Convention de rupture conventionnelle : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00616

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Convention de rupture conventionnelle : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00616

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DÉCEMBRE 2022

N° RG 20/00616

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZCA

AFFAIRE :

[E] [B]

C/

S.A.R.L. MUGO PAYSAGE D’AUJOURD’HUI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Versailles

N° Section : Agriculture

N° RG : 18/00855

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Fanny MARTIN SISTERON de l’AARPI MoMa Avocats

Me Philippe YON de l’AARPI AVOCATION

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, fixé initialement au 29 juin, 2022, puis prorogé au 21 septembre 2022, différé au 22 septembre 2022, puis prorogé au 20 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 15 décembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [E] [B]

né le 22 Mars 1988 à [Localité 5] (77)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Fanny MARTIN SISTERON de l’AARPI MoMa Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0271

APPELANT

****************

S.A.R.L. MUGO PAYSAGE D’AUJOURD’HUI

N° SIRET : 533 597 969

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe YON de l’AARPI AVOCATION, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0521 substitué par Me Valérie YON, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE :

A compter du 1er octobre 2015, Monsieur [E] [B] a été engagé en qualité de chef d’équipe par la société à responsabilité limitée Mugo Paysage d’aujourd’hui, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation de travail entre les parties est régie par la convention collective nationale des entreprises du paysage.

Consécutivement à la signature le 13 avril 2018 d’une convention de rupture conventionnelle entre les parties, le contrat de travail du salarié a été rompu le 31 mai 2018.

Par requête reçue au greffe le 29 novembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles, afin notamment de contester la rupture conventionnelle de son contrat de travail et d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 31 janvier 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes a :

– Dit que le salarié n’apportait pas les éléments factuels démontrant la nullité de la rupture conventionnelle ;

– Condamné la société en la personne de son représentant légal à verser au salarié les sommes suivantes :

– 250 euros au titre du paiement de la prime ;

– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit qu’en application de l’article 1231-7 du code civil, ces sommes porteraient intérêts au taux légal, sans anatocisme, à compter de la date du prononcé de sa décision ;

– Prononcé l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;

– Ordonné la délivrance au salarié, par la société en la personne de son représentant légal, des documents suivants : les bulletins de salaire et l’attestation Pôle Emploi conforme à la décision sous astreinte de 75 euros par jour de retard et par document à compter d’un délai d’un mois à compter de la date du prononcé de sa décision ;

– Dit qu’il se réservait le pouvoir de liquider l’astreinte en vertu de l’article 35 de la loi du 9 juillet 1991 relative aux voies d’exécution ;

– Mis les entiers dépens à la charge de la société ;

– Rejeté toute autre demande.

Par déclaration au greffe du 2 mars 2020, Monsieur [B] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 mai 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, il expose notamment que :

– la rupture conventionnelle est nulle et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce que sa conclusion n’a pas été assortie du respect des formalités procédurales, en l’absence d’organisation d’un entretien préalablement à la signature du formulaire de rupture conventionnelle ;

– le poste de chef d’équipe qu’il occupait justifie un positionnement conventionnel au niveau TAM 1 (technicien et agent de maîtrise de niveau 1) et non O4 (ouvrier de niveau 4), compte tenu des tâches qu’il accomplissait, des responsabilités qui lui étaient confiées, de ses fonctions d’encadrement et de son expérience professionnelle ;

– la société ne lui a jamais fixé d’objectif et il n’a jamais bénéficié d’aucun entretien annuel, de sorte qu’il est fondé à percevoir la rémunération variable contractuellement convenue ;

– l’employeur a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail, en lui appliquant une classification conventionnelle d’un niveau inférieur à celui qui correspondait à ses fonctions de chef d’équipe et en lui retirant unilatéralement ses fonctions d’encadrement à compter du mois de février 2017, à l’issue de son arrêt de travail pour accident du travail.

Il demande donc à la cour de :

– Rejeter les moyens et conclusions de la société ;

– Fixer la moyenne de ses salaires à 2.156,51 euros bruts ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la rupture conventionnelle signée avec la société n’était pas entachée de nullité et, statuant à nouveau :

– Dire que la rupture du contrat de travail intervenue le 31 mai 2018 par le biais d’une rupture conventionnelle doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, par conséquent, condamner la société à lui verser :

– 4.313,03 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 431,30 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

– 7.547,80 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 229,47 euros nets à titre de complément d’indemnité de licenciement ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que ses fonctions ne justifiaient pas qu’il soit reclassé au niveau TAM 1 et, statuant à nouveau :

– Dire qu’il occupait un poste de TAM 1 et, par conséquent, condamner la société à lui verser 8.766,11 euros bruts à titre de rappel de salaire et 876,61 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a considéré qu’il pouvait prétendre à un rappel de primes mais l’infirmer sur le quantum des sommes et, statuant à nouveau, condamner la société à lui verser la somme de 1.350 euros bruts a titre de rappel de prime et 135 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et, statuant à nouveau, condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail de 2.000 euros nets ;

– Ordonner à la société de lui remettre ses bulletins de paie, solde de tout compte et attestation Pole Emploi rectifiés sous astreinte journalière de 75 euros ;

– Condamner la société au paiement des intérêts légaux à compter du jour ou le paiement desdites sommes aurait dû intervenir ;

– Condamner la société au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En réplique, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 août 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société, intimée, soutient en substance que :

– le salarié ne fournit aucun élément probant au soutien de sa demande de reclassement au niveau de classification TAM 1, celui-ci n’ayant en particulier exercé aucune fonction d’encadrement et de management d’une équipe ;

– alors que l’appelant est à l’origine de la demande de rupture conventionnelle et que celui-ci n’argue nullement de ce que son consentement aurait été vicié, il ne démontre pas qu’il n’a bénéficié d’aucun entretien préparatoire préalablement à la signature du formulaire de rupture conventionnelle, tandis qu’elle prouve qu’un tel entretien a été organisé le 14 mars 2018 ;

– le salarié n’est pas fondé à solliciter un rappel de prime contractuelle dès lors qu’il confond une prime sur objectifs et une prime laissée à la libre appréciation de l’employeur, laquelle ne s’accompagne pas nécessairement d’objectifs ;

– la demande du salarié au titre de la prétendue exécution déloyale du contrat de travail est injustifiée, en ce qu’il tend à faire indemniser deux fois le chef de demande afférent à la classification qu’il revendique et en ce qu’il n’exerçait aucune fonction d’encadrement avant d’être placé en arrêt de travail (lequel ne résultait par ailleurs pas d’un accident du travail), outre le fait qu’il n’apporte aucune preuve du préjudice allégué.

Par conséquent, elle demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– Dit que l’appelante n’apportait pas les éléments factuels démontrant la nullité de 1a rupture conventionnelle ;

– Rejeté toutes autres demandes ;

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser au salarié la somme de 250 euros pour rappel de prime variable, et 500 euros au titre de1’artic1e 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

– Débouter le salarié de sa demande de rappel de prime variable ;

En tout état de cause :

– Condamner le salarié à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’artic1e 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 mars 2022.

MOTIFS :

Sur la demande de rappel de salaire au titre du reclassement :

Saisi d’une demande de classification conventionnelle et d’attribution du coefficient correspondant, il appartient au juge de rechercher les fonctions réellement exercées par le salarié.

L’article 45 de la convention collective nationale des entreprises du paysage, relatif à la définition et à la classification des emplois, mentionne notamment que ‘la nouvelle classification s’appuie sur les critères classant suivants :

– contenu de l’activité ;

– responsabilité dans l’organisation du travail ;

– l’autonomie et l’initiative ;

– la technicité ;

– l’expérience et la formation initiale.

Chaque emploi est classé en fonction de ses caractéristiques et des compétences exigées, par application des critères susvisés. Aucun critère n’est prédominant ; l’ensemble des critères sert à classer le salarié.’

Aux termes de l’article 4.1 des dispositions propres aux ouvriers et aux employés de la convention collective nationale des entreprises du paysage, la classification des emplois des ouvriers définit comme suit le niveau ‘O.4 : Ouvrier paysagiste qualifié’ :

‘Travaux délicats du métier

Responsabilité : Reçoit des directives générales. Polyvalent dans l’exécution des tâches fixées. Transmission de l’expérience professionnelle.

Autonomie : Autonome dans l’organisation de son travail

Technicité : Utilisation habituelle des petits engins et de véhicules automobiles dont le PTAC est inférieur à 3,5 T.

Formation-expérience : Expérience acquise au niveau inférieur. Emploi correspondant à la maîtrise par le salarié de la majorité des compétences décrites dans le référentiel professionnel du BAC professionnel aménagements paysagers. Ces compétences sont susceptibles d’être acquises après 1 an d’expérience professionnelle probante dans l’emploi concerné.’

Par ailleurs, le niveau ‘O.5 : Ouvrier paysagiste hautement qualifié’ est ainsi défini :

‘Responsable de la technicité des travaux

Responsabilité : Participe au respect des consignes de sécurité. Tutelle éventuelle des apprentis ou de tout autre salarié en formation alternée.

Autonomie : Autonome dans l’organisation de son travail et/ou dans sa spécialité

Technicité : Parfaite connaissance du métier et/ou de la tâche confiée. Conduite et utilisation de l’ensemble du matériel de la profession. Capacité de diversifier ses connaissances dans les techniques connexes.

Formation-expérience : Expérience acquise au niveau inférieur. Emploi correspondant à la maîtrise par le salarié de l’ensemble des compétences décrites dans le référentiel professionnel du BAC professionnel aménagements paysagers. Ces compétences sont susceptibles d’être acquises après 2 ans d’expérience professionnelle probante dans l’emploi concerné.’

En outre, selon l’article 4 des dispositions propres aux techniciens et agents de maîtrise de la convention collective nationale des entreprises du paysage, le niveau ‘T.A.M.1″ est défini comme suit :

‘Travaux d’exécution, d’organisation, de contrôle d’une équipe ou d’un service

Responsabilité : Exerce un commandement sur l’équipe ou le service. Responsable de la bonne exécution des tâches confiées. Rend compte de l’exécution des tâches qui lui sont confiées.

Autonomie : Reçoit des instructions précises et régulières. Autonome dans l’organisation de son travail et du travail de son équipe ou de son service. Prend des initiatives nécessaires au bon fonctionnement de ses activités. Fait respecter les consignes et veille à la sécurité.

Technicité : Connaissance approfondie des techniques de l’ensemble du métier. Tient à jour ses connaissances.

Formation-expérience : Expérience acquise au niveau O.6 ou E.4. Emploi correspondant à la maîtrise par le salarié de l’ensemble des compétences décrites dans le référentiel professionnel du BTS aménagements paysagers. Ces compétences sont susceptibles d’être acquises après 2 ans d’expérience professionnelle probante dans l’emploi concerné.’

En l’espèce, il convient de préciser que la dénomination de chef d’équipe telle qu’elle figure sur différents documents (à savoir le contrat de travail du salarié, ses bulletins de salaire, son certificat de travail et le formulaire de rupture conventionnelle) ne saurait suffire à caractériser les fonctions réellement exercées par le salarié et à apprécier ces dernières au regard des critères de classification conventionnels.

Au soutien de ses allégations selon lesquelles il exerçait des fonctions d’encadrement, le salarié verse aux débats une attestation établie par Monsieur [K] [C], lequel le désigne comme ‘[s]on chef d’équipe d’octobre 2015 jusqu’à son retour d’accident du travail en mars 2017″.

Au regard de son contenu excessivement vague quant aux circonstances selon lesquelles le salarié aurait effectivement pu encadrer le travail de l’attestant et eu égard à son caractère isolé, cette attestation ne saurait suffire à démontrer que le salarié ‘exer[çait] un commandement sur [une] équipe ou [un] service’, comme l’exige l’article 4 des dispositions propres aux techniciens et agents de maîtrise de la convention collective nationale des entreprises du paysage qui définit le niveau ‘T.A.M.1″.

L’argument selon lequel Monsieur [U] a été embauché le 3 août 2016 pour exercer des fonctions de chef d’équipe et encadrait le salarié ne saurait suffire à démontrer qu’il avait remplacé ce dernier dans ses prétendues fonctions de chef d’équipe.

Plus généralement, les allégations du salarié selon lesquelles les tâches qui lui étaient confiées ‘démontr[ai]ent qu’il avait les responsabilités, l’autonomie et l’expérience suffisante pour être classé TAM1″ ne sont nullement étayées, alors qu’elles sont par ailleurs contestées par l’employeur.

De même, les éléments versés aux débats par les parties ne sont pas de nature à démontrer que le salarié relevait du niveau de classification ‘O.5 : Ouvrier paysagiste hautement qualifié’ et qu’il avait été indûment positionné au niveau ‘O.4 : Ouvrier paysagiste qualifié’ au moment de son recrutement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande tendant à ce qu’il soit requalifié au niveau de classification conventionnelle TAM1 et de sa demande de rappel de salaire afférente au repositionnement conventionnel sollicité.

Sur la demande de rappel de primes :

Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l’espèce, l’article 6 du contrat de travail du salarié stipule : ‘une prime pouvant aller jusqu’à 600,00 bruts pourra être allouée en fin d’année à l’issue de l’évaluation annuelle, basée sur la qualité du travail et l’esprit d’équipe dont aura fait preuve [le salarié]’.

Bien que l’employeur soutienne que le versement de la prime litigieuse était laissé à sa libre appréciation, la stipulation précitée ne fait nullement ressortir le caractère discrétionnaire de ladite prime.

A l’inverse, elle indique qu’elle était attribuée sur la base de critères liés, d’une part, à la qualité du travail du salarié et, d’autre part, à l’esprit d’équipe dont il aura fait preuve.

A ce titre, l’employeur ne conteste pas qu’il n’a attribué aucun objectif au salarié lui permettant de déterminer les modalités de calcul de la prime litigieuse.

Par conséquent, compte tenu de la somme de 250 euros que le salarié reconnaît avoir perçue à titre de prime au mois décembre 2017, il lui sera alloué une somme de 1.350 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la rémunération variable, outre une somme de 135 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera donc infirmé sur le montant alloué au titre du paiement de la prime.

Sur la rupture conventionnelle :

L’article L. 1237-12 du code du travail prévoit notamment que les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :

1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;

2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

Si le défaut du ou des entretiens prévus par ce texte entraîne la nullité de la convention, c’est à celui qui invoque cette cause de nullité d’en établir l’existence.

En l’espèce, au soutien de son argumentation selon laquelle il n’a bénéficié d’aucun entretien préalablement à la signature de la convention de rupture conventionnelle le 13 avril 2018, le salarié se réfère à au formulaire de rupture qui indique que la tenu de l’entretien s’est déroulé le 14 avril suivant. Il indique par ailleurs que cette entretien ne s’est en réalité jamais déroulé.

Au soutien de son affirmation selon laquelle la mention de la date du 14 avril 2018 résulte d’une erreur de plume et que l’entretien s’est en réalité déroulé le 14 mars 2018, l’intimée verse aux débats un courrier électronique daté du 20 décembre 2018, par lequel Monsieur [F] [Y], responsable d’agence, indiquait à Monsieur [G] [M], gérant de la société, qu’il s’était entretenu avec le salarié ‘le mercredi 14/03/18 l’après-midi pour discuter des conditions de cette procédure dans les locaux de Mugo à [Localité 6]’.

Il y a lieu de douter de la crédibilité du courrier électronique ainsi versé aux débats par l’employeur, en ce que celui-ci a été rédigé par le responsable hiérarchique du salarié, postérieurement à la signature de la convention de rupture conventionnelle litigieuse, et n’est corroboré par aucun élément extérieur.

Ainsi, alors qu’aucun élément ne permet de démontrer que la mention de la date du 14 avril 2018 telle qu’elle est mentionnée sur le formulaire de rupture conventionnelle résulterait d’une erreur de plume, il est établi que le salarié n’a bénéficié d’aucun entretien en vue de la signature de la convention de rupture conventionnelle.

Les circonstances selon lesquelles, d’une part, le salarié a lui-même sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail et, d’autre part, l’administration a homologué ladite convention ne sont de nature ni à démontrer que l’entretien litigieux s’est déroulé préalablement à la signature de la convention de rupture convention, ni à dispenser l’employeur de l’organisation dudit entretien.

En tout état de cause, bien que le salarié n’invoque expressément aucun vice du consentement, l’absence d’organisation d’un entretien entre les parties, en vue de convenir du principe de la rupture conventionnelle conformément à l’article L. 1237-12 du code du travail, suffit à entraîner la nullité de la convention litigieuse.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il déboute le salarié de ses demandes afférentes à la nullité de la rupture conventionnelle.

Sur les conséquences financières de la nullité de la rupture conventionnelle :

Lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de son salaire mensuel moyen (1.807,95 euros, au vu de ses trois derniers bulletins de salaire) et de son ancienneté de deux ans et dix mois au moment de la rupture de son contrat, le salarié est fondé à obtenir le versement de différentes sommes.

Le salarié, qui n’a pu accomplir le préavis d’une durée de deux mois prévu par l’article L. 1234-1 du code du travail, sera indemnisé par le versement d’une indemnité de préavis d’un montant de 3.615,90 euros, outre une somme de 361,59 euros au titre des congés payés y afférents.

Compte tenu des circonstances de la rupture et de son ancienneté au service de la société, il lui sera alloué une somme de 5.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il le déboute de ces chefs.

En revanche, il ne saurait solliciter de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement du niveau de classification conventionnelle TAM 1.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il le déboute de ce chef.

La cour précise que le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle perçu par le salarié n’excède pas le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement dont il était fondé à bénéficier, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’opérer une quelconque compensation.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail :

Il n’est nullement établi que Monsieur [U] a remplacé le salarié dans son poste de chef d’équipe durant son arrêt de travail, en ce qu’aucun élément ne permet de démontrer que ce dernier a effectivement exercé de telles fonctions, en dépit de l’intitulé du poste de travail pour lequel il a été recruté.

Le salarié ne saurait donc reprocher à l’employeur ni de lui avoir appliqué une classification inférieure à celle résultant du niveau TAM1, ni d’avoir procédé à une quelconque modification unilatérale de son contrat de travail en lui retirant ses prétendues fonctions d’encadrement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil sur les sommes susvisées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.

La remise de l’attestation Pôle emploi, d’un reçu pour solde de tout compte et d’un bulletin de paie rectificatif conformes au présent arrêt s’impose, sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code du travail et d’allouer à ce titre une somme de 2.000 euros au salarié.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 31 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Versailles, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [B] de sa demande tendant à ce qu’il bénéficie d’un repositionnement au niveau de classification conventionnelle TAM 1, de sa demande de rappel de salaire afférente au repositionnement conventionnel sollicité, de sa demande de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il a condamné la société à responsabilité limitée Mugo Paysage d’aujourd’hui à verser à Monsieur [E] [B] une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [E] [B] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société à responsabilité limitée Mugo Paysage d’aujourd’hui à verser à Monsieur [E] [B] les sommes suivantes :

– 1.350 euros à titre de rappel de prime ;

– 135 euros au titre des congés payés afférents au rappel de prime ;

– 3.615,90 euros à titre d’indemnité de préavis ;

– 361,59 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité de préavis ;

– 5.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l’article 1343-2 du code civil sont dus sur la créance salariale à compter du 8 décembre 2018, date de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes ;

Ordonne la remise par la société à responsabilité limitée Mugo Paysage d’aujourd’hui à Monsieur [E] [B] de l’attestation Pôle emploi, d’un reçu pour solde de tout compte et d’un bulletin de paie rectificatif conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société à responsabilité limitée Mugo Paysage d’aujourd’hui aux dépens

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en Pré-affectation, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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