02/12/2022
ARRÊT N°2022/479
N° RG 21/02062 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OESV
CB/AR
Décision déférée du 30 Mars 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( 18/0215)
LOBRY S
[C] [T]
C/
ASPE2A – ASSOCIATION POUR LE SOIN ET LA PROTECTION DE L’ENFANT, DE L’ADOLESCENT ET DE L’ADULTE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 2 12 22
à Me Emmanuelle DESSART
Me Anne TUXAGUES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [C] [T]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me ECHALIER Benjamin , avocat au barreau de bordeaux (plaidant) et par Me Anne TUXAGUES de la SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
INTIMEE
ASPE2A – ASSOCIATION POUR LE SOIN ET LA PROTECTION DE L’ENFANT, DE L’ADOLESCENT ET DE L’ADULTE
anciennement dénommée association Protection de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte (PEA), prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Marie MONROZIES-MOREAU de l’AARPI GELBER & MONROZIES-MOREAU, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. Brisset, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. Brisset, présidente
A. Pierre-Blanchard, conseillère
F. Croisille-Cabrol, conseillère
Greffier, lors des débats : A. Ravéane
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [C] [K] épouse [T] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 mars 2015 par l’association Protection de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte (PEA), en qualité de responsable administrative et financière, catégorie cadre.
L’association compte environ 200 salariés. La convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 est applicable.
Mme [T] a été placée en arrêt de travail du 12 au 20 avril 2018.
Le 2 mai 2018, une rupture conventionnelle a été signée par les parties, puis homologuée le 5 juin 2018, le contrat de travail prenant fin le 12 juin 2018.
Le 20 décembre 2018, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de solliciter l’annulation de la rupture conventionnelle.
Par jugement de départition du 30 mars 2021, le conseil a :
– condamné l’association Protection de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte (PEA) à payer à Mme [C] [T] la somme de 512,93 euros à titre de solde de congés payés,
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire au sens de l’article R. 1454-28 du code du travail s’élève à 3 697,83 euros,
– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en ce qu’elle ordonne le paiement de sommes au titre de rémunérations et indemnités mentionnées au 2 de l’article R. 1454-14 du code du travail,
– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire pour le surplus,
– condamné l’association Protection de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte (PEA) aux entiers dépens,
– condamné l’association Protection de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte (PEA) à payer à Mme [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [T] du surplus de ses demandes.
Le 3 mai 2021, Mme [T] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.
Dans ses dernières écritures en date du 7 octobre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [T] demande à la cour de :
– réformer partiellement le jugement entrepris.
En conséquence :
– prononcer l’annulation de la rupture conventionnelle signée le 2 mai 2018,
– juger que la rupture du contrat de travail de Mme [C] [T] doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
-condamner l’association Protection de l’enfance et de l’adolescence à régler à Mme [T] les sommes suivantes :
– 16 839,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 16 839,35 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 683,94 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés afférente,
– 11 991,25 euros à titre du solde de l’indemnité de licenciement,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
– 229, 84 euros bruts au titre du solde de l’indemnité RTT 2018 due,
– 421,90 euros bruts au titre de la majoration de 25% pour heures supplémentaires de l’indemnité RTT de l’année 2018,
– 210,95 euros bruts au titre de l’indemnité congés payés de 10% sur l’indemnité RTT majorée année 2018,
– 1 007,03 euros bruts au titre de la régularisation du paiement du compte épargne temps,
– 512,93 euros bruts au titre du différentiel restant dû de l’indemnité congés payés versée sur le bulletin du mois de juin 2018 (période 2017-2018),
– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dépens de l’instance.
Elle soutient que la convention de rupture conventionnelle est nulle, son consentement ayant été vicié. Elle en déduit que la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcé dans des conditions vexatoires. Elle considère ne pas avoir été remplie de ses droits au titre du solde de tout compte et s’explique sur les indemnités.
Dans ses dernières écritures en date du 21 octobre 2022 auxquelles il est fait expressément référence, l’association PEA demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 30 Mars 2021 en ce qu’il a débouté Mme [T] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle et de ses demandes indemnitaires à ce titre :
– 16 839,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 16 839,35 euros au titre de l’indemnité de préavis,
– 1 683,94 euros au titre des congés-payés y afférents,
– 11 991,25 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
– 229,84 euros au titre du solde de l’indemnisation RTT 2018,
– 421,90 euros au titre de la majoration de 25 % pour les heures supplémentaires de l’indemnité RTT de 2018,
– 210,95 euros au titre de l’indemnité de congés payés de 10 % sur l’indemnité RTT majorée de 2018,
– 1 007,03 euros au titre de la régularisation du paiement du CET,
– réformer le jugement en ce qu’il a condamné l’association à verser à Mme [T] la somme de 512,93 euros au titre du solde de congés-payés,
– réformer le jugement en ce qu’il a condamné l’association à verser à Mme [T] à la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
– débouter la partie demanderesse de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Mme [T] au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– ordonner le remboursement des sommes indûment perçues au titre de l’exécution provisoire de droit.
A titre subsidiaire,
si par extraordinaire, la cour devait annuler la convention de rupture conventionnelle, il conviendra d’imputer sur les sommes éventuellement allouées à Mme [T], le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle indûment perçue à hauteur de 3 059,13 euros nets.
Elle conteste tout vice du consentement et soutient que la convention de rupture conventionnelle est valable. Elle ajoute que la salariée a été remplie de ses droits au titre du solde de tout compte.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 25 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La rupture conventionnelle telle que prévue par les dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail constitue un contrat et peut donc être annulée s’il est établi au moment de sa conclusion l’existence d’un vice du consentement au sens des dispositions des articles 1130 et suivants du code civil. C’est sur la partie qui l’invoque que repose la charge de la preuve du vice du consentement allégué.
En l’espèce, Mme [T], pour conclure à la réformation du jugement, soutient que son consentement a été vicié. Si elle ne qualifie pas le vice invoqué, il résulte de son argumentation qu’elle se place sur le terrain de la contrainte et donc de la violence morale.
Or contrairement aux affirmations de l’appelante, c’est après avoir exactement analysé l’ensemble des éléments de fait qui leur étaient soumis que les premiers juges ont considéré que la preuve d’un vice du consentement n’était pas établie.
La cour observe que si Mme [T] a bien été victime d’un malaise aux temps et lieu de travail le 11 avril 2018, aucun élément ne permet de l’imputer à l’employeur. Celui-ci, constatant le malaise de la salariée, a appelé les secours ainsi que son conjoint. Il s’agit des seuls éléments certains alors qu’aucune pièce ne vient étayer les assertions de la salariée sur le déroulement de la réunion avant son malaise, lequel n’a pas été reconnu comme un accident du travail. Le lendemain, Mme [T] a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant pour une durée au demeurant réduite de huit jours, laquelle a été suivie par des congés programmés bien avant son malaise.
C’est dans ces circonstances que Mme [T] a repris le travail le 2 mai 2018. Quant aux conditions dans lesquelles elle a été amenée à signer la rupture conventionnelle, la cour, comme les premiers juges, ne dispose d’aucun élément extrinsèque de nature à ne serait-ce qu’étayer la preuve d’un vice du consentement. Si Mme [T] a, plusieurs mois après la rupture, adressé un courrier à l’employeur où elle relatait les circonstances de signature, ceci ne correspond qu’à ses allégations. Ceci ne peut constituer une preuve dès lors que cela n’est pas assorti d’éléments circonstanciels objectifs sur lesquels la cour pourrait s’appuyer. Les attestations des proches de Mme [T], qui comme telles doivent être envisagées avec circonspection, ne font que relater son état psychologique après la rupture mais sont strictement indirectes sur les circonstances de la signature. Elles posent d’autant plus de difficulté qu’il résulte des propres termes du courrier de contestation de la salariée, qu’au-delà des mentions du formulaire de rupture, elle avait été informée du délai de rétractation de 15 jours et en avait conscience. Or, aucun élément objectif ne vient expliciter son absence de rétractation. Le fait qu’elle ait été atteinte psychologiquement par la rupture peut certes être entendu mais ne la mettait pas dans l’impossibilité d’exercer ses droits ou en tout cas il n’en est pas justifié.
Quant au fait que la salariée ait été immédiatement placée en position de congés payés pendant la période précédant la rupture, il résulte de la pièce 7 de l’employeur que les parties en avaient convenu. Aucun élément ne permet de remettre en cause cette convention, alors que la cour observe que Mme [T] pouvait d’autant plus se rétracter pendant le délai prévu puisqu’elle se trouvait en dehors du cadre de travail qu’elle décrit comme l’ayant contrainte.
Au total, c’est par des motifs pertinents que pour le surplus la cour adopte que les premiers juges ont considéré que Mme [T] ne satisfaisait pas à la charge probatoire qui était la sienne et ont exclu un vice du consentement.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la rupture conventionnelle et par suite les demandes consécutives portant sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur des circonstances vexatoires, au demeurant non établies, entourant la rupture.
S’agissant de la régularisation du solde de tout compte, les premiers juges ont fait droit à une demande de rappel de congés payés à hauteur de 512,93 euros.
Mme [T] reprend cette demande de condamnation alors qu’en réalité de son chef il ne peut s’agir que d’une confirmation. L’employeur conclut lui à l’infirmation du jugement et au débouté de la salariée. Il le fait aux termes d’une argumentation particulièrement laconique tenant à l’absence de preuve de prise des congés payés, alors que précisément l’indemnité est due en l’absence de prise des congés au jour de la rupture, et à l’échange des courriers démontrant selon lui qu’aucune somme n’est due. Ces courriers ne font pas référence à l’indemnité de congés payés et surtout l’employeur ne discute pas les énonciations du jugement ayant retenu le décompte précis présenté par la salariée sur ses jours de congé. La cour ne peut que confirmer ce chef de jugement.
Mme [T] sollicite en outre différentes sommes :
– 229,84 euros au titre du solde d’indemnité RTT. Elle reprend cette demande sans toutefois s’expliquer sur les motifs du jugement ayant retenu qu’elle basait son calcul sur 23 jours de RTT par an, sans justifier du quantum annuel des RTT. Aucun justificatif complémentaire n’est produit. La cour ne peut que confirmer de ce chef.
– 421,90 euros au titre d’une majoration de 25% comme heures supplémentaires de l’indemnité RTT de l’année 2018. La référence qu’elle fait à une annexe à sa pièce 29 suppose toutefois, pour qu’une telle demande puisse prospérer, que l’employeur ne l’aie pas mise dans la possibilité de prendre ses RTT. Or, elle ne fournit aucun élément sur ce point de sorte qu’il ne saurait y avoir lieu à majoration automatique.
– 210,95 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur l’indemnité de RTT majorée. Elle n’explicite cependant pas son calcul alors en outre que la cour ne retient pas la notion de RTT majorée.
– 1 007,03 euros au titre de la régularisation du paiement du compte épargne temps. À ce titre la salariée se contente d’un décompte récapitulatif et fait valoir que l’employeur lui fait une réponse sur les périodes travaillées alors qu’il a régularisé ces sommes au mois d’octobre. Elle en déduit que ce semblant d’argument démontre que l’association PEA n’a rien à dire sur la demande présentée par la salariée. Ceci ne saurait toutefois constituer la justification de ce que les sommes effectivement payées par l’employeur au titre de la monétisation du CET ne l’ont pas remplie de ses droits et que la demande, présentée sans décompte permettant de la recalculer, est justifiée.
Le jugement sera confirmé sur ces points ainsi que sur le sort des frais et dépens de première instance.
L’appel étant mal fondé, Mme [T] en supportera les dépens. Au regard de considérations d’équité et tenant à la situation respective des parties, il n’y pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 30 mars 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne Mme [T] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.