Convention de rupture conventionnelle : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/00562

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Convention de rupture conventionnelle : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/00562

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 16 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00562 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG7PV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Décembre 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Créteil – RG n° 22/00170

APPELANT

Monsieur [Y] [O] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Arthur BOUCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A785

INTIMÉE

Madame [P] [Z] [C] Mandataire ad’hoc de la société AUTO GARAGE AMPERE par ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Créteil du 28 octobre 2022

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 917 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Olivier FOURMY, Premier Président de chambre

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

– par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Y] [O] [B] a été embauché en contrat à durée indéterminé par la SARL Auto Garage Ampère en qualité de carrossier garagiste, le 1er mars 1992.

Le 5 janvier 2022, il a reçu un courrier en recommandé de la part de son employeur l’informant que la SARL Auto Garage Ampère va bientôt cesser toute activité et lui propose un rendez-vous amiable pour un licenciement.

Le 16 février 2022, l’inspection du travail a informé par courrier Monsieur [O] [B] qu’une demande d’homologation d’une rupture conventionnelle entre lui et son employeur a été reçue par ses services en date du 2 février 2022.

Monsieur [O] [B] a reçu son solde de tout compte le 22 février 2022.

Il estime avoir été trompé car ayant signé ce document sans aucune information et sans en avoir une copie.

La SARL Auto Garage Ampère a cessé son activité le 31 mars 2022 et a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 5 mai 2022.

Monsieur [O] [B] estime que son employeur a commis l’infraction de travail dissimulé puisqu’elle lui remettait chaque mois des chèques dont le montant ne figurait pas sur ses fiches de paie. Puisque la société a été radiée, Monsieur [O] [B] a demandé la désignation d’un mandataire ad hoc.

Le 23 juin 2022, Monsieur [O] [B] a saisi le Conseil de prud’hommes de Créteil en sa formation de référé.

Monsieur [O] [B] a demandé que la SARL Auto Garage Ampère soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :

Indemnité de préavis : 6 021,38 €

CP y afférents : 602,14 €

Indemnité de licenciement : 33 539 €

Indemnité de congés payés : 1 868,25 €

Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 60 213,80 €

Perte de chance : 10 000 €

Rappel de salaire février 2022 : 573,48 €

CP y afférents : 57,35 €

Article 700 du code de procédure civile : 2 400 €

Fixer son salaire à 3 010,69 € nets.

Juger la rupture conventionnelle nulle.

Juger qu’il a travaillé du 23 au 28 février 2022 inclus.

Juger que la SARL Auto Garage Ampère a commis l’infraction de travail dissimulé, en conséquence condamner la SARL Auto Garage Ampère à payer les sommes suivantes :

Indemnité pour travail dissimulé : 18 064,14 €.

Par ordonnance de référé du 12 décembre 2022, le Conseil de prud’hommes de Créteil a :

dit qu’il n’y a pas lieu à référé et invité Monsieur [O] [B] à mieux se pouvoir devant le juge du fond ;

Laissé les dépens à la charge de Monsieur [O] [B] ;

Rappelé que l’ordonnance de référé est de droit exécutoire à titre provisoire.

Selon déclaration du 23 janvier 2023, Monsieur [O] [B] a interjeté appel de cette décision.

Monsieur [O] [B] a assigné Madame [K] [C], mandataire ad hoc de la société Auto Garage Ampère, d’avoir à comparaître devant la cour d’appel de Paris selon la procédure à jour fixe.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans sa déclaration d’appel, Monsieur [O] [B] sollicite l’infirmation de l’ordonnance du 12 décembre 2022 du Conseil de prud’hommes de Créteil en ce qu’elle a ‘dit qu’il n’y a pas lieu à référé et invité Monsieur [O] [B] [Y] à mieux se pourvoir devant le juge du fond’ et ‘laissé les dépens à la charge de Monsieur [O] [B] [Y]’.

Madame [C], mandataire ad hoc de la société, autrement citée à sa personne n’a pas constitué avocat.

Par conclusions d’appelant, M.[Y] [O] [B] demande à la cour d’appel de :

‘ Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :

‘ dit qu’il n’y a pas lieu à référé et invité M.[Y] [O] [B] à mieux se pourvoir devant le juge,

‘ laissé les dépens à la charge de M.[Y] [O] [B].

Y ajoutant,

‘ Fixer le salaire de M.[Y] [O] [B] à la somme de 3010,69 euros nets mensuels,

‘ Juger que la rupture conventionnelle homologuée le 16 février 2022 est nulle,

En conséquence,

‘ Condamner la société Auto Garage Ampère à lui verser les sommes suivantes :

‘ 6021,38 euros nets au titre de l’indemnité de préavis,

‘ 602,14 euros nets au titre des congés payés sur préavis,

‘ 33’539 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement, avec compensation sur les sommes déjà versées par l’employeur,

‘ 1868,25 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés, avec compensation sur les sommes déjà versées par l’employeur,

‘ 60’213,80 euros nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (20 mois de salaire),

‘ Juger que la société Auto Garage Ampère a commis l’infraction de travail dissimulé,

En conséquence,

‘ Condamner la société Auto Garage Ampère à lui verser la somme de 18’064,14 euros nets (six mois de salaire),

‘ Condamner la société Auto Garage Ampère à lui verser la somme de 10’000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier grâce aux cotisations sociales d’une meilleure indemnisation chômage et d’une meilleure pension de retraite,

‘ Juger que M.[Y] [O] [B] a travaillé du 23 au 28 février 2022 inclus,

En conséquence,

‘ Condamner la société Auto Garage Ampère à verser à M.[Y] [O] [B] la somme de 573,48 euros à titre de rappel de salaire et celle de 57,35 euros au titre de rappel de congés payés afférents,

‘ Condamner la société Auto Garage Ampère à verser à M.[Y] [O] [B] la somme de 2400 euros au titre des frais irrépétibles,

‘ Condamner la société Auto Garage Ampère aux entiers dépens.

MOTIFS

Au soutien de ses demandes, M.[O] [B] fait grief à la juridiction prud’homale d’avoir fait une mauvaise application des dispositions légales relatives à la compétence de la formation de référé.

Quant à lui, il entend invoquer les dispositions des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail.

À titre liminaire, il fait état de l’absolue nécessité pour lui d’obtenir une décision judiciaire en urgence en raison de la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés à effet du 5 mai 2022 après une cessation d’activité le 31 mars.

Il explique que la conséquence de la cessation d’activité et de la radiation au RSC implique la nécessité, une fois que sa créance sera fixée par la juridiction, d’obtenir le placement de la société Auto Garage Ampère en redressement ou en liquidation judiciaire.

Il rappelle que l’assignation en redressement ou en liquidation judiciaire ne peut intervenir à l’encontre d’une société radiée du registre du commerce et des sociétés que pendant un délai de 12 mois suivant sa radiation conformément à l’article L. 640-5 du code de commerce.

Ainsi, il expose qu’il doit avoir obtenu un titre exécutoire et avoir assigné le mandataire ad hoc de la société en liquidation judiciaire au plus tard le 30 mars 2023.

À défaut, aucune liquidation judiciaire ne pourra intervenir et l’AGS-CGEA ne pourra garantir ses créances.

Ainsi il entend faire état du caractère incontestable de l’urgence de son droit à indemnisation.

Il est incontestable que le conseil de prud’hommes a improprement statué en application de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile.

L’appelant fonde ses prétentions sur l’article R. 1455-5 du code du travail qui dispose que « dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

Sur la notion d’urgence, il doit être rappelé qu’il a été fait droit à la demande d’assignation à jour fixe en application des dispositions des articles 917 à 925 du code de procédure civile.

Il est effectivement constant qu’au regard de la recevabilité d’une éventuelle action aux fins d’obtenir le placement de la société en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, M.[O] [B] justifie de l’urgence à obtenir un titre exécutoire.

La condition d’urgence au sens de la disposition précitée est donc caractérisée.

Sur les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend, il est de fait que l’absence de contestation sérieuse ne peut uniquement résulter de l’absence de comparution de la partie intimée, au demeurant non assignée à sa personne.

À l’opposé, les demandes de dire et juger que la rupture conventionnelle homologuée le 16 février 2022 est nulle et que la société Auto Garage Ampère a commis l’infraction de travail dissimulé ne constituent, à l’évidence pas, des mesures au sens de l’article R. 1455-5.

Il en est de même, s’agissant des demandes en paiement au titre de la nullité de la rupture conventionnelle et de l’indemnité pour travail dissimulé.

Au demeurant, il doit être observé que les demandes en paiement de sommes ne sont pas formulées à titre provisionnel.

Plus spécifiquement, alors qu’il n’invoque nullement le caractère incontestable de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, l’appelant soutient que son consentement a été vicié, qu’il n’a pas bénéficié d’un entretien préalable, qu’il n’a pas obtenu la remise du document de rupture conventionnelle et qu’il n’a pas été informé quant à l’assistance du salarié.

Cependant, il excède naturellement les pouvoirs de la formation de référé, en l’absence de dispositions le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, d’annuler une convention.

En l’espèce, l’appréciation de l’existence d’un vice du consentement relève nécessairement d’un examen au fond des faits invoqués au soutien de la demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

Sur l’absence d’entretien conforme à l’article L. 1237-12 du code du travail, il est effectif qu’il appartient au salarié , qui se prévaut de l’absence d’entretien au titre d’une rupture conventionnelle, d’en rapporter la preuve.

Au cas d’espèce, il doit être rappelé que la convention de rupture conventionnelle a été homologuée par l’autorité administrative, chargée de s’assurer du respect des conditions de conclusion de la rupture conventionnelle mais également de la liberté de consentement des parties.

Dans cette mesure, la seule pièce produite par l’appelant, s’agissant du courrier du 4 janvier 2022 prévoyant un rendez-vous préalable par l’entreprise afin de discuter du mode de licenciement, ne permet nullement de constater, seul pouvoir qui est dévolu à la formation de référé, l’absence effective d’entretien relatif à la rupture conventionnelle.

Sur le défaut d’information concernant l’assistance du salarié prévue par l’article L. 1237-12, il doit être considéré que cette absence d’information n’affecte pas de plein droit la validité de la rupture conventionnelle, sauf à ce que ce défaut d’information ait vicié le consentement du salarié.

Il vient d’être admis précédemment que le vice du consentement et la validité de la rupture conventionnelle relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond et, en conséquence, excède les pouvoirs de la formation de référé.

Sur l’absence de remise du document de rupture conventionnelle, comme précédemment, il ne peut être que constaté que la rupture conventionnelle a été homologuée par l’autorité administrative.

Dans cette mesure, en référé, force est de considérer que l’appelant ne peut se contenter d’affirmer que le formulaire de rupture conventionnelle ne lui a pas été remis, sans autre élément permettant de constater cette absence effective de remise.

La demande d’annulation de la rupture conventionnelle homologuée avec les conséquences indemnitaires qu’elle entraîne ne peut donc utilement prospérer en application des dispositions de l’article R. 1455-5 du code du travail.

Sur le travail dissimulé, M.[O] [B] soutient qu’il a reçu des rémunérations non soumises à cotisations sociales et ne figurant pas sur ses bulletins de paie en contravention avec les dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.

À cet égard, la demande est improprement fondée sur les dispositions de l’article R. 1455-5 du code du travail, alors qu’une demande en paiement ne peut constituer une mesure au sens de cet article.

À l’opposé, la demande en paiement n’est pas plus formulée à titre provisionnel de ce chef en considération des dispositions de l’article R. 1455-7 du code du travail.

Surtout, la réclamation de ce chef est sérieusement contestable alors que l’appelant ne verse nullement l’intégralité de ses bulletins de salaire et ne s’explique nullement sur les périodes pendant lesquelles il aurait reçu des rémunérations ne figurant pas sur ses bulletins de paie.

À cet égard, les photocopies de chèques produites sont insuffisantes à rapporter la démonstration évidente du contexte mais surtout de la cause de l’établissement de ces chèques, le plus souvent pour une somme très inférieure à la rémunération de l’intéressé et sans qu’il puisse être déterminé s’il s’agissait de paiements partiels ou d’avances sur salaire.

Enfin, le tableau comparatif établi par l’intéressé au titre de la rémunération pour l’année 2021, en l’absence de détails quant aux sommes mentionnées afférentes aux chèques supplémentaires (référence, date et montant des chèques) ne permet pas de constater l’absence de contestation sérieuse au regard des allégations de l’appelant.

Ainsi, en l’état des seuls éléments versés aux débats, le caractère volontaire de la dissimulation par l’employeur du nombre d’heures réellement effectuées par son salarié, ne peut être apprécié avec l’évidence requise en référé.

La prétention au titre du travail dissimulé mais également celle au titre de la perte de chance de bénéficier d’une meilleure indemnisation chômage et d’une meilleure pension de retraite ne peuvent donc utilement prospérer en l’état de référé.

Il en est de même s’agissant de la demande en paiement au titre du rappel de salaire pour la période du 23 au 28 février 2022, cette prétention étant sérieusement contestable au regard des seuls éléments produits et de l’homologation de la rupture conventionnelle.

La décision déférée est donc confirmée en ce qu’elle a constaté l’existence de contestation sérieuse et dit n’y avoir lieu à référé pour ce motif.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M.[O] [B], qui succombe, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt par défaut, publiquement et en dernier ressort

Confirme l’ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Condamne M.[Y] [O] [B] aux dépens d’appel et le déboute en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

 


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