Convention de rupture conventionnelle : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02569

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Convention de rupture conventionnelle : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02569

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02569 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYQR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/04633

APPELANTE

Madame [C] [P]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Camille LEENHARDT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. GROUPE PATRIARCA

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe LIOUBTCHANSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : R292

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Vice Présidente faisant de Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente faisant de Conseillère, chargée du rapport.

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [C] [P] a été embauchée par la SAS GROUPE PATRIARCA, suivant contrat à durée indéterminée du 1er juin 2017, en qualité de chargée d’affaires, statut cadre.

Par avenant en date du 1er mars 2018, l’intitulé de son poste a été modifié et Mme [C] [P] a été promue chef de projet MO – adjointe au directeur régional IDF.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 janvier 2019, Mme [C] [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Sollicitant la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [C] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, le 27 mai 2019.

Par jugement du 2 décembre 2019, notifié à Madame [C] [P] par lettre datée du 3 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– dit que la prise d’acte doit produire les effets d’une démission ;

– débouté Mme [C] [P] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté le groupe PATRIARCA de sa demande reconventionnelle ;

– condamné Mme [C] [P] au paiement des entiers dépens.

Mme [C] [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée par voie électronique le 17 mars 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 novembre 2022, Mme [C] [P] demande à la cour de :

A titre principal :

– fixer le salaire de référence moyen brut à hauteur de 4.807,88 euros bruts au titre des

trois derniers mois précédant l’arrêt pour maladie de la salariée,

– juger qu’une situation de harcèlement moral est caractérisée à son encontre,

– juger que sa prise d’acte s’analyse en un licenciement nul ;

– juger que la société a exécuté de façon déloyale le contrat de travail et manqué à son

obligation de sécurité ;

-juger que la société a manqué à ses obligations en termes de paiement des heures

supplémentaires et de respect des repos quotidiens et hebdomadaires ;

– juger qu’une situation de travail dissimulé est caractérisée ;

– juger que la société est redevable d’une prime contractuelle.

En conséquence,

– condamner la Sas GROUPE PATRIMONIA à lui verser les sommes suivantes :

‘ 28 847,28 euros bruts (six mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement nul ;

‘ 1 899,11 euros bruts à titre d’indemnité légale de licenciement ;

‘ 4 807,88 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

‘ 480,78 euros bruts à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis ;

‘ 51 098,06 euros bruts à titre de rappels d’heures supplémentaires ;

‘ 5109,80 euros bruts à titre de congés payés afférents aux rappels d’heures supplémentaires ;

‘ 28 847,28 euros bruts à titre d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé conformément à l’article L8223-1 du code du travail ;

‘ 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct causé par l’exécution déloyale du contrat de travail et le manquement à l’obligation de sécurité ;

‘ 1 499,77 euros bruts à titre de prime contractuelle ;

‘ 149,97 euros bruts à titre de congés payés afférents à la prime contractuelle ;

A titre subsidiaire :

– juger que sa prise d’acte s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

– condamner la Sas GROUPE PATRIMONIA à lui verser la somme de 9 615,76 euros

bruts (2 mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse conformément à l’article L1235-3 du code du travail ;

En tout état de cause :

– condamner la Sas GROUPE PATRIMONIA à adresser les documents de fin de contrat

rectifiés conformes et notamment une attestation Pôle Emploi rectifiée intégrant la

prime contractuelle ;

– condamner la Sas GROUPE PATRIMONIA au versement de la somme de 4 000

euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– assortir la condamnation des intérêts au taux légal et ordonner leur capitalisation sur

le fondement des dispositions de l’article 1154 du code civil ;

– condamner également la Sas GROUPE PATRIMONIA aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 novembre 2022, la Sas GROUPE PATRIARCA demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :

– constaté l’absence de déloyauté dans l’exécution du contrat de travail et l’absence de manquements graves interdisant la poursuite du contrat de travail ;

– constaté l’absence de harcèlement moral ;

– requalifié la prise d’acte en une démission avec tous les effets afférents ;

– débouté la salariée de sa demande d’heures supplémentaires et de dommages et i intérêts pour travail dissimulé ;

– débouté Mme [C] [P] de l’intégralité de ses demandes ;

– l’infirmer pour le surplus

– condamner Mme [C] [P] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2022, l’affaire étant fixée à l’audience du 30 novembre 2022.

SUR CE :

Sur les heures supplémentaires :

La durée légale du travail effectif prévue à l’article L.3121-1 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, Mme [C] [P] expose qu’elle travaillait beaucoup par téléphone comme pourrait l’établir le relevé détaillé de ses communications que la Sas GROUPE PATRIMONIA refuse de communiquer au motif qu’elle est en litige avec son opérateur téléphonique.

Pour étayer ses dires, elle produit notamment :

– un tableau détaillé des heures effectuées,

– un très grand nombre de courriels (plusieurs centaines, objet d’une communication unique sous le n°2 dont il y a lieu de relever qu’il n’est fait référence à aucun d’entre eux de manière précise et individualisée dans ses écritures), montrant qu’effectivement elle procédait à des envois pour son travail en fin de soirée à des heures tardives entre 20 heures et minuit, et échangeait pendant ce créneau horaire avec notamment M. [G] [U], également chargé d’affaires.

Elle invoque le fait que le compte-rendu d’entretien annuel n’ait pas été rédigé ni signé par elle alors même qu’elle a alerté, à plusieurs reprises, la Sas GROUPE PATRIMONIA de sa surcharge de travail.

Ces pièces présentent un caractère de précision suffisant quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies durant toute l’exécution du contrat de travail permettant l’employeur d’y répondre utilement.

L’employeur fait valoir que :

– le tableau établi par Mme [C] [P] comporte des incohérences,

– la salariée n’a jamais fait état de surcharge et réclamé le paiement d’heures supplémentaires,

– elle bénéficiait d’autonomie ainsi que d’une latitude totale dans l’organisation de son travail et l’exécution de son contrat de travail, ce dont elle était satisfaite,

La Sas GROUPE PATRIMONIA souligne le fait que le chiffre d’affaires et le nombre d’affaires de Mme [C] [P] ne reflètent pas une activité supérieure à celle des autres chargés d’affaires.

Elle conteste le début de journée indiquée par la salariée (8 heures du matin).

Elle communique :

– une attestation de M. [E], directeur général de la société Isobat 93 qui a mis à la disposition de l’entreprise un bureau, dans ses locaux à [Localité 4], de juin à août 2018, déclarant que les heures d’arrivée de l’intéressée s’étalaient entre 8 et 9 h 30,

– un tableau qu’elle a établi, intégrant les temps de trajet entre son domicile et ses lieux de travail successifs, différencié selon les périodes et le lieu de travail de Mme [C] [P], montrant que ces trajets représentait 741 heures.

Elle souligne le fait que Mme [C] [P] avait une jeune enfant dont elle devait nécessairement s’occuper le soir, qu’elle a d’ailleurs pris en juin 5 jours de congé pour enfant malade dont elle ne tient pas compte, et qu’elle réclame en avril 2018, 8 h 37 d’heures supplémentaires alors qu’elle bénéficiait de congés payés.

Force est de constater, ainsi que l’employeur le fait observer, que les courriels versés aux débats et émis à des heures tardives n’ont pas été sollicités par lui et sont le fait d’une initiative de la salariée, qu’ils sont pour la plupart non accompagnés des courriels de ses interlocuteurs, les privant dès lors de toute pertinence, et enfin que certains correspondent à des transferts en provenance de sa boîte personnelle ou sont sans intérêt professionnel.

Le plan de charge (pièce n°22 de la Sas GROUPE PATRIMONIA) renseigné par la salariée elle-même, qui permet à la société d’avoir connaissance de la répartition des affaires entre les chargés d’affaires, afin de visualiser la charge de travail de chacun d’aux et d’assurer une répartition équilibrée (attestation de M. [S] [F]), a été réclamé à plusieurs reprises à Mme [C] [P] qui négligeait de le remplir (courriel de M. [L], président, en date des 7 mai 2018), aucune des pièces produites ne permettant de contredire l’engagement pris par la société lors de la conclusion de l’avenant du 1er mars 2018, de lui garantir des ‘chantiers en région IDF ou facilement accessibles de chez [elle], préservant [sa]vie de famille à laquelle nous sommes attentifs’.

Il est, de plus, établi que l’employeur, lorsque la complexité d’un chantier le nécessitait, accompagnait Mme [C] [P] dans l’exécution de ses missions, à titre d’exemple en lui offrant l’aide d’un architecte (courriel du 7 juin 2018 pièce n°25) et enfin que sa charge de travail était prise en compte, M. [I] lui écrivant le 2 octobre 2018, après lui avoir demandé de préciser sa liste des chantiers en cours ou à terminer, en vue d’un entretien prévu le lendemain: ‘… Ceci afin d’avoir une vision la plus claire possible sur ta charge de travail et celle d’Akli, c’est un sujet important pour moi j’aimerais vraiment gérer au mieux la charge de travail pour mes équipes’.

Quand bien même la Sas GROUPE PATRIMONIA, qui justifie de réalité de ses difficultés à l’égard de la société IC Com Kertel Entreprises par la production de la copie de l’assignation que lui a fait délivrer cette dernière dans le cadre du litige consécutif à la résiliation du contrat la liant à ce prestataire de la réalité, n’a pas versé aux débats le relevé des communications téléphoniques sollicité par la salariée, la cour n’a pas la conviction, au vu des éléments ci-dessus analysés et de ceux fournis par la salariée à l’appui de sa demande que cette dernière a réalisé les heures non rémunérées dont elle réclame le paiement.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande formée à ce titre.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

L’article’L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article’L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article’L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article’L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En l’espèce Mme [C] [P] ne verse aucun élément permettant de caractériser l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations en dissimulant une partie des heures de travail effectuées par cette dernière.

La demande en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n’est pas fondée.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il sera rappelé que la demande de rappel de paiement d’heures supplémentaires formée par Mme [C] [P] a été écartée précédemment de sorte qu’elle est mal fondée à se prévaloir d’un manquement de la Sas GROUPE PATRIMONIA à son obligation de sécurité concernant une charge de travail excessive résultant de l’accomplissement d’heures supplémentaires sollicitées intentionnellement par cette dernière.

L’appelante invoque par ailleurs les faits suivants :

– l’employeur, parfaitement informé de sa surcharge de travail, avait de plus parfaitement connaissance de son état de santé,

– elle a dû travailler pendant un arrêt de travail consécutif à un accident de trajet,

– elle a subi l’attitude injurieuse et menaçante du directeur commercial, M. [V], et de son épouse, une première fois en juin 2018 puis le 26 octobre 2018 ainsi que les jours suivants, la Sas GROUPE PATRIMONIA ayant ‘fermé les yeux’ sur des agissements réitérés sans qu’aucune mesure de prévention et protection ne soit mise en oeuvre,

– la direction de la société a exercé des pressions en vue de précipiter son départ de l’entreprise, lui soumettant une proposition de rupture conventionnelle lorsqu’elle a eu connaissance des agissements agressifs de M. [V],

– il lui a été proposé un projet de rupture antidaté au 13 novembre 2018.

Pour étayer ses affirmations, Mme [C] [P] produit notamment :

– un constat d’huissier dressé le 7 janvier 2019, reproduisant les messages échangés entre

M. [V], son épouse et elle-même le 20 juin puis le 26 octobre démontrant le comportement agressif et injurieux de ces deux personnes à son égard ainsi qu’un message qu’elle a rédigé le 21 novembre relatant sa rencontre avec le ‘DAF et la DRH’ et les propositions qui lui ont alors été faites en vue d’une rupture de la relation contractuelle et faisant état de sa lassitude en ces termes : ‘Je t’avoue que je suis à bout. Je n’ai pas le courage de me battre. Je préfère me faire avoir que de rester plus longtemps avec ces gens qui ont eu raison de ma santé. Je vais signer’, suivi d’un second message : ‘Je suis dans le train. Ils ont essayé de me faire signer après la rupture une transaction qui comprenait les 4 000 euros de prime et m’obligeait à renoncer à toute action, me contraignait au silence, c’est vraiment n’importe quoi. Ils ont essayé de passer ce document en force. J’ai dit que je réfléchissais mais ils ont refusé de m’en donner une copie. Je vais refuser je pense qu’ils veulent le garder au coffre fort pour plus tard. Je n’ai plus confiance. Je te raconte en arrivant, mais je suis vraiment effondrée par leur attitude’,

– les deux projets successifs du document de rupture conventionnelle renseignés après un premier entretien en date du 31 octobre 2018 prévoyant une date de rupture du contrat de travail et un montant d’indemnité spécifique différents,

– un courriel de la directrice des ressources humaines en date du 28 novembre 2018 proposant, en réponse à une sollicitation de Mme [C] [P], de repousser la date de sortie des effectifs afin de tenir compte des congés acquis par cette dernière,

– des avis d’arrêt de travail délivrés le 7 septembre 2019 (arrêt d’un jour prescrit au service des urgences de l’hôpital de [Localité 6] en raison de céphalées et tension ), le 10 septembre (deux jours d’arrêt pour burn out), puis les 4 décembre 2018 (10 jours), 14 décembre (prorogation de l’arrêt jusqu’au 31 décembre), 26 décembre (prorogation jusqu’au 13 janvier 2019), et enfi le 11 janvier 2019 (prorogation jusqu’au 27 janvier 2019 ainsi qu’une ordonnance lui prescrivant la prise de médicaments,

– un courriel de Mme [D], directrice des ressources humaines, en date du 25 janvier 2019 et ainsi rédigé ‘Bonjour [N]. Ton arrêt se terminant dimanche, j’ai besoin de savoir aujourd’hui pour la paie et la visite médicale si tu poursuis ou pas ! Merci’,

– sa lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail datée du 28 janvier 2019,

Mme [C] [P] établit l’existence de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, laisse supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

L’employeur fait valoir que :

– il n’a pas eu connaissance du premier incident avec M. [V], et qu’ayant été informé du second incident fin octobre, il a notifié dès le 5 novembre 2018 à M. [V] un avertissement,

– c’est Mme [C] [P] qui a pris l’initiative de la rupture conventionnelle,

– il n’a pas fait preuve de précipitation,

– l’entretien entre les parties en vue d’une rupture conventionnelle a eu lieu le 30 octobre et la signature le 13 novembre, soit 14 jour après,

– le différend entre les parties est né lorsqu’elle a refusé de verser par anticipation la prime à laquelle la salariée pouvait prétendre à son échéance.

La Sas GROUPE PATRIMONIA produit :

– l’avertissement notifié le 5 novembre 2018 par remise en mains propres à M. [V],

– un courriel de M. [L] en date du 14 novembre 2018 ainsi rédigé : ‘Comme convenu et suite à mon message, ci-joint le scan du document pour la rupture conventionnelle. Merci de venir sur [Localité 5] vendredi matin. [O] sera présente et elle pourra répondre à toutes tes questions. Je serai disponible le matin’, Mme [C] [P] le 15 novembre répondant ‘pour des raisons personnelles (déménagement) je suis obligée de prendre 3j de congés. Je suis de nouveau disponible mercredi prochain’,

– le courriel du 28 novembre 2018 de la directrice des ressources humaines commençant ainsi:

‘ Tu as sollicité une rupture conventionnelle auprès d'[A] le 31/10/2018, lors d’un entretien à [Localité 7] et nous avons signé le document lors d’un entretien le 21 novembre dernier.[…]. Nous sommes ouverts à étudier ta demande de départ mi-décembre dès lors que ton absence n’est pas préjudiciable au suivi des chantiers en cours […]’,

– la lettre de contestation de la société, en date du 13 décembre 2018 concernant les faits allégués par Mme [C] [P] lors dans sa lettre de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail rappelant expressément que c’était cette dernière qui était à l’origine de la rupture conventionnelle qu’elle avait, avant de se rétracter, signée.

– le courriel de M. [L] daté du 18 septembre 2018 aux termes duquel il indique ‘J’espère que tu vas mieux’ et ainsi que sa réponse : ‘Je vais bien merci…’.

L’employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme [C] [P] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, dès lors qu’il a pris en considération le comportement inapproprié de M. [V] ainsi que le souhait de la salariée de mettre fin à la relation contractuelle par la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle à laquelle elle n’a plus souhaité, comme la loi l’y autorisait, donner suite.

Les demandes relatives au harcèlement au licenciement ont par conséquent été rejetées à juste titre par les premiers juges.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Mme [C] [P] reproche à la Sas GROUPE PATRIMONIA de ne pas avoir respecté les temps de repos quotidiens et hebdomadaires tels que prévu à l’article L.3121-1 du code du travail, de ne pas avoir prévu de contrepartie aux temps de déplacements professionnels, et plus généralement de ne pas avoir tenu compte de ses alertes et de la dégradation de son état de santé.

Mme [C] [P] ne verse aucune pièce au soutien de ses allégations concernant notamment ses déplacements professionnels.

Il résulte des pièces analysées précédemment que la Sas GROUPE PATRIMONIA avait mis en oeuvre des mesures propres à s’assurer de la charge de travail de la salariée et qu’il existait dans l’entreprise un document unique concernant l’évaluation des risques (pièce n°38).

La preuve d’un manquement de la Sas GROUPE PATRIMONIA à son obligation de sécurité n’est pas ainsi rapportée.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [C] [P] expose que l’employeur ne lui pas donné d’informations concernant la portabilité de la prévoyance, et ce malgré une relance de sa part.

Si la Sas GROUPE PATRIMONIA indique ne pas avoir immédiatement adressé le formulaire relatif à la prévoyance, compte tenu du fait qu’elle n’avait pas été licenciée mais qu’elle avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, situation de nature à exclure sa prise en charge, elle établit lui avoir toutefois fait parvenir ce document dès le 7 février, la salariée ne justifiant d’aucun préjudice subi du fait de ce bref retard.

Il convient par conséquent de débouter Mme [C] [P] de sa demande en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige.

Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce Mme [C] [P] invoque :

– le non-paiement d’heures supplémentaires,

– une surcharge de travail,

– des pressions pour renoncer à ses arrêts de travail,

– les agissements déplacés de M. [V] et de son épouse,

– des pressions lors du projet de rupture conventionnelle.

Mme [C] [P] ayant échoué à démontrer le bien fondé de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour harcèlement moral, sa prise d’acte, ainsi que l’a jugé le conseil de prud’hommes, doit par conséquent produire les effets d’une démission.

Il convient de la débouter de ses demandes en paiement des indemnités de rupture et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la prime contractuelle :

La rémunération de Mme [C] [P] telle que fixée dans le contrat de travail et non modifié par l’avenant du 1er mars 2018, était constituée d’une partie fixe, et d’une rémunération variable appelée « prime de performance annuelle » dont les modalités étaient définies dans une note remise à la salariée et revue chaque année par la direction générale en fonction tant des objectifs et indicateurs de performance annuels que de la répartition financière (montant atteignable par objectifs).

Mme [C] [P] conteste le montant de la prime contractuelle que lui a versée la Sas GROUPE PATRIMONIA estimant ne pas avoir été remplie de ses droits.

Elle fait observer que ses objectifs ont été fixés très tardivement, le 1er mars 2018, et que la notice pour l’année 2018 prévoyait que cette prime serait de 5 000 euros bruts pour 100 % d’atteinte des objectifs, et que postérieurement au solde de tout compte, seuls 500 euros lui ont été versés.

Elle soutient que les informations communiquées par l’employeur sont mensongères et que :

– la date finale de réception du chantier Rexel [Localité 9] a eu lieu le 16 avril 2018,

– le taux de marge sur le chantier [B] était de 25% pour une marge brute de 5 673,30 euros et non pas 10%,

– le taux de marge du chantier Loxam était de 13,1 %, la marge brute s’élevant à 88 804,42 euros, et que par conséquent sa prime devait au minimum s’élever à 1 999,77 euros de sorte que lui reste due une somme de 1 499,77 euros bruts.

La Sas GROUPE PATRIMONIA soutient que Mme [C] [P] n’était éligible qu’à une prime d’un montant de 500 euros.

Elle verse aux débats deux tableaux l’un relatif aux travaux d’aménagement Loxam Limay, l’autre à ceux de TCE Le Kremlin Bicêtre:

La seule pièce à laquelle Mme [C] [P] se réfère dans ses écritures, à savoir le courriel qu’elle a rédigé le 16 février 2018 et auquel était joint un planning modifié du chantier de [Localité 8] (Rexel) ainsi que son courriel du 4 juin aux termes duquel elle évoque des incertitudes concernant une partie des montants à valider sur ce chantier ainsi qu’un ‘objectif de 25% que nous devrions arriver à faire’, ne suffit pas à contredire les tableaux précis et détaillés, communiqués par l’employeur concernant le calcul de sa prime de performance.

Sa demande n’est pas fondée.

Sur de l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [C] [P] qui succombe en ses demandes et de la Sas GROUPE PATRIMONIA.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu 2 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Paris

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties

Condamne Mme [C] [P] aux entiers dépens

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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