfait heures concernant Monsieur [J] [O].

***

Cela étant, il convient de rappeler :

– que l’article II du contrat de travail de Monsieur [J] [O], signé en 1998, intitulé ‘horaires de travail’ prévoit :

‘ Vous vous conformez à l’horaire de travail de notre entreprise, à savoir actuellement :

Du lundi au jeudi : 8 à 12 heures et 13h30 à 17h30. Le vendredi : 8 à 12 heures et 13h30 à 16h30.

Soit une durée hebdomadaire minimum de 39 heures.

Une mission commerciale impliquant certaines variations des horaires en fonction des rendez-vous et des déplacements, et votre rémunération étant forfaitaire, vous ne pourrez prétendre au paiement d’heures supplémentaires’..

En conséquence, en application des principes sus – rappelés et sans qu’il soit nécessaire de rechercher si le salarié peut être qualifié de cadre autonome ou pas, cette convention constitue une convention forfait heure hebdomadaire qui n’interdit pas le paiement des heures supplémentaires dès lors qu’il en existe dans la mesure où l’article II précité précise expressément que la rémunération du salarié était forfaitaire contrairement à ce que soutient l’employeur qui de surcroît ne rapporte aucun élément pertinent venant appuyer ses allégations.

B – Sur les heures supplémentaires

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En application de l’article L. 3171-4 du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1 – imposant à l’employeur l’établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif -, de l’article L. 3171-3 – imposant à l’employeur de tenir à disposition de l’inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition – et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il est précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu’ils soient suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre.

***

En l’espèce, Monsieur [J]-[O], après avoir rappelé les règles de preuve en matière d’heures supplémentaires fait valoir en substance :

– qu’il était non seulement directeur commercial – et par conséquent en déplacement chez les clients – mais aussi manager d’une équipe de douze personnes,

– qu’il a effectué des heures supplémentaires,

– qu’il en veut pour preuve au titre des trois ans précédant la rupture de son contrat :

° les ordres de missions faisant apparaitre l’ensemble des destinations où il s’est rendu,

° les emails rappelant sa présence chez les clients,

° les notes et les mises en paiement de notes de frais,

° les nombreux courriers qu’il a adressés à son employeur jusqu’en 2017,

° ses agendas,

° un décompte récapitulant de façon hebdomadaire les heures supplémentaires effectuées entre 37 et 45h (majorée à 25%) et au-delà de 46h (majorées 50%).

En réponse, la société soutient :

– que le salarié évite le débat sur l’existence d’un accord implicite sur l’accomplissement d’heures supplémentaires alors que l’objet de l’article II du contrat vise à éviter les heures supplémentaires,

– que dans les faits, si le salarié fournit des  » ordres de mission « , leur examen montre qu’ils n’épuisaient le volume hebdomadaire de 35h, que la pluralité de tâches à accomplir lors de chaque ordre de mission n’impliquait pas ipso facto des heures supplémentaires, que sur les missions les plus lointaines, le salarié se déplaçait en train ou en avion, que la voiture était utilisée dans la zone périphérique du siège ou sur des destinations non desservies par le rail ou par les airs, que dans tous les cas, le temps de voyage a toujours été inscrit dans le temps des missions et naturellement rémunéré comme temps de travail,

– que dans ses tableaux, le salarié relate des heures supplémentaires en grand nombre, mais ne fournit, en dehors des ordres de missions, aucune indication objective sur la réalisation d’autres temps de travail, au bureau notamment ;

– que dans la documentation hétéroclite fournie par le salarié, il n’y a que des illustrations des échanges courants sur les dossiers en cours, des réservations d’hôtels, de billets de train, d’avion, d’invitations et la participation à des manifestations diverses qui ne démontrent pas l’accomplissement d’horaires atypiques et de missions extérieures en nombre considérable.

***

Cela étant :

1 – la société ne peut pas sérieusement contester qu’elle n’était pas informée et qu’elle n’ avait pas donné au salarié – même implicitement – son autorisation pour la réalisation d’heures supplémentaires compte-tenu :

– d’une part de la nature et de l’ampleur des fonctions du salarié – à savoir directeur commercial France, en contact permanent physique, par courriels ou téléphones avec les principaux clients de l’entreprise situés sur l’ensemble du territoire, encadrant une équipe dite Pôle conseil composée de 12 collaborateurs tout en étant membre des comités de direction et de management – qui ne pouvaient pas raisonnablement s’accomplir dans une durée de 39 heures initiales de travail par semaine puis de 37 heures mises en place par la suite,

– d’autre part du fait qu’il était le signataire des ordres de mission du salarié, qu’il connaissait de ce fait leur nombre mensuel, qu’il signait le carnet de suivi du véhicule de fonction démontrant l’usage professionnel intensif qui en était fait par le salarié et qu’il avalisait le règlement de ses frais de mission et frais professionnels.

En conséquence, à défaut de tout élément sérieux contraire, il y a lieu de constater que c’est avec l’accord implicite de son employeur que le salarié dépassait le cadre contractuel de la durée du travail prévue au contrat de travail.

2 – il résulte des pièces versées par Monsieur [J] [O], énoncées ci – dessus, que celui – ci rapporte – à l’appui de sa demande – des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or à ce titre, la société Systel échoue à discuter utilement les éléments rapportés par le salarié.

En effet, elle se borne à discuter l’interprétation donnée par le salarié du nombre et du contenu des missions qui lui étaient données, à indiquer que les échanges de courriels entre le service RH et le salarié quant à l’acceptation de ses congés ou à la prise de connaissance de ses documents de rupture conventionnelle n’étaient pas chronophages et à rappeler le statut de cadre autonome dont bénéficiait Monsieur [J]-[O].

De ce fait, même si ce dernier n’a jamais eu à réaliser qu’une mission par semaine et non plusieurs, au vu de l’ensemble des éléments qui lui est soumis, et sans procéder à une évaluation forfaitaire, la cour – qui n’est pas tenue de préciser le détail du calcul appliqué – évalue souverainement l’importance des heures supplémentaires réalisées à un volume de 768 heures et les créances salariales s’y rapportant à la somme de 34 230,90 € bruts.

Il convient en conséquence de condamner la société à payer à Monsieur [J] [O] les sommes de 34 230,90 € bruts à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et de 3423,09 € bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

III – SUR LE TRAVAIL DISSIMULÉ

A- Sur la recevabilité de la demande d’indemnité pour travail dissimulé :

L’employeur soulève l’irrecevabilité de la demande du salarié relative à l’indemnité pour travail dissimulé en faisant valoir :

– que la demande d’une indemnité pour travail dissimulé doit être présentée au moment de la rupture et de l’établissement de l’accord sur la rupture conventionnelle puisque la loi prévoit qu’elle s’inscrit dans le contexte de la rupture ;

– qu’en l’espèce, le salarié ne s’en est pas prévalu à l’occasion de la négociation et de la signature de la convention de rupture conventionnelle,

– qu’il est donc irrecevable à le faire a posteriori.

***

Cela étant :

– d’une part, l’article L 8223-1 du code du travail vise uniquement le champ d’application de l’indemnité litigieuse dont le paiement ne peut être réclamé qu’en cas de rupture du contrat de travail et qui est due quelle que soit la qualification de la rupture,

– d’autre part, le régime juridique d’une rupture conventionnelle – qui n’interdit pas au salarié qui ne peut prétendre légalement qu’au versement d’une indemnité de rupture d’engager une action contre son employeur en se fondant sur les manquements commis par celui – ci dans le cadre de l’exécution du contrat de travail – ne doit pas être confondue avec celui d’une transaction dont la signature met fin au litige par l’épuisement du droit d’action des parties et fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

En conséquence, la présente demande formée par Monsieur [J] [O] aux fins d’obtenir – après la signature de la rupture conventionnelle – le paiement d’une indemnité de travail dissimulé est recevable dans la mesure où elle se rattache aux manquements dont s’est rendu responsable l’employeur à son égard dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

B – Sur le bien – fondé de la demande :

En application des articles :

– L8221-5 du Code du travail : Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,

– L8223-1 du même code : En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le travail dissimulé suppose donc une volonté de frauder.

Il en résulte que dès lors que la volonté de frauder de l’employeur est démontrée, le fait pour lui de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué constituer du travail dissimulé ouvrant droit pour ce dernier à l’octroi de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Cette indemnité qui est due quel que soit le motif de la rupture – licenciement, démission, rupture amiable (Cass. soc., 12 oct. 2004, no 02-44.666), rupture conventionnelle – se cumule avec toutes les autres indemnités de rupture à l’exception de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 8252-2 du code du travail en cas d’emploi d’un salarié de nationalité étrangère non muni d’un titre de séjour régulier (Cass. soc., 14 févr. 2018, no 16-22.335).

***

En l’espèce, après avoir rappelé les dispositions légales pré citées, l’appelant fait valoir que le caractère intentionnel du travail dissimulé est établi dans la mesure où il a accompli de très nombreuses heures supplémentaires durant des années, à la demande de son employeur, sans en être rémunéré et sans bénéficier des jours RTT en application d’une convention de forfait.

En réponse, l’intimée fait valoir que le salarié a été rempli de ses droits par l’octroi de l’indemnité conventionnelle de rupture d’un montant de 103 101,02 € bruts.

***

Cela étant, il a été jugé que l’employeur connaissait l’existence et le volume des heures supplémentaires effectuées par le salarié et en autorisait implicitement la réalisation sans cependant en mentionner le volume exact sur les bulletins de salaire de l’intéressé.

Le caractère volontaire de la dissimulation du travail est donc acquis.

En conséquence, il convient de condamner l’employeur à verser à Monsieur [J]-[O] la somme de 43 904, 59€.

Le jugement attaqué doit être infirmé de ce chef.

IV – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens doivent être supportés par la société Systel.

***

Il n’est pas inéquitable de condamner l’employeur à verser au salarié une somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile tout en le déboutant de sa propre demande formée au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 20 octobre 2020 par le conseil de prud’hommes de la Rochelle sauf en ce qu’il :

° n’a pas débouté le salarié de sa demande de paiement par son employeur de la somme de 3668,95 € au titre de congés payés dus,

° condamné la société SA Systel à verser à Monsieur [J]-[O] la somme de 3 668,95 € au titre des congés payés dus,

Confirmant de ces derniers chefs,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SA Systel à verser à Monsieur [J]-[O] les sommes de :

– 4 151,11 € bruts au titre d’un rappel indemnité de congés payés,

– 34 230,90 € bruts au titre d’un rappel de salaire heures supplémentaires,

– 3 423,09 € bruts au titre de congés payés sur rappel de salaire,

– 43 904,59 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA Systel de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Systel aux dépens.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT,

 


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