SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2017
Cassation partielle
Mme X…, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2650 F-D
Pourvoi n° J 15-28.680
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Prisca Y…, domiciliée […] ,
contre l’arrêt rendu le 29 septembre 2015 par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Espace aluminium industrie, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 21 novembre 2017, où étaient présents : Mme X…, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme E…, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme E…, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Y…, de Me Z…, avocat de la société Espace aluminium industrie, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y… a été engagée à compter du 6 septembre 2004 par la société MD Concept, devenue société Espace aluminium Tampon, en qualité de secrétaire polyvalente ; qu’elle a sollicité de son employeur un congé parental d’éducation de six mois pour la période du 5 novembre 2007 au 5 mai 2008 ; que les parties ont signé le 19 octobre 2009 une convention de rupture conventionnelle homologuée le 13 novembre 2009 ; que, soutenant notamment que son consentement avait été vicié, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes d’annulation de la convention, de paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre d’un harcèlement moral, l’arrêt retient que l’imputabilité du syndrome dépressif à des faits d’origine professionnelle n’est pas suffisamment établie par le certificat médical produit, que le conseil de prud’hommes a retenu que l’employeur avait fait subir à sa salariée les mesures discriminatoires répétées suivantes : déplacement géographique du Tampon où elle travaillait initialement, au siège social de Saint-Pierre, rétrogradation de poste sans justification, refus de décompter ses absences ou retards justifiés sur ses congés comme ses autres collègues, refus de lui payer sa prime de déplacement en février 2009, refus de lui délivrer une attestation de travail et de lui régler les indemnités complémentaires dues lors de son arrêt maladie, que les deux premiers faits ainsi énoncés ne peuvent être imputés à l’employeur, qu’en effet le contrat de travail comporte une clause de mobilité, étant observé au surplus que le nouveau lieu de travail est plus proche du domicile de la salariée, que la mention assistante de gestion est équivalente à celle de secrétaire figurant dans le contrat de travail, avec la même classification et la même rémunération, pour cette salariée qui ne peut se prévaloir ni d’une promotion, ni d’une rétrogradation qui lui soit préjudiciable, que la salariée ne rapporte pas la preuve d’un refus de se voir décompter ses absences ou retards justifiés sur ses congés comme ses autres collègues, que la société établit qu’elle a régularisé la prime de déplacement en février 2009, que les indemnités complémentaires dues par l’employeur lors de l’arrêt maladie ont finalement été versées fin septembre 2009 après l’intervention en juillet 2009 du syndicat OSDTR, de sorte que le préjudice financier subi par cette salariée avait été réparé pour l’essentiel plusieurs mois avant la date de son courrier de rupture, et que ces faits isolés certes regrettables ne pouvaient donc servir de fondement légitime à la prise d’acte de cette rupture ;
Qu’en statuant ainsi, sans examiner l’intégralité des éléments invoqués par la salariée, qui faisait état de l’absence de visite de reprise, et d’un courrier du 18 mars 2009 la menaçant de sanction à la suite d’une lettre de réclamation, et en procédant à une appréciation séparée de chaque élément qu’elle analysait, alors qu’il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral, et dans l’affirmative, d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation à intervenir du chef de dispositif rejetant la demande formée au titre du harcèlement moral entraîne l’annulation par voie de conséquence du chef de dispositif de l’arrêt rejetant la demande d’annulation de la convention de rupture pour vice du consentement ;