Convention de forfait en jours et heures supplémentaires

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Convention de forfait en jours et heures supplémentaires
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Nos Conseils:

– Vérifiez que la convention de forfait en jours respecte les dispositions légales en matière de suivi et d’évaluation de la charge de travail du salarié, conformément aux articles L.3121-46, L.3121-60 et L.3121-64 du code du travail.
– Assurez-vous que les heures supplémentaires réclamées par le salarié sont justifiées par des éléments précis et vérifiables, conformément à l’article L. 3171-4 du code du travail.
– En cas de contestation sur la rémunération variable liée à des mandats syndicaux, veillez à ce que les objectifs fixés au salarié prennent en compte ces mandats et justifiez toute modification des objectifs par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, conformément aux articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.

Résumé de l’affaire

M. [U] a été engagé par Clear Channel France en 2012, puis a quitté l’entreprise en 2022 dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Il a saisi le conseil de prud’hommes pour diverses demandes salariales et indemnités, obtenant partiellement gain de cause. Il a interjeté appel pour contester le jugement rendu. La société Cityz Media, anciennement Clear Channel France, a également interjeté appel pour contester certaines décisions du jugement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 mars 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/00849
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80G

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 MARS 2024

N° RG 22/00849

N° Portalis DBV3-V-B7G-VCEN

AFFAIRE :

[S] [U]

C/

Société CITYZ MEDIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 février 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 19/01701

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Khalil MIHOUBI

Me Oriane DONTOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [S] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Khalil MIHOUBI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D653

APPELANT

****************

Société CITYZ MEDIA anciennement dénommée CLEAR CHANNEL FRANCE

N° SIRET : 572 050 334

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE de l’AARPI NMCG AARPI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0007 et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 janvier 2024, Madame Nathalie GAUTIER, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [U] a été engagé par la société Clear Channel France, en qualité de responsable de clientèle, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 2012, avec reprise d’ancienneté au 1er janvier 2007.

Cette société, filiale française du groupe texan Clear Chanel est spécialisée dans l’affichage publicitaire et a été rachetée en novembre 2023 par la société Equinox Industries, société d’investissement. Elle est dénommée depuis 2024 la société Cityz Media.

L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale de la publicité.

Le salarié a occupé pendant la relation de travail plusieurs mandats syndicaux.

Au dernier état de la relation, M. [U] exerçait depuis le 2 janvier 2018 les fonctions de responsable clientèle locale de l’établissement du [Localité 4]-[Localité 6] rattaché à la Direction régionale dite IDF-NORD. Il a quitté la société en juillet 2022 dans le cadre d’un départ volontaire à l’occasion du plan de sauvegarde de l’emploi.

Auparavant, le 26 décembre 2019, M. [U] avait saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’ordonner la communication de documents et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 10 février 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section Enadrement) a :

– débouté M. [S] [U] de ses demandes de communications de pièces à titre liminaire

– dit que M. [S] [U] n’a pas été discriminé du fait de son appartenance syndicale

– fixé le salaire de référence à 5142, 66 euros

– dit que le forfait jour de M. [U] est nul

– débouté M. [S] [U] de sa demande de dommages et intérêts à titre de nullité de son forfait et de ses demandes au titre d’heures supplémentaires et de repos compensateur

– condamné la société Clear Channel France à verser à M. [S] [U] :

– 34 245 euros bruts à titre de rappel de salaire variable pour l’année 2015,

– 3 424, 50 euros bruts à titre de congés payés afférents,

– 16 638 euros bruts à titre de rappel de salaire variable pour l’année 2016

– 1 663, 80 euros bruts à titre de congés payés afférents

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– débouté M. [S] [U] de sa demande de dommages et intérêts à titre de disfonctionnement (sic) du système ‘broadcast’

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les sommes de nature salariale

– dit que les intérêts sont dus à compter de la saisine et ordonne leur capitalisation

– débouté la société Clear Channel France de sa demande au titre de l’article 700

– laissé les éventuels dépens à la charge de la société Clear Channel France

Par déclaration adressée au greffe le 15 mars 2022, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 16 janvier 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [U] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement querellé rendu le 10 février 2022 et notifié le 18 février 2020 par la section encadrement du Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en ce qu’il a :

– Débouté M. [U] de sa demande de constater la discrimination syndicale subie et de condamner la Société clear channel France à lui verser la somme de 20.000 euros à titre dommages et intérêts pour la discrimination subie,

– Débouté M. [U] de sa demande de réclamer un rappel de salaire variable pour la période 2017-2019, soit les sommes de :

– 18.000 euros bruts : rappel de salaire variable pour l’année 2017, -1800 euros bruts : congés payés afférents,

– 28.000 euros bruts : rappel de salaire variable pour l’année 2018, – 2.800 euros bruts : congés payés afférents,

– 46.552 euros bruts : rappel de salaire variable pour l’année 2019

– 4.655 euros bruts : congés payés afférents,

– Débouté M. [U] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires pour la période 2015-2019, soit les sommes de :

. 8.401,72 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2015,

.840,17 euros bruts : congés payés afférents,

. 21.214,78 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2016,

. 2121,47 euros bruts : congés payés afférents,

.19.536,36 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2017,

. 1.953,63 euros bruts : congés payés afférents,

. 19.536,36 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2018,

. 1.953,63 euros bruts : congés payés afférents,

. 19.536,36 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2019,

. 1.953,63 euros bruts : congés payés afférents,

– Débouté M. [U] de sa demande de rappel de repos compensateur obligatoire sur la période 2015-2019, soit les sommes de :

. 8.782,69 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2016,

. 878,26 euros bruts : congés payés afférents,

. 7663,66 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2017,

. 766,36 euros bruts : congés payés afférents,

. 7663,66 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2018,

. 766,36 euros bruts : congés payés afférents,

. 7663,66 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2019,

. 766,36 euros bruts : congés payés afférents,

Statuant à nouveau, il est demande à la cour d’appel de Versailles de :

– Dire M. [U] bien-fondé à réclamer un rappel de salaires variable pour la période 2017-2019,

– Par voie de conséquence, Condamner la Société clear channel France à verser à M. [U] les sommes suivantes :

.18.000 euros bruts : rappel de salaire variable pour l’année 2017,

. 1800 euros bruts : congés payés afférents,

. 28.000 euros bruts : rappel de salaire variable pour l’année 2018,

. 2.800 euros bruts : congés payés afférents,

. 46.552 euros bruts : rappel de salaire variable pour l’année 2019

. 4.655 euros bruts : congés payés afférents,

– Juger que M. [U] a fait l’objet d’une discrimination syndicale prohibée,

– Condamner par voie de conséquence, la Société clear channel France à lui verser la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subie

– Juger M. [U] bien-fondé à réclamer des heures supplémentaires et le repos compensateur obligatoire pour la période 2015-2019 et condamner par voie de conséquence la Société clear channel France à lui payer les sommes suivants :

. 8 401,72 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2015,

.40,17 euros bruts : congés payés afférents,

. 2 1214,78 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2016,

. 2 121,47 euros bruts : congés payés afférents,

. 19 536,36 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2017,

. 1 953,63 euros bruts : congés payés afférents,

. 19 536,36 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2018,

. 1 953,63 euros bruts : congés payés afférents,

. 19 536,36 euros bruts : Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2019,

. 1 953,63 euros bruts : congés payés afférents,

. 8 782,69 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2016,

. 878,26 euros bruts : congés payés afférents,

. 7 663,66 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2017,

. 766,36 euros bruts : congés payés afférents,

. 7 663,66 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2018,

. 766,36 euros bruts : congés payés afférents,

. 7 663,66 euros bruts : Repos compensateur obligatoire pour l’année 2019,

. 766,36 euros bruts : congés payés afférents,

– Condamner, la Société clear channel France à verser à M. [U] la somme de 30.855,96 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé

A titre subsidiaire et si par extraordinaire le conseil ne faisait pas droit à la demande de rappel de commissions et de rappel d’heures supplementaires

– Allouer à M. [U] la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la perte de chance de pouvoir atteindre les objectifs commerciaux et percevoir la rémunération variable correspondantes,

– Allouer à M. [U] la somme 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé par la nullité du forfait jour.

En tout état de cause,

– Débouter la Société Clear channel France de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Dire que l’ensemble des sommes de nature salariales porteront intérêts aux taux légal et capitalisation à compter de la saisine du bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt.

– Condamner la Société Clear channel France à verser à M. [U] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

– Condamner la Société Clear channel France aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Cityz Media, anciennement dénommée la société Clear Channel France demande à la cour de :

– dire la société Cityz Media recevable et bien fondée en son appel incident, fins et conclusions; – infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 10 février 2022 en ce qu’il a :

– dit que le forfait jour de M. [U] est nul ;

– condamné la Société à verser à M. [U] :

. 3 2245 euros bruts à titre de rappel de salaire variable pour l’année 2015,

. 3 424,50 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 16 638 euros bruts à titre de rappel de salaire variable pour l’année 2016,

. 1 663,80 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouté la Société de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

– laissé les dépens éventuels à la charge de la Société.

– confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 10 février 2022 pour le surplus

En conséquence, et statuant de nouveau :

– juger infondées les demandes de M. [U] ;

– juger que M. [U] a été rempli de ses droits au titre de sa rémunération variable

– juger la convention de forfait en jours conforme aux dispositions légales et conventionnelles et opposable à M. [U] ;

En conséquence,

– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [U] à régler à la société Cityz Media la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner M. [U] à prendre en charge l’ensemble des dépens.

MOTIFS

Sur la convention de forfait en jours, les heures supplémentaires et les repos compensateurs

Le salarié fait valoir que la convention de forfait en jours est fondée sur un accord d’entreprise conclu le 21 juin 2000 qui ne prévoit aucune modalité de suivi et d’évaluation de la charge de travail du salarié, ce qui est également le cas de la convention collective applicable, de sorte que la convention de forfait en jours est nécessairement nulle.

Il ajoute que l’employeur n’a mis en oeuvre aucune mesure sérieuse et effective de nature à respecter les droits des salariés au forfait jours et qu’il a insisté à plusieurs reprises au cours de ses entretiens annuels sur le caractère élevé ou constamment élevé de sa charge de travail, sa hiérarchie reconnaissant une charge de travail ponctuellement élevée. Il soutient qu’il peut donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires et qu’il produit des décomptes hebdomadaires des heures supplémentaires accomplies sur la période 2015-2017, des agendas et des captures d’écran de l’agence commerciale.

L’employeur réplique que le salarié part du postulat que son temps de travail était de 39 heures par semaine et qu’il a accompli des heures supplémentaires au-delà mais que les pièces produites n’établissent pas l’existence des prétendues heures supplémentaires et ne permettent pas de les quantifier.

L’employeur n’a pas développé d’argument sur la nullité de la convention de forfait en jours.

Sur la convention de forfait en jours

L’article L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur entre le début de la relation contractuelle et le 10 août 2016, prévoit qu’un entretien annuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année ; qu’il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

Aux termes de l’article L.3121-60 du code du travail dans sa rédaction en vigueur depuis le 10 août 2016, ‘l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.’.

Aux termes de l’article L.3121-64 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 :

‘I.-L’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année détermine:

1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;

2° La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;

3° Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s’agissant du forfait en jours ;

4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.

II.-L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine:

1° Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

2° Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;

3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L. 2242-17.

L’accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l’article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l’entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.’.

Au cas présent, le contrat de travail prévoit que le salarié, en qualité de cadre autonome, est soumis à une convention de forfait en jours et ne comporte aucune disposition relative à l’articulation ‘vie professionnelle et vie privée’, à l’organisation du temps de travail, à l’amplitude quotidienne et au contrôle de la charge de travail par l’employeur.

Il n’est également pas discuté que la convention collective ne prévoit pas de dispositions relatives au contrôle du temps de travail et à la protection du salarié quand il est soumis à une convention de forfait en jours.

L’accord d’entreprise du 21 juin 2000, dont la rédaction est bien antérieure aux textes susvisés, n’a pas été mis en conformité avec l’obligation de suivi de la charge de travail conformément à ces nouvelles dispositions.

En effet, l’article 3.2.3 prévoit uniquement qu’un décompte annuel des heures travaillées est effectué pour chaque salarié afin de vérifier qu’il a atteint le nombre d’heures prévu dans son régime de travail. Le chapitre 6, relatif à la ‘ modalité de suivi du temps de travail’, précise que l’employeur met à la disposition des personnels un système leur permettant de déclarer mensuellement leur temps.

Il résulte de ces éléments que la convention de forfait ne peut déroger à un accord d’entreprise qui contrevient aux garanties précédemment rappelées, ce que l’employeur ne conteste d’ailleurs pas et dont il a été régulièrement avisé lors des réunions du comité d’entreprise en 2014 et 2017 (pièces n°61 et 62 du salarié) .

Il y a donc lieu, par voie de confirmation du jugement de prononcer la nullité de la convention de forfait en jours.

Dans ce cas, le salarié peut par conséquent prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont il convient de vérifier l’existence et le nombre.

Sur le calcul des heures supplémentaires pour la période 2015 à 2019

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au cas présent, au soutien de ses demandes, le salarié produit :

– des décomptes des heures supplémentaires qu’il prétend avoir accomplies au-delà de la 35ème heure entre 2015 et 2017, le salarié indiquant pour les semaines concernées le nombre d’heures effectuées ( ex : 2015 JANVIER S2 = 33H) , le salarié précisant également qu’il a déduit les périodes de congés payés, les jours de RTT et les jours fériés, (pièce n°11A),

– des copies de son agenda ‘ papier’ de 2015 à 2018 et en 2020 ( pièces n° 13- 15-17, 33 et 50)

– des captures d’écran de l’agenda du salarié dans le logiciel Aloha de l’agence commerciale de 2015 à 2016 (pièces n° 14- 16-18- 34 et 51),

– une analyse de semaines types de son activité commerciale de 2015 à 2017 (pièce n°12),

– des comptes rendus d’entretien professionnel de 2016/1017 et de 2018 dans lesquels le salarié indique qu’il a une ‘ charge de travail constamment élevée’ et le manager une ‘ charge de travail ponctuellement élevée’ (pièces n° 23-24- 35b-38 et 46),

– un décompte des heures effectuées par semaine pour l’année 2019.

Ces éléments sont suffisamment précis et permettent à l’employeur de répliquer pour les années 2015 à 2017 et pour l’année 2019.

En revanche, le salarié n’a produit aucun décompte pour l’année 2018.

Ainsi, pour l’année 2018, l’absence de décompte ne permet pas de reconstituer le volume d’heures réclamées (446 heures) par le salarié dans ses conclusions pour la somme de 19 536,36 euros, sans davantage de précision.

Dès lors, le salarié ne communique pas d’éléments suffisamment précis pour cette année permettant à l’employeur de répliquer.

En réplique pour les années 2015 à 2018 et 2019, l’employeur ne produit aucune pièce relative aux horaires du salarié bénéficiaire d’une convention de forfait en jours précédemment annulée, de sorte que la base horaire est ramenée à 35 heures par semaine.

Si l’employeur indique à juste titre que le salarié n’a pas présenté un décompte détaillé par jour des heures supplémentaires revendiquées, le salarié présente un calcul de son temps de travail par semaine puis ses agendas ‘ papier’ détaillés par jour et par heure pour certaines années, dont la description d’activité est pour l’essentiel confirmée par les agendas du logiciel qui ne font pas mention du découpage des heures de la journée mais des activités réalisées successivement dans une journée, ce qui permet à l’employeur d’effectuer un recoupement pour relever, si nécessaire, des erreurs, ce que l’employeur a d’ailleurs effectué et dont il ressort certaines incohérences notamment après la comparaison des agendas avec l’analyse commerciale de l’activité du salarié.

Ainsi, l’employeur relève des divergences entre cette analyse qui prévoit des semaines types de forte puis de faible intensité et les agendas du salarié dans lesquels les horaires indiqués ne correspondent pas au descriptif des journées de ces semaines types.

Par ailleurs, l’employeur justifie que le salarié a compté des heures supplémentaires pendant des semaines au cours desquelles il était en congé maladie (52 heures /50 heures alors que le salarié était en arrêt de travail sur l’intégralité de la semaine à plusieurs reprises en juin 2016) ou en congés annuels, ce qui est le cas en avril 2017 (40 heures au lieu de 35 heures).

Ensuite, l’employeur relève que le salarié n’a produit aucune pièce pour l’année 2019.

Ainsi, le seul décompte des heures totales effectuées par semaine, sans précision des horaires réalisés par journées, sans communication des agendas du salarié ou de tout autre pièce pour cette période, contrairement aux années précédentes de 2015 à 2017, n’est donc pas suffisamment explicite pour permettre à la cour de vérifier et déterminer avec exactitude le nombre d’heures supplémentaires réalisées par le salarié en 2019, l’employeur se contentant de dire que pour cette année le salarié ne produit aucune pièce.

Ces incontestables incohérences ou lacunes ne permettent toutefois pas de remettre en question la réalité de la majorité des heures alléguées par le salarié, dont les agendas informatiques n’ont pu être renseignés après la rupture et qui étaient accessibles pendant toute la période litigieuse à l’employeur qui doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées.

Il y a lieu de considérer que ces heures ont été accomplies avec l’accord implicite de l’employeur et que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié, responsable de clientèle et dont l’activité relevée sur les pièces communiquées justifiait un volume d’heures supérieur à 35 heures hebdomadaires.

Au vu des éléments versés aux débats par l’une et l’autre des parties, il convient de retenir que le salarié a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées, mais dans une proportion moindre que celles réclamées, compte tenu de la convention de forfait en jours précédemment annulée et des incohérences précitées.

Il convient en conséquence, par voie d’infirmation du jugement qui l’en a débouté, de fixer la créance du salarié au titre du rappel d’heures supplémentaires, sur la la base d’un taux horaire de 33,91 euros calculé pour toutes les années d’après la rémunération brute de 2014 non réactualisée par le salarié, comme suivant :

– pour l’année 2015 : 5 212,43 euros bruts outre 521,24 euros bruts de congés payés afférents,

– pour l’année 2016 : 7 389,36 euros bruts outre 838,93 euros bruts de congés payés afférents,

– pour l’année 2017 : 8 141,97 euros bruts outre 814,19 euros bruts de congés payés afférents.

– pour l’année 2019 : 6 432,49 euros bruts outre 643,24 euros bruts de congés payés afférents

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande au titre de l’année 2018.

Sur les repos compensateurs

Le salarié sollicite le paiement d’un rappel de salaire au titre du repos compensateur obligatoire au-delà de 220 heures supplémentaires par an de 2016 à 2019.

Toutefois, le contingent annuel de 220 heures n’ayant jamais été dépassé, il ne sera pas fait droit à la demande du salarié et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l’espèce, la circonstance tenant au fait que la convention de forfait en jours soit annulée et entraîne l’octroi d’heures supplémentaires, ce dont l’employeur n’a pu avoir connaissance, est de nature à établir qu’il n’a pas eu l’intention de se soustraire à ses obligations déclaratives.

En conséquence, l’élément intentionnel n’étant pas caractérisé, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter le salarié de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la part variable

Le salarié expose que sa situation dans l’entreprise s’est détériorée à compter de son engagement syndical et que ses objectifs commerciaux ont été définis unilatéralement sans tenir compte de l’exercice de ses mandats, ce qui a entraîné une chute importante de sa rémunération à compter de 2015, en dépit de ses protestations et que ce n’est que le 12 avril 2021, soit postérieurement à sa réélection, que ses objectifs ont été adaptés pour la première fois, sans régularisation pour les années 2015 à 2019. Le salarié explique que l’employeur l’a empêché à plusieurs reprises d’atteindre 90% de ses objectifs, seuil à atteindre pour que les primes trimestrielles se déclenchent, et qu’il n’a également pas pu atteindre le palier supérieur permettant d’avoir une prime plus importante allant jusque 130% .

L’employeur soutient avoir tenu compte des mandats du salarié dans la fixation de ses objectifs sur les années considérées. Il ajoute qu’il a toujours répondu en ce sens au salarié quand ce dernier a contesté la fixation de ses objectifs alors qu’il a fait application de l’usage prévoyant un système de compensation pour les heures effectuées au titre du mandat des salariés dont la rémunération comprend un variable quantitatif important qui s’applique.

**

Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutatin ou de renouvellement de contrat, en raison de son sexe ou de ses activités syndicales.

L’article L. 1134-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’application de l’article L.1132-1,le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’exercice de mandats représentatifs ne peut avoir aucune incidence défavorable sur la rémunération du salarié, d’autre part, il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail que dès lors que le caractère apparemment discriminatoire d’une prime d’objectifs est établi, il appartient à l’employeur de justifier la différence de traitement (Soc., 6 juillet 2010, pourvoi n° 09-41.354, publié).

L’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés (Soc. 15 décembre 2010, n°09-41359; Soc. 22 septembre 2015, n°14-11549).

Au cas présent, le salarié n’a pas sollicité l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de communication des bulletins de paye et du protocole transactionnel signé avec trois anciens commerciaux de la société et représentants du personnel, le conseil de prud’hommes de Boulogne -Billancourt ayant constaté le 4 février 2016 le désistement le 4 février 2016 de ces trois salariés.

Il ressort du dossier que le contrat de travail prévoit que le salarié percevait une rémunération fixe brute mensuelle à laquelle s’ajoutait une part variable, dite prime sur le chiffre d’affaires sur l’ensemble des univers et dont le montant variait en fonction du poste occupé et de l’objectif défini pour l’année de référence, cette prime étant versée d’après l’atteinte des objectifs sur le chiffre d’affaires, se déclenchant à partir de 90% jusque 130% des objectifs, et étant versée par trimestre.

Par ailleurs, le salarié a été élu en qualité de:

– délégué du personnel de 2015 à novembre 2019,

– membre du comité d’entreprise puis du comité social et économique à compter d’avril 2015, réélu en novembre 2019 puis lors des élections partielles en mars 2021,

– représentant des salariés au Conseil de surveillance de la Société.

Au soutien de la discrimination alléguée, le salarié dénonce une diminution importante de sa part variable à compter de son premier mandat électif en 2015, des objectifs irréalisables compte tenu de son mandat électif et il n’est pas contesté que (pièce n° 42 du salarié) :

– en 2014, la rémunération variable du salarié a représenté plus de la moitié de sa rémunération, son salaire de base s’élevant à 2 916,67 euros, le salarié ayant atteint 112% ses objectifs,

– en 2015 la rémunération variable du salarié est passée de 39 370 euros en 2014 à 5 125 euros, ce qui correspond à une baisse de 85 %, le salarié n’ayant atteint ses objectifs qu’à 85,37%,

– en 2016 le salarié n’a pas atteint le seuil de 90%, mais uniquement celui de 88,75 %, et il estime sa perte de salaire à 16 638 euros par rapport à sa rémunération de 2014,

– en 2019 le salarié a atteint l’objectif à hauteur de 89% et il estime sa perte de salaire à 46 552 euros.

Le salarié indique également qu’il a atteint ses objectifs à hauteur de 112 % en 2017, de 97 % en 2018 et de 89 % en 2019, de sorte qu’il n’a jamais pas pu déclencher le seuil maximal de 130%.

En effet, la cour relève que le salarié a sollicité un rappel de prime de 2015 à 2016 calculé d’après un pourcentage de 112% de ses objectifs, par assimilation aux objectifs atteints par le salarié de 2014 puis qu’il a, sans explication, à compter de l’année 2017, réclamé un rappel de salaire sur la base de 130% des objectifs à atteindre, seuil maximal prévu au sein de la société.

Le salarié justifie également :

– avoir interrogé l’employeur par lettre du 6 janvier 2016 sur le nouveau mode de calcul ‘ cadrage IRP’ (cf représentant du personnel) afin de prendre en compte le cumul des mandats pour l’exercice 2016, indiquant que le temps passé au cumul de ses mandats ne lui a pas permis de réaliser son objectif annuel 2015 et contestant la prise de clients de son portefeuille et un allègement de son temps de travail.

Le salarié, rappelant dans ce message que l’employeur a évalué la proportion du temps passé au mandat à 25,49 %, a demandé à voir diminué l’objectif chiffré annuel sur la base de ce pourcentage,

– sur interpellation du salarié, l’employeur lui a expliqué par courriel du 31 janvier 2017 avoir évalué la proportion du temps passé au mandat à 7,68%, ce que le salarié a contesté en indiquant que le nombre d’heures de délégation est erroné et qu’il s’élève au minimum à 180 jours, soit 25,49 % de son temps.

Il se déduit de ces échanges que le salarié a contesté dès le début d’année 2016 les modalités de détermination de ses objectifs et que l’employeur n’en a jamais tenu compte, modifiant d’ailleurs le taux retenu correspondant à la proportion du temps passé au mandat .

Il est également justifié que le salarié a rencontré un membre de la direction des ressources humaines le 27 avril 2017 en demandant d’obtenir une réponse sur la perte de rémunération subie, et qu’il a contesté ses objectifs 2018 par lettre du 16 janvier 2018.

Par courriel du 25 janvier 2018, M. [F], responsable de clientèle, a indiqué que les heures de délégation de M. [U] bénéficient d’une présomption légale de bonne utilisation et rappelle que le logiciel Bird n’a pas pour objet de décompter les heures de délégation des représentants du personnel, les objectifs de M. [U] devant nécessairement prendre en compte les heures de délégation, ce qui n’est pas le cas d’aprèsM. [U], qui précise qu’il n’a pas signé ses objectifs pour cette raison.

Par courriel du 23 janvier 2020, le salarié a sollicité un entretien afin de pouvoir expliquer le traitement subi depuis plus de cinq ans en tant que IRP cadre commercial, le service des ressources humaines continuant à ne pas tenir compte de ses mandats dans le calcul de ses objectifs.

Le salariéproduit ensuite le courriel du 12 avril 2021 de son supérieur hiérarchique qui lui fait part de la baisse de ses objectifs pour l’année 2021 à la suite de sa réélection en qualité de membre du comité social et économique, le salarié répondant le 20 avril 2019 ‘ qu’il a bien noté [ votre] volonté de changer mes objectifs et enfin de tenir compte de mes mandats (…) et j’ai déjà pu constater une modification’ et qu’il restait dans l’attente d’une nouvelle grille d’objectifs en fonction des heures de délégation théorique de ses mandats et de la réalité des réunions.

Enfin, la cour relève qu’à compter de 2018, le salarié a fait mention lors de ses entretiens d’évaluation de l’absence de prise en compte de son cadrage IRP dans le cadre de ses objectifs, ce qui ‘ [l’] oblige à courir plus vite et plus longtemps’, le manager répondant que ‘ le cadrage IRP n’est pas une contrainte mais un choix fait par le collaborateur de représenter le personnel de l’entreprise, c’est indépendant du poste de responsable de clientèle locale, seule une organisation adéquate permettra de pouvoir remplir les différentes missions à bien’, la cour relevant également que l’employeur ne définit ensuite pas l’organisation à mettre en place.

La concomitance, dénoncée par le salarié,entre la diminution conséquente de la rémunération variable du salarié et son élection laisse supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

Il incombe à l’employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

S’agissant de l’année 2015, l’employeur explique que l’objectif de 85,37 % qui a été fixé avant la prise en compte des mandats du salarié a été augmenté à 87,08 % sur la base de 151 heures par an de délégation du salarié soutenant que si le salarié n’a pas renseigné de manière correcte le logiciel Bird de relevé des heures, la société ne peut en être tenue responsable.

S’il est exact que le salarié ne démontre pas qu’il n’a pas passé plus de 151 heures par an à l’exercice de son mandat, l’employeur n’explique pas à la cour la méthode adoptée pour prendre en compte la nouvelle situation du salarié depuis son élection, le passage des objectifs de 85,37 % à 87,08%, n’établissant pas que l’employeur a adapté le temps de travail à son mandat faute de calcul précis pour justifier de ce nouveau chiffrage .

En outre, l’employeur n’apporte aucune explication au fait que le salarié a vu son objectif baisser à 85 % [de sa rémunération variable] en quelques mois, aucune insuffisance professionnelle ou difficulté n’étant d’ailleurs invoquée, la cour relevant que l’employeur produit un tableau ( pièce n° 16) dont il ressort que l’objectif chiffré du salarié a été augmenté de 647 861 euros en 2014 (objectif dit réel et 721 297 euros l’objectif fixé qui a déclenché la prime) à 758 869 euros en 2015, également sans explication sur ce montant beaucoup plus élevé.

Le document général, non daté, sur la rémunération des commerciaux IRP qui rappelle que les IRP ne doivent pas subir de perte de rémunération (pièce n° 18 de l’employeur) n’apporte pas davantage d’informations sur la situation de M. [U].

Le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise du 25 février 2016, qui consacre plusieurs pages à l’information de l’employeur sur la rémunération des heures de délégation et le temps de réunion convoquée par l’employeur des salariés dont la rémunération comprend un variable quantitatif n’est pas plus éclairant s’agissant des réponses de l’employeur (pièce n° 60 du salarié).

Dès lors, l’employeur n’explique pas, par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, le système de rémunération de M. [U] induisant une baisse des objectifs fixés au salarié depuis son élection.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 34 245 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2015, soit la différence entre la prime perçue en 2014 (112%) et celle de 2015, outre la somme de 3 424, 50 euros bruts de congés payés afférents.

S’agissant de l’année 2016, l’employeur n’apporte aucun élément complémentaire justifiant que le salarié n’a atteint que 88,75 % de ses objectifs, soit une baisse encore très importante par rapport à la situation de 2014, avant son élection.

Si l’employeur établit que 140 000 euros ont été réduits de son objectif, ce sera une somme bien plus élevée qui sera déduite en 2021, période à partir de laquelle le salarié estime que ses heures de mandat ont été enfin prises en compte dans la fixation de ses objectifs.

Pour l’année 2016, l’objectif, bien que diminué par rapport à l’année 2015, étant rappelé que le salarié n’a été élu qu’en avril 2015, reste sensiblement égal à celui de 2014 (721 294 euros en 2014 et 665 335 euros en 2016).

Il sera donc fait droit à la demande du salarié, par confirmation du jugement, et l’employeur sera condamné à lui verser les sommes de 16 638 euros bruts à titre de rappel de salaire variable outre 1 663, 80 euros bruts à titre de congés payés afférents.

S’agissant de l’année 2017, par des motifs pertinents que la cour adopte, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande en relevant que le salarié a largement dépassé ses objectifs et que le montant réclamé n’est pas étayé, la cour ajoutant que le salarié a atteint 112 % de ses objectifs, comme en 2014 et qu’il n’établit pas que l’employeur devait les compenser sur la base d’un manque à gagner de 130%, ce qu’il n’a pas demandé pour les deux années précédentes.

S’agissant de l’année 2018 , il ne sera pas fait droit à la demande du salarié, dont les objectifs étaient identiques ceux de l’année précédente, qui a atteint un seuil de 97%, qui réclame sans explication l’application d’un taux de 130%, le jugement est donc confirmé à ce titre.

S’agissant de l’année 2019, les objectifs du salarié ont été sensiblement augmentés et il a atteint le taux de 89%, soit la somme de 17 900 euros versée à ce titre, ne déclenchant pas le seuil de 90% de sorte que, par infirmation du jugement, l’employeur sera condamné à lui verser la somme de 17 900 euros bruts outre 1 790 euros bruts de congés payés afférents (39 700 euros de l’année 2014 – 21470 euros versés en 2019 = 17 900 euros).

Sur la discrimination syndicale

Au soutien de la discrimination syndicale, le salarié invoque le traitement discriminatoire dont il s’est plaint auprès de l’employeur, en vain, pour l’absence de prise en compte de ses mandats dans le calcul de ses objectifs commerciaux et de sa rémunération variable, ce que conteste l’employeur.

La discrimination syndicale a été précédemment établie, l’employeur étant été condamné à un rappel de paiement d’un complément de prime variable sur plusieurs années, ainsi que les nombreuses alertes du salarié à ce titre le conduisant à saisir le conseil de prud’hommes en décembre 2019 alors qu’il était toujours salarié de l’entreprise.

Il convient donc, infirmant le jugement de dire que la discrimination syndicale subie a causé au salarié un préjudice distinct de celui compensé par le rappel de salaire en ce qu’il a porté atteinte à l’évolution de sa rémunération, ce dont le salarié s’est plaint chaque année sans résultat avant 2021.

En conséquence, il lui sera alloué de ce chef la somme de 2 000 euros.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Les dépens d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel. L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il dit nulle la convention de forfait en jours, condamne la société Clear Channel France, devenue la société Cityz Media, à verser à M. [U] les sommes de 34 245 euros bruts à titre de rappel de salaire variable pour l’année 2015, outre 3 424, 50 euros bruts de congés payés afférents, 16 638 euros bruts à titre de rappel de salaire variable pour l’année 2016, outre 1 663, 80 euros bruts à titre de congés payés afférents, en ce qu’il déboute M. [U] de ses demandes au titre des heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019, au titre des repos compensateurs, de l’indemnité de travail dissimulé et de ses demandes de condamnations au titre du rappel de part variable pour les années 2017 et 2018, en ce qu’il condamne la société Clear Channel France à payer à M. [U] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens et en ce qu’il déboute la société Clear Channel France de sa demande à ce titre.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Cityz Média venant aux droits de la société Clear Channel France à verser à M. [U] les sommes suivantes :

– 2 000 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

– 5 212,43 euros bruts, outre 521,24 euros bruts de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour l’année 2015,

– 7 389,36 euros bruts outre 838,93 euros bruts de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour l’année 2016,

– 8 141,97 euros bruts, outre 814,19 euros bruts de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour l’année 2017,

– 6 432,49 euros bruts outre 643,24 euros bruts de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour l’année 2019,

– 17 900 euros bruts, outre 1 790 euros bruts de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur la part variable,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement s’agissant de la créance indemnitaire confirmée par la cour,

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Cityz Média venant aux droits de la société Clear Channel France à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et déboute l’employeur de sa demande fondée sur ce texte,

CONDAMNE la société Cityz Média venant aux droits de la société Clear Channel France aux dépens d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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