Convention de rupture conventionnelle : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01188

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Convention de rupture conventionnelle : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01188

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/01188 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T4TF

AFFAIRE :

[G] [H]

C/

S.A.S. SC JOHNSON

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mars 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 18/00110

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Myriam PAPIN

Me Marie-Paule RICHARD-DESCAMPS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [G] [H]

né le 07 Octobre 1988 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Myriam PAPIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VANNES, vestiaire : B0858

APPELANT

****************

S.A.S. SC JOHNSON

N° SIRET : 548 274 042

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Marie-Paule RICHARD-DESCAMPS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 265

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

Le 31 mars 2014, M. [G] [H] était embauché par la SC Johnson Western Europe en qualité de chef de secteur, par contrat à durée indéterminée.

Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des industries chimiques.

Le 13 juillet 2017, la SC Johnson Western Europe convoquait M. [H] par courrier à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien se déroulait le 26 juillet 2017.

Le 24 août 2017, une convention de rupture conventionnelle, faisant état des griefs retenus à l’encontre de M. [H], était signée par les deux parties et remise en main propre au salarié.

Le 18 janvier 2018, M. [H] saisissait le conseil des prud’hommes de Nanterre. Il affirmait avoir signé cette convention sous la pression de son employeur et demandait à voir requalifier la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du 9 mars 2020 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Nanterre qui a’:

– Constaté que la rupture conventionnelle intervenue entre la SC Johnson Western Europe et M. [H] n’est entachée d’aucun vice du consentement et produit donc tous ses effets,

– Dit M. [H] mal fondé en ses demandes,

– Débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes,

– Débouté la SC Johnson Western Europe de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné M. [H] aux éventuels entiers dépens.

Vu l’appel interjeté par M. [H] le 22 juin 2020.

Vu les conclusions de l’appelant, M. [G] [H], notifiées le 20 novembre 2020 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

– Infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Nanterre en date du 9 mars 2020 en ce qu’il a constaté que la rupture conventionnelle intervenue entre la SC Johnson Western Europe et M. [H] n’était entachée d’aucun vice du consentement et produisait donc tous ses effets’;

– Infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Nanterre en date du 9 mars 2020 en ce qu’il a dit M. [H] mal fondé en ses demandes, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux entiers dépens’;

Statuant de nouveau :

– Annuler la rupture conventionnelle signée entre les parties le 24 août 2017 pour vice de consentement’;

– Juger que l’annulation de la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences financières que cela implique’;

En conséquence :

– Condamner la SC Johnson Western Europe à verser à M. [H] les sommes suivantes :

– 4’949,36 euros à titre d’indemnité de licenciement’;

– 10’177,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1’017,74 euros de congés payés afférents’;

– 27’139,76 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive’;

– 10’000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi’;

– Débouter la SC Johnson Western Europe de son appel incident visant à obtenir le remboursement de l’indemnité de rupture’;

– Subsidiairement condamner la SC Johnson Western Europe à verser à M. [H] la somme de 4’949,36 euros à titre d’indemnité de licenciement et dire que ces sommes pourront être compensées entre elles ;

– Condamner la SC Johnson Western Europe à verser à M. [H] la somme de 2’500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– Condamner la SC Johnson Western Europe aux entiers dépens.

Vu les écritures de l’intimée, la SC Johnson Western Europe, notifiées le 22 octobre 2020 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;

Subsidiairement, dans l’hypothèse de l’annulation de la convention :

– Condamner M. [H] à la restitution de la somme qu’il a perçue en exécution de la convention à savoir l’indemnité spécifique de rupture qui lui a été versée de 4’959,36 euros ;

– Condamner M. [H] au paiement d’une somme de 2’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner M. [H] aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 16 mai 2022.

SUR CE,

Sur la demande d’annulation de la rupture conventionnelle et les demandes subséquentes :

L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ;

L’article L 1237-11 du code du travail dispose que :

« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des

parties » ;

Ainsi, le consentement de chacune des parties doit avoir été donné de manière libre et éclairé,

exempt d’erreur, de dol ou de violence ;

En application de l’article L 1237-12 du code du travail : « Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :

1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;

2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.

L’employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche » ;

Aucun texte n’impose à l’employeur d’informer le salarié sur ses possibilités d’assistance lors de l’entretien ;

Un défaut d’information du salarié n’a pas pour effet d’entraîner la nullité de la convention de rupture, sauf si son consentement a été vicié ;

En revanche, le défaut du ou des entretiens prévus par l’article L; 1237-12 du code du travail entraîne la nullité de la convention ;

C’est à la partie qui invoque un vice du consentement d’en apporter la preuve ;

En l’espèce, la société Johnson a indiqué à M. [H] par lettre en date du 24’août’2017’que :

«’Nous faisons suite à l’entretien préalable du 26 juillet dernier dans nos locaux, au cours duquel nous vous avons fait part des griefs retenus à votre encontre, rappelés ci-après et avons recueilli vos explications.(…)

Ces derniers mois nous avons constaté les manquements suivants :

&. Insuffisance de résultats (…)

2 – Dénigrement de la société (…)

Par conséquent nous nous voyons dans l’obligation de prononcer votre licenciement pour motif personnel pour insuffisance de résultats.

Cependant notre société ayant à c’ur de comprendre les problématiques individuelles de nos salariés, nous avons décidés d’accéder à votre demande de rupture conventionnelle.

En conclusion nous acceptons de conclure avec vous une rupture conventionnelle, ce qui met fin à cette procédure de licenciement engagée à votre encontre.» ;

La société Johnson et M. [H] ont signé le 24 août 2017 une «’Rupture conventionnelle d’un contrat de travail à durée indéterminée et formulaire de demande d’homologation’» et toutes les deux apposé la mention manuscrite «’lu et approuvé’» ;

Le montant brut de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévu dans la convention de rupture était de 4’959,36 euros ;

Ce n’est que le 27 septembre 2017 que M. [H] a adressé un courriel à Mme [I], directrice des ressources humaines de la société, en lui indiquant que « je souhaiterai te poser une ou deux questions relatives à mon départ », puis le 18 octobre 2017 en indiquant « ma question est la suivante : quand pouvons-nous nous entretenir (entretien physique ou téléphonique, comme tu le souhaites) afin d’ouvrir la négociation des indemnités de départ prévues par la rupture conventionnelle (…) » alors que la rupture conventionnelle avait pourtant déjà été signée par les deux parties le 24 août 2017 ;

Si M. [H] invoque une menace de licenciement injustifié pour le contraindre à accepter la rupture conventionnelle en ajoutant que l’objectif de la société Johnson n’avait jamais été de lui notifier effectivement son licenciement, il procède essentiellement par affirmation, le fait que le courrier du 24 août 2017 fasse état de l’acceptation de l’employeur de conclure une rupture conventionnelle ne démontre nullement un aveu de l’employeur en ce sens ; la société intimée fait justement observer qu’il n’y avait nullement menace mais imminence d’un licenciement puisque l’entretien préalable s’était tenu et que la lettre développant les griefs était circonstanciée et que M. [H] n’a jamais contesté le contenu de ladite lettre avant l’engagement de la procédure contentieuse ; il ressort au contraire du courrier émanant du propre avocat de M. [H] en date du 3’novembre’2017 que «'(‘) Afin d’éviter un licenciement pour insuffisance professionnelle particulièrement fâcheux pour retrouver du travail dans son domaine d’activité et pensant qu’une indemnité de rupture transactionnelle complémentaire et supérieur à son indemnité de licenciement lui serait alloué, M. [H] a signé le formulaire de rupture conventionnelle que vous lui avez présenté, (‘)’»;

M. [H] conteste aussi les conditions de sa convocation et indique ne pas avoir été informé de son droit d’être assisté ;

Toutefois, il est observé que la convention de rupture conventionnelle, signée des deux parties, vise le rappel de déroulement des échanges, mentionne la tenue d’un entretien, et rappelé que la loi ne prévoit aucun formalisme particulier pour la convocation et la tenue du ou des entretiens et qu’en tout état de cause, un défaut d’information du salarié sur ses possibilités d’assistance lors de l’entretien n’a pas pour effet d’entraîner la nullité de la convention de rupture, sauf si son consentement a été vicié ;

M. [H] procède encore essentiellement par voie d’affirmations lorsqu’il indique que la société Johnson lui a fait croire, afin qu’il signe le formulaire de rupture conventionnelle, qu’il percevrait une indemnité complémentaire ; les courriels auxquels il se réfère émanent uniquement de sa personne et Mme [I] lui a répondu à chaque fois « ne pas comprendre » la teneur de ces messages ; ils demeurent ainsi insuffisants à établir l’existence d’une promesse d’indemnité complémentaire de départ alléguée par le salarié ;

Aucun protocole d’accord transactionnel n’a été signé qui en aurait prévu le principe et le montant suivant des modalités convenues et arrêtées entre les parties ;

Au surplus, si, dans le cadre d’une rupture conventionnelle homologuée, une transaction est possible, celle-ci ne peut néanmoins intervenir que postérieurement à l’homologation de la rupture et ne peut avoir pour objet que de régler un différend relatif, non pas à la rupture du contrat mais à son exécution, sur des éléments non compris dans la convention de rupture ;

M. [H] ne pouvait ignorer, à la date du 24 août 2017, le montant brut de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;

Au demeurant, l’examen du document Cerfa de la rupture conventionnelle permet de constater que la société lui avait déjà versé un certain nombre de primes à des dates bien précises :

– 09/2016 : Prime sur objectifs + ¿ 13ème mois

– 12/2016 : Paiement Profit Sharing

– 02/2017 : Prime sur objectifs

– 06-07/2017 : 13ème mois ;

Il a, en outre, et postérieurement au solde de tout compte, perçu une prime de profit-sharing de 1 427,14 euros ainsi qu’il résulte du bulletin de paie de décembre 2017.

Entre le 24’août’2017 et le 8’septembre’2017, M. [H] pouvait se rétracter auprès de la Direccte, ce qu’il n’a pas fait ;

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a constaté que la rupture conventionnelle intervenue entre la société Johnson et M. [H] n’est entachée d’aucun vice du consentement et qu’elle produit en conséquence tous ses effets, de sorte qu’il y a lieu de débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [H]’;

La demande formée par la société Johnson Western Europe au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 1’000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. [G] [H] aux dépens d’appel

Condamne M. [G] [H] à payer à la SAS SC Johnson Western Europe la somme de 1’000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

 


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