Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre sociale
ARRET DU 21 DECEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/04615 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OHK2
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 17 JUIN 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG 17/00951
APPELANT :
Monsieur [S] [R]
né le 31 Janvier 1962 à [Localité 6] ([Localité 6])
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Maître Jean-Sébastien DEROULEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SAS NOVOVIS prise en son établissement sis [Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et par Maître Neila SADNIA de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST substituant Maître Florence MILAN de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
Ordonnance de clôture du 18 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
– Contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE :
M. [R] a été embauché par la société Novovis le 2 août 2001 en qualité de responsable logistique selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
Le 1er mars 2016, M. [R] est promu au poste de directeur commercial catégorie cadre coefficient 400 dans le cadre d’un forfait de 169 heures mensuelles moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 000 €.
Le 26 août 2016, M. [R] sollicite une rupture conventionnelle.
Le 13 septembre 2016, les parties signent une rupture conventionnelle à effet au 25 octobre 2016.
M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier le 7 septembre 2017, sollicitant le versement d’un rappel d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.
Par jugement rendu le 17 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Montpellier a :
Débouté M. [R] de l’intégralité de ses demandes ;
Dit n’y avoir pas lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
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M. [R] a interjeté appel de ce jugement le 3 juillet 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 22 novembre 2021, il demande à la cour de :
Dire que la société Novovis n’a pas valablement dénoncé l’usage consistant à verser aux salariés l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
Condamner la société Novovis à lui verser les sommes suivantes :
20 490,05 € à titre de rappel d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
3 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Condamner la société Novovis à lui délivrer les bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle Emploi rectifiés et conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
Condamner la société Novovis à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
Condamner la société Novovis à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société Novovis aux entiers dépens de première instance et d’appel.
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Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 20 décembre 2019, la société Novovis demande à la cour de :
Constater qu’elle a régulièrement dénoncé l’application des dispositions non étendues de l’article 48 de la convention collective de production des papiers cartons et celluloses des ingénieurs et cadres ;
Dire et juger qu’elle n’avait pas à verser à M. [R] l’indemnité de licenciement conventionnelle ;
Dire et juger que les demandes de M. [R] sont infondées;
Débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes ;
Condamner M. [R] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner M. [R] aux entiers dépens.
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Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 18 octobre 2022 fixant la date d’audience au 8 novembre 2022.
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MOTIFS :
Sur le versement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle :
L’usage peut consister en l’application volontaire d’une convention collective. Ainsi, une entreprise peut être tenue d’appliquer des dispositions conventionnelles qui, légalement, ne lui sont pas opposables, lorsqu’elle s’y est constamment référée pour régler la situation de son personnel.
Le salarié peut demander l’application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie. Cette mention vaut présomption de l’applicabilité de la convention collective à son égard, l’employeur étant admis à apporter la preuve contraire.
La généralité, la constance et la fixité de l’usage sont appréciées souverainement par les juges du fond.
C’est au salarié qui invoque un usage d’apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.
Pour que l’existence de l’usage puisse être reconnue, il est nécessaire que la volonté non équivoque de l’employeur de s’engager puisse être établie. Ainsi, lorsque l’employeur attribue un avantage par erreur sur l’étendue de ses obligations légales ou conventionnelles, la jurisprudence décide que cette erreur, même répétée, ne peut être constitutive ni d’un droit acquis ni d’un usage.
En l’espèce, M. [R] sollicite l’application des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la production de papiers, cartons et celluloses et notamment de l’article 48 aux motifs qu’elle était expressément mentionnée dans le contrat de travail et dans les bulletins de salaire depuis son embauche en 2001 jusqu’à la rupture du contrat de travail fin 2016.
Le contrat de travail produit aux débats contient effectivement la mention suivante : « le présent contrat est régi par les dispositions de la Convention Collective « Production des papiers cartons et celluloses ». La mention et l’application de la convention collective susvisée ne sont données qu’à titre indicatif et cette dernière ne saurait être incorporée au présent contrat. ». De plus, les bulletins de paie produits couvrent la période de septembre 2015 à octobre 2016 et comportent tous la mention de la convention collective des papiers-cartons et celluloses.
Dès lors, il est présumé que la société Novovis a souhaité faire une application volontaire de ladite convention collective, celle-ci ne lui étant pas légalement applicable dans la mesure où elle n’a pas fait l’objet d’un arrêté ministériel d’extension et où l’employeur n’était adhérent à aucune organisation patronale. Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve contraire.
La société Novovis produit aux débats l’ordre du jour de la réunion CE-DP du 26 novembre 2014, le compte rendu de ladite réunion, un courrier adressé à M. [R] le 23 mars 2015 ainsi que la convention de rupture conventionnelle signée par les parties. Les deux premiers documents comportent la mention suivante : « Rappel : La société NOVOVIS rappelle, de manière générale, que seules les dispositions conventionnelles étendues sont applicables au personnel et opposables à l’employeur. La société rappelle que la mention de la convention collective applicable dans le contrat de travail n’a qu’une valeur d’information et ne concerne que les dispositions en vigueur étendues. La société NOVOVIS n’est pas adhérente de l’un des syndicats signataires de la Convention collective « Production des papiers, cartons et celluloses ‘ Ingénieurs et cadres » (production et transformation IDCC 700 et IDCC 707). ». La convention de rupture conventionnelle comporte quant à elle la mention suivante : « Monsieur [R] [S] et la société NOVOVIS confirment avoir connaissance que ce mode de rupture du contrat de travail fait bénéficier à Monsieur [R] [S] du versement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieure à l’indemnité prévue à l’article L.1234-9 du code du travail. Etant rappelé que les dispositions légales s’appliquent à l’exclusion des dispositions conventionnelles issues de la Convention collective Papier-Cartons-Celluloses (production-cadre) qui ne sont ni étendues, ni appliquées de façon volontaire par l’entreprise. Monsieur [R] [S] reconnaît d’ailleurs que seules les dispositions conventionnelles en vigueur étendues s’appliquent à la relation contractuelle ainsi qu’à la rupture du contrat de travail. ».
L’article 48 ne faisant pas partie des dispositions étendues de la convention collective, il ressort explicitement de ces documents que l’employeur a manifesté une absence d’application volontaire de ces dispositions de la convention collective.
Il est également justifié de ce que l’article 48 a été appliqué par erreur par le service comptable de l’entreprise, de sorte que la volonté non équivoque de l’employeur de s’engager ne peut être établie. Dès lors, M. [R] ne justifie pas de ce que l’application de l’article 48 résultait d’un usage de l’entreprise.
Par conséquent, M. [R] ne devait pas bénéficier des dispositions de l’article 48 de la convention collective des Papiers-Cartons-Celluloses, de sorte que dans la mesure où M. [R] a perçu une indemnité spécifique de rupture conventionnelle conforme aux dispositions de l’article L.1237-13 du Code du travail, il sera débouté de sa demande de rappel d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et de sa demande de dommages-intérêts afférente. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la remise des documents sociaux et la régularisation auprès des organismes sociaux :
M. [R] sollicite la remise des bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle Emploi rectifiés et conformes à la décision à intervenir ainsi que la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux.
Or, dans la mesure où cette demande est liée à la précédente demande relative au versement d’un rappel d’indemnité spécifique de licenciement dont M. [R] a été débouté, le salarié sera nécessairement débouté de ces demandes. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
M. [R], qui succombe, sera tenu aux dépens d’appel.
Il n’apparaît pas équitable de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Confirme le jugement rendu le 17 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Montpellier en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Dit n’y avoir pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M. [R] aux dépens d’appel.
la greffière, le président,