Convention de rupture conventionnelle : 22 novembre 2012 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 12/14810

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Convention de rupture conventionnelle : 22 novembre 2012 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 12/14810

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT EN MATIERE DISCIPLINAIRE

DU 22 NOVEMBRE 2012

FG

N° 2012/717

Rôle N° 12/14810

[N] [Z] épouse [XW]

C/

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

PRESIDENT DE LA CHAMBRE REGIONALE DE DISCIPLINE DU CONSEIL REGIONAL DES NOTAIRES DE LA COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

Grosse délivrée le :

à :

Me Thierry TROIN (NICE)

Président de la Chambre Régionale de Discipline du Conseil régional des Notaires de la Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE

Monsieur Thierry RICARD, avocat général

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 4 juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n°11/04427.

APPELANTE

Madame [N] [Z] épouse [XW]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 18],

demeurant [Adresse 2]

comparante en personne

et assistée de Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE

INTIMES

LE PROCUREUR GENERAL

PRES LA COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

[Adresse 20]

Représenté par Monsieur Thierry RICARD, avocat général.

En présence du :

Président de la Chambre Régionale de Discipline du Conseil régional des Notaires de la Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE

[Adresse 10]

représenté par Me [RF] [X], notaire à NICE, en vertu d’un pouvoir en date du 10 octobre 2012.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue en Chambre du Conseil le 26 Octobre 2012 devant la Cour composée de:

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE

Ministère Public : Monsieur Thierry RICARD, avocat général, présent uniquement lors des débats

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu le 22 Novembre 2012.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé en audience publique le 22 Novembre 2012 par M. François GROSJEAN, Président.

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Sur question du Président, Maître [N] [Z] a déclaré ne pas souhaiter de débats publics.

Monsieur François GROSJEAN, Président, est entendu en son rapport.

Madame [N] [Z] , appelante, est entendue en ses explications sur interrogation du président.

Me [RF] [X], notaire, représentant le Président de la Chambre régionale de discipline du Conseil régional des Notaires de la Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE, est entendu en ses explications.

Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE est entendu en sa plaidoirie dans les intérêts de Maître [N] [Z] , appelante.

M. Thierry RICARD, avocat, général, est entendu en ses réquisitions.

Maître [N] [Z] a eu la parole en dernier.

Sur quoi, les débats sont déclarés clos et l’affaire mise en délibéré, les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu à l’audience du 22 Novembre 2012.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE, POURSUITES, AUDIENCE

Mme [N] [Z] épouse [XW], née le [Date naissance 9] 1968 à [Localité 18], est notaire à Nice depuis septembre 1999. Elle exerce au sein de la société civile professionnelle M°[CX] [ZZ], M°[R] [L], M°[F] [PH], M°[M] [ZS], M°[N] [Z], M°[G] [V], M°[CO] [U] et M°[XO] [HD], titulaire d’un office notarial à Nice.

A la suite d’une grave mésentente survenue entre les associés en raison de difficultés financières de la société civile professionnelle, et après une inspection de l’office sur ordre du président du conseil supérieur du notariat, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nice a initié une poursuite disciplinaire à l’égard de Mme [N] [Z], notaire, devant le tribunal de grande instance de Nice.

Mme [N] [Z] a été assignée devant le tribunal de grande instance de Nice par le procureur de la République de Nice le 30 juin 2011 pour une audience à jour fixe du 6 septembre 2011 aux fins de voir, au visa de l’ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et notamment ses articles 2, 3, 10, 32 et 33, de l’article 13 du décret du 28 décembre 1973 :

– dire que M°[N] [Z] a, à de multiples reprises, manqué à ses obligations déontologiques et s’est rendue coupable de manquements à ses obligations professionnelles,

– dire que M°[N] [Z] a contrevenu aux lois et règlements, commis des infractions aux règles professionnelles et des faits contraires à la probité, l’honneur et la délicatesse,

– en conséquence, statuer ce que de droit sur la sanction par lui encourue,

– la condamner aux dépens.

Le 6 septembre 2011, l’affaire fut renvoyée au 29 février 2012, date à laquelle elle fut encore renvoyée au 11 avril 2012, date à laquelle elle fut mise en délibéré au 4 juillet 2012.

Par jugement en date du 4 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Nice a :

– prononcé à l’encontre de M°[N] [Z] épouse [XW], notaire associé au sein de la SCP [CX] [ZZ]- [R] [L]- [F] [PH] -[M] [ZS]- [N] [Z]- [G] [V] – [CO] [U] et [XO] [HD], titulaire d’un office notarial à Nice, la sanction de l’interdiction temporaire pendant une durée de trois ans,

– dit n’y avoir lieu à désignation d’un administrateur, les autres associés de la société civile professionnelle étant présents pour l’administrer,

– condamné Mme [N] [Z] épouse [XW] aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour de M°Thierry TROIN, avocat au barreau de Nice, en date du 28 juillet 2012, Mme [N] [Z] épouse [XW] a relevé appel de ce jugement.

L’affaire a été audiencée pour le 26 octobre 2012, pour laquelle Mme [Z] a été convoquée par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 8 septembre 2012 .

Le 26 octobre 2012, Mme [N] [Z] s’est présentée en personne.

Elle était assistée de M° Thierry TROIN, avocat au barreau de Nice.

Les débats se sont déroulés en chambre du conseil, Mme [Z], interrogée sur ce point, ayant précisé qu’elle ne souhaitait pas que l’audience se déroule publiquement.

A l’audience du 26 octobre, Mme [N] [Z] a été entendue en ses explications, M°TROIN, avocat, assistant Mme [Z] en sa plaidoirie.

Elle a demandé à la cour, au visa de l’article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles 9, 9-1 et 16 du code de procédure civile, de l’article 1315 du code civil, des articles 1832 et suivants du code civil, des articles 110 et suivants du code de commerce, des articles 1321 et 1984 du code civil, des articles L.1221-1 et suivants du code du travail et 1108 du code civil, des articles 1134 et 1147 du code civil, de l’ordonnance du 28 juin 1945 et notamment son article 32 et du décret du 28 décembre 1973, de :

– constater l’absence de preuve ou de fait établi concernant l’imputation d’une prétendue souscription d’un billet sous seing privé,

– constater l’absence d’activité spéculative ou commerciale de Mme [Z] ainsi que l’absence de preuve d’une gestion de fait de sociétés commerciales,

– constater l’absence de preuve d’une participation de Mme [Z] aux activités spéculatives de M°[ZZ] en l’absence de rédaction des actes reprochés, on intervention dans le cadre de quelques mandats spécifiques dûment exécutés,

– constater l’absence de violations des obligations professionnelles de Mme [Z] dans l’assistance de la société SAHEL lors de la vente de son fonds de commerce,

– confirmer le jugement dont appel pour ces quatre griefs infondés,

– réformer le jugement pour le surplus,

– constater l’absence de participation à la réalisation d’un emploi fictif au préjudice de la société notariale du fait de l’instruction donnée pour l’établissement du bulletin de salaire de mai 2009 de M.[K] et de la signature de l’acte du 23 janvier 2009 de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [ZZ] avec en exécution de cette convention l’établissement le 8 avril 2009 du chèque de règlement de l’indemnité de 44.873 €,

– constater l’absence d’implication de Mme [Z] dans les faits relatifs au montage réalisé par M.[ZZ] au travers de la SCI Jemara,

– constater l’absence de grief recevable et fondé concernant le loyer du bail autorisé par l’assemblée générale du 12 juillet 2005 et l’acquisition ultérieure du bien immobilier du travers de la SCI Centre Auber Orange,

– constater l’absence de grief recevable et fondé concernant l’imputation d’un prétendu détournement de clientèle postérieurement au protocole du 12 septembre 2009,

– constater que la majorité des faits mentionnés dans l’acte introductif d’instance correspondent aux mêmes imputations que celles figurant dans la procédure pénale,

– constater que, dans le cadre de la procédure pénale, Mme [Z] conteste non seulement la réalité de certains faits qui lui sont imputés mais également les qualifications données à des faits ou à des actes tout à fait normaux et légitimes et entend solliciter le bénéfice d’un non-lieu,

– décharger Mme [Z] des fins de la présente poursuite disciplinaire,

– dire n’y avoir lieu à sanction disciplinaire,

– statuer ce que de droit sur les dépens;

et de dire qu’il n’y a pas lieu à suspension provisoire.

M°[RF] [X], notaire à Nice, représentant le président de la chambre régionale de discipline des notaires de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, et porteur d’un mandat spécial à cet effet, a présenté ses observations, déclarant s’en rapporter à justice sur la mesure à prendre.

M.l’Avocat général a précisé qu’il demandait la condamnation de Mme [Z] au titre de tous les faits visés dans la poursuite, a conclu à la réformation partielle de la décision sur la culpabilité, a requis la condamnation de Mme [Z] au titre de tous les faits reprochés dans l’acte de poursuite, et une aggravation de la sanction, pour la porter à cinq années d’interdiction d’exercer.

Mme [N] [Z] a eu de nouveau la parole en dernier.

MOTIFS,

-I) La recevabilité de l’appel :

Par application des articles 35 et 36 du décret du 28 décembre 1973 l’appel d’une décision rendue en matière disciplinaire est formé par simple déclaration de la partie appelante au secrétariat greffe de la cour d’appel dans le délai d’un mois. Ce délai court à l’égard de l’officier public ou ministériel du jour où la décision est rendue en présence de l’intéressé ou de son défenseur, dans le cas contraire à compter de la notification.

Le jugement est en date du 4 juillet 2012.

Il n’apparaît pas qu’il ait été notifié à Mme [N] [Z].

L’appel est en date du 28 juillet 2012, moins d’un moins après le jugement.

La recevabilité de l’appel n’est pas contestable.

-II) Le cadre de la poursuite disciplinaire :

Les fautes disciplinaires susceptibles d’être reprochées aux notaires, comme à certains autres officiers ministériels, et donnant lieu à sanction disciplinaire, sont légalement déterminées par l’article 2 de l’ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945.

Il s’agit de :

– soit toute contravention aux lois et règlements,

-soit toute infraction aux règles professionnelles,

-soit tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse.

Ces contraventions, ces infractions ou ces faits doivent avoir été commis par un officier public ou ministériel.

Ces contraventions, ces infractions ou ces faits peuvent se rapporter aussi bien à la vie professionnelle qu’à la vie privée de l’officier public ou ministériel.

La citation par le procureur de la République à Nice en date du 30 juin 2011 indique :

‘[N] [Z] a utilisé ses fonctions de notaire à des fins personnelles. Elle s’est affranchie de manière réitérée et grave de ses obligations déontologiques.

Elle a utilisé sa qualité, son statut et la société civile professionnelle dont elle est l’une des associées pour mener des opérations commerciales et spéculatives, incompatibles avec son statut de notaire. Elle a également apporté son concours à [CX] [ZZ] pour réaliser de multiples opérations identiques, allant jusqu’à procéder avec lui à des opérations contraires aux intérêts de la SCP notariale, d’avoir porté préjudice à la SCP notariale en utilisant ses moyens pour détourner une partie de sa clientèle au profit d’un autre notaire avec lequel elle était liée.’

La citation précise que les faits reprochés constituent des contraventions aux lois et règlements, des infractions aux règles professionnelles et des faits contraires à la probité, à l’honneur et à la délicatesse.

Il lui est reproché :

– une activité commerciale et spéculative,

– le recours à l’emprunt par souscription de billets sous seing privé,

– des agissements au détriment de la SCP notariale.

– une activité au profit de la Selarl [O] au préjudice de sa SCP notariale.

-III) L’activité commerciale et spéculative :

Il est reproché à Mme [Z] d’avoir eu une activité commerciale et d’avoir ainsi délaissé son office au profit d’autres activités.

La poursuite fait état de l’implication de Mme [Z] dans la gestion de plusieurs sociétés commerciales ou civiles, la SCI Alexandre, la SCI Lex, la SCI Centre Auber-Orange, la SCI Sandre, la Sarl Lexou, la SCI Dessy, de la participation à l’activité spéculative de M°[ZZ], en lui apportant son concours.

L’article 13 du décret du 19 décembre 1945 :

‘il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement :

-1° De se livrer à aucune spéculation de bourse ou opération de commerce, banque, escompte et courtage,

-2° De s’immiscer dans l’administration d’aucune société ou entreprise de commerce ou d’industrie,

-3° De faire des spéculations relatives à l’acquisition et à la revente des immeubles, à la cession des créances, droits successifs, actions industrielles et autres droits incorporels,

…..

-7° De se servir de prête-nom en aucune circonstance même pour des actes autres que ceux désignés ci-dessus, …’

L’article 3 du règlement national des notaires dispose : ‘l’Etat en le nommant investit le notaire d’une prérogative de puissance publique : le pouvoir de conférer l’authenticité. Il doit accomplir sa mission avec loyauté et probité..Le notaire se consacre principalement à l’exercice de ses fonctions.’

Un notaire doit se consacrer principalement à l’exercice de ses fonctions. Il doit exercer lui-même son office et ne peut déléguer sa prérogative de puissance publique.

Il ne doit pas s’immiscer dans le fonctionnement d’une société commerciale.

Il doit pas faire des opérations de spéculations immobilières répétées en se comportant comme un marchand de biens.

-III-1) L’implication de Mme [Z] dans la gestion de plusieurs sociétés :

Il s’agit de plusieurs sociétés civiles immobilières, la SCI Alexandre, la SCI Lex, la SCI Centre Auber-Orange, la SCI Sandre, la SCI Dessy, et d’une société commerciale, la Sarl Lexou.

-III-1-1) Les sociétés civiles immobilières :

La SCI Alexandre est une société dans laquelle Mme [Z] est associée avec son mari. Cette société est propriétaire de la résidence principale des époux [XW]-[Z].

Cette société n’a aucun caractère spéculatif. Il s’agit d’une structure juridique ayant permis l’acquisition de leur résidence par les époux [XW]-[Z].

La SCI Lex est une société qui est propriétaire du local professionnel de M°[XW], avocat, mari de Mme [Z]. Cette dernière y est associée avec son époux. Cette structure juridique ne présente aucun caractère spéculatif.

Mme [Z] était titulaire de 5% des parts de la SCI SANDRE, dont l’autre associée était sa mère. Elle n’y avait qu’une participation minoritaire.

Elle était également associée avec sa mère dans la SCI DESSY, propriétaire de biens immobiliers [Adresse 8]. Il s’agissait de deux sociétés civiles familiales permettant de gérer le patrimoine familial. Un notaire, comme tout un chacun peut gérer son patrimoine au travers de sociétés civiles immobilières sans commettre aucune violation de son statut.

Mme [Z] s’était également associée de manière égalitaire avec M.[CX] [ZZ], autre notaire de la société civile professionnelle notariale dont elle fait partie, pour constituer en 2005 la SCI Centre Auber Orange. Cette société avait son siège [Adresse 12], et un capital de 1.600 €. Son objet était l’acquisition de tous biens immobiliers.

Cette société a acquis le 22 septembre 2005 des lots de garage et sous-sol , palais Haydee à Nice au prix de 387.500 €, qu’elle a ensuite loués à la société civile professionnelle le 29 novembre 2005.

Le fait d’être associée de cette SCI n’avait en soi rien de répréhensible.

C’est l’agissement commis au travers de cette société au préjudice de la société civile professionnelle notariale qui pose question. Cet agissement constitue un élément autonome de la poursuite qui est examiné ci-dessous.

-III-1-2) La société à responsabilité limitée Lexou :

Une société civile immobilière SCI Lexou a été constituée par acte de M°[VT], notaire, en date du 30 décembre 2004 entre Mme [N] [Z] épouse [XW] et son mari M.[P] [XW], à raison de 50 parts/100 pour chacun. Son capital social était de 1.600€.

Son objet social était l’acquisition de tous biens immobiliers et leur gestion, et toutes opérations se rattachant à cet objet. Son siège était à l’origine à Solenzara (Corse du Sud).

Cette SCI a acquis le 21 février 2005 en l’état futur d’achèvement un appartement duplex et deux boxes de voiture dans un ensemble immobilier en copropriété à [Localité 22] au prix de 275.000€.

Cette acquisition a été faite aux fins de donner le bien en location.

Par la suite cette société a été transformée en société à responsabilité limitée, la Sarl Lexou, au lieu de la SCI Lexou, et son siège a été transféré à [Adresse 19].

Il s’agit bien d’une société commerciale.

Un bail commercial a été passé le 10 mai 2006 avec la société Odalys, pour une activité quasi-hotelière.

Cette société commerciale est bailleresse d’un bail commercial.

La gérante de droit est Mme [JW] [Z], mère de Mme [N] [Z]

Suite à un contrôle fiscal, l’administration fiscale a estimé que Mme [N] [Z] était gérante de fait de la Sarl Lexou. Il a été relevé que les courriers de la Sarl Lexou étaient signés par Mme [N] [Z], que durant les opérations de contrôle, Mme [N] [Z] était présente le premier jour, Mme [JW] [Z] étant absente. Par ailleurs l’inspecteur des impôts a écrit que, dans le cadre du contrôle, les avocats de la société auraient indiqué que Mme [N] [Z] était la gérante. L’inspecteur des impôts note :’Son comportement au cours des interventions et son attitude en général tendent à démontrer que Mme [N] [Z] est maître réel de l’affaire et qu’elle exerce en fait l’activité de gérante de la société’.

Sans se prononcer sur le point de savoir si Mme [N] [Z] était ou non gérante de fait de la Sarl Lexou, la cour constate que Mme [N] [Z] s’est fortement immiscée dans la gestion de cette société, en intervenant tellement pour elle à l’égard de l’administration fiscale, que les représentants de cette administration l’ont considérée comme gérante de fait.

Cette immixtion dans la gestion d’une société commerciale est une atteinte à l’interdiction statutaire visée à l’article 13-2° du décret du 19 décembre 1945 de s’immiscer dans l’administration d’aucune société ou entreprise de commerce ou d’industrie.

Le jugement sera réformé sur ce point.

-III-2) La participation à l’activité spéculative de M°[ZZ]:

-III-2-1) activité de M°[ZZ] au travers de la Sarl Rue de Rennes :

La Sarl Rue de Rennes a son siège social [Adresse 4], ce qui est l’adresse personnelle de M°[ZZ]. Elle a un capital de 200.000 €. Cette société a été immatriculée le 24 juin 2002. Ses associés sont M°[CX] [ZZ], avec 600 parts sur 1.200, et son épouse Mme [FP] [H] épouse [ZZ] avec les 600 autres parts.

La gérante de droit est Mme [LB] [Y] épouse [ZZ], mère de M.[CX] [ZZ].

Cette société a pour objet : toutes activités de locations d’appartements meublés, et plus généralement toutes opérations commerciales, financières, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher .

Il a été considéré que M°[ZZ], avait une véritable activité commerciale au travers de cette société commerciale Sarl Rue de Rennes – la gérante statutaire étant trop âgée et de paille, née le [Date naissance 5] 1932, ayant fait valoir ses droits à la retraite, n’ayant été que simple collaboratrice de son mari de 1965 à 1969 dans l’agence immobilière [ZZ].

Il est reproché à Mme [Z] d’avoir participé à cette activité de M.[ZZ].

Ce grief repose sur deux éléments :

Mme [Z] représentait la Sarl Rue de Rennes, acquéreurs, lors d’une acte de vente par les époux [W], vendeurs, reçu le 3 juin 2008 par M°[O]. Il s’agissait de la vente d’un appartement dans la résidence Le Parnasse à Nice au prix de 215.000 € plus 10.000 € de commission à Sud invest et le même jour d’un acte de bail par la Sarl Rue de Rennes aux époux [W], qui d’anciens propriétaires, devenaient locataires.

L’acte qui sera passé le 26 octobre 2007 par M°[O], notaire à [Localité 17], de vente par la Sarl Rue de Rennes représentée par M°[ZZ] à M.[J] d’un appartement dans l’immeuble Le Parnasse à Nice au prix de 310.000 € + 15.000 € de commissions pour Sud invest, porte en haut à gauche les initiales [Z]/[C].

Comme il sera développé ci-dessus cette simple mention est insuffisante pour impliquer Mme [Z] à ce propos.

Rien de répréhensible ne peut être reproché à Mme [Z] de ce chef. Le simple fait d’avoir représenté la Sarl Rue de Rennes dans un acte isolé ne permet de retenir son implication dans les affaires de M.[ZZ].

-III-2-2) activité de M°[ZZ] au travers de la Sarl [Adresse 15] :

M.[ZZ] s’occupe d’un haras en région parisienne la Sarl [Adresse 15] à [Localité 16] dont son épouse est gérante de droit.

Cette société a vendu un bâtiment de 4 appartements à [Localité 16] à la SCI Kandi du Loup. L’acte a été reçu le 12 décembre 2006 par M°[O].

La Sarl [Adresse 15] est représentée à l’acte par Mme [N] [Z].

Le fait d’avoir eu procuration de la Sarl [Adresse 15] pour un seul et unique acte concernant la Sarl [Adresse 15] ne peut être considéré comme une participation aux activités de M.[ZZ] au sein du [Adresse 15].

-III-2-3) activité de M°[ZZ] au travers de ses sociétés civilles immobilières :

M.[CX] [ZZ] était associé de multiples sociétés civiles immobilières, notamment la SCI Barbara et la SCI Elysée Chérie.

La SCI Barbara a été immatriculée le 28 janvier 1994 à Nice. Elle a son siège [Adresse 11]. Son capital est de 1.524,49 €. Elle a pour objet l’acquisition de biens meubles et immeubles, leur location, gestion et administration. Son gérant était M.[ZZ]

Cette SCI Barbara a acquis le 28 janvier 1994 un appartement et une cave qui ont été loués à la société civile professionnelle notariale.

La SCI Elysée Chérie a été immatriculée le 24 novembre 2004 à Nice. Elle a également son siège [Adresse 11]. Son capital social est de 1.600 €. Son objet est l’acquisition de tous biens immobiliers et leur exploitation. Le gérant est M.[ZZ]

Un acte de vente a été passé le le 4 octobre 2006 devant M°[O] entre la SCI Barbara, venderesse, et la SCI Elysée Chérie, acquéreur.

Il s’agissait de la vente d’un appartement et une cave, qui étaient loués à la société civile professionnelle [ZZ]. Le prix de vente était de 320.000 €.

Lors de cet acte de vente Mme [Z] avait accepté une procuration de M.[ZZ] pour représenter la SCI Elysée Chérie.

Rien ne paraît répréhensible à l’occasion de cette vente d’une société civile à une autre société civile. Le fait que Mme [Z] ait accepté de représenter la SCI Elysée Chérie n’est pas une faute.

-IV) Le recours à un emprunt par souscription d’un billet sous seing privé :

L’article 13 du décret du 19 décembre 1945 dispose :

‘il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement :

-9° De contracter pour leur propre compte aucun emprunt par souscription de billet sous seing privé’.

Cette poursuite se fonde sur un document retrouvé dans l’ordinateur de M°[Z] de reconnaissance de dette du 31 octobre 2008 qui aurait été établie par Mme [Z] entre ses grands parents et elle.

Il n’est pas établi que ce document ait été signé et ait été au delà du stade du simple projet ou brouillon.

Sur ce grief, le procureur de la République n’avait plus maintenu sa poursuite à ce sujet devant le tribunal de grande instance et le tribunal de grande instance de Nice a considéré qu’il n’en était plus saisi .

En tout état de cause, ce grief n’est pas établi.

-V) les agissements au préjudice de la SCP notariale,

Ces agissements allégués résultent de la signature par Mme [Z] d’une lettre concernant Mme [FP] [H] épouse [ZZ] et concernant M.[K] dont les emplois auraient été fictifs.

Ces agissements consisteraient en des montages financiers effectués par l’entremise de la SCI JEMARA et par la SCI Centre Auber Orange, et auxquels Mme [Z] aurait participé.

-V-1) participation aux emplois fictifs

V-1-1) emploi fictif de l’épouse de M.[CX] [ZZ]:

Mme [FP] [H] épouse [ZZ], née le [Date naissance 3] 1960 à Nice, a été initialement embauchée par la SCP [YU] [ZZ] [GF] comme archiviste le 15 février 1989. Par avenant du 14 septembre 2001, son salaire est passé au coefficient 270 à compter 1er octobre 2002. Par avenant du 25 septembre 2002, elle est devenue responsable de service niveau 3, au salaire brut de 3.870,90 € à compter du 1er octobre 2002.

Par avenant du 18 décembre 2006, elle est passée poste de cadre niveau 3, coefficient 340, au salaire brut de 5.738,72 € à compter du 1er janvier 2007.

Il a été mis fin à son contrat de travail par rupture conventionnelle signée le 23 janvier 2009, avec fin effective le 6 avril 2009. Elle a perçu à cette occasion une indemnité forfaitaire de 44.873,43€ à titre d’indemnité de rupture légèrement supérieure à l’indemnité de licenciement telle que calculée par application de la convention collective.

A la suite de la création de la Sarl [Adresse 15] le 15 avril 2003, Mme [ZZ] a été désignée comme gérante de droit de cette société.

Même si son mari avait pris une part active dans la gestion de ce haras, Mme [ZZ] se devait d’être présente à [Localité 16]. Elle ne pouvait être présente en l’office notarial.

Lors de son audition par les enquêteurs de police le 21 octobre 2010 Mme [ZZ] a déclaré avoir travaillé à l’étude jusqu’à la fin 2005, puis être partie en région parisienne après l’achat du [Adresse 15]. Elle dit avoir prospecté à [Localité 21] pour l’étude dans le but de permettre une implantation à [Localité 21].

Malgré cette situation, elle a bénéficié le 18 décembre 2006 d’un avenant à son contrat de travail du 18 décembre 2006 comme si elle travaillait encore à l’office, pour être nommée responsable service des formalités, cadre niveau 3 et de coefficient 340, alors qu’elle ne venait plus à l’étude.

L’inspection de l’office par les inspecteurs désignés par le président du conseil supérieur du notariat a révélé que :

– les salariés de l’office n’ont jamais vu Mme [ZZ] travailler au service formalités,

– le répertoire de l’office, à compter de 2008, ne mentionnait plus Mme [ZZ].

M.[CX] [ZZ] a maintenu fictivement son épouse salariée de l’office à partir de fin 2005 au moins, a pourtant décidé de son augmentation de salaire, alors qu’elle était employée fictive de la société civile professionnelle. Pendant cette période, et grâce à ce mensonge, Mme [ZZ] a pu continuer de percevoir un salaire injustifié.

La décision de maintenir fictivement son épouse comme salariée de l’office est de la responsabilité de M.[CX] [ZZ].

Ce qui est reproché à Mme [Z] est d’avoir participé à cet agissement au préjudice de la société civile professionnelle en acceptant de signer avec Mme [ZZ] sa convention de rupture du contrat de travail alors qu’elle ne travaillait plus à l’étude depuis plusieurs années et d’avoir signé le chèque de 44.873,43 € lui allouant une confortable indemnité de départ alors qu’elle n’avait plus droit à rien depuis longtemps.

M.[CX] [ZZ] ne pouvait signer lui-même cette convention avec son épouse. L’agissement eût été trop flagrant. Il a obtenu de Mme [Z] qu’elle se prête à cet agissement.

Mme [Z] ne pouvait ignorer que Mme [ZZ], qui n’était pas une salariée comme les autres, étant l’épouse du principal associé de l’étude, ne venait plus à l’office depuis plusieurs années.

Elle a pourtant accepté, pour rendre service à M.[ZZ] et à Mme [ZZ] de faire comme si Mme [ZZ] était encore une réelle salariée de la société civile professionnelle. C’est dans ces conditions qu’elle a signé l’acte de rupture conventionnelle du contrat de travail du 23 janvier 2009, qui a couvert la fictivité de l’emploi et donné une apparence de normalité à cet agissement au préjudice de la société civile professionnelle.

Elle a elle-même signé le chèque de 44.873,43 €, cadeau de départ donné à Mme [ZZ] qui était payée depuis quatre ans pour un travail fictif.

En agissant ainsi, Mme [Z] a participé à cet agissement de M.[ZZ] préjudiciable à la société civile professionnelle.

V-1-2) emploi fictif de M.[K]:

M.[CX] [K], né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 24] (Nord), a quitté l’école en classe de troisième. Il dit avoir un CEP ou un niveau CEP de peintre en bâtiment.

Il a fait l’objet d’une embauche au nom de la société civile professionnelle par M.[CX] [ZZ] le 9 septembre 2008 à compter du 10 septembre 2008 et pour une durée d’une année.

La qualification prévue au contrat était : ’employé niveau 1 et de coefficient 110 prévue à l’article 15.2 de la convention collective nationale du notariat en qualité de coursier’.

Cette qualification correspond d’après la convention collective à l’exécution de tâches simples sans mise en oeuvre de connaissances particulières. Elle n’exige qu’un niveau scolaire de base et aucune expérience.

Il s’agissait d’un travail à temps partiel, pour 28 heures par semaine.

Le contrat de travail à durée déterminée fait part d’un surcroît passager d’activité.

L’inspection de l’office a révélé qu’à la date de cette embauche, les produits de l’étude étaient en baisse. Ce recrutement procédait d’une initiative personnelle de M.[ZZ] alors que l’activité de l’office diminuait. Il n’était pas justifié.

En réalité M.[K] n’a jamais travaillé pour l’office notarial. Les inspecteurs ont interrogé les salariés de la société civile professionnelle qui ont déclaré ne pas le connaître.

M.[K] n’apparaissait sur aucun répertoire de l’office.

Lors de son audition par les policiers enquêteurs le 6 octobre 2010, M.[CX] [K] a déclaré : ‘mon véritable travail était de faire le jardinage de la villa de [Localité 17]…parfois je me rendais aux Haras..je prenais l’avion de M.[ZZ] tous les week-ends …je ne me suis jamais rendu dans les locaux de l’étude de notaire..je n’ai jamais fait fonction de coursier pour la SCP..’ et ‘quand il fallait aller faire le jardinage au sein du haras M.[ZZ] me demandait de prendre son jet privé pour me rendre en région parisienne’

‘Toutes les instructions ..m’étaient données par M.[ZZ]..’

‘En ce qui concerne mes activités de jardinage à [Localité 17], j’effectuais vraiment cette fonction. Dans ce cas j’étais logé dans un studio appartenant à la SCP [ZZ], situé [Adresse 25]’ ‘M°[ZZ] me prélevait 600 € par mois sur mon salaire pour régler mon loyer.’

‘Je ne me suis jamais rendu dans les locaux de l’étude de notaire de M°[ZZ] à Nice. Mes activités se déroulaient dans les Yvelines et à [Localité 17] en tant que jardinier et homme d’entretien..’

En tout état de cause, les éléments objectifs relevés par les inspecteurs du notariat confirment que M.[K] ne s’est jamais rendu à l’office notarial pour lequel il était censé travailler.

M.[ZZ] a précisé que M.[K] lui aurait servi de chauffeur pour se rendre de son domicile à l’office, auquel cas, M.[K] n’aurait de toute façon pas été un coursier et aurait été utilisé à des fins personnelles par M.[ZZ].

Les inspecteurs notaires n’ont trouvé pour la période au cours de laquelle M.[K] aurait prétendument travaillé comme coursier aucun remboursement d’état de frais correspondant à un travail de coursier.

Le salaire de M.[K] a été pris en charge en juin, juillet et août 2009 via le compte courant d’associé de M.[ZZ]. Cela dénote que M.[ZZ] avait conscience du caractère abusif de cette embauche, et alors que ses associés commençaient à réclamer des comptes, et a tenté de dissimuler ce salarié fictif.

Alors qu’en mai 2009, plusieurs associés de la société civile professionnelle, ayant découvert qu’il s’agissait d’un emploi fictif avaient interdit à la comptable de l’office de payer un salaire à M.[K], Mme [Z] a établi le 28 mai 2009 un ordre écrit donné à la comptable de payer à M.[K] son salaire du mois de mai 2009.

Les associés de Mme [Z] avaient découvert que l’emploi de M.[K] était fictif. Mme [Z] ne pouvait l’ignorer.

Une nouvelle fois, par complaisance à l’égard des agissements de M.[CX] [ZZ], elle a accepté de couvrir cette situation.

Il s’agit d’un agissement commis au préjudice de la société civile professionnelle.

Par la suite, M.[ZZ] n’a d’ailleurs plus osé payer M.[K] sur les comptes de la société civile professionnelle ; il l’a fait de ses propres deniers.

Ces participations de Mme [Z] aux emplois fictifs sont des atteintes à la probité.

-V-2) La participation aux ‘montages’ conçus par M.[ZZ] :

-V-2-1) Le ‘montage’ réalisé par la SCI Jemara :

Cette société civile a été immatriculée le 5 juillet 2001 à Nice, a son [Adresse 11], ses associés sont M.[CX] [ZZ] et son épouse. Le gérant est M.[ZZ].

Dans l’immeuble Le Parnasse à Nice, dans lequel se trouve installé l’office notarial, un local commercial, le lot 899, et une cave, lot 547, étaient occupés par le docteur [UN] [E], vétérinaire, au travers d’une société civile immobilière, la SCI Iesolo.

Dans sa perspective d’acquérir progressivement les lots de l’immeuble Le Parnasse pour permettre l’extension de la surface de locaux de l’office, M.[ZZ] a été intéressé par l’achat de ces locaux.

C’est ainsi que la SCI Jemara a acquis le 14 janvier 2002 de la SCI Iesolo ce local et cette cave au prix de 152.449,02 €. Le même jour la SCI Jemara, devenue propriétaire, a loué ces lots au Dr [E] par un bail le 14 janvier 2002.

Le loyer annuel de ce bail SCI Jemara- [E] était de 18.293 € ht soit 21.879 €ttc.

Le Dr [E] s’est retiré.

A ce moment-là, M.[ZZ] a eu l’idée de faire appel à M.[P] [LZ].

Une société 3 L, Sarl au capital de 2.000 € a été créée à Nice le 16 mai 2006 avec pour objet l’activité de marchand de biens et de location et pour gérant M.[P] [LZ].

M.[LZ] a déclaré aux enquêteurs : ‘c’est [CX] [ZZ] qui m’a demandé de me porter acquéreur de ça. car il avait besoin d’une structure juridique pour racheter le bail au toubib et il n’avait pas la boîte nécessaire. [ZZ] m’a très bien rémunéré car il avait besoin d’une structure. Le vétérinaire avait des locaux enclavés que [ZZ] voulait récupérer pour agrandir les bureaux de M°[ZS]….Je ne sais pas qui est derrière Jemara. M°[ZZ] m’a juste présenté le véto. J’ai déclaré cette opération dans les bilans de 3 L. M.[ZZ] est très compliqué et je n’ai pas compris l’opération. M.[ZZ] m’a permis ainsi de faire un profit d’environ 50.000 € charges déduites, par chèque déposé sur les comptes de 3 L et qui ont été déclarées’.

Au travers de cette société, la Sarl 3 L, M.[LZ] a repris le bail de M.[E] pour 30.000 € et lui a racheté son matériel de vétérinaire pour 15.000 €.

Une fois la SCI Jemara ayant pour locataire la Sarl 3L, la SCI Jemara lui a infligé une augmentation de loyer qui a été acceptée. Ce loyer a triplé en passant de 18.293 € ht ou 21.879 €ttc à 54.000 €ht ou 64.584 €ttc. M.[LZ], comparse et instrument de M.[ZZ] n’a pas discuté cette augmentation.

Une fois le loyer fixé à ce montant, la Sarl 3 L a cédé le bail à société civile professionnelle [ZZ] le 29 août 2007 moyennant 98.000 €.

M.[ZZ] a fait reprendre par la société civile professionnelle, moyennant 98.000 € et un loyer triplé, un local destiné à l’office. Au passage, M.[ZZ] contribuait à l’enrichissement personnel de son ami, M.[LZ], et percevait au travers de sa société Jemara un confortable loyer.

Mme [Z] nie être intervenue en aucune façon dans cette opération et ni dans aucun des actes y ayant contribué. Elle affirme qu’il s’agit d’une initiative de M.[ZZ] à laquelle elle était étrangère.

L’enquête au sein de la société civile professionnelle a permis de constater que tous les actes relatifs à ce montage, soit la cession du bail [E] à Sarl 3 L le 23 juillet 2007, la résiliation du bail professionnel, la conclusion d’un nouveau bail professionnel SCI Jemara, puis la cession du droit

au bail le 29 août 2007, tous actes reçus par M°[O], portaient en mention en haut à gauche de la première page les initiales C.A. correspondant aux initiales de [N] [Z].

Mme [Z] affirme que M.[ZZ], qui ne passait plus d’actes, n’avait plus de clerc à son service et s’est adressé à ses clercs pour ces actes, d’où ses initiales, inscrites systématiquement par ses clercs, même pour ces actes auxquels elle était étrangère.

Les initiales sont soit [Z]/[NE] soit [Z]/[C].

Ce qui correspond à [N] [Z], notaire/ [WR] [NE], clerc pour [Z]/[NE], ou [N] [Z]/[GV] [C], clerc, pour [Z]/[C].

L’audition par la suite lors de la procédure pénale de Mmes [WR] [NE] et [GV] [C] a permis de constater que ces deux clercs, qui étaient les clercs habituels de Mme [Z] et travaillaient pour elle, indiquaient systématiquement les initiales [Z]. à côté des leurs, [NE] ou [C], lorsqu’elles préparaient des actes.

Elles ont confirmé toutes les deux que M.[ZZ] n’avait pas de clerc attitré à son service et s’était adressé directement à elles pour ces actes qu’il avait préparé et que, bien que Mme [Z] n’avait rien fait à ce propos, étant clercs attitrés de Mme [Z], elles avaient quand même mis ses initiales, comme d’habitude, alors qu’elles travaillaient en réalité pour M.[ZZ].

En conséquence la seule mention des initiales C.A. sur ces actes ne suffit pas à établir que Mme [Z] ait trempé dans cette opération de la SCI Jemara.

-V-2-2) L’opération réalisée par la SCI Centre Auber Orange :

M.[CX] [ZZ] avait conçu le projet d’étendre les locaux de la société civile professionnelle en reprenant les lots 20, 21 et 23 de l’ensemble immobilier sis [Adresse 7] et dénommé le Palais Haydee.

Ces locaux étaient la propriété de la SCI ESPACE AUBER.

Dans un premier temps, un bail a été convenu entre la société civile professionnelle et la SCI Espace AUBER. Ce bail fut passé par acte authentique reçu par M°[O] le 13 juillet 2005.

C’est Mme [Z] qui représentait la société civile professionnelle lors de la signature de ce bail.

Ce bail concernait le lot n°23 et la moitié indivise du lot 21, soit le sous-sol, le rez-de-chaussée et un porche.

Le loyer était fixé à 90.000 € ht ou 107.640 € ttc.

Par la suite la SCI Espace Auber a vendu ses lots, les lots 20, 21 et 23, à une société civile immobilière constituée en 2005 entre M.[CX] [ZZ] et Mme [Z]. Il s’agissait de la SCI Centre Auber Orange, citée ci-dessus.

Cette société a acquis le 22 septembre 2005 les lots 20, 21 et 23 de la SCI Espace Auber au prix de 387.500 €, bénéficiant ainsi comme bailleresse du bail passé le 13 juillet 2005 avec la société civile professionnelle.

Par la suite, la SCI [Adresse 13] devenue ainsi propriétaire des trois lots, a loué le reste des lots acquis, soit le lot n°20 et l’autre moitié du lot 21 à la société civile professionnelle moyennant un deuxième loyer annuel de 12.000 € ht ou 14.352 € ttc.

Grâce à ce montage, Mme [Z] et M.[ZZ], à égalité au travers de la SCI Espace Auber Orange, se partageaient un total de loyer annuel ht de 102.000 € ou 121.992 € ttc payé par la société civile professionnelle notariale.

Cette opération aboutissait à faire bénéficier au travers ce montage Mme [Z] et M.[ZZ] d’un loyer considérablement surévalué, au préjudice de la société civile professionnelle notariale, alors que M.[T], évaluateur foncier, a évalué la valeur locative mensuelle de ces locaux à 34.064 € ht.

Mme [Z] était parfaitement consciente de la situation, étant signataire du premier bail au nom de la société civile professionnelle, et associée à 50/50 de la SCI Centre Auber Orange.

Par ce procédé utilisé qui aboutissait à faire surpayer par la société civile professionnelle titulaire de l’office notarial les loyers revenant à la SCI Centre Auber Orange, Mme [Z], comme M.[ZZ], a privilégié ses intérêts personnels à ceux de la société civile professionnelle.

Cette attitude est contraire à la délicatesse et à la probité.

-VI) Les actes au profit de M°[O] :

Il est reproché à Mme [Z] d’avoir participé à la préparation d’actes reçus par M°[RF] [O], notaire à [Localité 17], alors qu’elle était associée de la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] et que cette société civile professionnelle n’apparaît pas du tout dans ces actes, et que cette attitude serait susceptible de constituer un détournement de clientèle au préjudice de la société civile professionnelle. Ce grief concerne douze actes.

La découverte de ce travail de Mme [Z] au bénéfice de la Selarl [O] a été réalisée par l’analyse du poste informatique de Mme [Z], au sein de son office, sous contrôle d’un huissier de justice.

Un acte de vente entre les consorts [IY] et les consorts [I] a été reçu par M°[O], notaire à [Localité 17]. L’analyse du poste informatique de Mme [Z], au sein de son office, par huissier de justice le 2 mars 2010, a permis de constater que Mme [Z] avait contribué à préparer cet acte. Ont été découverts un courrier de Mme [Z] aux époux [IY], des demandes d’actes d’état civil, un courrier à un établissement bancaire pour cette opération.

A été également découverte une autorisation donnée par les époux [IY] de restituer aux époux [I] l’ensemble des sommes qu’elle détenait pour leur compte.

Ces éléments prouvent que Mme [Z] avait reçu, au sein de son office notarial, des fonds relatifs à cette opération. Elle a en réalité travaillé pour M°[O], alors qu’elle était associée de la société civile professionnelle [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD]. Il s’agit d’un réel détournement de clientèle.

Un projet d’acte complet relatif à un acte de vente entre la SCI La Haie Blanche et les consorts [OC] du 26 février 2010 a été découvert de la même façon dans son poste de travail . Pourtant ce dossier était enregistré à l’office [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] sous le numéro 165421.

Mais sous couvert d’un dossier de l’office, Mme [Z] a fait le travail pour l’office de M°[O].

Sous le numéro de dossier 162388, était enregistré un dossier de prêt par la [Adresse 14]. Mme [Z] avait préparé l’acte qui a été passé par M°[O] , acte dans lequel la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] n’apparaît pas du tout.

Dans le dossier 161627 de l’office [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] dénommé vente [A]/[B], Mme [Z] a effectué plusieurs démarches préparatoires et a écrit à M°[SK], notaire, le 10 novembre 2009 pour indiquer de bien prévoir la participation de M°[RF] [O], notaire à [Localité 17]…en qualité de conseil de l’acquéreur, en mes lieu et place, étant actuellement en cours d’association au sein de son étude.>>

Mme [Z] était toujours associée de la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD], et sous prétexte d’une association envisagée avec M°[O], a fait passer des clients de son office à celui de M°[O].

Il s’agit là aussi d’un véritable détournement de clientèle.

Dans le dossier n°165045 de son office, ouvert sous le nom vente [S]/ Sarl Plein les Yeux, de la même manière, elle a écrit le 14 janvier 2010 au CIC Lyonnaise de Banque : Je reviens vers vous dans le cadre du dossier ..et vous précise que le notaire qui recevra l’acte …est Maître [RF] [O], notaire à [Localité 17], avec lequel je suis en cours d’association>>. Le détournement de clientèle est avéré.

Dans le dossier n°162948 de son office, au nom de dossier SCI Condamine Médecine /[CT], on trouve le projet entier d’acte de vente, alors que l’acte a été passé par M°[O].

Dans le dossier n°163071 de son office, au nom de vente en l’état futur d’achèvement Seniorales Côte d’Azur/LELEU, des courriers préparatoires au nom de M°[O] ont été réalisés par Mme [Z].

Dans le dossier n°162807 de son office, au nom de vente Sarl Rue de Rennes/ Mme [D] se trouve un questionnaire au syndic. Ce document ne prouve rien. Aucun grief ne sera retenu contre Mme [Z] à ce propos.

Dans le dossier n°167297 de son office, au nom de vente Sarl Rue de Rennes/Sarl Stab, on trouve le projet entier d’acte préparé pour M°[O]. Mme [Z] a donc travaillé pour M°[O] alors que la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] n’a absolument pas participé à cet acte.

Dans le dossier n°166208 ouvert en son office, au nom de vente Cagnes Azur/L et M, a été découvert le projet complet d’acte pour M°[O], alors que la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] n’est pas intervenue dans cette opération.

Dans le dossier n°162718 ouvert, en son office au nom de vente CECARELLI/COGET, Mme [Z] a établi l’entier projet de l’acte qui sera passé par M°[O], alors que la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] n’est pas intervenue dans cet acte.

Enfin dans le dossier n°161430, ouvert en son office au nom de vente [VL]/67 Croisette, Mme [Z] a préparé l’entier projet d’acte de vente au nom de M°[O] . Elle a rédigé une lettre à en-tête de la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD], ce qui établit que l’une des parties était cliente de l’office. Pourtant cette SCP n’apparaît pas dans l’acte.

Mme [Z], non seulement a travaillé pour M°[O], mais a détourné un client de l’étude .

Il ressort de ces éléments que, pour onze actes, Mme [Z] a travaillé, alors qu’elle était encore associée de la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] au profit non pas de sa société civile professionnelle mais au seul profit de la Selarl [O].

Dans quatre de ces actes au moins, [IY]/[I], [A]/[B], [S]/ Sarl Plein les Yeux et [VL]/67 Croisette, elle a clairement détourné des clients de son office vers celui de la Selarl [O].

Le fait que Mme [Z] envisageait de s’associer avec M°[RF] [O] ne l’autorisait pas à travailler pour ce dernier, alors que ses associés de la SCP [ZZ]-[L]-[PH]- [ZS]- [Z]-[V]-[U] et [HD] n’avaient pas donné leur accord à ce sujet. En aucune façon elle ne devait détourner des clients de son office vers celui de M°[O].

Ces agissements sont des atteintes à la délicatesse dans les 11 dossiers, et même à la probité s’agissant des détournements de clientèle dans 4 dossiers.

-VII) Sur la sanction :

Les fautes disciplinaires commises par Mme [N] [Z] ont consisté en :

– une violation de ses obligations déontologiques en s’immisçant dans l’administration de la société commerciale Sarl Lexou,

– une atteinte à la probité en participant, par une convention de rupture conventionnelle de contrat de travail et l’établissement d’un chèque, à l’emploi fictif de Mme [H] épouse [ZZ] au sein de l’office notarial,

– une atteinte à la probité par l’ordre donné au comptable de payer M.[CX] [K] en mai 2009 pour son emploi fictif au sein de l’office notarial,

– une atteinte à la délicatesse et à la probité en procédant à des opérations au travers de la SCI Centre Auber Orange aboutissant à faire surpayer par la société civile professionnelle titulaire de l’office notarial, le montant des loyers dont elle bénéficiait,

– une atteinte à la délicatesse en travaillant au sein de son office au profit d’un autre office sans avoir l’accord de ses associés, dans onze dossiers,

– une atteinte à la probité en détournant des clients de son office vers un autre office dans quatre de ces onze dossiers.

Si Mme [Z] n’a pas porté atteinte aux fonds de ses clients, et ne s’est pas faite remarquer par des sinistres, elle a fait preuve d’un manque de rigueur. De telles fautes mettent en cause sa probité et sa délicatesse et une d’elles constitue une entorse à ses obligations déontologiques et statutaires.

Au vu des éléments retenus, la cour prononce à son égard une interdiction d’exercer pendant une durée de deux années.

Ainsi que l’a constaté le tribunal, il n’y pas lieu de désigner un administrateur alors que les autres associés de la société civile professionnelle exercent les fonctions d’officiers ministériels.

Cette procédure est sans dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé en audience publique, après débats en chambre du conseil, en matière disciplinaire,

Vu l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à discipline des notaires et de certains officiers ministériels,

Vu l’ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat,

Vu le décret n°45-0117 du 19 décembre 1945 portant règlement d’administration publique pour l’application du statut du notariat,

Vu le règlement national des notaires,

Vu le décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics et ministériels,

Déclare l’appel recevable,

Confirme partiellement le jugement rendu le 4 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Nice en ce qu’il a dit que Mme [N] [Z] épouse [XW] n’a pas commis de manquement professionnel de souscription d’emprunt par billet sous seing privé,

ni d’agissement de participation aux activités spéculatives de M.[CX] [ZZ],

Le réforme pour le surplus,

Dit que Mme [N] [Z] épouse [XW] n’a pas commis d’atteinte à la probité au travers la SCI Jemara,

Déclare [N] [Z] épouse [XW], née le [Date naissance 9] 1968 à Nice, notaire associé de la société civile professionnelle [CX] [ZZ], [R] [L], [F] [PH], [M] [ZS], [N] [Z], [G] [V] , [CO] [U] et [XO] [HD], titulaire d’un office notarial à Nice, coupable des fautes disciplinaires suivantes, commises entre 2005 et 2010 :

– violation d’une obligation déontologique, par immixtion dans l’administration d’une société commerciale,

– atteintes à la probité en participant à deux emplois fictifs au sein de son office notarial,

– atteinte à la délicatesse et à la probité en procédant à des opérations au travers d’une société civile dénommée Centre Auber Orange lui permettant de privilégier ses intérêts personnels au détriment de la société civile professionnelle titulaire de son office,

– atteinte à la délicatesse en travaillant au sein de son office au profit d’un autre office sans avoir l’accord des associés de son office,

– atteinte à la probité par détournement de clients de son office vers un autre notaire avec lequel elle voulait s’associer,

En répression prononce à l’égard de Mme [N] [Z] épouse [XW], notaire, une interdiction d’exercer les fonctions de notaire pendant une durée de deux années ( 2 ans).

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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