COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10616 F
Pourvoi n° V 20-14.151
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 NOVEMBRE 2021
La société Julbo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 20-14.151 contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société ADS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Sylvea, venant aux droits de la société ADS, défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Le Prado, avocat de la société Julbo, de la SCP Boulloche, avocat de la société ADS, anciennement dénommée Sylvea, après débats en l’audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Julbo aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Julbo et la condamne à payer à la société ADS, anciennement dénommée Sylvea, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Julbo.
Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué, D’AVOIR condamné la société Julbo à payer à la société ADS la somme de 240 323 euros, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale de la relation commerciale établie et D’AVOIR en conséquence débouté la société Julbo de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « la cour constate, d’une part que le litige porte sur le caractère brutal ou non de la rupture de la relation commerciale, d’autre part que la société A.D.S ne demande pas une indemnisation qui serait fondée sur une inexécution partielle du préavis de 14 mois accordé, mais seulement un allongement du préavis de 10 mois pour aboutir à 24 mois ; qu’il convient de relever que la société Julbo n’aurait pas manqué de rompre la relation commerciale sans préavis si la société A.D.S avait commis des fautes suffisamment graves dans l’exécution de ses obligations ; qu’au contraire, elle lui a accordé un préavis de 14 mois et ne formule aucune demande de dommages-intérêts dans le cadre de la présente instance ; qu’en tout état de cause, les quelques défauts constatés en 2013 et début 2014 ne constituent pas des manquements graves ; que par ailleurs la société Julbo ne peut valablement reprocher à la société A.D.S un retard dans la livraison de la gamme Life, commandée en novembre 2013 et le 13 mars 2014, sans précision de délais de livraison, alors qu’elle avait repris les moules nécessaires à la fabrication en février 2014 ; qu’un préavis était ainsi dû à la société A.D.S. ; que celle-ci justifie de l’ancienneté de la relation commerciale établie depuis 1995 par une attestation de M. [E] [L] qui précise que, propriétaire de l’entreprise A.D.S jusqu’au 31 mars 2001, il a eu la société Julbo comme cliente depuis 1995 jusqu’à la date de cession de son entreprise ; de plus, Mme [Z] atteste qu’elle a été employée de la société Julbo de janvier 1998 à mars 2018, qu’elle a collaboré avec la société A.D.S par l’intermédiaire de M. [E] [L] jusqu’en avril 2001 puis avec M. [K] par la suite et que la société A.D.S était l’un des fournisseurs principaux pour la fabrication et le conditionnement des produits Julbo ; que s’il apparaît qu’une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail a été signée entre la société Julbo et Mme [Z], dont le contenu n’est pas révélé, cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause la véracité des faits relatés par Mme [Z] ; qu’ainsi la relation commerciale établie, initialement nouée avec M. [E] [L] en 1995, s’est poursuivie en 2001 après la cession du fonds de commerce ; que la société A.D.S ne démontre pas avoir réalisé des investissements spécialement dédiés à la réalisation des produits de son donneur d’ordre ; que cependant, si aucune clause d’exclusivité ne lui était imposée, la société A.D.S, qui fabriquait des montures pour son donneur d’ordre, acteur majeur sur le marché de la lunette, à l’aide de moules et outillages mis à sa disposition par celui-ci, ne pouvait avoir que de grandes difficultés à diversifier sa clientèle auprès d’entreprises concurrentes ; que contrairement à ce qu’elle affirme, la société Julbo n’a pas proposé à la société A.D.S une prolongation du délai de préavis de 6 mois ; qu’en effet, une telle prolongation aurait impliqué un maintien des conditions commerciales antérieures ; qu’or il apparaît que par courriel du 24 mars 2015 et ses pièces jointes, la société Julbo a proposé de prolonger de 6 mois leur collaboration dans certaines conditions, notamment une charge moyenne de 3.500 pièces par semaine, au lieu de 4.700 avant la rupture, et l’arrêt de la fabrication de présentoirs ainsi que d’un marquage publicitaire ; qu’il n’est pas contesté que ces deux dernières activités avaient généré les chiffres d’affaires respectifs de 78.296 euros et de 43-687 euros en 2013, le reste du chiffre d’affaires 2013, soit 922.432 euros, étant constitué par la production de lunette ; que dès lors, la société Julbo est mal fondée à reprocher à la société A.D.S d’avoir refusé sa proposition ; que le tribunal ne pouvait donc retenir l’existence d’un préavis de 20 mois ; qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, la société Julbo aurait dû accorder à la société A.D.S un préavis de 18 mois, nécessaire pour lui permettre de ré-organiser son activité ; que l’insuffisance de préavis est donc de 4 mois ; que la société Julbo conteste le préjudice invoqué en faisant valoir que le taux de marge brute dans le domaine de la plasturgie est inférieur à 10 % ; mais la société A.D.S justifie, par la production de ses comptes sociaux et par attestation de son expert-comptable, avoir réalisé une marge brute moyenne de 720.968,87 euros par an sur les trois dernières années 2012, 2013 et 2014, soit une marge brute moyenne de 60.080,74 euros ; qu’en conséquence, la société Julbo devra lui payer la somme de 240.323 euros, à titre de dommages-intérêts ; que la société A.D.S n’ayant pas agi avec une légèreté blâmable, la société Julbo doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive » ;
1) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu’en l’espèce, en énonçant, pour retenir que la société ADS se trouvait dans un état de dépendance économique à l’égard de la société Julbo, qu’elle ne pouvait avoir que de grandes difficultés à diversifier sa clientèle auprès d’entreprises concurrentes, sans fournir aucun motifs susceptible de venir justifier une telle affirmation, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l’état de dépendance économique ne peut être retenu comme un facteur propre à imposer un allongement du délai de préavis que pour autant qu’il ne procède pas, pour la société concernée, d’un choix délibéré de ne pas diversifier son activité ; qu’en l’espèce, en retenant que la société ADS se trouvait dans un état de dépendance économique à l’égard de la société Julbo de nature à imposer un allongement du délai de préavis, sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Julbo, si elle ne s’était pas elle-même placée dans cet état de dépendance économique en s’abstenant de diversifier ses activités, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6, I, 5°, du code du commerce dans sa version applicable au litige.