SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 septembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10781 F
Pourvoi n° C 19-18.248
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021
La société Colimide, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 19-18.248 contre l’arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à M. [T] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Colimide, de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [Z], après débats en l’audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Duvallet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en l’application de l’article L. 431-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Colimide aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Colimide et la condamne à payer à M.[Z] la somme de 3000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l’audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Colimide
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit et jugé que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société Colimide à payer à M. [Z] les sommes de 95.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.000 euros pour le préjudice distinct dû au titre du licenciement vexatoire et 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement : que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis ; que l’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié ; que la lettre de licenciement du 19 juillet 2016 fixe les limites des litiges ; qu’il convient d’en rappeler les termes et d’ apprécier, point par point, si la société Colimide apporte la preuve de la réalité et de la gravité des faits imputés à M. [Z]: » Depuis ma nomination en tant que Président de la société le 17 février dernier, force a été de constater votre plus parfaite déloyauté à mon égard. Votre action depuis mon arrivée est de nature à mettre en péril la pérennité de la société. Notamment, le 17 mai 2016, lors d’une réunion chez le mandataire ad hoc nommé par le tribunal de grande instance de Colmar pour accompagner la société dans ses négociations pour assurer sa pérennité, vous avez remis en question et contredit, d’abord oralement lors de la réunion, puis par écrit lors de la diffusion du compte rendu rédigé par le mandataire ad hoc, en public, en présence de 20 personnes (administrateur judiciaire, avocats, financiers) lors de la réunion, et en copie de ces mêmes personnes sur votre courriel, mes décisions relatives à la gestion et surtout à l’avenir de la société » Que la société Colimide produit le compte-rendu de la réunion du 17 mai 2016 rédigé par M. [O], mandataire judiciaire, ainsi qu’un courriel de M. [Z] du 23 mai 2016, dont il résulte qu’il était présent à cette réunion dont le compte-rendu venait de lui être communiqué par mail, et ce en tant que « représentant » de la société Colimide, et donc en tant que responsable administratif et financier de cette société ; que la société Colimide ne justifie pas des propos qu’ aurait tenu oralement M. [Z] lors de cette réunion, ni en quoi ils seraient fautifs ; qu’elle ne démontre pas non plus en quoi les précisions et demandes de rectifications d’erreurs dudit compte-rendu, apportées par M. [Z], dans son courriel du 23 mai 2016, constituent des propos remettant en question et contredisant les décisions du président relatives à la gestion et à l’avenir de la société ; que les propos de M. [Z] contenus dans ce message ne peuvent s’analyser comme tels, puisque ne concernant que des points techniques ou la description purement factuelle des actions et de la stratégie employée jusque-là par la société ; qu’ils ne dépassent pas les limites de son droit d’expression ; que le fait que l’administrateur judiciaire lui indique, en réponse, qu’il aurait dû faire état de ces précisions lors de la réunion et que son compte-rendu a vocation à rendre compte de ce qui s’est dit, ne permet pas non plus de démontrer que les propos de M. [Z] puissent être considérés comme fautifs par son employeur, que par ailleurs, le fait que, comme le soutient la société Colimide dans ses conclusions, cette réunion avait pour objectif de permettre de trouver un accord avec les principaux créanciers et l’actionnaire principal en vue d’assurer la survie de l’entreprise ne permet pas non plus de donner aux propos contenus dans ce courriel, adressé à tous les membres destinataires du compte-rendu de l’administrateur judiciaire, un caractère fautif à l’égard de la société Colimide ; qu’au demeurant, celle-ci ne démontre pas en quoi le fait de préciser que la société employait déjà la stratégie que le compte-rendu évoquait comme étant celle qui consistait à mieux « tenir le marché » et que la société allait adopter, exprimait un désaccord sur la stratégie commerciale de la société, ni en quoi cette précision était de nature à faire échouer un accord, ou, pour reprendre les termes de la lettre de licenciement, remettre en question des décisions du président relatives à la gestion et à l’avenir de la société, sauf à soutenir, ce que ne fait pas la société Colimide, que la précision apportée par M. [Z] était erronée, ou encore, que la stratégie contestée par M. [Z] aurait consisté à présenter d’une manière non fidèle les activités passées de la société Colimide en vue de laisser croire à une évolution possible de son activité et d’essayer par ce biais d’ obtenir un accord des créanciers et, que M [Z] avait connaissance d’une telle stratégie ; qu’enfin, la société Colimide n’est pas fondée à reprocher à M. [Z] d’avoir délibérément attendu le départ de M. [W] en Amérique du Nord pour remettre en cause les lignes du plan qu’il avait déjà présenté lors de la réunion du 27 avril 2016, dès lors qu’un tel grief n’est pas mentionné dans la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige ; qu’en tout état de cause, le compte-rendu de la réuni on du 27 avril 2016 ne contient pas le paragraphe du compte -rendu de la réunion du 17 mai 2016 que M. [Z] a proposé de modifier par les propos qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement ; que la société Colimide ne démontre dès lors pas la réalité de ce grief ; « J’ai également appris par des salariés, représentants du personnel et par les actionnaires/prêteurs de la société que, depuis plusieurs semaines, vous n’avez cessé de dénigrer systématiquement ma personne. Plus particulièrement, vous avez véhiculé un certain nombre de fausses informations, notamment le fait que mon action serait guidée par la volonté de placer la société en liquidation judiciaire pour pourvoir la reprendre « à la casse », tentant ainsi de discréditer d’une part mon intervention en tant que Président de la société mais également chacune de mes décisions. Ce faisant, vous avez très sérieusement altéré la crédibilité des décisions stratégiques prises dans l’intérêt vital de la société » ; Que cependant, les éléments que produit la société Colimide ne démontrent pas que M. [Z] ait excédé les limites de la liberté d’ expression dont il jouissait en échangeant avec des cadres de la société Kermel et qu’il ait ainsi manqué à son devoir de loyauté ; que s’il n’est pas contesté que M. [Z] ait, depuis sa messagerie personnelle, transmis à la société Ardian, créancier de la société Kermel, un curriculum vitae d’une personne » prête à investir au capital » la société ne démontre cependant pas qu’ il a agi ainsi dans le but d’évincer M. [W] comme elle le soutient dans ses conclusions ; que d’ailleurs, elle fait elle-même le lien entre ce message et ceux que M. [Z] a échangés quelques mois plus tôt, depuis son adresse professionnelle avec cette société Ardian, et dans lesquels était évoquée la recherche d’ une personne destinée à remplacer M. [X] concernant la direction du site de [Localité 1], de sorte qu’il ne s’agissait pas de remplacer M. [W] ; qu’alors que M. [W] avait été engagé en février 2016 pour diriger les sociétés Colimide et Kemide, M. [Z] faisait part à la société Ardian, le 28 avril 2016, du fait qu’un réseau de recrutement et de remplacement de cadres dirigeants avait publié une annonce ; que ce courriel du 28 avril 2016 ne permet cependant pas d’établir qu’il ait voulu déstabiliser ou remplacer M. [W] ; qu’en effet, il ne permet ni d’établir que M. [Z] ait été à l’origine de la publication d’une telle annonce, ni qu’il se réjouissait d’une telle annonce ; qu’il justifie, par un échange de courriels avec M. [J], qu’il s’inquiétait d’une telle annonce ; qu’enfin le fait qu’il écrive depuis son adresse personnelle ne suffit pas à démontrer l’existence d’une volonté d’agir de manière dissimulée à l’égard de son employeur ; que, par ailleurs, la lettre de licenciement fixant les limites du litige, la violation de l’obligation de confidentialité et la transmission d’informations sensibles à la société Ardian, évoquées dans les conclusions de la société Colimide ne peuvent fonder le licenciement dès lors qu’il ne résulte pas des pièces produites que les informations transmises par M. [W] étaient de nature à décrédibiliser M. [W] ; « En outre, depuis plusieurs mois, vous dissimulez volontairement des informations primordiales au redressement de la société et à son bon fonctionnement. J’ai notamment constaté les faits suivants: lors de mon déplacement professionnel en Amérique du Nord, vous avez sollicité un rendez-vous chez l ‘actionnaire de la société sans m’en informer. A cette occasion, vous aviez prévu d’être absent de la société le 19 mai. Je vous ai alors demandé la raison de votre absence ce jour. Or, faisant preuve d’une parfaite déloyauté, vous n’avez jamais daigné me répondre. » ; Qu’il résulte des pièces produites par la société Colimide (attestation et courriel de M. [J]) que M. [Z] a demandé, en sa qualité de directeur financier, un entretien avec M. [J], président de la société Qualium investissement, société actionnaire majoritaire de la société holding de tête Kemide, pour évoquer la gouvernance de la société Kermel et sa relation avec le nouveau dirigeant, M. [W], et ce, sans la présence de ce dernier; qu’à supposer que le devoir de loyauté pesant sur M. [Z] à l’égard de la société Colimide devait lui imposer de l’informer du fait qu’il demandait un entretien avec le président de cette société, un tel manquement n’a pu causer de préjudice à la société Colimide, puisqu’il résulte des pièces produites qu’elle en a immédiatement été informée par M. [J] ; que la société Colimide, informée, en en la personne de M. [W], de la tenue d’un tel entretien mais également du fait que M. [Z] souhaitait qu’il se déroule hors la présence de M. [W], n’a pas fait obstacle au déroulement de leurs échanges, ni informé M. [Z] des difficultés que cela pourrait poser à la société ; qu’en conséquence, un tel manquement, à le supposé constitué, ne peut constituer un grief de nature à sanctionner M. [Z] par un licenciement ; qu’en outre, à supposer encore qu’il ait eu un tel devoir de loyauté, celui-ci n’allait pas jusqu’à lui interdire de demander un tel entretien sans avoir obtenu l’autorisation de son employeur ; qu’enfin, le fait que M. [Z] émette, lors de cet entretien, comme l’indique M. [J] dans son attestation, des critiques quant à la gestion de la société par M. [W] et ce, sans qu’il soit invoqué, ni établi que de tels propos dépassent ce qui est admissible dans le cadre de la liberté d’expression, ne peut constituer une faute ; qu’il ne peut pas non plus être reproché à M. [Z] de ne pas avoir donné à M. [W] la raison de son absence, dès lors que le courriel par lequel M. [W] a, le 18 mai 2016, demandé à M. [Z] la raison pour laquelle il ne pourrait pas signer le lendemain des virements ne lui posait pas clairement une telle question, mais surtout où M. [W] avait été informé, par courriel de M. [J] du 18 mai 2016, que M. [Z] rencontrerait le lendemain M. [J] ; -« A l’occasion de la clôture de l’exercice fiscal 2015, qui se termine au 29 février 2016, alors que la société est en grande difficulté, très loin des résultats positifs que vous annonciez quelques semaines encore avant cette clôture, et en dépit de mes demandes répétées et en parfaite contradiction avec vos fonctions de Directeur Administratif et Financier, vous ne m’avez jamais informé du résultat de l’exercice, qu’il soit prévisionnel ou définitif. (…) Vous m’avez caché la venue et la présence de l’expert-comptable de la société, que je n’ai découvertes que 24 heures après son arrivée. (..) Après avoir découvert sa présence, je vous ai demandé d’organiser un rendez-vous avec l’expert-comptable avant qu’il ne quitte la société à la fin de la semaine, afin qu’il me fasse un compte-rendu à l’issue de ses diligences. Ce que vous n’avez pas fait. » « Lors de la dernière réunion du CHSCT, l’Inspectrice du travail s’est étonnée du fait qu’en tant qu’employeur, je ne l’ai pas reçue lors de sa précédente visite. Or, ce jour- là, vous ne m’aviez pas informé de sa présence dans l’entreprise. » « Au mépris des règles les plus élémentaires de bon fonctionnement de l’entreprise, en grave difficulté financière, vous êtes parti en congés du 29 avril au 13 mai 2016, sans organiser votre absence. Vous avez autorisé deux autres salariés ayant accès aux comptes bancaires de la société à prendre leurs congés pour partie en même temps que les vôtres. Il en a résulté que , pendant une semaine, de notre fait, aucune personne de la société n’a pu avoir accès aux comptes bancaires de la société, alors que vous connaissez parfaitement sa situation de trésorerie extrêmement tendue » ; Que la lecture de ces griefs et des conclusions de la société Colimide montre qu’elle tient pour acquis que les griefs imputés à M. [Z] constituaient un manquement à ses obligations professionnelles ; or, qu’un tel comportement fautif ne peut résulter que d’agissements excédant les limites des attributions du salarié telles que fixée par l’employeur ou de manquements à des obligations posées par l’employeur, l’intitulé des fonctions d’un salarié, même DRH ou DAF, ne suffisant pas à établir que les faits tels que décrits dans la lettre de licenciement, puissent constituer un comportement fautif de la part de M. [Z] ; que dès lors que l’employeur ne justifie pas avoir fixé la liste des attributions de M. [Z] ou lui avoir donné des instructions précises, ne produisant aucune fiche de poste ou tout autre élément probant à cet égard, il n’ apporte pas la preuve que M. [Z] n’avait pas le droit de faire ce qui lui est reproché ou réciproquement, que ce qu’il n’a pas fait relevait de ses attributions ; qu’en outre, la société Colimide ne démontre pas que M. [Z] n’ait pas communiqué à M. [W] le résultat de l’ exercice, ni des demandes répétée de ce dernier en ce sens ; qu’elle ne démontre pas non plus que M. [W] lui ait demandé d’organiser un rendez-vous avec l’expert-comptable ; qu’au surplus, s’ agissant du grief pris de l’absence d’organisation de son absence et de l’autorisation de congés de deux personnes ayant accès aux comptes bancaires de la société pendant la période de congés évoquée dans la lettre la société Colimide ne démontre pas que M. [Z] n’avait pas été autorisé à prendre ses congé ni qu’il ne l’avait pas informée informé du fait qu’il autorisait d’autres personnes ayant accès comptes à prendre congé en même temps, ni de ce qu’aucune autre personne n’avait accès aux comptes bancaires notamment pour en consulter le solde et vérifier si les paiements envisagés étaient possibles et ce, y compris [W], qui seIon les courriers qu’il a adressés aux banques , était présent au moins du 2 au 12 mai 2016 ; que le seul fait que le courriel d’une société, conseil financier et opérationnel de la société Kermel indique que « les collaborateurs ayant accès aux banques étant en congés cette semaine » n’étant pas suffisamment probant à cet égard s’agissant de propos tenus par une personne extérieure à la société ; qu’à tout le moins un doute existe quant à la réalité de ce grief ; « S’agissant de la rémunération variable des salariés de la société au titre de l’exercice 2015, vous ne vous êtes pas assuré en tant que DRH que les objectifs permettant de déterminer pour chaque salarié concerné le montant de cette rémunération avaient été fixés, consignés et communiqués aux salariés concernés en début d’exercice. Ce manquement, outre le fait qu’il porte en soi d’importants risques de contentieux avec certains salariés, a généré de légitimes interrogations des salariés qui se sont adressés de manière répétée à moi, me plaçant de ce fait en difficulté vis-à-vis d’eux. » Que, s’agissant de ce grief, la société Colimide ne justifie pas non plus qu’une telle tâche relevait des attributions de M. [Z], alors que ce dernier, dans son courriel du 20 mai 2016, le contestait et que les autres pièces produites par la société Colimide sont insuffisamment probantes à cet égard ; qu’elle ne démontre donc pas que M. [Z] ait manqué à ses obligations professionnelles ;
« Plus grave encore, vous vous êtes « auto-octroyé » un bonus semestriel d’un montant de JO 338 euros au titre du second semestre de l’année 2015, alors que, d’une part, vous savez pertinemment ne pas être éligible à l’obtention d’un tel bonus (il n’avait pas été validé par le Comité de surveillance le semestre précédent pour les mêmes raisons) et que, en tant que DAFIDRH de la société d’autre part, vous connaissez les difficultés économiques dont souffre la société. Une telle décision est d’autant plus inadmissible compte-tenu des fonctions qui sont les vôtres. C’est la raison pour laquelle il ne vous a pas été payé. » Que la société Colimide ne justifie pas que M. [Z] ait tenté de tromper son supérieur hiérarchique ou n’ait pas respecté les règles en vigueur pour l’attribution des rémunérations variables ; que le seul fait qu’il ait adressé à M. [W] une proposition de versement de bonus pour un certain nombre de personnes, dont lui, qui devait être soumise à l’approbation du conseil de surveillance, ne suffit pas à caractériser l’existence d’une faute ; qu’en outre, la société Colimide ne démontre pas que M. [W] avait connaissance du fait que le conseil de surveillance refuserait le paiement de telles rémunérations variables en raison de la situation financière de la société ; qu’au demeurant, à supposer même qu’il ait connu l’existence de refus par le passé pour une telle raison et même qu’il ait pu se douter du fait que sa demande serait rejetée, il ne peut lui être reproché d’avoir présenté une telle demande, dont il n’est pas soutenu qu’elle ait été basée sur des éléments erronés ou trompeurs ; « De surcroît, contrairement aux dispositions de l’accord d’intéressement en vigueur au sein de la société, vous avez octroyé en juin 2015 à d’anciens mandataires sociaux de la société ne pouvant y prétendre, des sommes au titre de l’intéressement. » Que M. [Z] ne conteste pas ledit octroi, mais soutient avoir agi en vertu d’une pratique en vigueur dans l’entreprise ; que la société Colimide, qui au soutien de ce grief, produit les bulletins de paie de MM. [G], [H] et [L] de juin 2013 et juin 2014 dont il résulte le paiement d’une somme au titre de l’intéressement, n’explique cependant pas la raison pour laquelle de telles sommes ont été payées à ces personnes et ne devaient plus l’être en 2015 ; qu’en outre, elle ne conteste pas expressément l’existence de la pratique invoquée par M. [Z], étant observé que le seul fait de produire les accords d’intéressement Kermel/Kelimera de 2011 et Kermel/Colimide de 2014 ne permet pas d’en exclure l’existence ; qu’elle ne justifie donc pas être fondée à reprocher à M. [Z] d’avoir agi ainsi ; « Lors de la venue du nouvel l’expert-comptable de la société le 9 et 10 juin dernier, ce dernier m’a informé de l’état de grosses se de la chef comptable de la société – information que vous m’aviez cachée en dépit du caractère critique de la situation et de l’urgence d’organiser son remplacement. Cette défaillance est d’autant plus grave eu égard à la dimension du service comptable qui relève de votre domaine de responsabilité en tant que DAF, qui ne compte que 3 salariés dont une en CDD qui s’arrête fin septembre, et à la nécessité d’assurer une gestion comptable et financière rigoureuse pendant la période de difficultés que connaît actuellement la société ». Que la société Colimide soutient et justifie que M. [Z] a été informé. par une lettre du 12 mai 2016, de l’ état de grossesse de la salariée et du fait du fait que son congé de maternité devait durer du 4 novembre 2016 au 24 février 2017 ; que compte tenu de ces dates, le fait, pour M. [Z] de ne pas avoir avant le 9 juin 2016, informé M. [W] de cette situation, ne peut être constitutif d’un manquement à ses obligations professionnelles, et ce d’autant plus que la société Colimide n’invoque ni ne justifie qu’il était tenu de porter une telle nouvelle immédiatement à la connaissance de ce dernier ; que la circonstance que la salariée ait été absente dès le 29 juillet 2016, date du début de ses congés annuels, suivis d’arrêts de travail préalables à son congé maternité, n’est pas reprochée à M. [Z] dans la lettre de licenciement ; qu’en tout état de cause, elle ne peut constituer un grief fondant le licenciement intervenu le 19 juillet 2016. « Vous avez accepté de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié ayant fait part de sa décision de démissionner alors qu’il a trouvé un nouvel emploi, et ce alors que nous rencontrons des difficultés de trésorerie et que d’autres salariés démissionnaires n’ont pas été traités de la même façon » ; Que le seul fait, pour un directeur des ressources humaines, de conclure une convention de rupture conventionnelle avec un salarié ayant présenté sa démission ne constitue pas un manquement à ses obligations professionnelles, ce d’autant qu’en l’espèce, comme le soutient et en justifie M. [Z], ce salarié était responsable de la maintenance, poste important pour le bon fonctionnement de l’entreprise, avait présenté sa démission le 28 juin 2016, soit la veille des vacances d’été, et qu’il demandait à ne pas effectuer la totalité du préavis auquel il était soumis, de sorte que l’employeur pouvait vouloir garantir l’exécution de la période de préavis réduite proposée par le salarié ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Colimide ne démontre pas, à l’encontre de M. [Z], l’existence de grief de nature à constituer une faute grave, ni une faute caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le jugement sera dès lors infirmé » ;
ALORS QUE le juge du fond doit mesurer la gravité des faits invoqués par l’employeur dans une lettre de licenciement en les considérant dans leur ensemble, au regard de la nature des fonctions exercées par le salarié et de l’étendue des responsabilité qui sont les siennes ; qu’en considérant chacun des griefs isolément sans considération pour l’étendue des responsabilités du salarié et l’impact négatif de son comportement dans un contexte difficile pour l’entreprise, en cours de négociation avec ses principaux créanciers d’un plan de redressement de sa situation financière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS, AU SURPLUS, QUE la cour d’appel ne pouvait sans contradiction admettre qu’il n’est pas contesté que le cadre dirigeant ait, depuis sa messagerie personnelle, transmis des informations sur « une personne prête à investir au capital de la société » et qu’il s’agissait bien de la violation de son obligation de confidentialité et de la transmission d’informations sensibles à l’un des principaux créanciers de la société en difficulté, et considérer que ces faits ne permettaient pas pour autant de justifier un licenciement au motif qu’il n’était pas établi que les informations transmises étaient de nature à décrédibiliser le nouveau président de la société, sans considération pour l’intérêt de l’entreprise et le contexte dans lequel les faits se sont déroulés et les négociations en cours avec les principaux créanciers pour l’adoption d‘un plan de redressement de l’entreprise ; que par ces motifs contradictoires et imprécis, la cour d‘appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QUE si la lettre de licenciement fixe les limites du litige, il demeure néanmoins possible dans les conclusions ou lors des débats d’illustrer par des faits précis et objectifs les griefs qu’elle contient ; que l’invocation de la violation de l’obligation de confidentialité et de la transmission à un créancier important d’informations « sensibles » venait étayer le grief de déloyauté et de dépassement des limites de la liberté d’expression ; qu’en affirmant que « la lettre de licenciement fixant les limites du litige, la violation de l’obligation de confidentialité et la transmission d’informations sensibles à la société Ardian, évoquées dans les conclusions de la société Colimide ne peuvent fonder le licenciement », quand la lettre de licenciement faisait état de la déloyauté du salarié et d’actes mettant en péril les intérêts de la société en difficulté, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des dispositions de l’article L. 1232-6 du code du travail ;
ALORS QUE la cour d’appel ne pouvait affirmer que les éléments produits par la société Colimide ne démontrent pas que M. [Z] ait excédé les limites de la liberté d’ expression dont il jouissait en échangeant avec des cadres de la société Kermel et qu’il ait ainsi manqué à son devoir de loyauté, sans examiner les attestations d’où il résultait que M. [Z] a assuré à deux autres salariés que leur dirigeant, M. [W], avait l’intention de les licencier et de mettre la société en liquidation pour la racheter à vil prix, propos dépassant à l’évidence les limites de la liberté d’expression ; qu’en s’abstenant d’examiner ces éléments et de répondre sur ce point à la société, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE la cour d’appel ne pouvait affirmer que la société « n’invoque ni ne justifie » que M. [Z] était tenu de porter à la connaissance de la direction de la société le départ imminent de la chef-comptable en congé de maternité, dès lors qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué lui-même que cette information était indispensable « compte tenu du caractère critique de la situation et de l’urgence d’organiser le remplacement de la salariée » et que cette défaillance « est d’autant plus grave eu égard à la dimension du service comptable » qui relève du domaine de responsabilité de M. [Z] en tant que DAF « et à la nécessité d’assurer une gestion comptable et financière rigoureuse pendant la période de difficultés que connaît actuellement la société » ; que la cour d’appel n’a donc pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QUE si le seul fait, pour un directeur des ressources humaines, de conclure une convention de rupture conventionnelle avec un salarié ayant présenté sa démission ne constitue pas un manquement à ses obligations professionnelles, il en va différemment lorsque les conditions dans lesquelles cette rupture conventionnelle a été négociée contreviennent à l’intérêt d’une entreprise qui traverse des difficultés économiques graves ; qu’en se bornant à énoncer que le seul fait de la part d’un directeur des ressources humaines de négocier une rupture conventionnelle ne saurait constituer un manquement à ses obligations sans rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de la société et la lettre de licenciement, si un tel manquement ne résultait pas en l’espèce de la conclusion d’une rupture conventionnelle dans des conditions financières anormales eu égard au contexte de graves difficultés de trésorerie rencontrées par l’entreprise, dans le seul intérêt d’un salarié en réalité démissionnaire et ayant trouvé un autre emploi et bien que « d’autres salariés démissionnaires (n’aient) pas été traités de la même façon », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si la charge de la preuve de la faute grave pèse bien sur l’employeur, en revanche, en matière de cause réelle et sérieuse, même si le doute profite au salarié, le juge doit former sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des deux parties sans pouvoir faire peser la charge de la preuve exclusivement sur l’employeur ; qu’après avoir écarté la faute grave, la cour d’appel a méconnu son office en retenant exclusivement l’insuffisance des preuves rapportées par l’employeur, sans avoir exigé aucun élément de preuve de la part du salarié de l’exécution loyale de ses obligations contractuelles ; qu’ainsi la cour d’appel la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS, PLUS GENERALEMENT, QU’après avoir écarté la faute grave invoquée à l’appui du licenciement, la cour d’appel devait faire porter son examen sur la cause réelle et sérieuse ; qu’en rejetant la faute grave sans examen véritable de la cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de M. [Z] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d’AVOIR condamné en conséquence la société Colimide à payer à M. [Z] les sommes de 23.812 € à titre d’indemnité de préavis, 2.381 € à titre des congés payés afférents, 39.158,24 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 95.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.000 euros pour le préjudice distinct dû au titre du licenciement vexatoire et 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes financières : que dès lors que le licenciement n’est pas fondé sur une faute grave et selon les motifs pertinents des premiers juges que la cour d’ adopte, le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente et l’indemnité de licenciement ; que dès lors qu’il n’est pas contesté que la société Colimide emploie moins de onze salariés, M. [Z] a, en application de l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, droit à la réparation de son préjudice de perte injustifiée de son emploi résultant de son licenciement abusif, dont il lui appartient de démontrer l’existence et le montant ; qu’au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, et notamment de l’âge de M. [Z] au moment du licenciement (né en 1963), de son ancienneté dans l’entreprise de près de onze années, de son parcours professionnel, du montant de la rémunération qu’il percevait en moyenne, et des justificatifs produits sur sa situation ultérieure, notamment celui du mois d’août 2017 qui mentionne le cumul des rémunérations déjà perçues sur l’année, dont il résulte que s’il a retrouvé un emploi, la rémunération qu’il a perçue dans l’année qui a suivi le licenciement est moindre, et ce même s’il devait être tenu compte du paiement d’un treizième mois, de sorte qu’il n’y a pas lieu de tenir compte d’éventuels bonus qu’il aurait perçu après cette période, son préjudice sera évalué à la somme de 95.000 euros ; que la société Colimide sera condamnée à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts ; que compte tenu du caractère brutal de ce licenciement injustifié et de l’imputation sans preuve d’ éléments infamants, et indépendamment du fait que les salaires relatifs à sa mise à pied à titre conservatoire lui ait été payée, il sera jugé que la société Colimide a commis la faute de licencier de manière vexatoire M. [Z] et lui a causé un préjudice distinct de la perte injustifiée de son emploi, qui sera évalué à la somme de 3.000 euros ; qu’elle sera condamnée à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts » ;
ALORS, D’UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen en ce que l’arrêt attaqué a jugé que le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, emportera par voie de conséquence la cassation de ce même arrêt en ce qu’il a décidé des conséquences financières du licenciement, en raison du lien d’indivisibilité des chefs du dispositif et en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
ALORS D’AUTRE PART, QU’en jugeant que le licenciement a causé au salarié un préjudice distinct de la perte injustifiée de son emploi, qui sera évalué à la somme de 3.000 euros, sans qu’il ressorte de ses constatations que le licenciement avait un caractère vexatoire, qu’il ait eu un caractère brutal et qu’il ait reposé sur « des imputations d’éléments diffamants », la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L. 1231-1 à L. 1231-4 du code civil et de l’article L. 1235-3 du code du travail.