PS/SB
Numéro 22/2010
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 19/05/2022
Dossier : N° RG 19/01204 – N° Portalis DBVV-V-B7D-HG6X
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[J] [G]
C/
[Y] [Z],
Société FIDUCIAL EXPERTISE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 12 Janvier 2022, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Madame SORONDO, Conseiller
assistés de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [J] [G]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [Y] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître LACAZE, avocat au barreau de PAU
Société FIDUCIAL EXPERTISE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU et la SELAFA SOFIRAL, avocats au barreau d’ANGERS
sur appel de la décision
en date du 25 MARS 2019
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 17/00062
EXPOSE DU LITIGE
M. [J] [G] a été embauché le 2 janvier 1983 par M. [V] [Z], expert comptable, en qualité de collaborateur comptable, suivant contrat à durée indéterminée.
Le 1er janvier 1990, le cabinet d’expertise comptable a été transmis à M. [Y] [Z], fils de l’employeur, qui a repris M. [G] en qualité d’assistant principal.
Par avenant du 1er juillet 1995, M. [J] [G] a été promu au statut cadre.
Au dernier état de la relation, il a occupé un emploi niveau 3, coefficient 330.
Du 28 juillet 2015 au 31 janvier 2016, il a été en arrêt de travail pour maladie. Il a repris son activité à temps partiel du 1er février au 1er mai 2016 dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique, puis à temps plein.
Le 15 juin 2016, une convention de rupture fixant la fin du contrat au 29 juillet 2016 a été conclue.
Le 1er juillet 2016, la société Fiduciaire nationale d’expertise comptable (ci-après société Fiducial) a acquis le cabinet [Z].
Le 9 mars 2017, M. [G] a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 25 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Pau a notamment’:
– déclaré la recevabilité et le bien-fondé de l’action intentée par M. [J] [G] à l’encontre de la société Fiducial expertise venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z],
– condamné la société Fiducial expertise venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z] à verser à M. [J] [G] les sommes de :
. 6.549,77 € au titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période de 10 mars au 31 décembre 2014,
. 654,87 € au titre des congés payés sur rappel des heures supplémentaires,
. 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [J] [G] de l’ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions,
– débouté la société Fiducial expertise venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z] de ses autres demandes,
– débouté M. [Y] [Z] de ses autres demandes,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les condamnations de remise de documents que l’employeur est tenu de délivrer et celles en paiement de créances salariales ou assimilées dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (article R.1454-28 du code du travail),
– condamné aux entiers dépens la société Fiducial expertise venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z].
Le 9 avril 2019, M. [G] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 28 septembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [G] demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel interjeté à l’encontre du jugement entrepris,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Fiduciaire nationale d’expertise comptable venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z] à lui verser la somme de 6.540,77 € au titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période du 10 mars au 31 décembre 2014, la somme de 654,87 € au titre des congés payés sur rappel d’heures supplémentaires et la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement dont appel en toutes ses autres dispositions,
– dire et juger que les demandes formulées au titre des heures supplémentaires du 29 juillet 2013 au 9 mars 2014 ne sont pas prescrites,
– statuant à nouveau :
– condamner la société Fiduciaire nationale d’expertise comptable venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z] à payer à M. [G] les sommes suivantes :
. 9.471,09 € brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires non payées du 29 juillet 2013 au 9 mars 2014 et du 1er janvier 2015 au 29 juillet 2016, outre la somme de 947,10 € brut à titre de congés payés y afférents,
. 21.502,26 € (3.583,71 € brut x 6 mois) au titre de l’indemnisation forfaitaire pour travail dissimulé,
. 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l’altération de la santé lié aux violations des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et de repos journalier (dépassements de la durée conventionnelle hebdomadaire du travail, du contingent légal de 220 heures de travail annuelle et du repos journalier de 11 h entre deux journées de travail),
. 3.187 € brut à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur l’année 2014/2015,
– prononcer la nullité de la clause de clientèle visée à l’article 9 de la convention de rupture du contrat de travail en date du 15 juin 2016,
– condamner la société Fiduciaire nationale d’expertise comptable venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z] aux sommes suivantes :
. 26.694 € au titre de dommages intérêt en réparation du préjudice subi du fait du respect de la clause de clientèle annulée, qu’il a été respectée,
. 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’entier préjudice subi du fait de la nullité de la levée de la clause de non-concurrence et de l’absence de contrepartie financière,
. 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– condamner la société Fiduciaire nationale d’expertise comptable venant aux droits du cabinet d’expertise comptable de M. [Y] [Z] aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais d’exécution forcée.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 24 décembre 2019, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Fiducial demande à la cour de’:
– 1/. Déclarer recevable et recevoir l’appel incident, à titre partiel du jugement entrepris, qu’elle a formé en ce que le conseil de prud’hommes de Pau’:
– a déclaré recevable et bien fondée l’action intentée par M. [G] à son encontre, pour ce qui concerne les demandes antérieures au transfert de son contrat de travail,
– l’a condamnée à verser à M. [G] les sommes de’:
. 6.549,77 € bruts au titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période du 10 mars au 31 décembre 2014,
. 654,87 € bruts au titre des congés payés y afférents,
. 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau sur ce point :
– la déclarer recevable et bien fondée dans son appel en intervention forcée à la présente procédure de M. [Y] [Z], en sa qualité d’ancien employeur de M. [G] et sous la responsabilité duquel les faits exposés par M. [J] [G] se sont produits,
– et, à titre principal :
– la mettre hors de cause et ordonner à M. [G] de restituer à la société les sommes qu’il a perçues dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement de première instance,
– à titre subsidiaire :
– condamner M. [Y] [Z] à la garantir et la relever indemne de toutes condamnations susceptibles d’être éventuellement prononcées à son encontre,
– débouter M. [J] [G] de ses demandes de rappels de salaires antérieures au 9 mars 2014 comme étant prescrites,
– dire et juger que M. [J] [G] n’a pas réalisé d’heures supplémentaires et, en conséquence, le débouter de sa demande de rappels d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents,
– 2/. confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté M. [G] de l’ensemble de ses autres demandes, fins, moyens et conclusions, et plus particulièrement en ce qu’il a :
. débouté M. [G] de ses demandes de rappels de salaires antérieures au 9 mars 2014 comme étant prescrites,
. dit et jugé que l’accord de modulation est demeuré applicable dans l’entreprise et sa validité ne peut être remise en cause et qu’il s’imposait donc à M. [G],
. «’débouté M. [G] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires pour les autres années ne peut pas réclamer n’a pas réalisé d’heures supplémentaires et, en conséquence, ainsi que les congés payés y afférents’»,
. débouté M. [G] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé,
. débouté M. [G] de ses demandes de rappels de congés payés sur la période 2014/2015,
. dit et jugé valide la clause de non détournement de clientèle prévue dans la convention de rupture conventionnelle et débouté M. [G] de sa demande de nullité de ladite clause et de sa demande indemnitaire y afférente,
. constaté que M. [G] a été dûment libéré de sa clause de non-concurrence, n’a subi aucun préjudice du fait de cette clause illicite et débouté M. [G] de sa demande de nullité de ladite clause de non-concurrence et de sa demande indemnitaire y afférente,
. débouté M. [Y] [Z] de ses autres demandes,
– 3/. y ajoutant,
– condamner reconventionnellement M. [G] et, à défaut, tout succombant à devoir lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– autoriser Me François Piault, barreau de Pau et membre de la Selarl Lexavoue Pau-Toulouse, à procéder au recouvrement direct des dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 octobre 2019, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [Y] [Z] demande à la cour de’:
– sur les demandes de l’appelant,
. débouter M. [G] de l’intégralité de ses demandes, et notamment :
. confirmer le jugement prud’homal en ce qu’il a débouté M. [G] de toute demande salariale antérieure au 9 mars 2014,
. confirmer le jugement prud’homal en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire du 29 juillet 2013 au 9 mars 2014 et du 1er janvier 2015 au 29 juillet 2016, ainsi que des congés payés sur rappel de salaire,
. confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [G] aux fins de condamnation de l’employeur à lui payer 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié aux violations des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et de repos journalier,
. confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [G] aux fins de condamnation de l’employeur à lui payer 21.502,26 € au titre de l’indemnisation forfaitaire pour travail dissimulé,
. confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [G] aux fins de condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 3.187 € à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur l’année 2014/2015,
. confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [G] aux fins de prononcer la nullité de la clause visée à l’article 9 de la convention de rupture du contrat de travail en date du 15 juin 2016, et de condamnation de l’employeur à lui payer 12’000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
. confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [G] de sa demande de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’entier préjudice subi du fait de la nullité de la levée de la clause de non-concurrence et de l’absence de contrepartie financière,
. confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [G] aux fins de prononcer la nullité de la clause visée à l’article 9 de la convention de rupture du contrat de travail en date du 15 juin 2016, et de condamnation de l’employeur à lui payer 26.694 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du respect de la clause de clientèle annulée,
– sur son appel incident et ses demandes,
. déclarer recevable son appel incident,
. infirmer le jugement prud’homal en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de rappels de salaire, ainsi que des congés payés sur rappel de salaire, du 10 mars au 31 décembre 2014, et qu’il a condamné l’employeur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens,
. condamner M. [G] à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
. condamner M. [G], ou à défaut tout succombant, à payer au concluant une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
. condamner M. [G], ou à défaut tout succombant, en tous les dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 décembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1)Sur la demande de mise hors de cause de la société Fiducial
En application de l’article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
En l’espèce, il est constant que M. [Z] a cédé sa clientèle à la société Fiducial avec effet au 1er juillet 2016. La demande d’homologation de la convention de rupture en date du 15 juin 2016, qui fixait la fin du contrat de travail au 29 juillet 2016, soit postérieurement à la cession, a été reçue par la Direccte le 4 juillet 2016 et, à défaut de refus exprès, est acquise au 23 juillet 2016. Au vu de ces éléments, le contrat de travail de M. [G] a été transféré à la société Fiducial, ce qui n’est pas discuté.
Suivant l’article L.1224-2 du même code, le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.
En l’espèce, il n’existe nulle procédure collective et le transfert est intervenu dans le cadre d’une cession entre les employeurs successifs. Ainsi, la société Fiducial est tenue des obligations qui incombaient à M. [Z] à la date du 1er juillet 2016. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a déclaré M. [G] recevable à agir contre la société Fiducial et cette dernière doit être déboutée de sa demande tendant à être mise hors de cause.
2) Sur les heures supplémentaires
Sur la prescription
Suivant l’article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Le contrat de travail a pris fin le 29 juillet 2016 et il est constant que M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes le 9 mars 2017. En conséquence, il est recevable en son action en paiement d’heures supplémentaires y compris du 29 juillet 2013 au 9 mars 2014. Le jugement doit être complété sur ce point puisqu’il n’a pas été statué sur la recevabilité, mais seulement sur le bien-fondé de la demande.
Sur le fond
Aux termes de l’avenant du 1er juillet 1995, la durée hebdomadaire de travail était fixée à 39 heures et, «’en contrepartie de l’accomplissement de ses fonctions, le salarié percevra un salaire brut égal à 14.930,93 F à compter du 1er juillet 1995. Cette rémunération est forfaitaire et tient compte notamment des éventuels dépassements d’horaires inhérents à la nature des fonctions et des responsabilités exercées. Dans le cas de nécessités particulières, un accord entre l’employeur et le salarié déterminera les conditions de récupération des dépassements horaires ».
Suivant l’article L.212-8, devenu L.3122-11 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, une convention ou un accord collectif étendu, ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, cette durée n’excède pas un plafond de 1 607 heures.
L’accord national de branche des experts-comptables et commissaires aux comptes du 13 janvier 1999 relatif à la création d’emploi par la réduction effective du temps de travail étendu par arrêté du 13 février 1999 renvoie, en son article 1er relatif aux clauses obligatoires, en cas de modulation des horaires de travail, à l’application des règles définies aux articles 8.2 et suivants de la convention collective, laquelle, en son article 8.2.2.1. disposait alors : «’En cas de modulation, l’horaire collectif peut varier d’une semaine sur l’autre dans le cadre de l’année civile ou, éventuellement, de toute autre période de 12 mois consécutifs définie au niveau de chaque cabinet, bureau, site ou service. Le principe de la programmation se matérialise au sein de chaque entité par un calendrier annuel d’activité de chacune des 52 semaines couvertes par la période de modulation. Ce calendrier est établi par le responsable en considération des contraintes liées à la saisonnalité de l’activité du cabinet ; il doit prendre en compte les aspirations des salariés. A cet effet, il est soumis pour avis au comité d’entreprise et au CHS-CT, à défaut aux délégués du personnel ou, à défaut, à l’ensemble du personnel.’»
En application de ces dispositions, un accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail a été passé par M. [Z] le 28 novembre 2000 avec un salarié mandaté par l’union locale CGT d’Oloron et approuvé par référendum du 11 décembre 2000 ; en son article 3-1, il fixe la durée annuelle du travail à 1.596 heures. Il prévoit en son article 3-3, concernant les salariés des services comptabilité générale, comptabilité comités d’entreprise, comptabilité dossiers clients clôturés au 31/10 et au 30/11 et gestion sociale, étant observé que M. [G] faisait partie du service comptabilité comités d’entreprise, une modulation du temps de travail sur l’année avec calendrier fixe, étant stipulé «’cette modulation est établie après consultation de l’équipe projet et des délégués du personnel, selon une programmation indicative communiquée aux salariés au moins 15 jours avant le début de la période de modulation’». En son article 3-5-2, il détermine ainsi les horaires de travail pour la personne du secteur comités d’entreprise : «’modulation des horaires de travail sur l’année du 1er janvier au 31 décembre avec un décompte annuel du temps de travail, et une durée moyenne du travail à 35 h sur l’année. Un calendrier de programmation est établi sur l’année 2001.’» Suit un tableau déterminant trois types de période, soit 13 semaines en période rouge avec un temps plein par semaine de 44 h, 13 semaines en période bleue avec un temps plein par semaine de 39 heures et 26 semaines en période blanche avec un temps plein par semaine de 29 heures, puis le calendrier 2001. Suivant avenants du 19 décembre 2002, du 9 décembre 2003, du 9 décembre 2004 et du 10 janvier 2006 passés avec un salarié mandaté par l’union locale CGT d’Oloron, en leur article 2, le calendrier de programmation a été déterminé respectivement pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006.
En s’abstenant de négocier un calendrier de programmation à compter de 2007, ainsi que de toute consultation des délégués du personnel ou à défaut de l’ensemble du personnel sur le calendrier annuel d’activité, l’employeur n’a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles susvisées, et les dispositions de l’article 12 IV de la loi n° 2016-2008 du 8 août 2016 en vigueur depuis le 10 août 2016, invoquées par M. [Z], ne sont pas applicables au présent litige.
Dans ces conditions, M. [G] peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires décomptées sur la base de l’horaire hebdomadaire de 35 h défini à l’article 8-1 de la convention collective.
En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [G] produit les fiches de temps journalières remplies durant l’exécution du contrat de travail, des récapitulatifs hebdomadaires, ainsi que des attestations (Mme [U] [H], élue d’un comité d’entreprise client, M. [N] [A], M. [D] [M], et M. [L] [X], chacun dirigeant d’une entreprise cliente) de clients faisant état de sa disponibilité régulière dès avant 8 h.
M. [Z] produit pour sa part un tableau des heures facturées au client impropre à déterminer les horaires de travail.
Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction que M. [G] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé. Il y a donc lieu de faire droit à sa demande et de condamner l’employeur à lui payer à ce titre les sommes de 9.471,09 € au titre des heures supplémentaires, et de 947,10 € au titre des congés payés y afférents.
3) Sur la demande au titre du travail dissimulé
L’article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié. Suivant l’article L 8221-5, est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Cependant, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, aucun élément au dossier ne permet d’établir que c’est intentionnellement que l’employeur a dissimulé le nombre d’heures réellement accompli par le salarié. M. [G] sera donc débouté de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.
4) Sur la demande de rappel de congés payés sur l’année 2014/2015
M. [G] justifie qu’il a été en arrêt de travail pour maladie du 28 juillet 2015 au 31 janvier 2016 (pièce 10), suite à un accident survenu le 28 juillet 2015, et il est constant que l’accident est survenu alors qu’il était en congés payés jusqu’au 23 août 2015. Contrairement à ce qu’allègue l’employeur, qui prétend n’avoir ne pas avoir été destinataire de l’arrêt maladie ni dans le délai de 48 h de l’article L.1226-1 du code du travail ni postérieurement, il est établi que M. [G] lui a régulièrement transmis cet arrêt puisqu’il justifie avoir été indemnisé par la CPAM passé le délai de carence de trois jours, ce qui suppose que la CPAM a été destinataire de la part de l’employeur de l’attestation de salaire permettant de déterminer les droits à indemnités journalières maladie, et qu’il ressort des bulletins de paie qu’il a perçu de l’employeur les indemnités de maintien de salaire à compter du 24 août 2015. M. [G] a donc perçu l’indemnité de congés payés et l’a cumulée avec l’indemnisation de l’arrêt maladie, ce qui est admis, hors les indemnités conventionnelles complémentaires eu égard à leur caractère de salaire. En revanche, il ne démontre en rien qu’il a demandé à son employeur d’annuler ses congés payés et de les reporter de sorte qu’ils ne se cumulent pas avec l’arrêt maladie, et, à supposer qu’une telle demande lui aurait été refusée, le préjudice subi serait financièrement équivalent, non à la différence entre l’indemnité compensatrice de congés payés et les indemnités maladie, mais au montant des indemnités conventionnelles complémentaires. Au vu de ces éléments, la demande de ce chef doit être rejetée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
5) Sur la demande de dommages et intérêts à raison de la violation des règles légales en matière de durée du travail
Des parents, voisins et amis attestent en des termes similaires que M. [G] travaillait beaucoup, particulièrement «’au printemps’» ou «’au 1er semestre’», et qu’il était «’fatigué’», «’stressé’», «’taciturne’». Son médecin traitant a attesté le 6 mars 2017 de la prise d’anxiolytiques pendant une vingtaine d’années, mais il n’est pas permis de déterminer s’il existe un lien entre cette prescription et ses conditions de travail. Enfin, il a certes subi un arrêt maladie de plusieurs mois à compter de juillet 2015, mais à raison d’un accident survenu alors qu’il était en vacances. Ainsi, à défaut d’altération caractérisée de son état de santé et d’un lien entre celle-ci et la violation alléguée des dispositions légales en matière de durée du travail, la demande d’indemnisation de ce chef doit être rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
6) Sur la demande de dommages et intérêts aux motifs de la nullité de la levée de la clause de non-concurrence et de l’absence de contrepartie financière
L’avenant en date du 1er juillet 1995 comporte la clause de non-concurrence ci-après : «’En cas de rupture du présent contrat de travail, le salarié ne pourra exercer une activité d’expert comptable ou de comptable agréé, de commissaire aux comptes ou encore toute activité de conseil d’entreprise susceptible de concurrencer le cabinet par les prestations proposées. Cette obligation s’appliquera pendant une durée de 3 ans à compter de l’expiration du présent contrat. Cette interdiction s’étendra aux territoires suivants : 30 km autour d'[Localité 7]. En cas de violation de cette obligation, l’entreprise sera en droit de réclamer, outre la cessation immédiate de l’activité litigieuse, le versement de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice. L’employeur pourra à tout moment renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence en prévenant le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. En contrepartie de cette obligation, dans le cas d’un licenciement économique, l’employeur s’engage à verser au salarié, après l’expiration du contrat, une indemnité égale à la différence entre le salaire net mensuel moyen de l’année écoulée, et le montant des indemnités perçues auprès des caisses d’assurance chômage et ce pendant les 18 premiers mois de chômage total. L’employeur pourra renoncer immédiatement à la clause de non-concurrence et se décharger de l’indemnité compensatrice en prévenant le salarié par écrit, au plus tard au moment de la rupture du contrat ».
Suivant l’article 8.5.1. de la convention collective des cabinets d’experts comptables et de commissaires aux comptes dans sa rédaction applicable à l’espèce, lorsque le contrat de travail prévoit que l’employeur peut renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence, cette renonciation intervient en informant par lettre recommandée avec accusé de réception, lettre remise en main propre ou tout autre moyen de preuve, le salarié dans les 3 semaines suivant la notification de la rupture du contrat de travail ou, en cas d’absence de préavis, dans les 2 semaines suivant la rupture du contrat de travail.
La convention de rupture comporte la clause n° 8 ci-après «’Clause de non-concurrence : M. [J] [G] se déclare déjà informé de l’intention de M. [Y] [Z] de renoncer à l’application de la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail. En conséquence de quoi, M. [J] [G] retrouvera la liberté de s’établir à son compte ou d’entrer au service d’une entreprise concurrente et M. [Y] [Z] se trouvera libéré de son obligation de verser la contrepartie financière prévue par le contrat de travail du salarié.’»
Il est constant que M. [G] a ensuite été destinataire de deux courriers :
– le premier en date du 7 juillet 2016, à en-tête «’M. [Z]’», rédigé comme suit : «’Je vous informe que, conformément aux dispositions de votre contrat de travail, j’ai décidé de vous libérer par la présente de la clause de non-concurrence qui était prévue pour une durée de 3 ans dans votre contrat de travail’», et non signé,
– le second en date du 1er août 2016, à en-tête «’M. [Z]’», rédigé comme suit «’Je vous rappelle que pour me conformer aux dispositions de votre contrat de travail je vous ai libéré de votre obligation de non-concurrence par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juillet 2016. Vous être donc libéré de l’obligation de non-concurrence stipulée à votre contrat de travail et la contrepartie financière prévue à ce titre ne vous sera donc pas versée’», et signé.
M. [G] conteste que la signature du courrier du 1er août 2016 émane de M. [Z] ; sa comparaison avec celle reconnue comme sincère, figurant sur la convention de rupture conventionnelle, permet de constater que si elles ne sont pas identiques, elles sont très similaires, et d’exclure en conséquence qu’il s’agisse d’un faux. Il résulte par ailleurs des termes de ce courrier que M. [Z] est l’auteur du courrier non signé du 7 juillet 2016.
Il ressort de ces éléments que l’employeur avait la possibilité de renoncer à la clause de non-concurrence, l’a fait de façon claire et non équivoque, et en a informé M. [G], lors de la souscription de la convention de rupture, information qu’il a ensuite réitérée, avant la rupture puis immédiatement après celle-ci, par courriers en date des 7 juillet et 1er août 2016. En outre, M. [G] ne peut prétendre avoir subi un préjudice à raison de l’illicéité alléguée de la clause de non-concurrence faute de contrepartie financière alors qu’il a été régulièrement informé de la renonciation de l’employeur à ladite clause. Ainsi, il doit être débouté de sa demande d’indemnisation. Le jugement sera confirmé sur ce point.
7) Sur la clause de loyauté et de respect de la clientèle et la demande de dommages et intérêts y afférente
La convention de rupture comporte la clause n° 9 ci-après : «’Obligation de loyauté et de respect de clientèle : Par la présente, M. [J] [G] s’engage à respecter son obligation de loyauté et de respect de clientèle après le terme définitif de son contrat de travail fixé au vendredi 29 juillet 2016. A cet effet, il est convenu que M. [J] [G] ne pourra ni détourner ni tenter de le faire les clients du cabinet avec lesquels il a été en contact au cours des 3 dernières années précédant son départ, sauf accord écrit de M. [Y] [Z]. Cette interdiction porte sur les deux exercices comptables suivant le terme définitif du contrat de travail fixé au vendredi 29 juillet 2016. En cas de non-respect de cette obligation, M. [Y] [Z] pourra engager la responsabilité du salarié en raison du préjudice subi.’»
L’obligation de loyauté cesse à la rupture de la relation de travail et la clause ci-dessus, si elle n’interdit certes pas à M. [G] de créer une entreprise dans le même secteur que celle qu’il a quittée, vise, non à lui interdire les comportements relevant de la concurrence déloyale auquel cas elle serait inutile et n’ajouterait rien aux obligations qui pèsent sur tout individu, mais, comme conclu par la société Fiducial Expertise, à lui interdire de démarcher les clients de son ancien employeur, et entrave ainsi son droit à exercer une activité de nature à faire concurrence à celle de son employeur. Elle s’analyse dès lors en une clause de non-concurrence et, à défaut de contrepartie financière, est illicite. Sa nullité doit donc être prononcée.
Cette clause a limité la possibilité pour M. [G] de retrouver un emploi et il justifie que, nonobstant ses recherches, il est demeuré sans emploi au moins jusqu’en février 2018. Au vu de ces éléments, il est raisonnable d’évaluer le préjudice causé par l’interdiction de concurrence mise illicitement à sa charge à la somme de 20.000 euros. Le jugement sera infirmé donc infirmé sur ce point.
Sur l’intervention forcée en garantie de la société Fiducial contre M. [Z]
En application de l’article L.1224-2 al 2 du code du travail, le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.
Suivant l’article 2 de l’avenant en date du 1er avril 2016 à la promesse de contrat de présentation de clientèle passé le même jour entre la société Fiducial et M. [Z], M. [Z] déclare qu’il prendra à sa charge et tiendra Fiducial indemne de toutes les sommes salariales ou indemnitaires, frais, cotisations et autres charges auxquelles Fiducial pourrait être tenue ou condamnée à la suite de toute demande ou réclamation de quelque sorte que ce soit de salariés ou d’anciens salariés au titre de faits ou de circonstances antérieures à la date de réalisation.
Les demandes de M. [G] auxquelles il a été fait droit se rapportent toutes soit à une période antérieure à la rupture, soit s’agissant des dommages et intérêts afférents à la clause de loyauté et de respect de la clientèle stipulée à la convention de rupture du 15 juin 2016, à des circonstances antérieures à la rupture.
Il doit dès lors être fait droit à la demande de garantie de la société Fiducial. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
La société Fiducial sera condamnée aux dépens et au paiement à M. [G] d’une indemnité de 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pau le 25 mars 2019 sur les heures supplémentaires, la clause de loyauté et de respect de la clientèle et la demande de dommages et intérêts y afférentes et l’appel en garantie de la société Fiducial, et le confirme sur le surplus,
Statuant de nouveau sur les points infirmés,
Dit M. [J] [G] recevable en son action en paiement d’heures supplémentaires y compris du 29 juillet 2013 au 9 mars 2014,
Condamne la société Fiducial à payer à M. [J] [G] la somme de 9.471,09 € à titre de rappel d’heures supplémentaires et celle de 947,10 € au titre des congés payés y afférents,
Requalifie la clause n° 9 de loyauté et de respect de clientèle de la convention de rupture du 15 juin 2016 de clause de non-concurrence et prononce sa nullité,
Condamne la société Fiducial à payer à M. [J] [G] la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du respect de la clause de clientèle ci-dessus,
Condamne M. [Y] [Z] à garantir et relever indemne la société Fiducial de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
Condamne la société Fiducial à payer à M. [J] [G] la somme de 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Fiducial aux dépens d’appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,