Convention de rupture conventionnelle : 12 septembre 2018 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/03122

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Convention de rupture conventionnelle : 12 septembre 2018 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/03122

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 SEPTEMBRE 2018

N° RG 15/03122

AFFAIRE :

Gwendoline X…

C/

SARLAU ESM venant aux droits de Madeleine Y…, exerçant sous l’enseigne ‘Kiki et Galou’

Fédération UNION LOCALE CGT DE CHATOU

Décision déférée à la cour: jugement rendu le 04 mai 2015 par le conseil de prud’hommes-formation paritaire – de Montmorency

Section : commerce

N° RG : 14/00061

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELAS Z… AVOCATS

Me Olivier A…

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre:

Madame Gwendoline X…

[…]

comparante en personne,

assistée de Me Ghislain Z… S… AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANTE

****************

SARLAU ESM venant aux droits de Madeleine Y…, exerçant sous l’enseigne ‘Kiki et Galou’

Suite à un apport du fonds de commerce en date du 25 novembre 2015

[…]

représentée par Me Olivier A…, avocat au barreau de PARIS, vestiaire:E1730

INTIMEE

****************

Fédération UNION LOCALE CGT DE CHATOU

[…]

représentée par Me Ghislain Z… S… AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 22 juin 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU

Par jugement du 4 mai 2015, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– dit que la rupture est bien fondée sur une rupture conventionnelle au sens des articles L.1237-11 à L.1237-16 du code du travail,

– débouté Mme Gwendoline X… de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la société Y… Madeleine B… et Galou de ses demandes reconventionnelles,

– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens éventuels.

Par déclaration adressée au greffe le 4 juin 2015, Mme Gwendoline X… et l’Union Locale CGT de Chatou ont interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, demandent à la cour de :

sur les demandes de Mme X…,

– fixer la moyenne des salaires comprenant les heures supplémentaires sollicitées à la somme de 3 042,59 euros brut ou, subsidiairement, fixer la moyenne des salaires payés à la somme de 2665,48 euros brut,

– condamner Mme Madeleine Y… à lui payer les sommes suivantes :

. 8 827,39 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires à 125%,

. 882,74 euros brut à titre de congés payés y afférents,

. 4 748,50 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires à 150%,

. 474,85 euros brut à titre de congés payés y afférents,

. 1 621,43 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos,

. 162,14 euros brut à titre de congés payés y afférents,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée hebdomadaire maximale de travail,

. 18 255,54 euros à titre d’indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ou, subsidiairement, 15 992,88 euros à titre d’indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié,

. 50 000 euros à titre d’indemnité pour rupture conventionnelle nulle produisant les effets d’un licenciement nul ou, subsidiairement, d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 6 085,18 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 608,52 euros brut à titre de congés payés sur préavis ou, subsidiairement, 5 330,96 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 533,10 euros brut de congés payés sur préavis,

. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de santé et de sécurité de résultat,

. 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner, en fonction des condamnations intervenues, la délivrance des documents suivants sous astreinte journalière de 100 euros et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte : attestation Pôle emploi, certificat de travail, fiches de salaire,

– ordonner l’anatocisme,

sur les demandes de l’Union Locale CGT de Chatou,

– lui accorder la somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts en sa qualité de partie civile pour le préjudice subi par la collectivité des salariés,

– lui accorder la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner l’anatocisme.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la SARLAU ESM venant aux droits de Madeleine Y… exerçant sous l’enseigne «Kiki et Galou», demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

concernant Mme Gwendoline X…,

– la débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– dire qu’elle n’établit aucun manquement qui conduirait à la requalification ou à la nullité de la rupture conventionnelle signée le 30 mai 2013,

– constater que ladite rupture est régulière tant sur la forme que sur le fond et la valider,

– la débouter de ses demandes de dommages intérêt pour rupture conventionnelle nulle,

– dire que Mme Y… a justifié de la réalité des horaires réalisés par Mme X… pendant la période allant du 1er juillet 2010 au 31 juillet 2013,

– débouter Mme X… de sa demande relative au paiement des heures supplémentaires,

– débouter Mme X… de ses demandes de dommages intérêt pour violation de la durée hebdomadaire maximale du travail,

– débouter Mme X… de ses demandes de dommages intérêt pour harcèlement moral,

– débouter Mme X… de ses demandes de versement d’indemnité pour travail dissimulé,

– débouter Mme X… de ses demandes d’indemnité compensatrice obligatoire en repos et des congés payés y afférents,

– débouter Mme X… de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,

– dire qu’elle n’a commis aucune violation de l’obligation de santé et débouter Mme X… de sa demande de ce chef,

– condamner Mme X… à lui payer la somme de 3 000 euros pour procédure d’appel abusive,

– condamner Mme X… à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700du code de procédure civile, outre les dépens,

concernant l’Union locale CGT de Chatou,

– dire que sa constitution de partie civile est irrecevable,

à titre subsidiaire,

– constater que l’Union CGT de Chatou n’a pas établi l’existence d’un préjudice collectif et constater son défaut d’intérêt à agir dans la présente instance,

– débouter l’Union CGT de Chatou de l’intégralité de ses demandes,

– la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR,

Mme Madeleine Y…, qui exerce sous l’enseigne «Kiki et Galou», a pour activité principale la vente de prêt-à-porter.

Mme Gwendoline X… a été engagée par Mme Y…, en qualité de vendeuse, par contrat d’apprentissage du 25 août 1995 au 24 août 1997, puis par contrat à durée indéterminée du 27août 1997.

Elle a rapidement occupé les fonctions de responsable de magasin, moyennant un salaire mensuel de 2665,48 euros brut.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale du commerce de détail de l’habillement et des articles textiles.

Mme X… a été en arrêt maladie du 18 janvier au 18 mars 2012 puis en congés payés du 19 au 25 mars 2012.

Elle a repris le travail le 26 mars 2012 avant d’être arrêtée à compter du 30 mars 2012 jusqu’à la fin de sa grossesse.

Elle a accouché le 13 septembre 2012 puis a été en congé post-natal du 14 septembre au 4décembre 2012.

Après une reprise le 5 décembre 2012, la salariée a été en arrêt de travail du 8 décembre 2012 au 9 janvier 2013, prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 12 mars 2013, puis du 16 au 21 mars 2013 prolongé jusqu’au 23 avril 2013.

Du 24 avril au 4 juillet 2013, Mme X… a été en congés payés.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 avril 2013, Mme X… a confirmé à l’employeur une demande de négociation en vue d’une rupture conventionnelle.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 mai 2013, l’employeur a convoqué MmeX… à un entretien fixé le 15 mai 2013 aux fins de discuter des modalités de la rupture conventionnelle; à l’issue de cet entretien, il lui a remis en main propre une lettre la convoquant à un second entretien fixé le 24 mai 2013.

Le 30 mai 2013, une rupture conventionnelle a été signée entre les parties avec une date de rupture fixée au 7 juillet 2013.

Par lettre du 17 juin 2013, Mme X… a envoyé le formulaire de la rupture conventionnelle à la Direccte qui a homologué la rupture le 1er juillet 2013.

Le 20 janvier 2014, Mme X… a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency.

Sur les heures supplémentaires du 7 juillet 2010 à mars 2012 :

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, mais il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Après appréciation souveraine des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement l’importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s’y rapportant.

Mme X… soutient avoir effectué de juillet 2010 à mars 2012 des heures supplémentaires non rémunérées qui pour partie ont été effectuées entre la 44ème et la 48ème heure devant être majorées de 50%, et ainsi avoir effectué plus de 220 heures supplémentaires par an, un tel dépassement du contingent légal d’heures supplémentaires ouvrant droit au surplus au paiement du repos compensateur.

L’employeur réplique que la salariée a toujours été payée des heures supplémentaires déclarées, qu’en sa qualité de responsable de la boutique elle relevait les heures supplémentaires effectuées tant par les vendeurs que par elle-même, avant de les lui transmettre afin qu’elles soient communiquées au comptable pour mise en paiement.

Il n’est pas discuté que Mme X… exerçait les fonctions de responsable de magasin au sein duquel 4 vendeurs étaient affectés et était payée sur la base des 35 heures hebdomadaires de travail.

La salariée communique des tableaux mensuels de juillet 2010 à mars 2012 renseignés de façon manuscrite et remplis comme suit: chaque mois sont mentionnées les heures de travail journalières révélant 1 à 3 heures supplémentaires par jour et, pour certaines semaines, des heures supplémentaires au-delà de la 43ème heure de travail (à titre d’exemple: 45 heures de travail lasemaine du 5 juillet 2010, 49 heures les semaines des 9 et 16 août 2010, 49 heures la semaine du 8 novembre 2010, 50 heures les semaines des 6 et 13 décembre 2010, 66 heures la semaine du10janvier 2011, 70 heures la semaine du 17 janvier 2011, 66 heures la semaine du 20 juin 2011, 49 heures les semaines du 11 juillet et des 1er et 8 août 2011, 50 heures les semaines des 5et 12décembre 2011, 46 heures les semaines des 19 et 26 décembre 2011, 66 heures la semaine du 9 janvier 2012).

Elle produit les bulletins de paie sur la période litigieuse lesquels indiquent de façon occasionnelle le paiement d’heures supplémentaires majorées de 25% et allant de 8 heures (en novembre 2010, en janvier et février 2011) à 26 heures supplémentaires (en janvier 2012).

Mme X… produit en outre 5 attestations.

Mme C… affirme avoir travaillé au sein de la boutique gérée par la salariée qui était quotidiennement présente de 11h à 20h du lundi au vendredi et de 10h à 20h le samedi, ces horaires correspondant aux heures d’ouverture du centre commercial où se situe le magasin.

M. D…, un ami, confirme que Mme X… effectuait ces horaires de travail.

Mmes T…, X… et E… affirment chacune tenir une boutique située en face de celle gérée par Mme X… qui était tous les jours sur place pour superviser son équipe et qui faisait l’ouverture et la fermeture de la boutique «kiki et galou», laquelle était d’ailleurs la dernière à fermer au sein du centre commercial.

Ces éléments produits sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de produire ses propres éléments.

L’employeur allègue sans le démontrer que Mme X… n’était pas contrainte de faire ni l’ouverture ni la fermeture de la boutique.

Mme F…, expert-comptable, atteste que, chaque mois, M. Eric Y… lui transmet par mail les éléments de salaire de «Y… Madeleine», sur un tableau excel faisant apparaître pour chaque salarié, les heures supplémentaires effectuées au-delà de l’horaire prévu au contrat.

MM. G… et H…, et Mme I… affirment avoir travaillé au sein de la boutique gérée par Mme X… qui était responsable des plannings et «chargée de récolter les horaires» de chacun.

Aucun planning n’est produit.

L’examen des tableaux mensuels censés récapitulés les heures supplémentaires déclarées par MmeX… et produits par l’employeur révèle de nombreuses incohérences pour lesquelles il n’apporte aucune explication.

Ainsi, alors que Mme X… est en congés payés du 24 avril au 4 juillet 2013, il est indiqué qu’elle aurait effectué 5 heures supplémentaires en mai 2013 et 20 heures supplémentaires en juin2013.

Par ailleurs, en 2011 sont mentionnées 10 heures supplémentaires en juillet, 8 heures supplémentaires en novembre et 16 heures supplémentaires en décembre, lesdites heures supplémentaires n’apparaissant pas sur les bulletins de paie produits par Mme X… et non critiqués par l’employeur.

Il en résulte que les éléments produits par l’employeur ne sont pas de nature à rendre compte de la réalité des horaires de Mme X….

Dès lors, au vu des tableaux mensuels faisant mention de façon journalière et hebdomadaire des horaires de travail lesquels sont corroborés par des témoins, il sera alloué à Mme X… une somme de 8827,39 euros brut à titre de paiement d’heures supplémentaires majorées de 25% outre les congés payés afférents, et celle de 4748,50 euros brut à titre de paiement d’heures supplémentaires majorées de 50%, outre les congés payés afférents.

Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs.

Sur le repos compensateur :

Le dépassement du contingent légal d’heures supplémentaires (220h par an) étant démontré puisque sur l’année 2011 la salariée a effectué 415 heures supplémentaires, il sera alloué à MmeX… une somme de 1621,43 euros brut à titre de repos compensateur, outre les congés payés afférents.

Sur l’indemnité pour violation de la durée du travail hebdomadaire :

En application de l’article L. 3121-5, le durée du travail hebdomadaire ne peut dépasser 48 heures.

Ayant travaillé au-delà de cette durée au cours de plusieurs semaines, Mme X… a subi un préjudice qu’il convient de réparer en lui allouant une somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le travail dissimulé :

En application de l’article L. 8221-5, sont notamment réputés travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié et ouvre droit pour le salarié à l’indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire prévue à l’article L. 8223-1, le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités relatives à la délivrance d’un bulletin de paie ou le fait de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

L’intention frauduleuse de Mme Y… n’étant pas démontrée, il convient de débouter MmeX… de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la validité de la rupture conventionnelle :

En application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la validité de la rupture conventionnelle d’un contrat de travail suppose le libre consentement des parties.

En vertu de l’article 1130 du code civil, il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Mme X… soutient que son consentement à la rupture conventionnelle a été vicié eu égard au contexte de harcèlement moral dans lequel la convention de rupture a été signée.

L’employeur réplique que n’ayant pas subi de harcèlement moral, la salariée a consenti à la rupture conventionnelle de façon libre et éclairée.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.».

En application de l’article L.1154-1, interprété à la lumière de la directive n’ 2000/78/CE du 27novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme X… soutient avoir subi des conditions de travail éprouvantes et stressantes à son retour de congé maternité, soit à compter du 5 décembre 2012, se traduisant par des propos agressifs et misogynes de son patron, M. Eric Y…, la promotion d’un de ces collègues au poste de responsable et sa rétrogradation, des demandes répétées de l’employeur pour qu’elle quitte la société et accepte une rupture conventionnelle, et la dégradation de son état de santé

Au soutien de l’ensemble des griefs, Mme X… produit 9 attestations.

Sur les propos agressifs et misogynes :

Mme J… affirme sans autres précisions que Mme X…, son amie, lui a dit que M.Y… a tenu à son égard des propos déplacés.

Il en est de même s’agissant de Mmes U…, E…, K… L… et M… et M. D… dont les attestations se bornent à rapporter les dires de Mme X…, leur amie, sans jamais avoir été témoins directs de la tenue de tels propos à son égard.

Cependant, Mme C…, vendeuse, affirme avoir entendu M. Y… tenir, au quotidien, des propos misogynes concernant Mme X… et les femmes en disant ne plus vouloir recruter de femme «responsable de boutique» car elles peuvent tomber enceinte et être absentes lorsque l’enfant est malade, et en déclarant que Mme X… a «profité du système» en ayant été longuement arrêtée pendant et après sa grossesse.

Elle ajoute que M. Y… a été «très en colère» et «très mécontent» de l’arrêt de travail de MmeX… quelques jours seulement après sa reprise.

Mme N… O…, vendeuse, affirme avoir également entendu M. Y… dire être persuadé que MmeX… ne reprendrait pas son poste après sa grossesse et qu’elle «nuisait au bon fonctionnement de l’entreprise».

Mme P… X…, vendeuse, affirme avoir été témoin de tels propos tenus par M.Y… à l’égard de la salariée et corrobore de façon précise et circonstanciée les déclarations de MmesC… et N… O….

Sur la promotion d’un collègue au poste de responsable et sa rétrogradation :

Mmes C…, N… O… et P… X…, vendeuses et collègues de Mme X…, affirment de façon claire et précise que pendant son congé maternité, M. Y… leur avait dit ainsi qu’à toute l’équipe, que M. Frédéric G…, un de leur collègue vendeur, serait désormais leur nouveau «responsable cadre» remplaçant définitivement sur ce poste Mme X… qui redevenait vendeuse.

Sur les demandes répétées afin de quitter la société et accepter une rupture conventionnelle :

Si les 9 témoins affirment que M. Y… a proposé à plusieurs reprises à Mme X…, à son retour de congé maternité, de mettre un terme à son contrat de travail, il doit être relevé qu’aucun d’eux n’a été témoin direct d’une telle proposition et qu’ils ne font que rapporter les dires de la salariée.

Sur la dégradation de son état de santé:

Après avoir repris son poste le 5 décembre 2012, Mme X… a été arrêtée du 8 décembre 2012 au 11 février 2013 pour dépression post-partum, tel que cela résulte de l’arrêt de travail produit.

Puis du 16 mars au 23 avril 2013, elle a été arrêtée pour dépression et hypertension.

Mme X… justifie d’un suivi du 20 février au 22 mai 2013 par une psychologue au centre de protection maternelle et infantile du département de l’Oise.

Les faits ainsi répétés et établis par Mme X…, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Il revient donc à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

L’employeur fait valoir que Mme X… était «choyée» au sein de l’entreprise disposant d’horaires aménagés et prenant «de longues pauses déjeuner», que MM. Q… et R…, collègue et client, attestent que M. Y… la considérait comme sa fille et qu’elle a souffert d’une dépression post-partum.

Sur la rétrogradation et la promotion d’un collègue au poste de responsable de magasin, il affirme sans le démontrer que les tâches dévolues à M. G…, responsable statut cadre, sont distinctes de celles de Mme X….

Enfin, il ne fournit aucune explication s’agissant des propos misogynes et agressifs ni n’apporte un commencement d’explication en lien avec des décisions externes et/ou internes à l’entreprise pouvant justifier la rétrogradation et la promotion d’un collègue au poste de responsable de magasin alors que Mme X… occupait de telles fonctions depuis de nombreuses années.

Faute pour l’employeur de prouver que les agissements laissant présumer d’un harcèlement moral ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le harcèlement moral subi par Mme X… est établi.

Le harcèlement moral subi par Mme X… a occasionné une dégradation des conditions de travail qui a porté atteinte aux droits et à la dignité de la salariée et a dégradé son état de santé; le préjudice ainsi subi sera réparé par l’allocation d’une somme de 2000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Il ressort de ces éléments qu’à la date de signature de la convention de rupture conventionnelle, soit le 30 mai 2013, Mme X… était dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral ci-dessus établi et des troubles psychologiques qui en sont découlés; dès lors, son consentement a été vicié et il convient d’annuler la convention de rupture conventionnelle laquelle produit les effets d’un licenciement nul.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour licenciement nul :

Le salarié victime d’un licenciement nul dont la réintégration est impossible ou qui ne la demande pas a droit aux indemnités de rupture ainsi qu’à une indemnité au moins égale à six mois de salaire au titre du caractère illicite du licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 34 ans, de son ancienneté de 16 ans, dans l’entreprise, du montant de sa rémunération moyenne mensuelle incluant le rappel d’heures supplémentaires, du fait qu’elle n’a pas retrouvé un emploi durable, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 28 0000 euros.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

L’employeur sera en outre condamné à payer à Mme X… une somme de 6085,18 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

Sur le non-respect de l’obligation de sécurité :

En vertu des articles L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

En conséquence, dès lors que l’employeur ne justifie d’aucun mesure prise pour prévenir les situations de harcèlement moral, et que la salariée en a étévictime, il convient d’allouer à MmeX… une indemnité de 1 000 euros en réparation du préjudice subi.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sans qu’il soit besoin d’assortir cette mesure d’une astreinte, il convient d’ordonner à l’employeur de remettre à Mme X… une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et un certificat de travail rectifiés.

Sur l’action de L’Union Locale CGT de Chatou :

En application de l’article L. 2132-3, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Faute de rapporter la preuve d’un préjudice causé à l’intérêt collectif des salariés, L’Union Locale CGT de Chatou sera déboutée de sa demande d’indemnité.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARLAU ESM venant aux droits de Madeleine Y… exerçant sous l’enseigne «Kiki et Galou», à payer à Mme X… les sommes suivants:

. 8827,39 euros brut à titre de paiement d’heures supplémentaires majorées de 25%,

. 882,73 euros à titre de congés payés afférents,

.4 748,50 euros brut à titre de paiement d’heures supplémentaires majorées de 50%,

. 474,85 euros à titre de congés payés afférents,

. 1621,43 euros brut à titre de repos compensateur,

. 162,14 euros à titre de congés payés afférents.

. 2000 euros à titre d’indemnité pour violation de la durée du travail hebdomadaire,

. 2000 euros à titre d’indemnité pour harcèlement moral,

. 28000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

. 6085,18 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 608,51 euros brut à titre de congés payés afférents,

. 1 000 euros à titre d’indemnité pour manquement à l’obligation de sécurité,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la SARLAU ESM venant aux droits de Madeleine Y… exerçant sous l’enseigne «Kiki et Galou» de remettre à Mme X… une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et un certificat de travail rectifiés,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la SARLAU ESM venant aux droits de Madeleine Y… exerçant sous l’enseigne «Kiki et Galou», à payer à Mme X… la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour l’intégralité de la procédure,

Déboute l’Union Locale CGT de Chatou de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour l’intégralité de la procédure.

Déboute la SARLAU ESM venant aux droits de Madeleine Y… exerçant sous l’enseigne «Kiki et Galou» de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier Le président

 


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