VS/RLG
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N° 27 DU VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
AFFAIRE N° RG 22/00279 – N° Portalis DBV7-V-B7G-DNNT
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 21 février 2022 – Formation de référé –
APPELANTE
Madame [N] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Gérard PLUMASSEAU (Toque 16), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉE
E.U.R.L. STPM 74
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non Représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Marie Josée Bolnet, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 21 novembre 2022, date à laquelle le prononcé de l’arrêt a été successivement prorogé au 23 janvier 2023.
GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.
ARRÊT :
Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Après avoir résilié le contrat de prestation de services qu’elle avait conclu avec Mme [N] [V] ès-qualités de présidente de la société Formalya, le 1er février 2020, l’EURL STPM 74 a embauché Mme [N] [V] en qualité de directrice générale adjointe des sociétés STPM 74 et Groupe Saint-Marc Holding suivant contrat de travail à durée indéterminée du 29 juin 2020 avec effet au 1er juillet 2020.
Le 26 mai 2021 les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle à effet au 1er septembre 2021, homologuée par la DEETS de la Guadeloupe le 2 août 2021.
Se plaignant de ce que depuis la rupture de la relation contractuelle et malgré plusieurs relances, la société STPM 74 s’était refusée à lui remettre les documents sociaux de fin de contrat et en particulier l’attestation Pôle Emploi, obérant de façon volontaire toute possibilité pour la salariée de s’inscrire auprès de Pôle Emploi et de recevoir l’indemnisation afférente , et à lui verser les sommes dues au titre de la rupture de son contrat de travail, qu’il s’agisse de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle que des sommes dues au titre de son solde de tout compte, notamment s’agissant des congés payés non pris mais aussi du dernier salaire, Mme [N] [V] a fait citer l’EURL STPM 74 devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre par acte du 19 octobre 2021 afin de voir :
– Ordonner à l’EURL STPM 74 de lui délivrer les documents sociaux de fin de contrat, y compris un certificat pour la caisse de congés payés du BTP, sous astreinte de 150 euros par jour et par document
– Ordonner la remise du bulletin de salaire du mois d’août 2021, sous astreinte de 100 euros par jour de retard
24 080,69 euros bruts au titre du salaire d’août 2021
1 324, 54 euros bruts au titre du salaire du 1er septembre 2021
41 383,32 euros bruts au titre des commissions sur chiffre d’affaires dues pour la période du 1er octobre 2020 au 31 août 2021
12 089,21 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
46 393,98 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés
34 075,50 euros nets au titre des dommages et intérêts pour non remise de l’attestation Pôle Emploi
3 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
-Condamner la société STPM 74 aux entiers dépens
Par ordonnance du 21 février 2022, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :
ORDONNÉ à l’EURL STPM 74 de payer la somme de 12 089,21 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
ORDONNÉ à l’EURL STPM 74 de remettre le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte, l’attestation Pôle Emploi et le bulletin de salaire du mois d’août 2021 ;
DÉBOUTÉ du surplus des demandes ;
RENVOYÉ les parties à se pourvoir, si elles le souhaitent, devant le juge du fond ;
MIS les dépens à la charge de la partie condamnée.
Par déclaration du 23 mars 2022 Mme [N] [V] a interjeté appel de cette ordonnance qui lui a été notifiée le 8 mars 2022.
Par avis du 4 avril 2022 le greffe a invité Mme [N] [V] à faire signifier sa déclaration d’appel à l’intimée, ce qu’elle a fait par acte d’huissier du 14 avril 2022.
Selon ses dernières conclusions signifiées par acte du 30 mai 2022, Mme [N] [V] demande à la cour de :
– Dire et juger son appel recevable et bien fondé ;
– Réformer la décision querellée en certaines de ses dispositions ;
– La confirmer au titre de la condamnation de l’EURL STPM 74 au paiement de la somme de 12 089,21 euros représentant l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
Et statuant à nouveau,
– Constater l’absence de paiement du salaire du mois d’août 2021, de la commission sur chiffre d’affaires contractuellement prévue, de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, de l’indemnité compensatrice de congés payés non pris ;
– Constater l’absence de remise du bulletin de salaire du mois d’août 2021, du certificat de travail, du reçu pour solde de tout compte, du certificat pour la Caisse de congés payés du BTP, de l’attestation Pôle Emploi ;
– Ordonner à la société STPM 74 la remise des documents sociaux de fin de contrat, à savoir certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, certificat pour la Caisse de congés payés du BTP, attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 500 euros par jour calendaire de retard et par document, d’ores et déjà liquidée à trois mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir
Ordonner à la société STPM 74 la remise du bulletin de salaire du mois d’août 2021, sous astreinte de 500 euros par jour calendaire de retard, selon les mêmes modalités de liquidation de l’astreinte ;
– Condamner la société STPM 74 à lui verser les sommes suivantes :
24 080,69 euros bruts au titre du salaire du mois d’août 2021 ;
1 325,54 euros bruts au titre du salaire du 1er septembre 2021 ;
41 383,32 euros bruts au titre des commissions sur chiffre d’affaires dues pour la période du 1er octobre 2020 au 31 août 2021 ;
12 089,21 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
46 393,98 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;
34 075,50 euros nets au titre des dommages et intérêts pour non remise de l’attestation Pole Emploi, et à défaut une provision de 20 445,30 euros ;
– Condamner la même à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions de l’appelante pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions.
La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante ont été signifiées à l’EURL STPM 74 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile du code de procédure civile.
L’EURL STPM 74 n’ayant pas constitué avocat, le présent arrêt sera rendu par défaut.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler ici qu’en vertu de l’article 472 du code de procédure civile, même si l’intimée n’a comparu, il ne peut être fait droit aux prétentions de l’appelante que dans la mesure où elles sont régulières, recevables et bien fondées.
En vertu de l’article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
* * *
En vertu de l’article R.1455-5 du code du travail « Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. ».
L’article R1455-6 du code du travail ajoute que « La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. ».
Enfin l’article R 1455-7 du code du travail précise que « Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
En l’espèce, Mme [N] [V] produit notamment au soutien de son action :
– une lettre de résiliation du contrat de prestation de service de la société Formalya datée du 30 juin 2020
– le contrat à durée indéterminée qu’elle a signé avec l’EURL STPM 74 le 29 juin 2020,ses bulletins de paye de juillet 2020 à juillet 2021,
– la convention de rupture conventionnelle du 26 mai 2021et une convention de rupture annexe signée à la même date,
– une attestation de la DEETS de la Guadeloupe en date du 27 septembre 2021 confirmant que la rupture conventionnelle a été homologuée le 27 septembre 2021,
– 3 courriels des 2 septembre 2021, 6 septembre 2021 et 26 septembre 2021 par lesquels elle a relancé l’EURL STPM 74 quant à la transmission de son solde de tout compte et de ses documents de fin de contrat,
– des listing de pointage,
– divers documents relatifs à l’exécution de ses fonctions de directrice générale adjointe.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné à l’EURL STPM 74 de payer à Mme [N] [V] la somme de 12 089,21 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
I / S’agissant du versement du salaire du mois d’août 2021 et de la remise du bulletin afférent
Madame [V] expose, en substance, qu’elle n’a jamais perçu la rémunération de base lui étant due au titre du mois d’août 2021 et du 1er septembre 2021, aucun bulletin de salaire ne lui ayant d’ailleurs était remis pour cette période.
La rupture conventionnelle ayant pris effet au 1er septembre 2021, l’obligation de payer le salaire d’août 2021 n’est pas sérieusement contestable et il sera fait droit à la demande de paiement à hauteur de 10000 euros en application de l’article R 1455-7 du code du travail.
L’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande.
En vertu des articles L. 3243-2 et R 1455-7 du code du travail, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a ordonné la remise du bulletin de paye.
Il n’y a pas lieu, par contre, de faire droit à la demande de provision de quelle que somme que ce soit au titre d’un salaire afférent à la journée du 1er septembre 2021.
L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande.
II / S’agissant du paiement des commissions sur le chiffre d’affaires
Mme [N] [V] expose, en substance, qu’elle n’a perçu ses commissions que sur ses trois premiers mois d’activité, plus aucune commission ne lui ayant été versée à ce titre à compter du mois d’octobre 2020 ; que la société STPM 74 ne lui a par ailleurs jamais communiqué le chiffre d’affaires mensuel des sociétés visées à la clause contractuelle pour lui permettre de calculer le montant des commissions lui étant dues.
Le contrat de travail conclu entre les parties prévoyait, en son article 10-2.a relatif à la rémunération variable mensuelle :
« 10-2.a – Commission CA :
Madame [N] [V] percevra une rémunération variable mensuelle à hauteur de 4% nets de toutes charges, taxes et impositions de toute nature, du chiffre d’affaires mensuel TTC réalisé par la société STPM 74, la société GROUPE SAINT MARC HOLDING ou de toute autre structure au sein de laquelle la société GROUPE SAINT MARC HOLDING (en cours de constitution) détiendra des participations ».
En tenant compte de la moyenne des commissions perçues entre juillet et septembre 2020, soit 3 762,12 euros / mois, il y a lieu de faire droit à la demande de provision à hauteur de 40 000 euros au titre des commissions afférentes à la période d’octobre 2020 à août 2021 en application de l’article R 1455-7 du code du travail.
L’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande.
III / S’agissant de l’indemnité compensatrice de congés payés
En vertu de l’article L 3141-3 du code du travail : « Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur ».
L’article L 3141-24 du code du travail dispose que « Le congé annuel prévu à l’article « L 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. »
L’article L. 3141-28 du code du travail dispose que « Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel ils avaient droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminé d’après les articles L. 3141-24 à L.3141-27. L’indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur. »
A la date de rupture des relations contractuelles, Madame [V] bénéficiait d’un solde de congés payés non pris de 35 jours (32,5 apparaissant sur le bulletin de salaire du mois de juillet 2021, auxquels il convient d’ajouter les 2,5 jours nécessairement acquis au mois d’août 2021.
Il y a lieu de faire droit à la demande de provision à hauteur de 10 000 euros en application de l’article R 1455-7 du code du travail.
L’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande.
IV / S’agissant de la remise des documents sociaux de fin de contrat et de la demande de dommages-intérêts pour non remise de ces documents
La demande de remise des documents sociaux de fin de contrat entre parfaitement dans le cadre de l’article R 1455-7 du code du travail.
Mme [N] [V] expose que ni ses relances ni la saisine du juge des référés à cette fin dès le 17 septembre 2021, n’ont décidé la société à régulariser la situation ; qu’elle demeure toujours en attente desdits documents.
Il convient en conséquence de réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande d’astreinte.
Mme [N] [V] ne produisant aucun élément actualisé concernant se situation après la rupture du contrat de travail, la cour n’est pas en mesure d’évaluer le préjudice subi du fait de l’absence de remise des documents, même à titre provisionnel.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande.
V / Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Il convient de condamner l’EURL STPM 74, partie perdante du procès, à payer à Mme [N] [V], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, une somme qu’il apparaît équitable de fixer à 2000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance rendue le 21 févier 2022 par la formation de référé du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre en ce qu’elle a rejeté les demandes relatives au salaire d’août 2021, aux commissions afférentes à la période d’octobre 2020 à août 2021, à l’indemnité compensatrice de congés payés et au prononcé d’une astreinte ;
Statuant à nouveau,
Condamne l’EURL STPM 74 à payer à Mme [N] [V], par provision, les sommes suivantes :
– 10 000 euros au titre du salaire d’août 2021
– 40 000 euros au titre des commissions afférentes à la période d’octobre 2020 à août 2021
– 10 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés
Ordonne à à l’EURL STPM 74 de remettre son certificat de travail, son reçu pour solde de tout compte, l’attestation Pôle Emploi et son bulletin de salaire du mois d’août 2021, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, à peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard et par document manquant ;
Y ajoutant,
Condamne l’EURL STPM 74 à payer à Mme [N] [V] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’EURL STPM 74 aux dépens ;
Rejette le surplus des demandes.
Le greffier, La présidente,