Convention de rupture conventionnelle : 2 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/00255

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Convention de rupture conventionnelle : 2 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/00255

N° RG 21/00255 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IVCG

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 02 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 16 Décembre 2020

APPELANTE :

Me [G] [S] (SCP MANDATEAM) – Mandataire liquidateur de la SOCIETE METALLURGIQUE DU VEXIN

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Arnaud MABILLE de la SELAS DELOITTE SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Elise LAURENT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur [L] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Stéphane CAMPANARO de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau de l’EURE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Thierry BRULARD de la SCP BRULARD – LAFONT – DESROLLES, avocat au barreau de l’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 18 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 18 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 02 Mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 02 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Métallurgique du Vexin (la société) avait pour activité principale la fabrication des chauffe-eau et ballons de stockage d’eau chaude sanitaire. Elle employait plus de 30 salariés et appliquait la convention collective nationale de la métallurgie.

M. [L] [R] (le salarié) a été embauché par la société, détenue par son père, M. [E] [R], en qualité d’adjoint de direction, statut cadre niveau III, aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 février 2007.

A compter du 1er janvier 2011, il a été promu directeur général, statut cadre niveau III B, sa rémunération brut mensuelle étant portée à 5 900 euros.

Le 27 juin 2018, la société et le salarié ont décidé d’un commun accord de régulariser une convention de rupture conventionnelle visant à mettre un terme au contrat de travail de M. [R].

Les parties ont convenu à cette occasion du règlement d’une somme de 35 671,07 euros à titre d’indemnité de rupture conventionnelle.

Le 12 juillet 2018, M. [E] [R], père du salarié, a cédé l’intégralité des action de la société Métallurgique du Vexin à la société Ridel Energy.

Le 4 août 2018, le contrat de travail de M. [L] [R] a pris fin, les documents de fin de contrat remis au salarié, le solde de tout compte faisant état d’une somme nette de 64 243,39 euros à verser au salarié, dont 21 803,23 euros à titre d’indemnités pour congés payés supplémentaires.

Les documents de fin de contrat n’ont pas été signés par le repreneur de la société.

La société Métallurgique du Vexin et M. [L] [R] ont formalisé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée le 12 juillet 2018, à effet au 3 septembre 2018, M. [R] étant embauché en qualité de directeur commercial, statut cadre, position III. Le contrat de travail précisait en son préambule ‘dans le cadre des négociations relatives à la cession de la totalité des titres de la société Métallurgique du Vexin intervenue le 12 juillet 2018, il a été convenu de négocier les termes d’un nouveau contrat de travail à conclure entre la société et M. [L] [R].’

Le 16 avril 2019, M. [R] a été licencié pour faute grave par son nouvel employeur.

La société Métallurgique du Vexin a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 28 novembre 2019.

Par jugement du 5 février 2021, le tribunal de commerce d’Evreux a prononcé la liquidation judiciaire de la société Métallurgique du Vexin.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son premier contrat de travail, le salarié a saisi le 16 avril 2019 la formation des référés du conseil de prud’hommes de Louviers afin, notamment, d’obtenir au titre du solde de tout compte la somme de 34 243,38 euros.

Au cours de l’audience, la société a remis au salarié un chèque de 16 651,73 euros correspondant selon elle à la somme restant due au salarié en sus des 30 000 euros versés initialement.

Par ordonnance en date du 3 juin 2019, la formation de référé du conseil de prud’hommes s’est déclarée incompétente, a renvoyé le salarié à mieux se pourvoir.

M. [R] a alors saisi le 25 juin 2019 le conseil de prud’hommes de Louviers demandant notamment à celui-ci de condamner son ancien employeur à lui verser la somme de 17 591,66 euros au titre du reliquat du solde de tout compte.

Par jugement du 16 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Louviers a :

– dit que la demande en paiement du reliquat du solde de tout compte est fondée et n’est pas prescrite,

– donné acte à l’Unedic Cgea de [Localité 4] de son intervention,

– fixé la somme de 17 591,66 euros net à inscrire au passif de la société Métallurgique du Vexin au titre du reliquat du solde de tout compte,

– déclaré opposable la créance à l’Unedic Cgea de [Localité 4] dans les limites de sa garantie,

– rappelé que la créance est assortie de l’exécution provisoire de droit,

– ordonné à la société Métallurgique du Vexin la remise d’un certificat de travail, d’un reçu de solde de tout compte et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la décision,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné la société Métallurgique du Vexin aux entiers dépens y compris aux frais d’exécution et honoraires d’huissier.

La société Métallurgique du Vexin, assistée de son administrateur judiciaire et de son mandataire judiciaire a interjeté appel le 18 janvier 2021 à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 19 décembre précédent.

Le salarié a constitué avocat par voie électronique le 26 janvier 2021.

Me [G], liquidateur judiciaire de la société Métallurgique du Vexin, a constitué avocat le 8 mars 2022 puis nouvel avocat le 13 décembre 2022.

L’Unédic Ags Cgea délégation de [Localité 4] a constitué avocat par voie électronique le 26 janvier 2021.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, le liquidateur de la société, soutenant que le solde de tout compte a été établi par le salarié lui-même, postérieurement à la négociation par son père de la cession de ses actions, affirmant que le salarié est dans l’incapacité de démontrer la période au cours de laquelle il aurait acquis les 61 jours de congés supplémentaires revendiqués, considérant malhonnête l’attitude adoptée par le salarié, invoquant à titre subsidiaire le moyen tiré de la prescription d’une partie des demandes, sollicite l’infirmation du jugement entrepris, demande à titre principal que le salarié soit débouté de sa demande, requiert à titre subsidiaire que le quantum du reliquat du solde de tout compte soit réduit à la seule somme de 2 826,66 euros, sollicite en tout état de cause la condamnation de M. [R] au paiement d’une indemnité de procédure de 2 000 euros ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022, l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

– lui donner acte de son intervention à l’instance au titre des dispositions de l’article L 625-3 du code de commerce,

– lui donner acte de ce qu’elle s’associe à l’argumentation et aux moyens de défense développés par le liquidateur,

– lui donner acte de son appel incident,

– infirmer le jugement et débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes,

– subsidiairement, dire et juger que la prescription est acquise pour les créances invoquées au titre de la période antérieure au 25 juin 2016,

– limiter la créance à la somme de 2 826,66 euros,

– débouter le salarié du surplus de ses demandes,

– dire que les dispositions de l’arrêt à intervenir ne lui seront opposables que dans les limites de sa garantie,

– dire que les dispositions de l’arrêt relatives à la remise de documents sous astreinte, à l’indemnité de procédure et aux dépens ne lui sont pas opposables.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 6 juillet 2021, le salarié intimé, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, affirmant avoir toujours bénéficié de congés payés supplémentaires en sa qualité de cadre en application de la convention collective applicable, soutenant que le moyen tiré de la prescription est inopérant en raison d’une mention de report des congés payés sur les bulletins de paie, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée, demande que l’arrêt soit déclaré opposable à l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 4] qui sera tenue à garantie, requiert la condamnation du liquidateur ès qualités à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture en date du 15 décembre 2022 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 18 janvier 2023.

Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur l’existence de congés payés supplémentaires ancienneté

Le liquidateur ès qualités soutient que M. [R], en sa qualité de directeur général, a profité de son poste et de ses responsabilités pour faire établir des documents de fin de contrat mentionnant une indemnité de congés payés supplémentaires à hauteur de 21 803,23 euros et précise que l’employeur a refusé de signer les documents au regard des calculs erronés effectués par le salarié.

Il soutient que la mention de congés supplémentaires apparaît sur de simples ‘fiches navettes’ annexées aux bulletins de paie, ce qui ne peut valoir reconnaissance d’un droit acquis au salarié. En outre, le report de ces congés d’une année sur l’autre doit être accepté par l’employeur par une mention expresse de ces congés payés sur le bulletin de paie.

Enfin, le liquidateur ès qualités soutient que le salarié ayant l’obligation de prendre ses congés payés, il ne peut obtenir l’indemnisation des congés payés non pris qu’en rapportant la preuve de ce qu’il n’a pu les prendre par la faute de l’employeur.

Le liquidateur rappelle qu’au jour de la cession de ses actions, M. [E] [R] n’a jamais indiqué à la société Ridel Energy qu’il restait des congés payés supplémentaires pour ancienneté dus à certains salariés, qu’il n’avait pas davantage provisionné sur le plan comptable une quelconque somme à ce titre alors que, selon M. [L] [R], l’exigibilité de ces sommes remonterait à plusieurs années.

L’Unédic Ags délégation Cgea de [Localité 4] s’associe aux observations formulées par le liquidateur ès qualités, indique que le salarié a la charge de la preuve de ce que la somme qu’il revendique lui serait due et correspondrait à un rappel de congés supplémentaires qui ne lui aurait pas été réglé.

Le salarié conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il constate que le liquidateur reconnaît l’existence des congés supplémentaires puisque ceux-ci font parallèlement l’objet d’une action en garantie d’actif et de passif devant le tribunal de commerce de Paris contre M. [E] [R], ancien dirigeant et actionnaire unique de la société.

Il précise que ces congés supplémentaires ancienneté concernent tous les cadres de la société en application de l’article 14 de la convention collective.

Il indique qu’ils ont toujours figuré sur l’annexe rédigée et attachée aux bulletins de paie, qu’ils ont été régulièrement reportés, ce mode opératoire étant confirmé par l’expert comptable de la société en charge de l’établissement des bulletins de paie de juin 2008 à juillet 2018.

M. [R] conteste tout abus de ses fonctions tel qu’allégué par le liquidateur.

Il considère que la preuve du droit à congé est établie en ce que la mention sur les bulletins de paie du solde de congés payés acquis au titre d’une période antérieure à la période de référence vaut accord de l’employeur pour le report des congés payés sur cette période.

Enfin, il indique que l’argument selon lequel l’ancien dirigeant n’aurait pas informé la société acquéreur de l’existence de ces congés payés est indifférent au litige prud’homal.

Sur ce ;

L’article 14 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, dont l’application en l’espèce n’est pas contestée, stipule que les cadres bénéficient d’un congé principal augmenté d’un congé supplémentaire pour ancienneté de 2 jours pour les cadres âges de 30 ans et ayant 1 ans d’ancienneté et de 3 jours pour les cadres âgés de 35 ans et ayant 2 ans d’ancienneté.

Il ressort des bulletins de paie versés aux débats par le salarié pour les années 2016, 2017 et 2018 que chaque bulletin de paie comporte une annexe qui reprend les congés payés au titre de l’ancienneté dus et acquis.

M. [C], expert comptable de la société, atteste de ce que sur la période de juillet 2008 à juin 2018 il avait en charge l’établissement des bulletins de salaire de la société Métallurgique du Vexin comprenant l’annexe ‘fiche navette’ relative aux congés ancienneté, de sorte que le liquidateur ès qualités ne peut légitimement soutenir que le salarié a abusé de ses fonctions pour établir son solde de tout compte en reprenant un solde de congés payés ancienneté indu.

En outre, il résulte de l’assignation délivrée par la société à l’encontre de M. [E] [R] devant le tribunal de commerce de Paris que les congés supplémentaires ancienneté concernaient d’autres cadres de l’entreprise, la somme totale sollicitée à ce titre s’élevant à 94 304,97 euros.

Il ressort de la lecture du bulletin de paie de juillet 2018 du salarié que son solde de congés était de 38 jours au titre des congés ancienneté, 23 jours au titre des congés cadres et 25 jours au titre des congés payés.

Le bulletin de paie d’août 2018 mentionne une durée d’absence de 20 jours.

M. [R] sollicite le règlement de 61 jours de congés payés.

Il est admis que le report des congés payés mentionnés sur le bulletin de salaires vaut acceptation de la part de l’employeur. La fiche navette annexée au bulletin de paie fait corps avec le bulletin de paie.

En conséquence, au vu de ces éléments, il y a lieu, par confirmation du jugement entrepris, de juger que le salarié justifie de l’existence de congés payés ancienneté supplémentaire acquis.

2/ Sur le moyen tiré de la prescription

Le liquidateur ès qualités soutient qu’en application de l’article L 3245-1 du code du travail, les sommes exigibles antérieures au 25 juin 2016 sont prescrites, de sorte que la demande du salarié au titre des congés payés ancienneté supplémentaires doit être réduite à la somme globale de 2 826,66 euros.

L’Unedic Ags délégation Cgea de [Localité 4] s’associe à l’argumentation développée par le liquidateur ès qualités.

M. [R] soutient que la prescription triennale applicable aux actions en paiement des salaires ne s’applique pas en l’espèce dès lors que le fait de mentionner les congés sur les bulletins de paye vaut reconnaissance qu’ils restent dûs.

Sur ce ;

Il a été précédemment rappelé que le report des congés payés mentionnés sur le bulletin de salaire vaut acceptation de la part de l’employeur.

Dans ce cas, l’employeur reportant d’année en année les congés payés non pris, il repousse d’autant leur exigibilité, de sorte que la prescription commence à courir uniquement à la fin de l’expiration de la dernière période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris.

En conséquence, en l’espèce, l’annexe au dernier bulletin de paie du salarié de juillet 2018 mentionnant l’existence de ces congés payés régulièrement reportés, le salarié ayant saisi le conseil de prud’hommes le 25 juin 2019, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la prescription.

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.

Il convient en l’espèce de condamner le liquidateur ès qualités, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du liquidateur ès qualités les frais irrépétibles exposés par lui.

Il y a également lieu de condamner le liquidateur ès qualités aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Louviers du 16 décembre 2020 ;

Y ajoutant :

Condamne Maître [G] en qualité de liquidateur de la société Métallurgique du Vexin à verser à M. [L] [R] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;

Déclare la présente décision opposable à l’Unedic Ags délégation de [Localité 4] qui sera tenue à garantie dans les limites prévues aux articles L 3253-6 à L 3253-17, D 3253-5 et D 3253-2 du code du travail ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Maître [G] en qualité de liquidateur de la société Métallurgique du Vexin aux entiers dépens d’appel.

La greffière La présidente

 


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