ARRÊT DU
24 Juin 2022
N° 1115/22
N° RG 22/00164 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UDDB
BR/CL
Jugement du
Cour d’Appel de DOUAI
en date du
18 Décembre 2020
(RG 17/03543 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 24 Juin 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [Y] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. ZENIA
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE
DÉBATS :à l’audience publique du 10 Mai 2022
Tenue par Béatrice REGNIER
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaëtan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphane MEYER
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER
: CONSEILLER
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Mai 2022
Après avoir travaillé en intérim à compter du 7 novembre 2014, Mme [Y] [W] a été engagée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée le 6 janvier 2015 par la SARL Zenia Best Western, qui exploite un hôtel, en qualité de réceptionniste.
Une rupture conventionnelle a été signée entre les parties le 27 novembre 2015, homologuée de manière implicite par la DIRECCTE le 12 janvier 2016.
Saisi par Mme [W] le 4 décembre 2015, le conseil de prud’hommes de Lille a, par jugement du 13 septembre 2017 :
– dit que la rupture conventionnelle est valide ;
– condamné la SARL Zenia Best Western à payer à la salariée les sommes de :
– 4 388,09 euros, outre 438,80 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,
– 2 515,02 euros, outre 251,50 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire sur les repos compensateurs pour heures supplémentaires,
– 234,50 euros à titre de rappel de salaire sur les repos compensateurs pour heures de nuit,
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ces montants produisant intérêts au taux légal ;
– débouté Mme [W] du surplus de ses prétentions.
Par déclaration du 11 octobre 2017, Mme [W] a interjeté appel du jugement.
Par arrêt du 18 décembre 2020, la cour d’appel de Douai a :
– infirmé le jugement déféré, excepté en ce qu’il a condamné la SARL Zenia Best Western à payer à Mme [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à régler les dépens,
– statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,
– dit que la convention de rupture est nulle,
– dit que la rupture du contrat de travail de Mme [W] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SARL Zenia Best Western à payer à Mme [W] les sommes de :
– 8 394,63 euros, outre 839,46 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire,
– 3 020,53 euros à titre d’indemnité pour perte de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent d’heures supplémentaires,
– 244,27 euros à titre d’indemnité pour perte de la contrepartie obligatoire en repos pour travail de nuit,
– 15 865,38 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de suivi médical renforcé,
– 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale de reprise,
– 2 644,23 euros, outre 264,24 euros de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 264,42 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
– condamné la SARL Zenia Best Western aux dépens d’appel.
Par déclaration du 9 avril 2022, la SARL Zenia a formé opposition à l’encontre de l’arrêt susvisé.
Par ordonnance rendue le 11 mai 2021, et rectifiée par ordonnance du 24 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré l’opposition irrecevable.
Statuant sur déféré, la cour d’appel de Douai a par arrêt du 28 janvier 2022 annulé l’ordonnance du conseiller de la mise en état, dit que la cour d’appel, saisie par le déféré, ne peut se prononcer sur la fin de non recevoir relative à l’opposition et débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par conclusions transmises par voie électronique le 15 avril 2022, Mme [W] demande à la cour de ‘confirmer l’arrêt du 18 décembre 2020″ (sic).
Subsidiairement, et dans l’hypothèse où l’opposition serait déclarée recevable, elle demande de dire que la rupture conventionnelle est nulle et que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SARL Zenia à lui payer les sommes de :
– à titre principal, après avoir dit qu’elle occupait les fonctions d’assistante de direction depuis le mois de juillet 2015 :
– 8 394,63 euros, outre 839,46 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire sur minima conventionnels et de rappel d’heures supplémentaires,
– 2 745,94 euros, outre 274,59 euros de congés payés, au titre de l’indemnité compensatrice de repos compensateurs (heures supplémentaires),
– 244,27 euros au titre de l’indemnité compensatrice de repos compensateurs,
– 2 644,23 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de santé et de sécurité au travail,
– 2 644,23 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite de reprise,
– 15 865,38 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 264,42 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 15 865,38 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 644,23 euros, outre 264,24 euros de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il ne serait pas retenu qu’elle occupait les fonctions d’assistante de direction depuis le mois de juillet 2015 :
– 7 125,59 euros, outre712,55 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire sur minima conventionnels et de rappel d’heures supplémentaires,
– 2 515,02 euros, outre 251,50 euros de congés payés, au titre de l’indemnité compensatrice de repos compensateurs (heures supplémentaires),
– 234,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de repos compensateurs,
– 2 538,48 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de santé et de sécurité au travail,
– 2 538,48 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite de reprise,
– 15 230,88 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 253,48 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 15 23,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 538,48 euros, outre 253,48 euros de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
Elle réclame par ailleurs 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
– l’opposition n’est pas recevable en ce que l’arrêt du 18 décembre 2020 est réputé contradictoire et non par défaut ; qu’en effet, suite à l’avis de passage laissé par l’huissier au domicile de la SARL Zenia, son gérant s’est présenté à l’étude le 13 décembre 2017 et a retiré l’acte de signification de la déclaration d’appel et des conclusions déposées auprès de la cour ;
– elle a exercé les fonctions d’assistante de direction de l’hôtel à compter de juillet 2015, le gérant de l’établissement – très peu présent dans les locaux – lui en déléguant la gestion ;
– elle a assuré 73 permanences de nuit à l’hôtel en n’étant indemnisée qu’à hauteur de 5 euros de l’heure, alors même qu’il s’agissait, non d’une astreinte dans la mesure elle où était tenue de rester dans une chambre de l’établissement – laquelle ne constituait pas son domicile, mais d’un travail effectif ; que les heures de travail ainsi effectuées doivent être rémunérées en tant qu’heures supplémentaires ;
– du fait de la réalisation des 73 permanences de nuit, elle aurait dû bénéficier de la contrepartie en repos prévue en cas de dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires et en cas de travail de nuit ;
– elle n’a pas bénéficié de la surveillance médicale renforcée prévue légalement en cas de travail de nuit ;
– elle n’a pas bénéficié d’une visite de reprise suite à son arrêt de travail du 30 septembre au 6 novembre 2015 ;
– la SARL Zenia, qui avait été informée par le contrôleur du travail de ce que les périodes qualifiées d’astreinte constituaient du travail effectif et n’a pas modifié sa pratique, s’est rendue coupable de l’infraction de travail dissimulé ;
– la convention de rupture conventionnelle est nulle en ce qu’elle n’a pas été librement acceptée compte tenu des manquements graves de la société et en ce qu’elle n’a pas été précédée de l’entretien prévu à l’article L. 1237-12 du code du travail.
Par conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2022, la SARL Zenia demande à la cour de déclarer son opposition recevable, de rétracter l’arrêt du 18 décembre 2020, d’infirmer partiellement le jugement déféré, de dire que la convention de rupture est valide, de débouter aa de l’ensemble de ses réclamations et de le condamner à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
– son opposition est recevable dès lors qu’elle n’a été touchée ni par la notification du jugement de première instance, ni par la déclaration d’appel, ni par les conclusions de Mme [W] ; que l’employeur de cette dernière n’était pas la société Zenia Best Western, mais bien la société Zenia, puisque l’établissement secondaire exploité sous l’enseigne Zenia Best Western où l’intéressée travaillait a été fermé le 20 juin 2016 puis radié ; que l’acte de signification de la déclaration d’appel et des conclusions de Mme [W] ont été remis à étude en application de l’article 656 du code de procédure civile et l’arrêt de ce fait rendu par défaut ;
– la convention de rupture n’est pas nulle dès lors qu’elle a bien été précédée d’un entretien, ainsi qu’un courriel du 26 novembre 2015 en atteste, et qu’aucun vice du consentement n’est établi ;
– les fonctions de Mme [W] étaient bien celles de réceptionniste ; qu’elle n’a effectué des tâches administratives qu’occasionnellement ;
– Mme [W] n’effectuait pas de travail effectif durant les heures de permanence ; que ses astreintes ont régulièrement fait l’objet d’une contrepartie financière à hauteur de 5 euros de l’heure ;
– Mme [W] ne démontre aucun préjudice en lien avec l’absence de visite médicale de reprise.
SUR CE :
Attendu que la cour observe en premier lieu que la circonstance que la SARL Zenia Best Western, et non la SARL Zenia , soit mentionnée comme partie dans l’arrêt du 18 décembre 2020 est sans incidence dans la mesure où il s’agit en réalité de la même société Zenia – ce qu’en définitive cette dernière ne peut valablement contester dans la mesure où elle s’estime fondée à former opposition à l’encontre de l’arrêt en cause et où seule une partie – et non un tiers – peut former un tel recours ;
Attendu, d’une part, qu’aux termes de l’article 571 du code de procédure civile : ‘L’opposition tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut. / Elle n’est ouverte qu’au défaillant.’ ;
Attendu, d’autre part, que, selon l’article 473 du même code : ‘Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. / Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.’ ;
Attendu, également, qu’il résulte des dispositions du second alinéa de l’article 654 du code de procédure civile que la signification à une personne morale est réputée à personne lorsque l’acte est délivré notamment à son représentant légal ;
Attendu, enfin, qu’il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article 536 du code de procédure civile qu’une qualification inexacte n’ouvre pas de recours contre une décision qui ne peut en faire l’objet ;
Attendu qu’en l’espèce il ressort des documents versés aux débats par la salariée que, suite à l’avis de passage laissé par l’huissier Maître [L] au siège siège social de la SARL Zenia conformément aux dispositions de l’article 656 du code de procédure civile, M. [E] [I], gérant de la société, s’est présenté à l’étude de Maître [L] le 13 décembre 2017 et a retiré contre récepissé l’acte de signification de la déclaration d’appel, les conclusions de Mme [W], le bordereau de communication de pièces et les pièces numérotées de 1 à 50 ;
Attendu que, par suite, la cour retient que la citation a été délivrée à personne et que l’arrêt rendu le 18 décembre 2020 est, non réputé contradictoire comme il l’indique par erreur, mais rendu par défaut ; qu’il n’est donc pas susceptible d’opposition et que l’opposition formée par la SARL Zenia est par voie de conséquence irrecevable ; que, comme le prévoit le second alinéa de l’article 536 du code de procédure civile, la présente décision d’irrecevabilité fait courir à nouveau le délai prévu pour l’exercice du recours approprié, à savoir le pourvoi en cassation ;
Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés dans le cadre de l’opposition ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déclare l’opposition formée par la SARL Zenia irrecevable,
Dit que la présente décision fait courir à nouveau le délai prévu pour l’exercice du recours approprié à l’encontre de l’arrêt du 18 mars 2020, à savoir le pourvoi en cassation,
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Stéphane MEYER