COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 15 JUIN 2016
R.G. N° 15/00470
AFFAIRE :
[M] [K]
C/
SAS SIVAM
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Janvier 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE
N° RG : F13/714
Copies exécutoires délivrées à :
Me Nicolas LAMBERT-VERNAY
la SELARL GAUCLERE Avocats
Copies certifiées conformes délivrées à :
[M] [K]
SAS SIVAM
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE JUIN DEUX MILLE SEIZE,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [M] [K]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Nicolas LAMBERT-VERNAY, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 378
APPELANT
****************
SAS SIVAM
société d’importation de véhicules à moteur
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier GAUCLERE de la SELARL GAUCLERE Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0074
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé(e) d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Michèle COLIN, Président,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,
Monsieur [M] [K] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée en date du 21 novembre 2001 par la société SIVAM en qualité de chef des ventes, statut cadre, position 2, indice 100, de la convention collective de l’Automobile.
Le 04 décembre 2002, la rémunération fixe de Monsieur [K] a été portée à la somme de 3.048,98 euros.
A compter du 30 juin 2003, Monsieur [K] a occupé les fonctions de Chef de Vente, statut Cadre, échelon 3 A.
Par avenant du 4 juillet 2005, Monsieur [K] a été promu aux fonctions de Directeur de site, statut Cadre Dirigeant, Niveau 4 A, pour occuper les fonctions de Directeur de la concession TOYOTA [Localité 3]. Il bénéficiait à cet égard d’une délégation de pouvoirs, régularisée le 11 juillet 2005, et sa rémunération était portée, pour sa part fixe, à la somme de 4.000,00 euros et pour sa part variable, dépendant de la réalisation d’objectifs, à la somme de 1.525,00 euros par trimestre.
En dernier lieu, Monsieur [K] exerçait les fonctions de directeur de la concession LEXUS sur le site [Localité 4], statut cadre dirigeant, niveau 4 A, pour une rémunération mensuelle brute de 5.000,00 euros.
Une rupture conventionnelle a été signée le 23 novembre 2012 entre Monsieur [K] et la société SIVAM, convention qui a été suivie de la signature d’un protocole transactionnel.
La SAS SIVAM employait habituellement plus de 11 salariés au moment de la rupture des relations contractuelles.
Contestant la validité de la rupture conventionnelle, Monsieur [K] a saisi le Conseil des Prud’hommes de CERGY-PONTOISE le 04 novembre 2013 afin d’obtenir, son annulation ainsi que celle du protocole transactionnel. Il sollicitait en conséquence la condamnation de la société SIVAM à lui verser les sommes suivantes :
– 50.000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 148.921,07 euros au titre du paiement des heures supplémentaires,
– 14.892,10 euros de congés payés afférents,
– 81.447,30 euros de dommages et intérêts pour non information des droits à repos compensateur,
– 7.415,19 euros de congés payés afférents,
– 48.966,90 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
– 24.483,45 euros d’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.448,34 euros de congés payés afférents,
– 19.042,68 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 120.000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
et que soit ordonnée la compensation entre les condamnations devant être prononcées à l’encontre de la Société SIVAM et la somme de 100.000,00 euros qu’il a perçue au titre de la convention de rupture conventionnelle et du protocole transactionnel.
Par jugement du 15 janvier 2015, le Conseil a débouté Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes.
Monsieur [K] a régulièrement formé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 23 janvier 2015 et demande à la Cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions. Il sollicite ainsi l’annulation de la convention de rupture conventionnelle conclu le 23 novembre 2012 et le protocole transactionnel et, en conséquence, la condamnation de la société SIVAM à lui verser les sommes de :
– 50.000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 148.921,07 euros au titre du paiement des heures supplémentaires non prescrites,
– 14.892,10 euros de congés payés afférents,
– 81.447,30 euros de dommages et intérêts pour non information des droits à repos compensateur,
– 56.981,78 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
– 28.490,89 euros d’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.849,08 euros de congés payés afférents,
– 23.235,89 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 120.000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle,
– 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La société SIVAM demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et sollicite en outre la condamnation de Monsieur [K] à lui payer la somme de 10.000,00 euros pour procédure abusive, 1.500,00 euros au titre d’une amende civile et 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire,elle demande que soit déclarées irrecevables les demandes de Monsieur [K] afférentes aux heures supplémentaires accomplies avant novembre 2010 comme étant prescrites.
A titre reconventionnel, si le statut de cadre dirigeant n’était pas retenu, elle sollicite la condamnation de Monsieur [K] au remboursement de la somme de 226.632,00 euros au titre d’un trop-perçu salarial.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.
MOTIFS DE LA COUR :
– Sur le harcèlement :
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, Monsieur [K] affirme qu’il a subi, dès le mois de mai 2012, une dégradation de ses conditions de travail. Il expose que Monsieur [P] a, dès son engagement, instauré un climat de pression et de tension, cherchant à le provoquer et à le rabaisser. Il indique qu’en outre, il lui a été assigné des objectifs irréalisables.
Pour étayer ses affirmations, Monsieur [K] produit notamment :
– divers couriels échangés avec Monsieur [P],
– une ordonnance médicale du 2 août 2012 prescrivant du SEROPLEX, de l’ALPRAZOLAM et du ZOLPIDEM,
– ses arrêts de travail en date des 17 septembre, 22 octobre et 6 novembre 2012.
Monsieur [K] établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.
L’employeur fait valoir que la période de temps durant laquelle Monsieur [K] se plaint de harcèlement est particulièrement limitée puisqu’elle se limite à 4 mois.
Sur le fond, il ne conteste pas que le ton des échanges entre Monsieur [P] et Monsieur [K] a pu être ferme et directif, mais estime que les propos sont toujours restés courtois et n’ont jamais porté atteinte à la dignité du salarié. Il fait valoir qu’on ne peut trouver harcelant le fait qu’un Directeur de site reçoive une injonction ferme du Directeur général pour améliorer des résultats objectivement insuffisants. Enfin, la société relève qu’à aucun moment avant la saisine du Conseil des Prud’hommes, intervenue un an après la rupture de la relation contractuelle, Monsieur [K] n’a fait valoir qu’il considérait subir un harcèlement moral : aucune saisine du CHSCT, aucune alerte auprès des représentants du personnel, aucune demande d’examen par la médecine du travail, aucune demande visant à faire qualifier son état de maladie professionnelle ou d’accident du travail, aucune mise en garde formelle adressée à la société SIVAM.
La société produit l’ensemble des échanges entre Monsieur [K] et Monsieur [P] ainsi que l’avertissement reçu par le salarié en 2009.
En l’espèce, il convient de constater que Monsieur [K] justifie l’existence d’un hacèlement en se fondant sur 6 couriels et un courrier adressés par Monsieur [P] ainsi que par le Directeur général entre le mois de mai et le mois de septembre 2012.
La lecture du contenu de ces couriels montre à l’évidence une insatisfaction de Monsieur [P] à l’égard du travail fourni par Monsieur [K] et il n’est pas contestable que certains des termes utilisés, sortis de leur contexte, pouvaient être considérés comme directs. Pour autant, ces termes n’ont jamais visés la personne même du salarié mais ses résultats et ses méthodes de travail. Il en va ainsi du couriel indiquant ‘Je suis scandalisé en prenant connaissance du compte-rendu de [X] [X] sur l’état de présentation de vos véhicules d’occasion’ ou de celui mentionnant ‘votre stock ancien est insupportable’ qui ne visent chacun qu’une situation. Il en est ainsi également de la remarque « Monsieur, Je prends connaissance de la faute commise par vous dans cette affaire. Je souhaite qu’il n’en résulte aucune conséquence négative pour notre société’, qui ne peut être considérée comme humiliant ou dégradant, étant précisé que la réalité du comportement incriminé n’est pas remis en cause. Ne peuvent non plus être considérés comme du harcèlement les termes du courrier adressé en recommandé et selon lequel : ‘Tous les indicateurs commerciaux, Après-Vente, Qualité et Financiers vous placent en bas du tableau des affaires de notre Groupe, dans le classement de chacune de ces activités, en avancement par rapport au budget. Je suis particulièrement préoccupé par la situation des stocks anciens tant véhicules neufs que véhicules d’occasion qui n’a pas évolué depuis le début du mois de juillet, alors que toutes les autres affaires du Groupe ont réalisé des scores remarquables. Je vous demande de bien vouloir présenter vos plans d’action à [S] [C], Directeur Opérationnel de SIVAM, dans les délais les plus brefs. Je vous recevrai fin septembre pour faire le point d’avancement de vos réalisations par rapport à vos objectifs’.
Aucun des messages adressés à Monsieur [K] ne procède par ailleurs d’une volonté d’humilier son destinataire ou de le rabaisser. Il s’agit en réalité de courriers de remontrances et de critiques sur une absence de résultats et sur l’inefficacité des méthodes de travail de Monsieur [K], portant sur des éléments objectifs, non contestés, que sont les résultats des ventes et l’audit réalisé dans la concession.
En raison de son niveau de responsabilité, de son expérience, Monsieur [K] ne peut considérer que des remarques critiques ou les messages d’alerte d’un Directeur général, à qui il appartient d’assurer le suivi de ses cadres, sont constitutifs d’un harcèlement. Le harcèlement ne doit en effet pas se confondre avec des tensions qui peuvent survenir entre un salarié et son employeur, ou les reproches que ce dernier est en droit de lui adresser, notamment dans un contexte de difficultés économiques rencontrées par l’entreprise.
Aucun des courriers versés aux débats n’a eu pour but ou pour résultat de dénigrer Monsieur [K], étant rappelé qu’ils n’ont pas été rendus publics ni diffusés aux autres collaborateurs. D’ailleurs, Monsieur [K] n’allègue ni ne démontre que ses supérieurs hiérachiques auraient fait des remarques en présence de collaborateurs ou de subordonnés, de sorte qu’elles sont restées dans le strict cadre d’échanges professionnels entre deux responsables.
Contrairement à ce qui est indiqué par Monsieur [K], aucun des éléments qu’il produit ne permet de considérer qu’on lui aurait assigné des objectifs irréalisables. Il ne conteste d’ailleurs que la pertinence d’un objectif à tenir sur une période de deux mois en 2012, l’employeur justifiant, par des courriers non contestés, de ce que les autres concessions y parvenaient. Il n’est enfin même pas évoqué ni démontré qu’en l’absence de réalisation des objectifs fixés, son salaire pouvait être modifié.
Les éléments versés aux débats permettent également d’apprendre que les remarques faites à Monsieur [K] sur la qualité de son travail n’ont pas commencé avec l’arrivée de Monsieur [P], mais étaient bien antérieures, comme en atteste l’avertissement qu’il a reçu en2009.
Enfin, s’il n’est pas contestable que Monsieur [K] a été traité pour une dépression, aucun des arrêts de travail ne mentionne un rapport entre cette pathologie et les conditions de travail, étant précisé que le stress ou le surmenage, dans un contexte économique très difficile, ne peuvent constituer en soi les signesd’un harcèlement. D’ailleurs, il n’est pas sans intérêt de relever que le premier arrêt de travail n’intervient que deux mois après l’arrivée de Monsieur [P], rendant le lien entre le comportement de celui-ci et les problèmes de santé de Monsieur [K] ténu. De plus, le 28 novembre 2012, il était déclaré apte par la médecine du travail à qui il ne faisait part d’aucune situation de harcèlement. Il importe également de souligner que durant l’ensemble de la relation contractuelle, Monsieur [K] ne s’est jamais plaint, auprès de son employeur, de harcèlement et n’a jamais saisi les instances représentatives du personnel de sa difficulté au travail.
L’employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Monsieur [K] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.
– Sur la validité de la rupture conventionnelle :
Selon l’article L1237-11 du Code du travail l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
L’article L1237-12 précise que les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister.
Il résulte de la combinaison de ces textes que si l’existence d’un différend entre les parties au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle n’affecte en principe pas la validité de la convention de rupture, c’est à la condition que le salarié ait librement consenti à ce mode de rupture et n’ait pas fait l’objet de pressions ou de menaces.
En l’espèce, l’entretien préalable s’est tenu le 23 novembre 2012 et a donné lieu à la signature d’une convention de rupture conventionnelle en date du même jour. Aucune rétractation n’a eu lieu dans le délai de 15 jours et la convention a alors été adressée à la DIRECCTE. Elle a fait l’objet d’une homologation tacite. Cette rupture sera remise en cause, pour la première fois, près d’un an plus tard, soit le 04 novembre 2013, à quelques jours du délai de forclusion.
Il convient en premier lieu de rappeler que la rupture conventionnelle n’est pas intervenue dans un contexte de harcèlement moral et qu’au moment de sa signature, Monsieur [K] était déclaré apte, sans aucune réserve.
En second lieu, aucun des documents produits aux débats ne permet de considérer que Monsieur [K] aurait été contraint de signer cette rupture conventionnelle en raison des pressions qu’il subissait de son employeur. Au contraire, la chronologie des faits démontrent qu’une première proposition de rupture a été faite par le salarié le 24 octobre 2012 dans des termes qui laissaient entendre qu’il ne la souhaitait pas vraiment. Ceci conduisait la société à la refuser, relevant que pour être valide, l’accord devait être mutuel. Contrairement aux allégations de
Monsieur [K], cette lettre ne le mettait pas en demeure d’accepter la rupture mais lui indiquait qu’elle ne pouvait avoir lieu que s’il en était d’accord. D’ailleurs, aucune suite ne sera donnée à ce courrier, et ce n’est que le 14 novembre suivant que le salarié reprenait contact avec son employeur pour lui indiquer ‘qu’après une longue réflexion’, il souhaitait une rupture conventionnelle. L’entretien s’est déroulé 10 jours plus tard, dans des conditions qui ne laissent pas paraître une situation de pression psychologique. Il n’est d’ailleurs pas sans intérêt de relever qu’à ce moment, Monsieur [K] avait pris les conseils d’un avocat qui, dès le 20 novembre, avait contacté l’employeur, non pour remettre en cause la rupture conventionnelle mais pour négocier les termes de la transaction à venir.
Enfin, il n’est pas sans intérêt de relever que dans le courrier qu’il a adressé à son employeur le 14 novembre 2012, Monsieur [K] justifie sa décision par une situation économique rendant incertain son avenir dans le domaine de l’automobile. D’ailleurs, deux mois après la rupture conventionnelle, Monsieur [K] créera sa propre entreprise dans le domaine de l’immobilier.
Dans ces conditions, la rupture conventionnelle a été conclue dans des conditions qui excluent tout vice du consentement.
La demande d’annulation formée par Monsieur [K] sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé.
– Sur la validité de l’accord transactionnel :
La transaction est régie par les articles 2044 à 2058 du Code civil.
Au visa du premier de ces textes, la transaction est « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».
Selon les articles 2052 et 2053 du Code civil, une transaction peut être annulée pour erreur sur l’objet, pour dol ou violence.
Il résulte de l’application combinée de ces textes ainsi que ceux rappelés au paragraphe précédent, qu’un salarié et un employeur ayant signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction que si elle intervient postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative, et si elle a pour objet, d’une part, de régler un différend relatif, non à la rupture du contrat de travail, mais à son exécution, et d’autre part de régler des éléments non compris dans la convention de rupture.
Monsieur [K] affirme que la transaction aurait été signée dès le 23 novembre 2012, en même temps que la rupture conventionnelle. Il relève, à l’appui de ses allégations, que la transaction n’est pas datée et qu’elle ne mentionne pas la date d’homologation de la rupture conventionnelle par la DIRECCTE.
Or, la société SIVAM produit l’exemplaire du protocole dont elle dispose et qui fait apparaître la date manuscrite du 28 décembre 2012 aux côtés de la signature des parties, document dont la conformité n’a jamais été contestée. Les parties ont donc transigé le 28 décembre 2012, soit plus d’un mois après la signature de la rupture conventionnelle ce qui permet de considérer que chacune a disposé d’un temps réflexion suffisant. En réalité, il ressort des propres documents versés par le salarié que, s’il existe une version datée et une version non datée au contenu identique, ce n’est que parce que son employeur lui a adressé les deux exemplaires établis et lui a demandé de lui retourner l’un d’entre eux signé et daté, après avoir pris le temps de la réflexion et formulé, le cas échéant, des modifications. Monsieur [K] a donc conservé celui non daté et a remis à la société l’exemplaire complété.
Monsieur [K] ne saurait valablement soutenir qu’il y a eu concommitence entre les signatures des deux actes, alors même qu’il verse aux débats un courrier reçu le 23 novembre 2012 à 16h00, de la responsable des ressources humaines de la société SIVAM, Madame [Z] soumettant à sa signature la rupture conventionnelle et lui proposant un projet d’accord transactionnel sur lequel elle lui demandait de donner son avis et de proposer éventuellement des modifications. Est également versé aux débats un couriel qu’il a lui même adressé à la direction
des ressources humaines indiquant qu’il avait personnellement contacté la DIRECCTE au cours du mois de décembre, laquelle lui avait confirmé l’homologation de la rupture conventionnelle. Il informait son employeur que, dès lors, la transaction pouvait être signée. L’absence de la mention de la date d’homologation sur l’accord transactionnel s’explique d’ailleurs par le fait qu’il s’agit d’une homologation tacite.
Il est important également de souligner que cette transaction a été conclue après plusieurs échanges écrits, et alors que Monsieur [K] était assisté d’un avocat qui a négocié lui même certains termes du protocole.
D’autre part, contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur [K], l’accord transactionnel n’a pas eu pour objet de régler un différent lié à la rupture du contrat de travail, mais à un différent lié à son exécution. Ainsi, selon les termes de la transaction, Monsieur [K] a perçu une indemnité nette de 80.290,24 euros «fixée après prise en considération, notamment, des éléments de préjudice évoqués par Monsieur [K] notamment le préjudice lié à la privation du droit au repos visé dans les articles L313-1 du Code du travail, à l’absence de respect de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures de travail et à l’absence de convention de forfait ». En contrepartie, chaque partie renonçait à toute action du fait de la conclusion, de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail. Plus spécifiquement, celui-ci renonçait « à toute prétention quelconque, telle que rappel de salaires, accessoires de salaires, primes, remboursements de frais, indemnité compensatrice de congés payés, heures supplémentaires, ainsi qu’à toute action en paiement de dommages et intérêts quelconques à l’encontre de la société SIVAM (….) ».
Il ressort de l’ensemble de ces observations que l’accord transactionnel a été conclu conformément aux textes ci-dessus rappelés et dans des conditions qui excluent tout vice du consentement. La demande d’annulation formée par Monsieur [K] doit dès lors être rejetée tout comme doit l’être l’ensemble de ses demandes liées à l’exécution et la rupture du contrat de travail.
Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.
– Sur les demandes annexes :
Monsieur [K] qui succombe à l’instance, doit supporter les dépens et il sera également débouté de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société SIVAM les frais irrépétibles par elle exposés.
S’agissant de la demande formée par la société SIVAM aux fins de voir prononcer une amende civile à l’encontre de Monsieur [K], elle sera rejetée, cette sanction ne pouvant être mise en oeuvre qu’à l’initiative de la juridiction et non des parties, qui n’ont aucun intérêt à agir de ce chef.
Enfin, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l’encontre de Monsieur [K] une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice. Il n’est pas fait droit à la demande de dommages-intérêts formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant, contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 janvier 2015 par le Conseil des Prud’hommes de CERGY PONTOISE,
Y AJOUTANT,
DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
DEBOUTE la société SIVAM de sa demande d’indemnité pour procédure abusive,
CONDAMNE Monsieur [K] aux dépens.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Michèle COLIN, Président et par Madame Brigitte BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,