Convention de rupture conventionnelle : 20 octobre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00372

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Convention de rupture conventionnelle : 20 octobre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00372

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00372 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EW37.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 23 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00625

ARRÊT DU 20 Octobre 2022

APPELANTE :

S.A.S. THYSSENKRUPP ASCENSEURS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Gilles PEDRON de la SELARL AD LITEM AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS

INTIME :

Monsieur [M] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Véronique PINEAU de la SELARL INTER BARREAUX NANTES ANGERS ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’ANGERS (postulant) et par Me VIGNAL, avocat au barreau de PARIS, (plaidant)

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Mai 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 20 Octobre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame BUJACOUX, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [M] [C] a été engagé par la SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2006 en qualité de responsable marketing et communication, catégorie cadre de direction, position II indice 114 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Le 24 avril 2019, les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail les liant, lequel s’est ensuite trouvé rompu à la date du 31 mai 2019.

Le 29 octobre 2019, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers aux fins de se voir allouer un rappel de salaire sur heures supplémentaires et contrepartie obligatoire en repos, les congés payés afférents, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de l’obligation de sécurité outre une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 23 septembre 2020 le conseil de prud’hommes d’Angers a :

– constaté l’absence de statut de cadre dirigeant applicable à M. [M] [C] ;

– constaté l’absence de forfait sans référence horaire applicable à M. [M] [C] ;

– condamné la société Thyssenkrupp Ascenseurs France à payer à M. [M] [C] :

* la somme de 60 000 euros au titre du rappel d’heures supplémentaires et du repos

compensateur obligatoire ;

* la somme de 6000 euros au titre des congés payés y afférents ;

– débouté M. [C] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

-débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamné la société Thyssenkrupp Ascenseurs France à payer à M. [M] [C] la somme de 20 000 euros pour violation de son obligation de sécurité ;

– condamné la société Thyssenkrupp Ascenseurs France à payer à M. [M] [C] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les intérêts légaux de droit porteront intérêt à compter du prononcé du jugement au titre de l’article 1231-7 du code civil ;

– dit que les intérêts légaux concernant les créances salariales ou conventionnelles porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de la partie défenderesse devant le conseil de prud’hommes ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– mis les dépens à la charge de la société Thyssenkrupp Ascenseurs France.

La société Thyssenkrupp a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 16 octobre 2020, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

M. [C] a constitué avocat le 2 novembre 2020.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 avril 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 5 mai 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Thyssenkrupp Ascenseurs France, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 10 janvier 2022 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

– a constaté l’absence de statut de cadre dirigeant applicable à M. [M] [C] ;

– a constaté l’absence de forfait sans référence horaire applicable à M. [M] [C] ;

– l’a condamnée à payer à M. [M] [C] :

*la somme de 60 000 euros au titre du rappel d’heures supplémentaires et du repos compensateur obligatoire ;

*la somme de 6000 euros au titre des congés payés y afférents ;

– l’a condamnée à payer la somme de 20 000 euros à M. [M] [C] pour violation de son obligation de sécurité ;

– l’a condamnée à payer à M. [M] [C] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’a déboutée de sa demande en condamnation de M. [M] [C] à lui verser la somme de 5000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

– déclarer M. [M] [C] mal fondé en ses demandes ;

En conséquence,

– le débouter en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– le condamner à lui verser la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu’en cause d’appel;

– le condamner aux entiers dépens.

La société Thyssenkrupp Ascenseurs France soutient que M. [C] bénéficiait du statut de cadre dirigeant. Subsidiairement la société prétend que M. [C] bénéficiait de la qualité de cadre autonome sans référence horaire, et plus subsidiairement, que les rappels de salaire ne sont pas dus. Elle conteste avoir violé son obligation de sécurité.

**

Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 9 mars 2021, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [C] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Angers du 23 septembre 2020 en ce qu’il a :

– constaté l’absence de statut de cadre dirigeant le concernant;

– constaté l’absence de forfait sans référence horaire ;

– l’infirmer pour le surplus, réformant partiellement le jugement déféré sur le quantum des sommes allouées ;

En conséquence, statuant à nouveau :

– condamner la société Thyssenkrupp Ascenseurs France à lui verser les sommes suivantes :

* 121 190,70 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires et de contrepartie obligatoire en repos ;

* 12 119 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

* 30 125,16 euros net à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de l’obligation de sécurité ;

– assortir l’ensemble de ces condamnations des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation par la partie défenderesse ;

– condamner la société Thyssenkrupp Ascenseurs France à lui verser une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Thyssenkrupp Ascenseurs France aux entiers dépens.

M. [C] fait valoir que la société Thyssenkrupp Ascenseurs France lui a intentionnellement appliqué un statut de cadre dirigeant totalement inadapté en vue d’échapper au paiement des heures supplémentaires. Il prétend qu’à la date de la rupture du contrat de travail il a été écarté de toute forme d’exercice du pouvoir de direction et des choix stratégiques de l’entreprise.

Le salarié fait valoir une surcharge de travail connue de l’employeur, prétend qu’il travaillait en moyenne 50 heures par semaine.

M. [M] [C] soutient en outre que la société Thyssenkrupp Ascenseurs France a exécuté de manière déloyale le contrat de travail et violé son obligation de sécurité, en modifiant ledit contrat sans son consentement, en réduisant ses responsabilités et son autonomie, et en ne mettant pas un terme à sa surcharge de travail en dépit de ses alertes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le statut de M. [M] [C]

Aux termes de l’article L. 3111-2 du code du travail ‘sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement’.

Les trois critères ainsi fixés impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

En application de ce même article, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions sur la durée du travail.

Pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d’un salarié, il appartient au juge d’examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par la loi.

La qualité de cadre dirigeant au sens de l’article L. 3111-2 précité n’est pas exclusive du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail.

L’accord national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, prévoit en son article 14, un régime de forfait sans référence horaire. Ce régime est réservé aux salariés de l’entreprise occupant des fonctions de cadres dirigeants.

Le contrat de travail stipule que M. [M] [C] est embauché en qualité de « Responsable Marketing et Communication », sous le contrôle, la supervision du directeur des opérations de la société ou de toute personne désignée à cet effet par l’employeur. Au paragraphe 8, « Durée du travail », est précisé que compte tenu de l’indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, le salarié relève de la catégorie des cadres au forfait sans référence horaire, que la rémunération forfaitaire prend en compte l’ensemble des heures accomplies, quel qu’en soit le nombre et le moment où elles sont accomplies, sans que le salarié ne puisse prétendre à un quelconque élément supplémentaire à ce titre.

M. [M] [C] soutient que l’employeur lui a appliqué le statut de cadre dirigeant alors qu’il n’a jamais occupé de fonctions relevant de cette qualification, et ce dans le but de ne pas le rémunérer des nombreuses heures supplémentaires qu’il indique avoir effectuées chaque semaine.

La SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France soutient que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant en ce qu’il remplissait toutes les conditions exigées pour son application et que M. [M] [C] ne l’a contestée à aucun moment de la relation de travail.

Il convient d’examiner les points sur lesquels s’appuie le salarié au soutien de sa demande.

1. Sur l’indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps

Le salarié n’allègue aucune privation d’indépendance dans l’organisation de son emploi du temps.

Il n’est donc pas établi qu’il ne disposait, dans l’exercice de ses responsabilités, d’aucune indépendance dans l’organisation de celui-ci.

2. Sur les prises de décision

M. [M] [C] soutient qu’à la date de rupture de son contrat de travail, il était seul au sein de son service et n’exerçait plus de fonctions de management sur les autres salariés. Il fait état de la perte de la maîtrise du budget, à la faveur de plusieurs réorganisations de l’entreprise. Il indique que son poste a été séparé de la direction générale par deux strates hiérarchiques, et qu’il n’a jamais fait partie du comité de direction. Il ajoute n’avoir jamais discuté de la moindre orientation stratégique lors de ses participations aux réunions du comité opérationnel de la société.

L’employeur fait valoir que M. [M] [C] dirigeait et gérait son service avec la plus totale latitude et indépendance, participait pleinement à la direction de l’entreprise, étant notamment membre du comité opérationnel de la SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France, au sein duquel était débattues les orientations opérationnelles et stratégiques de l’activité de l’entreprise, et particulièrement des orientations de l’activité dont le salarié avait la responsabilité. L’employeur prétend encore que M. [M] [C] rendait compte de son activité directement auprès de la direction générale de l’entreprise.

La fonction définie dans le contrat de travail est intitulée ‘Responsable Marketting et Communication’,l’affectation du salarié étant: ‘Direction de la communication de Thyssenkrupp Ascenseurs SAS’.(…)

Les activités du salarié étaient énumérées dans sa fiche de poste ainsi:

‘Communication interne

-Animer l’intranet et le sharepoint communication, les succès stories commerciales, le Mag 6

-Gérer la photothèque

-Produire des supports de communication spécialisés pour les départements de l’entreprise

-Assurer la diffusion des diverses brochures commerciales au sein des agences

-Produire des éléments graphiques spécifiques

-Déployer des guideslines de communication du groupe

Communication externe

-Coordonner les actions de communication et de marketing opérationnel

-Participer à l’organisation d’événementiels (salons…) et communication clients

-Organiser et animer la relation avec la presse

-Assurer la mise à jour de la présentation groupe

-Collaborer à l’élaboration des mémoires techniques

-Elaborer les brochures commerciales

-Organiser la communication client via le site internet

Gestion de l’activité

-Evaluer, proposer et suivre les budgets marketing et communication

-Vérifier les factures

-Etre le lien avec les prestataires extérieurs

-Participer aux réunions de communication avec l’Allemagne, aux travaux de l’équipe marketing CENE

S’impliquer dans la mise en ‘uvre de la Politique Santé Sécurité

-Respecter les règles et procédures dans l’entreprise

-S’approprier les messages, objectifs de l’entreprise en matière de Santé et de Sécurité

-Signaler à sa hiérarchie toute situation à risque

-Promouvoir la Santé et Sécurité au sein de son entité en fonction de ses connaissances et formations reçues

Contribuer à l’animation et à la mise en ‘uvre du système de management de la qualité (ISO 9001)au sein de son organisation

-Respecter et faire respecter l’application des processus définis dans l’entreprise

-Animer ses équipes afin de concourir à la tenue des objectifs Qualité fixés par l’entreprise (…)’

La fonction définie dans le contrat, complétée par la fiche de poste applicable à compter de mars 2014, ainsi que le curriculum vitae que le salarié a établi après son départ de la SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France, démontrent que dans le cadre de ses missions de mise en ‘uvre de la politique de communication et de marketing de l’entreprise, il bénéficiait d’une autonomie décisionnelle et d’une gestion libre du service qu’il dirigeait.

Le salarié ne démontre pas une quelconque limitation ou absence d’autonomie de gestion du pôle Marketing et Communication.

Les nombreux courriels qu’il produit établissent au contraire qu’il jouissait d’une autonomie totale, validait les projets, donnait des instructions sur les conduites à tenir, et de manière générale, définissait les politiques de gestion du service marketing.

Dans un courriel interne en date du 4 janvier 2018, ayant pour objet: « Le Comité de Direction vous souhaite une excellente année 2018 », M. [M] [C] demande aux directeurs d’agences et responsables de département de diffuser le PDF qu’il joint, à chaque salarié.

Il indique encore dans un courriel interne en date du 21 janvier 2019, de mise au point suite à son entretien individuel du 17 décembre 2018, : « (‘) Il est difficile de gérer les temps pris par la DG, l’Allemagne et les aléas du business. (‘) (pièce 30 salarié)

L’organigramme produit par le salarié confirme qu’il faisait partie du pôle directionnel de la société et du comité opérationnel. (pièce 4 salarié)

Par ailleurs, M. [M] [C] ne démontre pas n’avoir eu aucun rôle, ou ne pas participer aux réunions du comité opérationnel, ne produit aucune pièce relative à d’éventuelles directives, ou nécessité de validations de décisions au niveau hiérarchique supérieur.

Ces éléments établissent que le salarié était habilité à prendre des décisions de manière autonome dans le cadre de l’activité dont il avait la responsabilité, et qu’il participait à la direction de l’entreprise.

3. Sur le niveau de rémunération

Le salarié fait valoir que son prédécesseur au poste de responsable Marketing et Communication percevait une rémunération supérieure à la sienne. Il produit un extrait des effectifs de l’entreprise, pour le budget 2005/2006, faisant état d’un salaire de base un « Directeur Stratégie » de 7792,73 euros, ce qui ne permet pas de conclure quoi que ce soit concernant la rémunération de M. [M] [C].

Les bulletins de salaire des mois de décembre de M. [M] [C] font état :

– pour l’année 2016 : d’un cumul de 67 892 euros brut (incluant intéressement et participation) outre une prime de fin d’année d’un montant de 2 461 euros ;

– pour l’année 2017 : d’un cumul de 69 681 euros brut (incluant intéressement et participation) outre une prime de fin d’année d’un montant de 2 474 euros;

– pour l’année 2018 : d’un cumul de 72 022 euros brut (incluant intéressement et participation) outre une prime de fin d’année d’un montant de 2 511 euros.

Sur la convention de rupture conventionnelle, figure une rémunération mensuelle brute moyenne, (moyenne la plus élevée entre les 12 ou trois derniers mois), d’un montant de 6 071 euros. M. [M] [C] a perçu par ailleurs, aux termes de cette convention, une indemnité spécifique de rupture conventionnelle d’un montant de 50 000 euros.

L’employeur produit une attestation de Mme [B] [T], DRH Fonctions Supports, qui indique : « Les fichiers de paye font apparaître que la société comptait, en décembre 2018, 2134 salariés. La rémunération mensuelle de M. [M] [C] figure dans les 2,6 % de salaires les plus élevés de l’entreprise. »

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il n’est pas justifié que la rémunération de M. [M] [C] ne se situait pas dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la société.

En définitive, le salarié n’est pas fondé à contester qu’il était un cadre dirigeant au sein de l’entreprise, faisant partie des cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome, et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise.

Au regard des éléments précités, il est démontré que M. [M] [C] participait ainsi à la direction de la société.

Les critères sont donc tous réunis pour faire application à M. [M] [C] du statut de cadre dirigeant.

Dès lors, la demande tendant à voir écarter ce statut n’est pas fondée et le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos

Les conséquences principales de l’appartenance à la catégorie professionnelle des cadres dirigeants sont prévues par le premier alinéa de l’article L. 3111-2 du code du travail qui dispose que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III, soit celles qui sont relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires ainsi qu’au repos et aux jours fériés.

En l’espèce, le statut de cadre dirigeant s’appliquant à M. [M] [C], il n’est pas soumis au régime des heures supplémentaires, de sorte que sa demande de ce chef et ses demandes au titre des congés payés afférents, et de la contrepartie obligatoire en repos ne sont pas fondées.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes des dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

– de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l’embauche ;

– de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

– de se soustraire intentionnellement à l’obligation de délivrer un bulletin de paie ;

– de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il résulte de l’article L. 8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de sa demande au titre d’un travail dissimulé que la société l’a maintenu au statut de cadre dirigeant, alors que les conditions n’étaient pas réunies, qu’elle savait que le salarié effectuait des heures supplémentaires et qu’il dépassait ses horaires de travail.

Il est établi que le statut de cadre dirigeant s’applique à M. [M] [C] et que ce dernier n’était pas éligible aux dispositions des titres II et III, soit celles qui sont relatives à la durée du travail, notamment les heures supplémentaires.

Il s’ensuit que le salarié ne justifie d’aucun élément matériel du travail dissimulé de sorte que la demande n’est pas fondée.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

– Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de l’obligation de sécurité :

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Il en résulte qu’un salarié peut engager la responsabilité contractuelle de son employeur lorsque ce dernier a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail. La bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de rapporter la preuve que les faits qu’il allègue sont exclusifs de la bonne foi contractuelle.

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de sa demande à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail que la société a modifié progressivement et unilatéralement son contrat de travail, à la faveur de plusieurs réorganisations et plans de sauvegarde. Il prétend, qu’au dernier état de sa relation de travail, il a subi une rétrogradation hiérarchique, a été privé de toute autonomie notamment budgétaire, et s’est retrouvé seul au sein de son service.

Si le service ‘Marketing et Communication’ a effectivement été intégré dans un pôle dénommé ‘Direction Commerciale Service-Modernisation’, il résulte des documents produits par M. [M] [C], que l’organigramme de cette direction, figurant sur le document relatif à l’organisation au 1er octobre 2014, est identique à celui intégré au document concernant l’organisation au 1er octobre 2018, en ce qui concerne la position hiérarchique du salarié.

Ce dernier ne démontre pas par ailleurs en quoi il aurait été dessaisi de ses responsabilités et aurait perdu son autonomie.

Au contraire, il a déjà été constaté qu’au cours de ses trois dernières années de présence au sein de l’entreprise, M. [M] [C] a connu une évolution positive de sa rémunération, tant au niveau de son salaire que des primes perçues chaque année, évolution qui paraît incompatible avec toute mise à l’écart ou dégradation de l’exercice de son pouvoir de direction.

Il a également perçu une prime exceptionnelle au mois de janvier 2019, d’un montant de 2 000 euros brut, pour son implication dans une opération appelée « roadshow elevate ». (Pièce 29 salarié)

En définitive, le salarié ne rapporte pas la preuve de manquements imputables à la SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France constitutifs d’une exécution déloyale du contrat de travail.

La demande n’est donc pas fondée, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur l’obligation de sécurité

Il résulte de l’article L 4121-1 du code du travail que: ‘ L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

L’employeur, tenu au respect d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.

Le salarié soutient avoir été confronté à une surcharge de travail, connue de l’employeur, le conduisant à dépasser les durées maximales de travail fixées par la loi, prétend qu’aucune suite aux alertes qu’il aurait données n’a été apportée.

La SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France fait valoir que M. [M] [C] ne produit aucune pièce de nature à établir l’existence d’une situation de stress et de surcharge de travail, ni aucun élément médical.

Le salarié produit le courriel adressé à son employeur en date du 21 janvier 2019, dans lequel il répond aux observations qui lui ont été faites lors de son entretien annuel, et précise qu’il est submergé par le travail, prend son poste le matin à sept heures et ne le quitte pas avant 17h30-18 heures chaque soir, outre le travail qu’il indique effectuer chez lui. (Pièce 30 salarié)

Il produit également un certificat médical en date du 9 janvier 2020, avec une prescription de médicaments dont il indique que ce sont des antidépresseurs. (pièce 33 salarié)

Les échanges de courriels versés aux débats sont dans leur grande majorité adressés et reçus vers 7h/7h30, et en fin de journée, vers17h/18h. Ces horaires correspondent à une activité certes soutenue, mais qui n’apparaît pas exceptionnellement chargée au regard notamment du poste occupé par M. [M] [C].

Par ailleurs, le salarié produit les comptes-rendus d’entretiens annuels d’évaluation pour les années 2013, 2014, 2017 et 2018, dans lesquels ne figure aucun grief concernant une éventuelle surcharge de travail. Au contraire, en 2014, à la rubrique des commentaires du salarié, celui-ci indiquera « Un travail qui me plait beaucoup », en 2017, « En accord », et en 2018, « En phase avec ses objectifs ». (pièces 25 à 28 salarié)

Enfin, M. [M] [C] ne démontre pas l’existence d’un état de santé dégradé et encore moins un éventuel lien de causalité entre son état de santé et un prétendu manquement de son employeur à son obligation de sécurité.

Il produit un certificat médical bien postérieur à la date de son départ de la SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France, qui ne fait état d’aucune pathologie en rapport avec ses conditions de travail dans l’entreprise, et le salarié n’allègue par ailleurs ni ne justifie d’aucune saisine du CHSCT ou de la médecine du travail, d’aucun arrêt de travail.

En conséquence, M. [M] [C] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de la SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France.

Le jugement est infirmé de ce chef.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La demande présentée par M. [M] [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance est rejetée.

Les demandes présentées par les parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

M. [M] [C], partie qui succombe, est condamné aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 23 septembre 2020 sauf en ce qu’il a :

-débouté M. [M] [C] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

-débouté M. [M] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

-débouté la SAS Thyssenkrupp Ascenseurs France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées, et y ajoutant :

DIT que le statut de cadre dirigeant est applicable à M. [M] [C] ;

DEBOUTE M. [M] [C] de ses demandes de rappels de salaire au titre d’heures supplémentaires, des congés payés afférents, et au titre du repos compensateur obligatoire;

DEBOUTE M. [M] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;

DEBOUTE M. [M] [C] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en première instance ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties en cause d’appel ;

CONDAMNE M. [M] [C] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

LE GREFFIER,P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Viviane BODINNathalie BUJACOUX

 


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