10/06/2022
ARRÊT N°2022/331
N° RG 20/00710 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NPLN
MD/CD
Décision déférée du 30 Janvier 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/01804)
S. FAURY
Section Encadrement
[Y] [J]
C/
S.A. CLINIQUE DE L’UNION
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [Y] [J]
51 bis chemin de Gagnac
31790 SAINT-JORY
Représenté par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A. CLINIQUE DE L’UNION
Bld de Ratalens B.P. 24336
31243 SAINT JEAN CEDEX
Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.DARIES, conseillère et N.BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
M. [Y] [J] a été embauché le 23 mai 2012 par la SA Clinique de l’Union en qualité de responsable paie et gestion du personnel suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de l’hospitalisation privée à but lucratif.
Par lettre en date du 27 novembre 2017, M. [J] a sollicité le bénéfice d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Le 11 décembre 2017, une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail et un formulaire CERFA de demande d’homologation ont été signés entre les parties.
La demande d’homologation a été adressée à la DIRECCTE par lettre du 4 janvier 2018 qui en a accusé réception le 04 janvier 2018.
L’homologation tacite prenait effet au 23 janvier2018.
M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 8 novembre 2018 pour voir déclarer nulle la convention de forfait jours et solliciter le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, par jugement du 30 janvier 2020, a :
– jugé que la convention de forfait en jours est inopposable à Monsieur [Y] [J] de l’année 2012 à l’année 2015,
– jugé que cette convention de forfait en jours lui est opposable pour les années 2016 et 2017,
-débouté Monsieur [Y] [J] de sa demande relative aux heures supplémentaires,
– jugé que le travail dissimulé n’est pas caractérisé,
– jugé que Monsieur [Y] [J] n’a pas subi une inégalité de traitement,
– jugé qu’il n’est pas démontré une tromperie de l’employeur dans le cadre de la rupture conventionnelle,
– débouté Monsieur [Y] [J] de toutes ses autres demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge de Monsieur [Y] [J] qui succombe.
Par déclaration du 25 février 2020, M. [J] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 14 février 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRETENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 3 mars 2022, M. [Y] [J] demande à la cour de :
-le recevoir en son appel,
-infirmer, à titre principal, le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de nullité de la convention de forfait en jours, subsidiairement, l’infirmer en ce qu’il a dit et jugé que la convention de forfait en jours lui était opposable pour les années 2016 et 2017,
-infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et a dit que le travail dissimulé n’était pas caractérisé,
-infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre de:
. l’inégalité de traitement,
. dommages et intérêts pour tromperie dans le cadre de la rupture conventionnelle,
. l’article 700 du code de procédure civile et de l’intégralité de ses demandes,
-statuant à nouveau,
-dire la convention de forfait en jours figurant au contrat de travail sinon nulle, du moins privée d’effet,
-condamner la clinique de l’Union au paiement des sommes de :
*66 167,32 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 6 616,73 euros de congés payés afférents, subsidiairement 51 729,84 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 5 172,98 euros de congés payés afférents,
*46 091,99 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre 4 609,20 euros de congés payés afférents,
*prime statutaire : 3 144,16 euros,
*rappels de salaires au titre du solde de tout compte :
sur éléments bruts : 13 362 ,77 euros,
sur Indemnité rupture conventionnelle : 3 361,86 euros,
* 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours,
* 25 000 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,
* 36 000 euros de rappel de salaire au titre de la prime de fonction, outre 3 600 euros de congés payés afférents,
*25 000 euros en réparation du préjudice subi pour perte de chance de n’avoir pas pu conserver son poste au sein du groupe auquel appartient la clinique,
*5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouter la clinique de l’intégralité de ses demandes et la condamner aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 7 mars 2022, la SA Clinique de l’Union demande à la cour :
-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a considéré que la convention de forfait en jours n’était pas opposable à M. [J] de l’année 2012 à l’année 2015,
-déclarer irrecevables ou injustifiées les demandes de M. [J],
-le débouter de l’ensemble de ses demandes,
-en toute hypothèse, condamner M. [J] au paiement de la somme de 2.000 euros au profit de la Clinique de l’Union sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 1er avril 2022.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS:
I/ Sur l’inégalité de traitement et la prime de fonction:
Il résulte du principe d’égalité de traitement que tout employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
En cas de litige, le juge effectue une analyse comparée des missions, tâches et responsabilités des salariés, afin de déterminer s’ils se trouvent dans une situation identique ou similaire.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement en matière de salaire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
* M. [J] expose que:
– il a eu connaissance du versement mensuel d’une ‘prime de fonction’ à certains cadres de la clinique placés dans une situation similaire à la sienne et qu’il n’a pas perçue, ainsi qu’à des salariés en charge de l’encadrement d’équipes de soignants:
Mesdames [V] [I], [G] [H], [B] [W], pour 1000,00 euros,
– la prime a été également versée à:
.certains cadres n’ayant pas de mission d’encadrement « soins », ainsi Mme [N] [F] [C], Responsable assurance qualité et M.[X] [M], Médecin gériatre,
. certains salariés non-cadres, ayant le statut de technicien, agent de maîtrise,
– au contraire elle n’a pas été attribuée à des salariés, statut cadre, ni aux deux Directrices des soins, Mesdames [D] et [L], en charge de la coordination et de la supervision des services médicaux de la clinique.
– il avait alerté l’employeur en février 2017 au sujet de l’écart de rémunération entre la sienne et celle des autres membres de l’encadrement lors de l’entretien ‘temps de travail’.
L’appelant invoque une inégalité de traitement non objectivée par l’employeur, au regard du large périmètre de ses fonctions, prenant en charge, en sus de celles de Responsable Paie, des missions relevant des ressources humaines.
Il réclame paiement d’un rappel de salaire de 36000 euros au titre de la prime de fonction, outre 3600 € de congés payés afférents.
* La clinique réplique que:
– M.[J], responsable paie et gestion du personnel, n’est pas dans une situation objectivement identique à celle des personnels encadrant les services de soins et dont les sujétions ne sont pas similaires, comme les cadres « responsables d’un service médical »: Madame [H], responsable du service « Membre supérieur » depuis le 27 décembre 2010, Madame [W] responsable du service cardiologie-pneumologie depuis le 1er avril 2011, Madame [I] responsable du service des urgences et de l’endoscopie digestive depuis le 1 er juillet 2002 ou Monsieur [M], médecin gériatre, assurant la fonction de ‘coordination gériatrie’, tel qu’il ressort des contrats de travail.
– elle attribue une prime au même intitulé à d’autres salariés:
soit en complément de missions particulières :
. Madame [F] [C], cadre, au titre de « coordinateur gestion des risques » à laquelle il a été confié une mission supplémentaire consistant à gérer une partie du contentieux de la clinique et dont le montant de la prime a été augmenté,
. Madame [Z], non cadre, a bénéficié de la prime lorsqu’elle s’est vue confier une mission complémentaire de management des équipes administratives accueil et facturation,
soit pour attirer des candidats potentiels sur des postes de travail pour lesquels elle rencontre des difficultés de recrutement compte tenu du niveau des minimas conventionnels, la prime étant soit contractualisée dès l’embauche pour des salariés non-cadres ( Madame [A] [O]), variable en fonction des postes occupés et inférieure à la « prime de fonction » forfaitaire perçue par les membres de « l’encadrement soins ».
La clinique communique à cet effet les contrats de travail.
Sur ce:
La fiche de poste de M. [J] intègre au titre de ses fonctions, celles relatives aux ressources humaines et ne fait pas ressortir une sujétion particulière comparable à celle de cadres aux missions d’encadrement dans les services de soins. Il n’établit pas non plus exercer de mission complémentaire spécifique, non prévue par la fiche de poste, ce d’autant qu’un directeur opérationnel a été nommé en mars 2016 dans le service.
Aussi, au vu des éléments objectifs opposés par l’employeur sur l’inégalité de traitement, M. [J] sera débouté de sa demande de rappel de prime. Le jugement du Conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce point.
II/ Sur la convention de forfait en jours:
M.[J] invoque:
. en premier lieu la nullité de la convention de forfait en jours du fait de l’insuffisance des garanties en matière de santé et de sécurité des salariés prévues par l’accord collectif conclu au sein de la Clinique de l’Union,
. en second lieu, le non respect par l’employeur de celles déterminées par le dit accord. la privant d’effet.
Au sein de la clinique de l’Union, les cadres exerçant en autonomie sont soumis à une convention de forfait en jours régie par l’accord d’entreprise sur la réduction et l’aménagement du temps de travail conclu le 24 mai 2002 suivi d’un avenant du 15 juillet 2016.
* M. [J] énonce que cet accord n’est pas conforme aux dispositions légales (loi du 08 août 2016 et article L 3121-65 du code du travail) comme ne prévoyant pas:
. le droit à la déconnexion des salariés en forfait jours, une charte sera conclue le 11-03-2019 mais postérieurement à la rupture conventionnelle,
. des mesures quant au suivi de la charge de travail.
* La clinique objecte que l’accord prévoit des dispositions sur le suivi de la charge de travail du salarié, que le droit à la déconnexion résultant de la loi Travail du 8 août 2016, elle a mis en oeuvre des démarches à cet effet et M. [J] ne démontre pas avoir subi un préjudice.
Sur ce:
Les accords antérieurs à la loi du 20 août 2008 devaient préciser ( ancien article L 212-15-3) le nombre de jours travaillés (218 maximum), les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, les conditions de contrôle de son application, les modalités de suivi de l’organisation du travail du salarié, de l’amplitude de ses journées d’activité, et de la charge de travail qui en résulte.
S’agissant du suivi, l’employeur devait organiser au moins un entretien annuel individuel (prévu expressément par l’article L 3121-46 du code du travail – loi du 20 août 2008) portant sur la charge de travail, la rémunération, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle.
Depuis la loi Travail du 08 août 2016, l’exécution d’une convention individuelle de forfait conclue sur le fondement d’un accord collectif insuffisant peut être poursuivie sous réserve que l’employeur respecte les dispositions supplétives prévues par l’article L3121-65 du code du travail, à savoir:
‘1° L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2° L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l’article L. 3121-64, les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l’article L.2242-17.’
En l’espèce, l’accord du 24 mai 2002 prévoit un forfait de 205 jours de travail avec une durée maximale de travail hebdomadaire de 42 heures et que les cadres autonomes établissent eux-mêmes un relevé mensuel de leur activité qui précise les jours travaillés et les jours non travaillés, ce relevé étant signé en fin de mois par le salarié et remis à la direction pour visa.
L’avenant du 12 juillet 2016 mentionne notamment à l’article 24 sur les modalités de suivi de l’organisation du travail, du repos compensateur, de l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail:
– si le décompte des journées de travail du salarié et le respect des temps de repos font l’objet d’un suivi par la hiérarchie, les salariés concernés sont directement tenus de veiller eux-mêmes au respect de leur temps de repos quotidien et hebdomadaire,
– l’organisation du travail du cadre autonome fait l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et au respect des dispositions légales en matière de durée maximale de travail et d’amplitude et de durée minimale de repos,
– un entretien annuel individuel sera organisé par l’employeur, qui aborde la charge de travail des salariés, le respect des durées maximales de travail d’amplitude, le respect des durées minimales des repos, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale la rémunération du salarié,
– en complément, le cadre peut demander un entretien pour aborder les thèmes concernant la charge de travail, les durées de travail, etc.
– compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales est suivi au moyen du logiciel de gestion du temps, seront enregistrées les journées et ou demi-journée travaillées et non travaillées au cours de chaque mois,
– toute demande d’autorisation d’absence fera l’objet, préalablement à la prise du jour de repos à l’établissement d’une demande d’autorisation d’absence pour validation du hiérarchique en qualifiant l’absence telle que congés payés, jour repos forfait jour.
Le droit à la déconnexion a été instauré par la Loi Travail, soit postérieurement.
Le contrat de travail de M. [J] a été signé le 23 mai 2012, date à laquelle s’appliquait l’accord d’entreprise du 24 mai 2002 et mentionne que la gestion du temps de travail du salarié sera effectuée conformément à son statut soit en forfait jours (206 jours) et que les parties se réfèrent à la convention collective nationale de la fédération de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.
Les dispositions de l’accord d’entreprise de mai 2002 organisent le suivi mensuel du temps de travail par le biais d’un relevé déclaratif du salarié devant être visé par le supérieur hiérarchique.
Si Monsieur [J] reconnaît que la clinique a mis en place des relevés dénommés ‘suivi temps hebdo’,il énonce que celle-ci ne respectait pas les durées maximales de temps de travail prévues par l’accord de 2002, tel qu’il ressort d’horaires hebdomadaires de plus de 50 heures.
Il y a lieu de considérer que les dispositions de l’accord de mai 2002 sont insuffisantes à garantir une protection de la sécurité et de la santé du salarié, en l’absence d’autre modalité de contrôle effectif et régulier par l’employeur de la charge de travail et de l’amplitude journalière et hebdomadaire (validation par les ressources humaines, entretien annuel sur les modalités d’organisation, dispositif d’alerte par le salarié en cas de difficulté), ce d’autant que les relevés ‘suivi temps hebdo’ produits par le salarié ne comportent pas de visa d’un supérieur hiérarchique.
Aussi la convention de forfait sera déclarée nulle.
Si l’avenant à l’accord social et salarial du 12 juillet 2016, antérieur à la Loi Travail d’août 2016, prévoit des modalités de suivi de la charge de travail plus étayées, l’employeur n’a pas fait signer au salarié de nouvelle convention de forfait individuelle sur le fondement de ces dispositions qui lui sont donc inopposables.
Il est au surplus à relever que le seul entretien ‘temps de travail’ a eu lieu le même jour que l’entretien annuel d’évaluation 2016 et l’entretien professionnel soit le 08 février 2017.
Monsieur [J] fait part d’une charge importante de travail et s’il reconnaît que depuis l’arrivée en mars 2016 d’un directeur opérationnel, il est mieux à même de se projeter sur les enjeux de la fonction au regard des attentes de la direction du site et du groupe, il déclare qu’il organisera au mieux la prise de ses journées RTT ‘ mais les échéances qui se succèdent de semaine en semaine ne conduiront pas à privilégier le repos au détriment des missions qui me sont dévolues’.
Si le manager conclut que le salarié doit s’organiser pour prendre ses RTT au regard des contraintes de l’activité et donc a pris connaissance de la charge de travail de l’intéressé ( qu’il qualifie de conséquente pour l’année charnière 2017 avec la charge inhérente au changement de logiciel), l’employeur n’a pas mis en place de nouvel entretien ou mesure concrète pour échanger de façon plus rapprochée sur l’évolution de la charge de travail avant la rupture conventionnelle intervenue en décembre 2017.
Aussi Monsieur [J] est en droit de formuler une prétention au titre d’heures supplémentaires sur le fondement du droit commun.
III/ Sur les heures supplémentaires et la demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait:
L’article L 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Monsieur [J] affirme qu’il a accompli régulièrement 55 à 60 heures de travail supplémentaires, démontrant le caractère excessif de sa charge de travail.
Il verse à l’appui de sa prétention:
– les fiches hebdomadaires de ‘suivi des temps’, selon des données provenant de l’outil informatisé de pointage et de calcul du temps de travail dit « Octime » de la Clinique du 16-12-2012 au 30-12-2017,
– les ‘plannings’ mentionnant le nombre d’heure global de travail par jour,
le salarié précisant que les jours de congés payés ou de RTT ont été ‘neutralisés’ comme ayant été travaillés sept heures et ne génèrent pas ainsi d’heures supplémentaires.
Monsieur [J] prétend, dans le cas où la prime de fonction n’est pas due, au paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires majorées à 25% et 50% à hauteur de 51 729,84 € outre 5 172,98 € de congés payés afférents pour les années 2015 à 2017. ll indique avoir soustrait de sa demande les heures supplémentaires portées sur le bulletin de salaire de janvier 2018.
Les éléments versés par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
*La clinique conclut au débouté et subsidiairement de réduire le montant à de plus justes proportions.
Elle fait valoir que:
– les plannings présentent des incohérences, certains plannings mentionnant des heures supplémentaires alors que le salarié était en congés ( en novembre et décembre 2015, février et juillet 2016, mars et août 2017)
– M. [J] n’a pas tenu compte des jours de repos dont il a bénéficié du fait de la convention de forfait en jours, soit 22 jours de RTT (154 heures) en 2015, en 2016, et 21 jours (147 heures) en 2017et qui doivent être déduits pour 11165,70 €,
– doivent l’être également les sommes réglées sur le bulletin de salaire de janvier 2018 de 5260.01 € au titre des heures supplémentaires et 23123,55 euros au titre du solde des heures de CET non récupérées.
Sur ce:
M.[J] peut revendiquer des heures de travail supplémentaires rémunérées à 25 % et 50 % en application du droit commun, le versement d’un salaire supérieur au salaire minimum conventionnel ne pouvant tenir lieu de réglement des heures supplémentaires.
A défaut par l’employeur de justifier du nombre effectif des heures de travail réalisées par M.[J], il ressort des éléments versés par celui-ci et de ses fonctions qu’il a accompli un grand nombre d’heures supplémentaires non rémunérées et non compensées.
Il sera tenu néanmoins tenu compte des observations de l’employeur s’agissant des jours de RTT (jours de réduction du temps de travail) acquis du fait du forfait en jours mais dont le paiement à hauteur de 11165,70 euros ( montant non contesté) doit être déduit à la suite de la privation d’effet de la convention de forfait, ainsi que s’agissant des heures supplémentaires pour janvier 2018, le salarié ne démontrant pas avoir accompli des heures en plus de celles effectivement rémunérées.
Concernant la demande de déduction du paiement du solde CET non récupérées pour 23123,55 euros,à défaut par l’employeur de justifier des périodes concernées, il ne sera tenu compte que des heures effectivement décomptées par M. [J] pour les années 2015 et 2016. Il est à noter que ce dernier a également déduit les heures supplémentaires payées pour 2017 à hauteur de 164 heures en janvier 2018.
Au regard des éléments et explications fournies par chaque partie, la cour a la conviction que M. [J] a accompli des heures supplémentaires majorées à 25% et 50%:
pour l’année 2015 de 383 heures, l’année 2016 de 594 heures et l’année 2017 de 509 heures,
pour un total de 45436,43 euros,
dont il convient de déduire la somme de 11165,70 euros correspondant au paiement des jours de RTT,
soit un solde dû de 34270,73 euros outre 3427,07 euros de congés payés afférents.
* M. [J] sollicite en outre 5000,00 euros de dommages et intérêts pour nullité de la clause de forfait.
L’employeur conclut au débouté.
L’appelant sera débouté de sa demande, ne démontrant pas un préjudice distinct de la réparation allouée par le paiement des heures supplémentaires et de la contrepartie en repos.
IV/ Sur la contrepartie obligatoire en repos:
En application de l’article L3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires conventionnelles ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos laquelle est égale à 100 % pour les entreprises de 20 salariés et plus.
Le contingent est fixé à 130 heures supplémentaires aux termes de la convention collective applicable.
M. [J] sollicite 46 091,99 € à ce titre outre 4 609,20 € de congés payés afférents.
La clinique conclut au débouté en l’absence de détail sur le mode de calcul et de ce qu’ils sont effectués sur la base de relevés de temps erronés.
La société sera condamnée à payer pour les années 2015, 2016 et 2017 la somme de 25643,47 euros à titre d’indemnité pour contre-partie obligatoire en repos ( soit 5838,32 + 10684,37 + 9120,78) outre 2564,34 euros de congés payés afférents.
V/ Sur le travail dissimulé:
L’article L. 8221-5 du Code du travail dispose qu’« est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur (..) de mentionner sur le bulletin de paie (.. ) un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ».
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
M. [J] expose qu’à l’exception du bulletin de salaire du mois de janvier 2018 portant un nombre d’heures supplémentaires inférieur à celui réalisé, les autres bulletins de salaire ne mentionnent pas d’heure de travail au-delà de l’horaire mensuel, à savoir 151,67 heures.
Il indique également d’avoir signalé à la Clinique des points de vigilances sur les risques encourus s’agissant des forfaits jours.
Il réclame la somme de 25 000 € au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé.
La clinique dénie toute volonté de dissimulation. Elle objecte que M. [J] étant soumis à une convention de forfait en jours excluant tout décompte horaire de son temps de travail, les bulletins ne comportent pas d’heures supplémentaires. La seule référence d’un horaire de travail à hauteur de 151.67 heures de travail sur les bulletins de paie jusqu’au mois de décembre 2017 relève, soit d’une erreur (alors même que l’intéressé aurait dû y prêter attention de par ses fonctions) soit d’une nécessité induite par le logiciel de paie, sans raison objective.
Elle ajoute que sur la base d’une rémunération mensuelle brute moyenne de 3 722.08 €, le salarié ne pourrait prétendre à une somme supérieure à 22 332.48 €.
La cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires par M. [J] et que le défaut de contrôle des heures de travail effectivement réalisées alors que l’intéressé était soumis à une convention de forfait en jours ne permet pas de caractériser l’intention frauduleuse nécessaire à l’établissement du travail dissimulé. M.[J] sera débouté de sa demande en ce sens et le jugement du conseil de prdu’hommes sera confirmé.
VI/ Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi dans le cadre de la rupture conventionnelle:
M. [J] soutient qu’à la date de rupture conventionnelle signée en décembre 2017, il a été victime de tromperie, le motif économique invoqué par la clinique étant injustifié.
Il rappelle qu’en octobre 2017, une annonce de réorganisation pour motif économique des fonctions paie, RH, finance, comptabilité de toutes les cliniques du groupe (dont celle de l’Union) avec regroupement des activités sur une plate-forme en région parisienne a été faite, suivie en décembre 2017, de celle d’un Plan de Départ Volontaire.
Or en juillet 2018, est intervenue une annonce de projet d’Offre Publique d’Achat de Ramsay GDS sur Capio Monde.
M. [J] considère qu’il a perdu une chance de pouvoir évoluer dans le groupe Ramsay GDS et de bénéficier des différents avantages offerts alors qu’il n’a retrouvé qu’un emploi moins rémunéré.
Il réclame 25000 euros de dommages et intérêts pour préjudice subi.
La clinique conteste toute incitation de sa part et tout vice du consentement affectant la rupture conventionnelle, sollicitée par M. [J] par courrier du 27 novembre 2017, et pour laquelle 2 entretiens ont eu lieu.
La clinique explique que:
– elle a fait part des mesures de restructuration et des mesures sociales d’accompagnement au profit des salariés concernés au cours de trois périodes de départs :
. Entre la date d’entrée en vigueur de l’accord et le 31 mars 2018 ;
. Entre le 1er avril 2018 et la fin de la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel (IRP);
. Après la consultation des IRP et avant la suppression effective du poste.
– l’appelant pouvait attendre les périodes ultérieures pour pouvoir bénéficier de ces mesures,
– l’OPA, comme toute opération boursière, ne peut être anticipée et annoncée au préalable et sa réalisation en septembre 2018, soit près de 10 mois après, était encore incertaine, la première offre formulée par le groupe Ramsay n’ayant pas été acceptée. L’opération a été concrétisée à la suite de négociations et d’une augmentation conséquente du prix de rachat tel qu’il ressort de l’article de presse sur l’OPA versé aux débats.
Sur ce:
La convention de rupture ne fait état d’aucune circonstance quant au processus de restructuration et M. [J] qui en était informé, pouvait choisir de bénéficier des mesures d’accompagnement.
Il ne démontre aucune démarche déloyale de l’employeur.
L’intéressé mentionne dans sa demande de rupture conventionnnelle du 27 novembre 2017 qu’il souhaite se consacrer à un nouveau projet professionnel à compter du 01 février 2018 et mettre fin au contrat de façon amiable, ce qui est corroboré par le courrier du 20 décembre 2017 du responsable du recrutement des Hôpitaux de Toulouse lui indiquant qu’il est recruté sur un poste de chargé de mission à la DRH en qualité de responsable service paie à compter du 01 février 2018 en contrat de travail à durée indéterminée.
Dès lors, M. [J] avait organisé sa reconversion professionnelle et ne peut faire valoir une perte de chance de ne pas avoir poursuivi sa relation contractuelle avec l’employeur, ce d’autant que l’annonce de l’OPA n’est intervenue que plusieurs mois après la rupture.
M. [J] est débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé sur ce chef.
Sur les demandes annexes:
La Sa Clinique de l’Union, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Monsieur [J] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure. La Sa Clinique de l’Union sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La Sa Clinique de l’Union sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne l’opposabilité de la convention de forfait jours, le rejet des demandes de M.[J] afférentes aux heures supplémentaires et à la contrepartie obligatoire en repos,
Statuant sur ces chefs infirmés et y ajoutant:
Dit que la convention de forfait en jours est nulle,
Condamne la Sas la Clinique de l’Union à payer à Monsieur [Y] [J]:
– 34270,73 euros au titre d’heures supplémentaires pour les années 2015 à 2017 outre 3427,07 euros de congés payés afférents,
– 25643,47 euros à titre d’indemnité pour contre-partie obligatoire en repos outre 2564,34 euros de congés payés afférents.
Condamne la Sa Clinique de l’Union aux dépens d’appel et à payer à Monsieur [J] la somme de 2000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
Déboute la Sa Clinique de l’Union de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le présent arrêt a été signé par S.BLUM », présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFI’RELA PR »SIDENTE
C.DELVER S.BLUM »
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