Convention de rupture conventionnelle : 15 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/03516

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Convention de rupture conventionnelle : 15 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/03516

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2022

N° RG 19/03516

N° Portalis DBV3-V-B7D-TOU2

AFFAIRE :

Société JUFA ESTHETIQUE

C/

[D] [W]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Août 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Montmorency

N° Section : Commerce

N° RG : 18/00319

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

– Me Stéphane LIN

– Me Véronique HAMAMOUCHE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant fixé au 30 mars 2022 prorogé au 11 mai 2022 prorogé au 08 juin 2022 prorogé au 15 juin 2022 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Société JUFA ESTHETIQUE

N° SIRET : 814 598 181

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane LIN de la SELARL GRIMBERG & Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 98 – N° du dossier

APPELANTE

****************

Madame [D] [W]

née le 23 Mars 1992 à [Localité 5] (95), de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparante, assistée par Me Véronique HAMAMOUCHE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 90

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 février 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Madame [D] [W] a été embauchée par un contrat d’apprentissage en date du 2 octobre 2010 en qualité d’esthéticienne par la société [N].

Mme [W] a, par la suite, signé un contrat à durée indéterminée à temps plein le 1er septembre 2011.

La convention collective applicable est celle de l’esthétique-cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et de la parfumerie.

Le salon de beauté a été cédé le 8 décembre 2015 à la société Jufa Esthétique.

Une rupture conventionnelle a été signée entre les deux parties en janvier 2016, sans faire l’objet d’une homologation.

Le 14 janvier 2016, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable.

Mme [W] a été licenciée pour faute grave le 27 janvier 2016.

Par requête reçue au greffe le 2 février 2018, Madame [D] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency afin de contester la rupture de son contrat de travail, et demander le versement de diverses sommes.

Par jugement du 19 août 2019, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– dit que la moyenne de salaire est de 1 857,58 euros brut.

– dit que le licenciement de Madame [W] [D] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– dit que la société Jufa Esthétique, prise en la personne de son représentant légal, devra verser les sommes suivantes à Mme [W] [D].

– 18 575,77 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 2 043,33 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

– 3 715,15 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 371,52 euros au titre des congés payés afférents

– 391,45 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

– 39,15 euros au titre des congés payés afférents

– 37,00 euros au titre de rappel de prime d’ancienneté pour janvier 2016

– 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné à la société Jufa Esthétique de transmettre à Madame [W] [D], un bulletin de salaire, le certificat de travail , le solde de tout compte et l’attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir.

– dit n’y avoir lieu à astreinte.

– ordonné l’exécution provisoire aux termes de l’article R1454-28 du code de travail

– ordonné la capitalisation des intérêts au titre de l’article 1154 du code civil.

– débouté Madame [W] [D] du surplus de ses demandes.

– débouté la société Jufa Esthétique de sa demande reconventionnelle.

– laissé les entiers dépens à la charge de la société Jufa Esthétique.

La société Jufa Esthétique a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 20 septembre 2019.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 3 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Jufa Esthétique, appelant, demande à la cour de :

– infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Montmorency du 19 août 2019 en toutes ses dispositions,

– constater la régularité de la procédure de licenciement,

– dire et juger que le licenciement de Madame [D] [W] repose sur une faute grave,

– débouter Mademoiselle [D] [W] de l’intégralité de ses demandes

– condamner Madame [W] à verser à la société Jufa Esthétique la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

À titre infiniment subsidiaire,

– ramener l’indemnisation du préjudice de Mademoiselle [D] [W] à un mois de

salaire soit 1 857,58 euros brut.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 17 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Madame [D] [W], intimée, demande à la cour de :

– déclarer Mme [W] recevable et bien fondée en ses demandes.

– infirmer le jugement du 19 août 2019 en ce qu’il a débouté Mme [W] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, de son rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés sur heures supplémentaires, d’indemnité pour licenciement brutal et vexatoire et d’indemnité pour absence de formation.

– infirmer le jugement du 19 août 2019 en ce qu’il a réduit le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– confirmer le jugement du 19 août 2019 pour le surplus et en ce qu’il a condamné la Sté Jufa Esthétique à verser à Mme [W] :

. 2 043,33 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

. 3 715,15 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

. 371,52 euros au titre de congés payés afférents ;

. 391,45 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

. 39,15 euros au titre des congés payés afférents ;

. 37 euros au titre de rappel de prime d’ancienneté pour janvier 2016

À titre principal,

– déclarer que Mme [W] a signé la rupture conventionnelle le 7 janvier 2016.

– déclarer que le délai de rétraction de Mme [W] n’a pas été respecté.

– déclarer que dans ses conclusions et pièces la Sté Jufa Esthétique reconnaît expressément avoir antidaté la rupture conventionnelle.

– déclarer que le fait d’avoir antidaté le formulaire a empêché Mme [W] d’exercer son droit de rétraction, entachant par là même cet acte nullité.

– prononcer la nullité de la rupture conventionnelle signée le 7 janvier 2016 pour dol et pour vice du consentement de Mme [W].

– requalifier cette rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À titre subsidiaire,

– déclarer que l’employeur ne rapporte pas la preuve des faits fautifs ainsi que de leur date.

– requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

– condamner la Sté Jufa Esthétique à verser à Mme [W], avec intérêt à taux légal (taux particulier) à compter du dépôt de la requête :

. rappel de prime d’ancienneté pour janvier 2016 : 37 euros

. salaire correspondant à la mise à pied : 391,45 euros

. congés payés sur rappel de salaire : 39,15 euros

. rappel sur heures supplémentaires : 221,44 euros

. congés payés sur heures supplémentaires : 22,14 euros

. indemnité compensatrice de préavis : 3 715,15 euros

. congés payés sur préavis : 371,52 euros

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :23 000 euros

. indemnité pour licenciement brutal et vexatoire : 3 715,15 euros

. dommages et intérêts pour absence de formation : 1 857,58 euros

. indemnité légale de licenciement :2 043,33 euros

– ordonner la remise des bulletins de salaire, attestation pole emploi, certificat de travail, solde de tout compte, conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

– condamner la Sté Jufa Esthétique au paiement d’une amende civile pour appel abusif et dilatoire.

– condamner la Sté Jufa Esthétique à verser à Mme [W] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire.

– ordonner la capitalisation des intérêts.

– condamner la Sté Jufa Esthétique à verser à Mme [W] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens

La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’irrégularité de la rupture conventionnelle

La société Jufa Esthétique, appelante, soutient que c’est à tort que les premiers juges ont conclu à l’irrégularité de la rupture conventionnelle et au fait qu’elle aurait ainsi souhaité contourner le délai de rétractation de 15 jours de la salariée.

Elle rappelle que la faculté de rétractation appartient aussi à l’employeur.

Il résulte des pièces produites que Madame [D] [W] a, par lettre du 19 décembre 2015, sollicité la mise en ‘uvre d’une rupture conventionnelle.

Par lettre du 26 décembre 2015, la société Jufa Esthétique a marqué son accord ‘sous réserve de l’arrêt immédiat de tout dénigrement et d’échanges avec vos collègues et les clients à propos des problèmes que vous indiquez connaître avec l’entreprise  » en précisant :  » j’utiliserai mon droit de rétractation avant et après la date de signature de la convention (15 jours) si je constatais que vous ne respectiez pas les conditions précitées « .

Par courriel du 27 décembre 2015, la société Jufa Esthétique a informé Madame [D] [W] de son accord pour la mise en ‘uvre d’une procédure de rupture conventionnelle.

Par courriel du 28 décembre 2015, l’employeur a informé la salariée que la convention de rupture était prête.

Il a ensuite été procédé à la signature d’une rupture conventionnelle avec une date de fin de délai de rétractation au 08 janvier 2016.

La salariée s’est cependant aperçue de l’absence de mention de date de signature sur la convention ce dont elle a informé l’employeur par courriel du 8 janvier 2016 en lui demandant de compléter le document dans les termes suivants :

« Monsieur [C],

Hier, jeudi 7/01/16 vous m’avez informé que vous vous chargeriez d’envoyer notre rupture conventionnelle à l’administration pour l’homologation dès demain samedi 9/01.

Je tiens à vous préciser que contrairement à ce que vous m’avez dit, ce document doit être impérativement daté dans le cadre  » date et signature’ chaque partie « .

Je suis certaine qu’il ne s’agit que d’une erreur involontaire de votre part sans intention de provoquer le refus de l’homologation.

Je vous laisse le soin de compléter le formulaire avant l’envoi à la DIRECCTE et de m’en faire parvenir une copie par mail puis par la poste  »

A supposer que la procédure de rupture conventionnelle ait été irrégulière comme le soutient l’appelante, la convention de rupture conventionnelle n’ayant pas d’effet sur le lien contractuel en l’absence d’homologation, il n’y a pas lieu de lui faire produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et il convient de débouter Mme [W] de ses demandes à ce titre.

Le jugement déféré mérite infirmation sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis, quand bien même ce dernier est en arrêt de travail pour maladie.

L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence de cette faute grave, après l’avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige.

Par lettre du 27 janvier 2016, la société Jufa Esthétique a notifié à Mme [W] son licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à la salariée Mme [W] d’avoir contacté des clientes de l’institut avec son téléphone mobile personnel en effectuant ainsi un détournement de clientèle, d’avoir effectué des soins de manière gratuite à une ancienne salariée de l’institut sans autorisation de son employeur et d’avoir dénigré son employeur sur le réseau social Facebook dès le 15 janvier 2016.

Sur le premier grief,

Aux termes de la lettre de licenciement du 27 janvier 2016, la société Jufa Esthétique reproche à la salariée :

 » Vous revenez à l’institut à l’issue de vos congés payés le 14 janvier à 10 h

Vous inscrivez le matin même sur le planning de l’accueil des rdv que vous avez pris avec des clientes que vous semblez connaître. Devant notre surprise en constatant ces rdv pris par vous (et toujours inscrits depuis), vous expliquez que ce sont vos clientes et que vous les avez appelé avec votre téléphone personnel pour vous en occuper vous-même.

Ces faits sont inacceptables : l’utilisation du téléphone portable personnel afin de gérer de votre propre initiative les clientes de l’institut (et non les vôtres comme vous l’exprimez) et un détournement de l’actif de la société que représente ses clients

Par ailleurs nombre de ces clientes se sont désabonnées de l’institut à l’issue de vos prestations, indiquant clairement que vos campagnes de dénigrement n’ont pas cessé « .

L’employeur sur lequel repose la charge de la preuve, n’établit pas en quoi l’utilisation du téléphone portable personnel de la salariée pour gérer la clientèle de l’institut qui se rend ensuite aux rendez vous fixés au sein de cet institut, serait de nature en soi à constituer un détournement de sa clientèle.

En outre, il n’est pas établi par les pièces de la procédure que Mme [W] aurait envoyé des messages facebook à des clientes pour leur donner des rendez-vous au sein de l’institut.

L’employeur ne rapporte pas la preuve que certaines de ses clientes se seraient en outre désabonnées de l’institut en raison des seuls agissements de la salariée, ni de l’existence de campagnes de dénigrement pour lesquelles il est procédé par pure affirmations de l’employeur.

Les attestions produites utilisent une même sémantique sans datation des faits décrits et sans mentionner les noms des clients qui auraient été détournés, elle ne sauraient dès lors établir un quelconque détournement de clientèle de l’institut.

Mme [J] [M], ancienne salariée de la société Jufa Esthétique, a travaillé pendant 6 ans au sein de l’institut. Elle atteste que Mme [W] a eu souvent la responsabilité de l’institut pour tenir la caisse, gérer les stocks, le personnel sans aucune difficulté et qu’elle était quelqu’un de confiance dans son travail.

Elle précise que  » suite au changement de gérant, (‘) je ne trouvais plus ma place.(‘) ils ont commencé à me faire du harcèlement moral (accusée de vol, de dormir dans les cabines pendant mes heures de travail, de pousser mes collègues à démissionner’) J’ai fini par devenir dingue de me faire accuser de tout et n’importe quoi tout les jours, ils ont réussi à me pousser à bout, me faire craquer au magasin et m’effondrer. (‘) j’imagine qu’à son retour [D] a subi la même chose.  »

Il résulte de ce qui précède que le premier grief n’est pas établi.

Sur le second grief,

Aux termes de la lettre de licenciement la société Jufa Esthétique reproche à la salariée :

 » vous avez attendu que vos gérants quittent l’institut pour déjeuner pour recevoir Melle [H] [I], ex salariée de l’institut, que vous connaissez bien et qui a démissionné le 31/12/2015. Alors qu’elle n’était sur aucun planning, vous lui avez effectué un soin  » lumière pulsée « , soin onéreux à plus de 40 €’ Et vous ne l’avez pas encaissé ! A notre questionnement, vous m’avez expliqué que ce soin aurait été déjà réglé aux précédents propriétaires de l’institut ! En tout cas pas à nous.

Ce fait supplémentaire le même jour est donc un vol caractérisé de la société Jufa Esthétique  »

L’employeur reproche ainsi un vol de 40 euros par Mme [W], une cliente n’ayant pas réglé une séance de lumière pulsée.

Madame [W] affirme néanmoins que ces soins avaient déjà été réglés aux anciens propriétaires.

La société Jufa Esthétique n’établit pas avoir déposé plainte pour vol à l’encontre de la salariée à qui elle reproche de n’avoir pas encaissé une cliente, Mme [H] [I], ex salariée.

Il est établi par la salariée que les soins de  » lumière pulsée  » constituent une cure, et que les séances de cette cure sont prépayées par les clientes. Cette cliente, avait ainsi prépayé ce soin grâce à un forfait dont le règlement avait été préalablement effectué.

Mme [W] verse aux débats un émail du 15 janvier 2016 entre le précédent propriétaire, Mme [N], et le gérant de la société Jufa Esthétique, M. [X] [C], qui indique que :  » Je vous confirme que [H] [[I]] et [U] ont bien acheté de l’ariane (5 séances aisselles et maillot) à l’institut et tout a été réglé sur leurs fiches de paie et novembre.  »

La société sur qui repose la charge de la preuve ne conteste pas ce point .

Ce second grief n’est pas établi.

Sur le troisième grief,

Aux termes de la lettre de licenciement du 27 janvier 2016 l’employeur reproche à la salariée : ‘…cela ne suffit pas pour vous. Votre campagne de dénigrement ne cesse pas. Sur la page Facebook de notre institut  » Esthetic Center Enghien les Bains  » une cliente abonnée de l’institut, Madame, [E] [O], que vous m’indiquez lors de l’entretien, devant votre conseillé, comme étant  » votre cliente « , poste un commentaire très négatif de notre institut, le 15 janvier à 14 h 11. Je cite  » je suis vraiment très deéçu ! Depuis que la direction a changé, le personnel est médiocre, ils font ça au plus vite, on se croirait à l’usine, l’épilation est bâclée et la manucure des pieds c’est encore pire que bâclé ! Mon esthéticienne [D] ne travaille pas pour le moment et si elle revient pas, je ne retournerai plus dans ce centre tellement je suis consternée. Vivement le retour de [D].

Vous avez le toupet de poster au bas de ce commentaire la mention  » j’aime  » Ceci laisse apparaître à des milliers d’internautes vos différends avec vos employeurs.

Vous n’êtes pas sans savoir les dégâts que peuvent occasionner pour des entreprises fragiles comme la nôtre les commentaires négatifs reliés par les salariées de l’entreprise en question.

Ceci constitue clairement et à la vue de tous une volonté exprimée de nuire à notre entreprise. Si ma société ne se relevait pas d’une telle attaque en règle, je me réserverai le droit de saisir toutes les juridictions compétentes et d’attaquer en justice toutes les personnes qui ont participé à ce jeu de massacre.’

Un tel message démontre que les clientes appréciaient la salariée et souhaitaient son retour.

Le fait que, sur un commentaire laissé sur la page Facebook du salon par une cliente qui exprimait son mécontentement depuis le changement de gérant, tout en mettant en évidence le professionnalisme de Mme [W], cette dernière ait cliqué ‘J’AIME’ en raison du commentaire élogieux la concernant ne caractérise pas un dénigrement de la société par Mme [W].

La salariée verse en outre aux débats l’attestation de Mme [O], cliente, qui atteste de la mauvaise qualité des soins qui lui ont été prodiguées le 15 janvier 2016.

Cet autre grief n’est pas démontré.

Il s’en suit qu’aucun fait de vol ou dénigrements n’est établi qui auraient rendu impossible le maintien de la salariée au sein de l’entreprise.

Le jugement déféré mérite confirmation en ce qu’il a retenu que le licenciement de Mme [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires consécutives au licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’entreprise comptait moins de 11 salariés et Mme [W] bénéficiait d’une ancienneté de plus de 5 années. Elle percevait une moyenne de salaires au titre des 3 derniers mois d’activité de 1 857,58 euros correspondant à la moyenne lui étant la plus favorable.

Il y a lieu de condamner en conséquence la société Jufa Esthétique à payer à Mme [W] la somme de 11 150 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et prime d’ancienneté

Le licenciement de Mme [W] étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de faire droit également à sa demande de condamnation de la société à lui payer la somme de 391,45 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de 39,15 euros au titre des congés payés afférents.

Il convient également de faire droit à la demande de rappel de salaire sur prime d’ancienneté sollicité par la salariée et .correspondant à la période où elle n’a pas perçu de prime d’ancienneté en raison de sa mise à pied conservatoire.

La société Jufa Esthétique est condamnée à ce titre à lui payer la somme de 37 euros au titre de rappel de salaire sur prime d’ancienneté.

Sur la demande de rappel de salaire sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [W] ne verse aux débats aucun décompte, ni tableau, ni document relatifs aux heures supplémentaires qu’elle prétend avoir accomplies et pour lesquelles elle sollicite paiement de la somme de 221,44 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires et 22,14 euros de congés payés afférents.

En l’absence d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies, l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, ne peut lui répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Il convient dès lors de confirmer sur ce point le jugement déféré qui a débouté Mme [W] de ses demandes à ce titre.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Il résulte qu’aux termes de l’article L 1234-1 du code du travail, le salarié licencié pour un motif autre qu’une faute grave a droit à un délai-congé de deux mois, s’il justifie d’une ancienneté d’au moins de deux ans.

La salariée bénéficiait d’une ancienneté de plus de 2 ans.

Il convient de condamner la société Jufa Esthétique à payer à Mme [W] 3 715,15 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 371,52 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité légale de licenciement

Il résulte des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail, que les salariés licenciés pour un motif autre qu’une faute grave, ayant au moins un an d’ancienneté , ont droit à une indemnité de licenciement dont le montant ne peut être inférieur à 1/5 de mois par année ancienneté, 2/15 de mois par année d’ancienneté au-delà de dix ans.

Il convient dès lors de condamner la société Jufa Esthétique à payer à Mme [W] la somme de 2 043,33 euros à titre d’indemnité légale de licenciement. Le jugement est confirmé.

Sur les dommages intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Mme [W] soutient avoir subi un préjudice du fait de la brutalité de son licenciement.

Il n’est pas établi de circonstances vexatoires dans le licenciement intervenu et la salariée ne rapporte pas la preuve d’un préjudice qui en résulterait autre que celui déjà indemnisé par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui ont été alloués. Le jugement est confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour absence de formation

L’obligation d’information et de proposition de formations qui doit accompagner la vie professionnelle des salariés s’impose à l’employeur.

Mme [W] a intégré la société Jufa Esthétique en octobre 2010.

A la date de l’audience devant la cour, la société Jufa Esthétique n’a justifié d’aucun entretien de carrière ni de proposition de formation en vue d’une évolution de la qualification professionnelle de Mme [W].

Elle l’a ainsi privée d’une possibilité d’évolution professionnelle, puisque son poste est situé à une classification basse, préjudice qu’il convient de réparer par l’octroi de la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire

Mme [W] sollicite le prononcé d’une amende civile et la condamnation de son employeur au paiement d’une somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

Mme [W] ne rapporte pas la preuve d’une faute de l’employeur faisant dégénérer en abus son droit de faire appel.

Mme [W] sera déboutée de ses demandes à ce titre.

Sur les intérêts

Les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation.

Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la remise des documents sociaux

En application de l’article R. 1234-9 du code du travail, les employeurs sont tenus, au moment de la résiliation, de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, de délivrer au salarié des attestations ou justification qui leur permettent d’exercer leurs droits aux prestations mentionnées à l’article L 5421-2 du code du travail, et de transmettre ces mêmes attestations aux organismes gestionnaires du régime d’assurance chômage.

En conséquence pour tenir compte des condamnations prononcées la société Jufa Esthétique est condamnée à remettre à Mme [W] une attestation pôle emploi et un bulletin de paie rectifiés.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société Jufa Esthétique qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner à payer à Mme [W] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency en date du 19 août 2019 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

DÉBOUTE Mme [D] [W] de sa demande de nullité d’une rupture conventionnelle non homologuée,

DIT que la rupture du contrat de travail de Mme [D] [W] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Jufa Esthetique à payer à Mme [D] [W] les sommes suivantes :

– 11 150 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 600 euros de domamges et intérets pour défaut de formation,

DIT que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation,

DIT que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

DÉBOUTE Mme [D] [W] de sa demande de prononcé d’une amende civile et de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

ORDONNE à la société Jufa Esthetique de remettre à Mme [D] [W] les documents sociaux rectifiés conformes à la décision,

CONDAMNE la société Jufa Esthetique à payer à Mme [D] [W] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Jufa Esthétique de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la Société Jufa Esthetique aux dépens de première instance et d’appel.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,

 


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