Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre sociale
ARRET DU 21 DECEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/02228 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PMTR
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du 07 AVRIL 2022
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG 22/00002
APPELANTE :
Madame [Z] [A]
née le 31 Août 1960 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Isabelle DAUTREVAUX de la SELARL CAZOTTES/DAUTREVAUX, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître Céline QUOIREZ de la SELARL CELINE QUOIREZ, avocat plaidant au barreau de NIMES
INTIMEE :
Caisse CAISSE CARSAT LR
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Romain GEOFFROY de la SELARL SELARL ORA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 02 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
– Contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [A] a été engagée par la Caisse Carsat Languedoc Roussillon selon contrat de travail du 10 mars 1997 en qualité de responsable de l’équipe des relations extérieures techniques.
La convention collective applicable est celle des organismes de sécurité sociale.
À compter de l’année 2000 Mme [A] s’est impliquée dans une activité syndicale puis a été élue représentant du personnel en 2006.
En octobre 2018 Mme [A] se plaignait auprès de son employeur d’un écart en termes d’évolution de carrière entre elle-même et les autres cadres de la caisse.
Le 29 octobre 2021 une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail était signé entre Mme [A] et la Caisse Carsat Languedoc Roussillon.
Le 6 janvier 2022 Mme [A] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montpellier sollicitant la remise sous astreinte de 20 € par document et par jour de retard :
– Des contrats de travail et avenants contractuels ;
– Des bulletins de paie des mois de décembre pour les années 2000 à 2020 ;
– Du montant annuel des primes reçues ;
– Des éléments chiffrés et détaillés sur le principe d’évolution salariale (article 14.1 « principe d’évolution salariale») particulièrement l’assiette de comparaison avec les noms, le salaire de chacun depuis le 31 décembre 2011 (feuille de paye de décembre) et le statut de chaque salarié listé ;
– Le compte rendu d’entretien annuel d’évaluation (article 40.2 «évaluation professionnelle du salarié mandaté ») depuis 2011 ;
– Le compte rendu triennal d’évolution de carrière (article 14.3« évolution de carrière ») depuis 2011 ;
des 10 salariés listés dans le tableau.
Par ordonnance rendue le 7 avril 2022 la formation des référés a dit n’y avoir lieu à référé, a débouté Mme [A] de toutes ses demandes et a laissé les dépens de l’instance à la charge de chacune des parties.
**
Mme [A] a interjeté appel de cette ordonnance le 25 avril 2022.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 10 octobre 2022, Mme [A] demande à la cour de dire qu’elle est valablement saisie et sollicite l’infirmation de l’ordonnance.
Elle sollicite qu’il soit ordonné à la Caisse Carsat Languedoc Roussillon de lui remettre sous astreinte de 20 € par document et par jour de retard à compter du 15e jour du prononcé de l’ordonnance à intervenir les éléments suivants :
– Les contrats de travail et avenants contractuels des 10 salariés listés dans le tableau suivant :
NOM
PRENOM
Coeff. en 1997
Coeff. 2018
embauche
[T]
[R]
5B
6
02/07/93
[L]
[N]
5B
6
06/06/96
[X]
[V]
5A
7
01/04/78
[S]
[C]
6
9
02/09/81
[P]
[E]
5B
7
21/10/95
[O]
[H]
6
9
1l/10/77
[W]
[B]
5B
7
27/09/96
[K]
[C]
5B
9
01/10/96
[D]
[J]
5B
9
07/09/82
[G]
[E]
5A
9
06/11/95
– Les bulletins de paie des mois de Décembre pour les années 2000 à 2020 des 10 salariés dans les noms ‘gurent dans ce même tableau ;
– Le montant annuel des primes perçues par chacun de ces 10 salariés ;
– Les éléments chiffrés et détaillés sur le principe d’évolution salariale (article 14.1 « principe d’évolution salariale») particulièrement l’assiette de comparaison avec les noms, le salaire de chacun depuis le 31 décembre 2011 (feuille de paye de décembre) et le statut de chaque salarié listé ;
– Le compte rendu d’entretien annuel d’évaluation (article 40.2 «évaluation professionnelle du salarié mandaté ») depuis 2011 ;
– Le compte rendu triennal d’évolution de carrière (article 14.3« évolution de carrière ») 2011.
Elle demande à la cour de se réserver la faculté de liquider l’astreinte et de lui allouer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
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La Caisse Carsat Languedoc Roussillon dans ses conclusions déposées au greffe le 16 juin 2022, demande à la cour à titre liminaire de dire qu’elle n’est pas valablement saisie motifs pris de l’absence de précision quant à l’objet de l’appel dans la déclaration d’appel outre l’absence de critique dans les écritures.
Au fond elle sollicite la confirmation de la décision déférée dès lors que l’urgence n’est pas établie, que des éléments de contestation sérieuse sont apportés, qu’il n’y a pas de trouble manifestement illicite, la salariée n’étant plus salariée de la Caisse Carsat Languedoc Roussillon et que l’urgence et l’évidence des demandes ne sont pas avérées.
**
Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 novembre 2022, fixant la date d’audience au 8 novembre 2022.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la déclaration d’appel :
La déclaration d’appel mentionne expressément la portée de l’appel et les chefs du jugement critiqué, savoir que l’ordonnance a laissé les dépens à la charge des parties et a rejeté les demandes de Mme [A] qui sont : la remise sous astreinte de 20 € par jour de retard et par document à compter du 15e jour suivant le prononcé de l’ordonnance intervenir des contrats de travail et avenants contractuels, des bulletins de paie, du montant annuel des primes, des comptes rendus d’entretien annuel d’évaluation, des comptes-rendus triennaux d’évolution de carrière des 10 salariés cités dans le tableau.
Les conclusions déposées par Mme [A] en cause d’appel mentionnent expressément dans le dispositif qu’il est demandé l’infirmation de l’ordonnance entreprise.
La Caisse Carsat Languedoc Roussillon sera donc déboutée de sa demande aux fins de voir constater l’absence d’effet dévolutif et donc de saisine de la cour et d’irrecevabilité de la déclaration d’appel.
Sur le fond :
Mme [A] soutient qu’en application des articles 145 du code de procédure civile, R 1455-5 et R 1455-6 du code du travail, sa demande est fondée dès lors que la jurisprudence de la Cour de cassation admet le principe du référé probatoire en matière de discrimination subie par la salariée, qu’il appartient au juge de vérifier si la demande de communication d’informations non anonymisées est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi, qu’il ressort des différents courriers échangés qu’il existe un différend entre elle-même et la Caisse Carsat Languedoc Roussillon, quant à la discrimination, qu’à ce stade de la procédure elle n’a pas à établir la discrimination dont elle fait l’objet pour obtenir la transmission des documents sollicités, la seule allégation de la discrimination constituant un motif légitime d’exercer son droit à la preuve.
La Caisse Carsat Languedoc Roussillon fait valoir que Mme [A] s’est trompée de fondement et aurait dû solliciter non pas une décision provisoire pour satisfaire une situation d’urgence évidente mais un jugement avant-dire droit qui, aux termes de l’article 480 du code de procédure civile a pour objet d’éclairer le principal à venir, que l’enquête contradictoire diligentée dans le cas de la rupture conventionnelle n’a révélé aucun élément susceptible de porter atteinte à la liberté de consentement des parties.
Elle fait valoir qu’au 31 décembre 2021 il y a près de 70 agents de niveau similaire 5A, qu’il n’est donc ni juste, ni correct juridiquement de se limiter à un panel de 11 salariés, que si l’on compare Mme [A] aux 69 autres salariés, elle se situe au 64e rang et est donc tout en haut de l’échelle.
Enfin elle soutient que l’urgence prévue à l’article R 1455-5 n’est pas caractérisée et qu’il existe une contestation sérieuse, qu’il n’y a aucun dommage imminent et aucun trouble manifestement illicite, qu’il appartient à Mme [A] de produire aux débats des débuts de preuve, quelle n’est tenue de conserver les bulletins de paie que cinq ans et que ce n’est que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er janvier 2017 qu’en raison de la dématérialisation, elle a l’obligation de conserver les bulletins de salaire pour une durée plus longue.
Il est de jurisprudence constante qu’aux termes de l’article 145 du code de procédure civile s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Il appartient au juge après avoir estimé que le demandeur justifie d’un motif légitime de vérifier quelles mesures sont indispensables à la protection du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production des pièces sollicitées.
En l’espèce Mme [A] qui produit aux débats la liste de 10 salariés qui ont été embauchés à une période proche de son recrutement, qui avaient en 1997 un coefficient proche du sien et avaient en 2018 un coefficient supérieur au sien, justifie d’un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre sa demande tendant à voir constater une discrimination salariale.
La Caisse Carsat Languedoc Roussillon ne conteste pas détenir les pièces sollicitées sous réserve des règles applicables pour la conservation des données personnelles et notamment le fait que pour les bulletins de salaire elle n’était tenue de les conserver jusqu’au 1er janvier 2017 que 5 ans. Il convient donc de faire droit aux demandes de Mme [A] en limitant la période de remise des documents à la période de 2012 à 2020.
Il n’y a toutefois pas lieu de faire droit à la demande d’astreinte, la juridiction du fond tirera les conséquences de l’absence de production des pièces sollicitées.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Caisse Carsat Languedoc Roussillon qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Infirme l’ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau ;
Ordonne à la Caisse Carsat Languedoc Roussillon de remettre à Mme [A] les éléments suivants :
– Les contrats de travail et avenants contractuels des 10 salariés listés dans le tableau suivant :
NOM
PRENOM
Coeff. en 1997
Coeff. 2018
embauche
[T]
[R]
5B
6
02/07/93
[L]
[N]
5B
6
06/06/96
[X]
[V]
5A
7
01/04/78
[S]
[C]
6
9
02/09/81
[P]
[E]
5B
7
21/10/95
[O]
[H]
6
9
1l/10/77
[W]
[B]
5B
7
27/09/96
[K]
[C]
5B
9
01/10/96
[D]
[J]
5B
9
07/09/82
[G]
[E]
5A
9
06/11/95
– Les bulletins de paie des mois de Décembre pour les années 2012 à 2020 des 10 salariés dans les noms ‘gurent dans ce même tableau ;
– Le montant annuel des primes perçues par chacun de ces 10 salariés pour les années 2012 à 2020 ;
– Les éléments chiffrés et détaillés sur le principe d’évolution salariale (article 14.1 « principe d’évolution salariale») particulièrement l’assiette de comparaison avec les noms, le salaire de chacun depuis le 01/01/2012 (feuille de paye de décembre) et le statut de chaque salarié listé ;
– Le compte rendu d’entretien annuel d’évaluation (article 40.2 «évaluation professionnelle du salarié mandaté ») depuis 01/01 /2012 ;
– Le compte rendu triennal d’évolution de carrière (article 14.3« évolution de carrière ») depuis le 01/01/2012.
Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Caisse Carsat Languedoc Roussillon aux dépens de première instance et d’appel.
la greffière, le président,