SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 87 F-D
Pourvoi n° U 21-19.513
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ la société Zimmer Biomet France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la société Ortho-Z, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° U 21-19.513 contre l’arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d’appel de Douai (chambre sociale, prud’hommes), dans le litige les opposant à Mme [V] [W], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Mme [W] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours,
les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l’appui de son recours le moyen unique de cassation annexé également au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Zimmer Biomet France et de la société Ortho-Z, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [W], après débats en l’audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 28 mai 2021), Mme [W] a été engagée le 1er septembre 1991 en qualité de responsable grands comptes par la société Zimmer France. Elle exerçait son activité sur le département du Nord.
2. La société Zimmer France a décidé d’externaliser, à compter du 1er mars 2015, son activité de commercialisation de ses gammes de produits « Reconstruction » auprès d’une agence commerciale, qui a pris la forme de la société Ortho-Z, créée par le directeur régional de la région Nord de la société Zimmer France.
3. Le 19 mai 2015, la salariée a conclu avec la société Ortho-Z une convention de rupture conventionnelle.
4. La salariée a saisi la juridiction prud’homale afin de dénoncer la régularité du transfert de son contrat de travail, voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle et obtenir la condamnation in solidum des deux sociétés au paiement de diverses sommes et indemnités.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal des sociétés
Enoncé du moyen
6. La société Zimmer biomet France et la société Ortho-Z font grief à l’arrêt de dire que le contrat de travail de la salariée n’avait pas été régulièrement transféré à la société Ortho-Z de façon automatique, de constater que la société Ortho-Z n’était pas l’employeur et n’avait aucune qualité pour signer la convention de rupture conventionnelle du 19 mai 2015, laquelle était entachée de nullité, de dire que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Zimmer biomet France venant aux droits de la société Zimmer France à verser à la salariée des sommes aux titres de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour la perte injustifiée de son emploi, alors « que la reprise de la commercialisation des produits d’une marque et de la clientèle qui y est attachée entraîne en principe le transfert d’une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ; qu’en l’espèce, il était constant que la société Ortho-Z était devenue agent commercial de la société Zimmer France sur la région Nord et avait donc repris sur cette zone la commercialisation des produits de la gamme « reconstruction » de la société Zimmer France et la clientèle afférente, ainsi que les contrats de travail des salariés affectés à cette commercialisation, seule l’existence d’une exclusivité consentie à la société Ortho-Z étant discutée par la salariée ; que, pour juger cependant que le contrat de travail de la salariée n’avait pas été régulièrement transféré à la société Ortho-Z, la cour d’appel a énoncé qu’il n’était pas justifié que cette société était devenue l’agent commercial exclusif de la société Zimmer France, faute de production du contrat commercial liant les deux entités ainsi que de la décision du conseil d’administration relative à l’externalisation du service commercial, que les représentants du personnel n’avaient pas été informés préalablement de cette réorganisation intervenue au 1er mars 2015 et n’avaient pas été consultés, qu’à aucun moment la société Zimmer France n’avait évoqué au sein de l’entreprise le projet d’externalisation de son activité commerciale pour les régions Rhône-Alpes, parisienne et Nord, qu’aucun document ni note internes n’étaient versés aux débats pour apprécier la portée du transfert de cette activité qui, en l’état des éléments produits, se limiterait au démembrement d’un service composé de 7 salariés, qu’en tout état de cause, à la date du 1er mars 2015, la société Ortho-Z se trouvait dans un lien de dépendance certain à l’égard de la société Zimmer France, notamment en ce qui concernait la gestion des ressources matérielles nécessaires au fonctionnement du service externalisé et l’organisation de celui-ci, qu’au 25 juin 2015, les salariés présentés comme transférés disposaient toujours d’une messagerie »Zimmer » et n’avaient obtenu une adresse mail »Ortho Z » que fin mars 2015, que le transfert des lignes de Zimmer France à Ortho-Z avait été effectué en avril 2015 et que ces opérations avaient été organisées et mises en oeuvre par la société Zimmer France, que toutes les informations sollicitées par la salariée au titre de la portabilité de sa mutuelle et de sa prévoyance avaient été fournies le 11 mai 2015 par la responsable des ressources humaines au sein de Zimmer France, que de leur côté, les sociétés ne rapportaient pas la preuve du transfert au profit de la société Ortho-Z de moyens corporels et incorporels lui permettant de fonctionner en toute autonomie et qu’ainsi, il ne pouvait être considéré que la société Ortho-Z avait repris une entité économique autonome ; qu’en statuant de la sorte, par des motifs impropres à exclure le transfert d’une entité économique autonome résultant de la reprise de la commercialisation des produits de la gamme » reconstruction » de la marque Zimmer et de la clientèle qui y était attachée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail. »