Convention de rupture conventionnelle : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02159

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Convention de rupture conventionnelle : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02159

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2095/22

N° RG 20/02159 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TIBU

LB/AA

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de HAZEBROUCK

en date du

17 Septembre 2020

(RG 19/00023 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE:

Mme [X] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE:

Association TEMPS DE VIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurore SELLIER-SUTY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 03 Novembre 2022

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14/10/2022

EXPOSE DU LITIGE

La Maison d’enfants [5] est un établissement de l’association Temps de Vie ayant une activité d’accueil d’enfants, d’adolescents et de jeunes adressés par l’Aide Sociale à l’Enfance’; cette association est soumise à la convention collective des établissements et services pour personne inadaptée et handicapée.

Mme [X] [R] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 20’août’2009 par l’association Temps de Vie en qualité de monitrice éducatrice au sein de la Maison d’enfants [5], à [Localité 3].

Le 17’mai’2016, Mme [X] [R] a été victime d’un accident du travail. Elle a été placée en arrêt de travail jusqu’au 1er’août’2016. Compte tenu de la prise de ses congés annuels, Mme [R] a repris le travail le 6’septembre’2016.

Le 7’septembre’2016, la salariée a subi un deuxième accident du travail pour lequel elle s’est vue prescrire un arrêt jusqu’au 6’février’2017.

Le 27’février’2017, Mme [X] [R] a été victime d’un troisième accident du travail. A compter de cette date et jusqu’au 18’septembre’2017, elle a bénéficié de plusieurs arrêts de travail discontinus, dont certains ont été reconnus par la caisse primaire d’assurance maladie comme étant en lien avec une rechute.

Du 19’septembre’2017 au 23’janvier’2018, Mme [X] [R] a bénéficié d’un mi-temps thérapeutique.

Elle s’est vue prescrire un arrêt de travail de droit commun du 24 au 28’janvier’2018, puis un arrêt du 29 au 31’janvier’2018 pour rechute de l’accident du travail du 7’septembre’2016.

Par courrier recommandé du 9’février’2018, Mme [X] [R] a proposé à son employeur la rupture amiable de son contrat de travail’; elle a été convoquée à un entretien préalable pour négociations fixé le 22’février’2018.

Les parties ont souscrit une convention de rupture amiable qui a été soumise à l’homologation de la Direccte le 14’mars’2018. La relation de travail a pris fin le 4’avril’2018.

Le 18 février 2019, Mme [X] [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Hazebrouck afin d’obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail et la condamnation de son employeur à lui payer diverses indemnités.

Par jugement rendu le 17’septembre’2020, le conseil de prud’hommes de Hazebrouck a’:

– dit et jugé la rupture conventionnelle valable,

– débouté Mme [X] [R] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité légale de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [X] [R] de sa demande au titre du solde d’indemnité de rupture conventionnelle,

– condamné l’association Temps de Vie à payer à Mme [X] [R] la somme de 1’288,78’euros au titre des congés payés ainsi que la somme de 92,44’euros brut à titre de rappel de salaire sur la majoration pour heures supplémentaires prestées avec paiement effectif avant le 30 septembre 2020,

– ordonné à l’association Temps de Vie d’éditer une nouvelle fiche de paie correspondant à la régularisation du solde des congés payés, ainsi qu’une attestation pôle emploi rectifiée qui en tient compte,

– condamné l’association Temps de Vie à payer à Mme [X] [R] la somme de 300’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’association Temps de Vie aux entiers frais et dépens d’instance,

– rejeté toutes les autres demandes des parties.

Mme [X] [R] a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration en date du 27’octobre’2020.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 20’avril’2021, Mme [X] [R] demande à la cour de’:

– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné l’association Temps de Vie à lui payer les sommes suivantes’:

* 1’288,78’euros à titre de rappel de salaire sur l’indemnité compensatrice de congés payés,

* 92,44’euros brut à titre de rappel de salaire sur les majorations pour heures supplémentaires prestées,

* 300’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– annuler la rupture conventionnelle,

– condamner l’association Temps de Vie à lui payer les sommes suivantes’:

* 4 021,86’euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents de 402,18’euros brut,

* 8’707,33’euros nets à titre d’indemnité de licenciement,

* 24’131,16’euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 20’000’euros net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

* 2’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’association Temps de Vie aux entiers frais et dépens d’instance.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 3’janvier’2022, l’association Temps de Vie demande à la cour de’:

– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [X] [R] 92,44’euros brut à titre de rappel de salaire sur la majoration pour heures supplémentaires,

– débouter Mme [X] [R] de sa demande au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

Subsidiairement’:

– condamner Mme [X] [R] au remboursement de la somme de 4’878,99’euros versée au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle,

– en cas de condamnation au paiement de dommages et intérêts, dire et juger que le montant alloué ne peut s’entendre que d’un montant brut et non d’un montant net, rien ne commandant que les contributions et charges sociales salariales soient supportées par l’association Temps de Vie,

En tout état de cause :

– condamner Mme [X] [R] en tous les frais et dépens de première instance et d’appel en ce compris la somme de 2’500’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14’octobre’2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est relevé que le chef du jugement de première instance condamnant l’association Temps de Vie à payer à Mme [X] [R] 1’288,78’euros au titre des congés payés n’est pas critiqué.

Sur la nulllité de la rupture conventionnelle

Mme [X] [R] invoque la nullité de la rupture conventionnelle, faisant valoir qu’aucun exemplaire de la convention de rupture ne lui a été remis par son employeur; que notamment M. [B] n’atteste pas de cette remise et que l’attestation de Mme [Z] ne peut être prise en compte, en application du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi même.

L’association Temps de Vie soutient qu’un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle a bien été remis à Mme [X] [R] le jour même de sa signature, ainsi qu’en atteste Mme [Z].

Sur ce,

Aux termes de l’article L.1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

L’article L.1237-13 du code du travail prévoit qu’à compter de la date de la signature de la convention par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

En application ces textes, la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié signé des deux parties est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L.1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause.

A défaut de cette remise, la convention de rupture est nulle.

En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, une rupture conventionnelle a été signée entre les parties le 22 février 2018, sous la forme d’un formulaire Cerfa.

Ce document a été envoyé par l’employeur à la Direccte qui en a accusé réception le 14 mars 2018.

Le formulaire de rupture conventionnelle comporte pour seule mention ‘lu et approuvé’ de la part de Mme [X] [R], avec sa signature et celle de son employeur, sans qu’il soit précisé le nombre d’exemplaires signés, ni qu’un exemplaire a été remis à la salariée le jour de la signature.

S’il s’évince de l’attestation de M. [B], délégué syndical ayant assisté Mme [X] [R] lors de l’entretien de négociation de la rupture, que celle-ci a été informée de son droit à rétractation, cette information orale est insuffisante pour garantir pleinement les droits de la salariée, seule la remise d’un exemplaire de la convention comportant le rappel écrit du délai de rétractation et les termes de l’accord conclu étant de nature à garantir son libre consentement, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause.

Mme [X] [R] conteste s’être vue remettre un exemplaire de la convention de rupture. Or, l’association Temps de Vie verse pour seule preuve de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture une attestation de Mme [Z], ancienne directrice de La Maison d’enfants[5]r, signataire du formulaire Cerfa et représentante de l’employeur qui est insuffisante, en l’absence d’autre élément, pour établir la remise effective d’un exemplaire de la convention à la salariée.

Dans ces conditions, la rupture conventionnelle doit être annulée, la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Sur les conséquences de l’annulation de la rupture conventionnelle

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en l’absence de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris pour un salarié présentant 8 années d’ancienneté entre 3 mois et 8 mois de salaire brut.

Mme [X] [R], qui exerçait les fonctions de monitrice éducatrice était âgée de 38 ans lors de la rupture du contrat de travail et bénéficiait d’une ancienneté de 8 ans ; sa rémunération mensuelle brute s’élevait à 1 820 euros.

Mme [X] [R] justifie par la production de pièces médicales avoir rencontré de sérieux problèmes de santé au cours de l’exécution de son contrat de travail et postérieurement à la rupture de celui-ci (syndrome anxio-dépressif) et s’être vue notifier le 5 avril 2018 par la caisse primaire d’assurance maladie un taux d’incapacité permanente de 5%, élément de nature à compromettre ses chances de retrouver un emploi de qualification et de rémunération équivalentes à celles de l’emploi qu’elle occupait.

L’appelante ne justifie toutefois pas de sa situation actuelle sur le plan de l’emploi.

Au vu de ces éléments, il sera alloué à Mme [X] [R] la somme de 14 500 euros net à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [X] [R] est en outre bien fondé à obtenir la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 4 021,86’euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférent de 402,18’euros brut.

Mme [X] [R] est également en droit d’obtenir une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 8 707,33 euros.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce sens.

L’association Temps de Vie demande à titre subsidiaire la condamnation de Mme [X] [R] à lui rembourser la somme de 4’878,99’euros euros perçue à titre d’indemnité de rupture conventionnelle. La rupture conventionnelle ayant été annulée, il sera fait droit à cette demande.

Sur la majoration des heures supplémentaires

L’association Temps de Vie demande l’infirmation du jugement de première instance en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [X] [R] la somme de 92, 44 euros sur la majoration pour heures supplémentaires. Elle ne conteste pas la réalisation d’heures complémentaires au mois de février 2018 par Mme [X] [R] mais indique avoir les avoir rémunérées avec le taux de majoration applicable, Mme [X] [R] étant à l’époque en mi-temps thérapeutique.

Mme [X] [R] soutient que les heures litigieuses ont été rémunérées en appliquant à tort un taux de majoration de 10% et 25% alors qu’un taux de majoration de 25% et 50% aurait dû être appliqué dans la mesure où son contrat de travail prévoit un temps complet.

Sur ce ,

La lecture du bulletin de paie du mois de février 2018 révèle que 21 heures complémentaires avec majoration de 10% et 15,35 heures complémentaires avec majoration de 25% ont été réglées à Mme [X] [R]. Ces heures résultaient d’un avenant à son contrat de travail daté du 20 septembre 2017.

Cependant, la signature de cet avenant avait uniquement pour objet de mettre en oeuvre le mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail et non de procéder à une modification du contrat de travail initial, qui était à temps complet.

Ainsi, l’employeur ne pouvait appliquer le taux de majoration prévu à l’article L.3123-29 du code du travail en cas de contrat de travail à temps partiel mais devait appliquer celui applicable au contrat de travail à temps complet.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné l’association Temps de Vie à payer à Mme [X] [R] la somme de 92, 44 euros sur la majoration pour heures supplémentaires.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

Mme [X] [R] soutient que son employeur a manqué à son obligation de sécurité. Elle décrit des conditions de travail particulièrement difficiles au sein de La Maison d’enfants [5] au regard notamment de changements d’horaires de travail sans délai de prévenance, de l’absence d’uniformité dans l’application des règles de rattrapage des week-end de congés normalement travaillés, l’absence de vrais temps de pause, de problèmes de sécurité pour les personnes et pour les biens (encadrement insuffisant, traitement médicamenteux délivrés par les éducateurs…). Elle souligne que cette situation existe de longue de date et a abouti au dépôt d’un cahier de doléances en juin 2017 rédigé en concertation entre collègues pour dénoncer la situation ; qu’elle a fait l’objet de trois accidents du travail (agressions sur son lieu de travail) qui l’ont conduit à développer un syndrome anxio-dépressif ; que malgré la dénonciation de la situation et son placement en temps partiel thérapeutique, ne voyant pas d’amélioration, elle s’est trouvée contrainte de solliciter une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

L’association Temps de Vie conteste tout manquement à son obligation de sécurité ; elle expose que le courrier envoyé le 5 juin 2017 par Mme [X] [R] ne constitue aucunement un cahier de doléances collectif, mais émane uniquement de cette salariée; que dans tous les cas, la direction a réagi rapidement par l’organisation d’une réunion pour évoquer les conditions de travail dénoncées par Mme [X] [R] ; qu’avant cela, elle avait bien pris toutes les mesures destinées à protéger la santé et la sécurité de ses salariés, et en particulier des actions de formation, l’élaboration d’un livret d’aide au personnel an cas de situations difficiles ou violentes, la tenue régulière d’un COPIL ‘bien-être au travail’, et l’élaboration d’un document unique d’évaluation des risques en 2014 et en 2017 ; qu’à aucun moment avant sa lettre de doléances Mme [X] [R] n’a alerté les représentants du personnel ou l’inspection du travail sur ses conditions de travail ; que les arrêts de travail dont celle-ci a fait l’objet ne sont pas tous d’origine professionnelle et que les accidents du travail dont elle a été victime sont imputables aux agissements de jeunes accueillis à la Maison d’enfants [5] qui sont en très grande difficulté morale, sociale et affective.

Sur ce ,

Aux termes de l’article L. 4121-1 l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En l’espèce, Mme [X] [R] a été victime à plusieurs reprises d’agression physique et verbale de la part de jeune accueillis au sein du foyer dans lequel elle travaillait. Elle a été placée en accident du travail à trois reprises, et a développé un syndrome anxio-dépressif réactionnel suite à ces agressions répétées.

Le fait que Mme [X] [R] ait été victime d’accidents sur son lieu de travail ne signifie pas nécessairement que son employeur a manqué à son obligation de sécurité. Aucun élément ne permet ici de faire un lien entre les conditions de survenance de ces accidents du travail et les dysfonctionnements pointés par la salariée.

La lettre de doléance envoyés à la direction de l’association par Mme [X] [R] courant juin 2017 reprend des éléments de mécontentement exprimés par plusieurs salariés (qui souhaitaient provoquer la discussion avec la direction) et pointe des dysfonctionnements au sein de la maison d’enfants [5].

Si certains anciens membres de l’équipe éducative attestent d’un manque d’écoute de la part de leur hiérachie face aux difficultés rencontrées dans l’exercice de leur travail (Mme [D], Mme [H], Mme [W]), d’autres salariés, sans contester les conditions difficiles inhérentes à leurs fonctions d’éducateurs spécialisés dans un internat accueillant des enfants placés, soulignent au contraire avoir toujours fait face à une hiérarchie bienveillante et à l’écoute, y compris lorsqu’ils ont pu être confrontés eux-même à des situations violentes (M. [X], Mme [E]).

De fait, l’association Temps de Vie démontre qu’elle a pris les mesures suivantes en vue de protéger la santé et la sécurité de ses salariés :

– l’organisation d’une réunion le 2 août 2017 en suite de la réception du cahier de doléances le 5 juin 2017, afin d’établir un diagnostic de la situation au sein de la maison d’enfants [Localité 4] et des axes d’amélioration,

– acceptation d’un temps partiel thérapeutique pour Mme [X] [R] au retour de son dernier arrêt de travail,

– la mise en place d’actions de formation, notamment sur la communication avec les adolescents et la gestion des situations violentes,

– l’élaboration d’un livret d’aide au personnel an cas de situations difficiles ou violentes,

– l’identification des risques psycho-sociaux en lien avec l’exposition à la violence des jeunes et des familles au moyen d’un DUERP en 2014 et en 2017,

– des mesures de prévention de ces risques psychosociaux : mise en place de groupes d’analyse de pratique, Copil ‘bien-être au travail’, groupe de gestion de crise, rendez-vous avec des psychologues, protocole mis en place pour que ‘l’agresseur’ soit vu par la direction, déclenchement du protocole des salariés victimes (entretien avec la direction, proposition de rendez-vous avec la médecine du travail, possibilité de proposition de suivi psychologique ou de coach).

Ainsi, l’association Temps de Vie démontre qu’elle a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Il n’est donc pas caractérisé à son encontre un manquement à son obligation de sécurité.

Mme [X] [R] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

Le jugement entrepris sera confirmé concernant les dépens et l’indemnité de procédure.

L’association Temps de Vie, partie succombante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée en outre à payer à Mme [X] [R] la somme complémentaire de 2 000 euros à titre d’indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 17’septembre’2020 par le conseil de prud’hommes de Hazebrouck en tous ses chefs critiqués, sauf en ce qu’il a condamné l’association Temps de Vie à payer à Mme [X] [R] la somme de 92, 44 euros sur la majoration pour heures supplémentaires, l’a condamnée aux dépens et au paiement d’une indemnité procédurale de 300 euros ;

Statuant à nouveau,

ANNULE la rupture conventionnelle du contrat de travail ;

DIT que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE l’association Temps de Vie à payer à Mme [X] [R] :

– 14 500 euros net à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 021,86’euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 402,18’euros au titre des congés payés y afférent

DEBOUTE Mme [X] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’association Temps de Vie à son obligation de sécurité ;

CONDAMNE Mme [X] [R] à payer à l’association Temps de Vie la somme de 8 707,33 euros en remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle ;

CONDAMNE l’association Temps de Vie aux dépens ;

CONDAMNE l’association Temps de Vie à payer à Mme [X] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

[P] [G]

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

 


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