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La convention d’arbitrage ne fait pas obstacle, dès lors que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une société partie à la convention, saisisse une juridiction de l’Etat selon la procédure du référé-contrefaçon aux fins d’obtenir à l’encontre de l’autre partie des mesures provisoires ou conservatoires dans le but de prévenir une atteinte imminente à ses droits de marque ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022
(n°190/2022, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/01498 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCLR
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Novembre 2021 -Juge de la mise en état de PARIS- 3ème chambre – 2ème section – RG n° 20/13211
APPELANTE
Société DO-IT B.V.
Société de droit néerlandais
Immatriculée à la chambre de commerce sous le numéro 09071238
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Hermesweg 7
[Adresse 3]
PAYS-BAS
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Cynthia PICART de la SELEURL PICART SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1160
INTIMEE
S.A.S.U. MARKAL
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de ROMANS sous le numéro 436 180 582
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Laure COLIN, avocat au barreau de LYON, toque : 2630
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Madame Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mianta ANDRIANASOLONIARY
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l’ordonnance contradictoire rendue le 26 novembre 2021par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris qui a:
— dit la clause compromissoire stipulée au contrat de licence du 20 mai 2015 non manifestement nulle,
En conséquence,
— dit le tribunal judiciaire de Paris incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
— condamné la société DO-IT BV à verser à la société Markal la somme de 2.000 (deux mille)euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné la société DO-IT BV aux dépens de l’incident.
Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par la société DO-IT BV suivant déclaration d’appel remise au greffe de la cour le 27 janvier 2022.
Vu l’ordonnance sur requête rendue le 16 février 2022 par le magistrat délégué du premier président de la cour d’appel de Paris portant autorisation à assigner à jour fixe selon les dispositions des articles 83 et suivants du code de procédure civile.
Vu l’assignation à comparaître à jour fixe devant la cour délivrée le 2 mars 2022 par la société DO-IT BV (de droit néerlandais), appelante, à la société Markal (SASU), intimée.
Vu les dernières conclusions de la société DO-IT BV remises au greffe et notifiées par voie électronique le 20 septembre 2022, demandant à la cour, au visa des articles 1128, 1191 et 1383-2 du code civil,4, 5, 455 et 458, 1449, 1451 à 1454, 1456, 1466 et 1506-3° du code de procédure civile,L. 716-4-6, L.716-5, L.716-6, L.717-1 et suivants et R.717-11 du code de la propriété intellectuelle, R.211-7 du code de l’organisation judiciaire, du Règlement UE 2017/1001 du Parlement Européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union Européenne, de
— annuler l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 26 novembre 2021ou, à tout le moins, l’infirmer en ce qu’elle a :
— dit la clause compromissoire stipulée au contrat de licence du 20 mai 2015 non manifestement nulle,
— dit le tribunal judiciaire de Paris incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
— condamné la société DO-IT BV à verser à la société Markal la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Et statuant à nouveau sur la compétence,
A titre principal,
— prononcer la nullité de la clause compromissoire,
A titre subsidiaire,
— dire que la société Markal a renoncé à l’arbitrage,
En tout état de cause,
— dire le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître du litige et renvoyer les parties devant cette juridiction,
— condamner la société Markal à verser à la société DO-IT la somme de 16.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société Markal aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de la société Markal, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 juillet 2022, demandant à la cour, au visa des articles 1448 et 1449 du code de procédure civile, 455 et 458 du code de procédure civile, 74 et suivants du code de procédure civile, du Règlement Bruxelles 1bis, de :
A titre liminaire,
— débouter la société DO-IT BV de la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise,
A titre principal,
— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a jugé que la clause compromissoire n’était manifestement pas nulle et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire,
— se déclarer incompétente (sic) au profit du tribunal de commerce de Romans,
En tout état de cause,
— condamner la société DO-IT BV au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Il est expressément référé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision déférée et aux conclusions précédemment visées des parties.
Il suffit de rappeler que la société DO-IT BV (ci-après la société DO-IT), ayant pour activité la fourniture et la distribution en Europe de produits alimentaires issus de l’agriculture biologique, est titulaire de la marque semi-figurative internationale désignant l’Union européenne LA BIO IDEA n° 1 018 875, déposée le 9 juin 2009 pour distinguer des produits et services en classes 29, 30 et 31. Elle soutient exploiter ce signe depuis 1992, initialement aux Pays-Bas et en Italie.
La société Markal, créée en 1936, est spécialisée dans la fabrication, le conditionnement et la distribution de produits alimentaires à base de céréales de l’agriculture biologique. Elle indique exploiter le signe LA BIO IDEA, pour la promotion duquel elle aurait investi des sommes importantes, depuis 2001.
En vertu d’un contrat en date du 20 mai 2015, dont la qualification est litigieuse, la société Markal, avec l’accord de la société DO-IT, a vendu en France des produits sous la marque LA BIO IDEA. Ce contrat conclu pour une durée de cinq années a été résilié, dans des circonstances qui ne sont pas établies, avec effet au 31 décembre 2020.
Considérant que la société Markal portait atteinte à ses droits de marque en utilisant le signe LA BIO IDEA dans sa communication sur le lancement de sa marque LUCE, notamment en annonçant sur son site internet que ‘la marque LA BIO IDEA devient LUCE’, la société DO-IT lui a fait délivrer assignation en référé le 9 octobre 2020 afin qu’elle cesse de tels agissements.
Par une ordonnance du 7 décembre 2020, le juge des référés a, entre autres dispositions et pour l’essentiel:
— dit vraisemblable l’atteinte à la marque internationale désignant l’Union européenne LA BIO IDEA n° 1 018 875 commise par la société MARKAL au préjudice de la société DO- IT BV,
— dit n’y avoir lieu à référé, le trouble manifestement illicite imputable à la société Markal ayant cessé, sur les demandes tendant à enjoindre à la société Markal de cesser de reproduire la marque LA BIO IDEA n° 1 018 875 sur tous supports avec la mention de son remplacement par la marque LUCE, à détruire l’ensemble des supports de communication portant cette mention et à la retirer des linéaires et des étiquetages des produits,
— enjoint à la société Markal, par tout moyen, de porter à la connaissance des exploitants des sites internet ‘entreprise.eauvive.com’, ‘webecologie.com’, ‘lafourche.fr’, ‘saponaire.fr’ et ‘titibio.fr’ le message suivant : ‘Par ordonnance du 7 décembre 2020 du délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, il a été enjoint à la société Markal de vous aviser que le signe LUCE ne remplaçait pas la marque LA BIO IDEA et que ces deux signes concernent des produits différents’, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l’astreinte commençant à courir à l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, (…)
— condamné la société Markal à payer à la société DO- IT BV 10.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice moral imputable à l’atteinte à la marque internationale désignant l’Union européenne LA BIO IDEA n° 1 018 875,
— débouté la société DO- IT BV de sa demande de production des pièces relatives aux volumes de vente des produits de la marque internationale désignant l’Union européenne LA BIO IDEA n° 1 018 875 et de la liste des clients/distributeurs des produits de cette marque en France (…).
Cette ordonnance n’a fait l’objet d’aucun recours.
Suivant acte d’huissier de justice du 23 décembre 2020, la société DO-IT a fait assigner au fond la société Markal devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de marque et manquements contractuels.
Par voie d’incident devant le juge de la mise en état la société Markal, invoquant la clause compromissoire convenue entre les parties au contrat, selon laquelle ‘Pour tout litige, les parties nommeront un arbitre, désigné dès à présent en la personne de M. [G] [F], qui accepte’, a soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris au profit de l’arbitre désigné dans le contrat, ajoutant, à titre subsidiaire, que le tribunal de commerce de Romans se trouve compétent pour connaître des demandes formées au fondement des manquements au contrat.
La société DO-IT lui a opposé en réplique que la clause compromissoire stipulée dans la convention des parties est manifestement inapplicable et que la société Markal y a renoncé en n’excipant pas de la compétence de l’arbitre dans la procédure intentée à son encontre devant le juge des référés. Elle a conclu en conséquence au rejet de l’exception d’incompétence et à la compétence du tribunal judiciaire de Paris pour connaître du litige.
Le juge de la mise en état, par l’ordonnance dont appel, a jugé la clause compromissoire non manifestement nulle et, en conséquence, a dit le tribunal judiciaire de Paris incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
La société DO-IT, appelante, poursuit l’annulation de cette ordonnance ou à tout le moins (sic) son infirmation en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau sur la compétence, à titre principal de prononcer la nullité de la clause compromissoire, à titre subsidiaire de dire que la société Markal a renoncé à l’arbitrage et, en tout état de cause, de dire le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître du litige.
La société Markal, intimée, conclut au rejet de la demande d’annulation de cette ordonnance dont elle demande la confirmation en toutes ses dispositions et maintient, en toute hypothèse, ses exceptions d’incompétence telles que formulées à titre principal et à titre subsidiaire en première instance.
— Sur la demande d’annulation de l’ordonnance,
Pour conclure à l’annulation de l’ordonnance, la société DO-IT fait valoir, en premier lieu, que le juge de la mise en état a méconnu l’objet du litige. Elle rappelle que selon les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l’objet du litige, déterminé par les prétentions des parties, s’impose au juge qui doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé. Elle soutient qu’en l’espèce le juge de la mise en état, en qualifiant la convention des parties de contrat de licence, a statué sur une prétention de la société Markal qui relevait du juge du fond et dont il n’était pas saisi.
Or, si le juge de la mise en état utilise, aux termes de son ordonnance, la qualification de ‘contrat de licence’ pour désigner le contrat conclu entre les parties, cette qualification, quand bien même elle serait reprise dans le chef du dispositif de l’ordonnance disant ‘la clause compromissoire stipulée au contrat de licence du 20 mai 2015 non manifestement nulle’, est sans emport, car dénuée d’autorité de chose jugée, dès lors qu’elle ne vient pas trancher la contestation dont il était saisi. Force est de rappeler en effet que l’autorité de chose jugée n’est attachée qu’à la disposition qui statue sur tout ou partie du principal lequel s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par les prétentions respectives des parties. En la cause, le juge de la mise en état était saisi, par voie d’incident, d’une exception de procédure relevant de ses attributions telles que définies à l’article 789 du code de procédure civile et tenant à l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris en présence de la clause compromissoire convenue entre les parties. En se prononçant sur la validité de cette clause, contestée en défense à l’incident, pour la dire ‘non manifestement nulle’ et en tirer pour conséquence que ‘le tribunal judiciaire de Paris (est) incompétent’ et qu’il y a lieu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, le juge de la mise en état a statué dans la limite de l’incident qui lui était soumis et qui constituait l’objet du litige.
Ce faisant, le juge de la mise en état n’a pas tranché la question de la qualification du contrat, sans rapport avec l’exception d’incompétence juridictionnelle dont il était saisi ni incidence aucune sur cette contestation.
Il s’ensuit que c’est à tort et sans fondement que l’appelante lui fait grief d’avoir méconnu l’objet du litige.
La société DO-IT invoque, ensuite, le défaut d’impartialité du juge de la mise en état qui ‘ s’est convaincu, alors même qu’il ne lui revenait pas de statuer sur cette prétention, de la qualification de contrat de licence, exclusivement invoquée par la société Markal à l’encontre et au détriment de la société DO-IT, sans que cette dernière n’ait été en mesure de formuler ses observations’ (page 21 des conclusions de l’appelante).
Or, ainsi qu’il a été précédemment relevé, l’ordonnance critiquée ne s’est pas prononcée sur la qualification du contrat et les motifs qui y sont retenus pour régler l’incident, objet du litige, ne concernent en rien cette question. Il ne saurait donc être raisonnablement prétendu qu’une impression de préjugement a pu naître dans l’esprit du justiciable et jeter le doute sur l’impartialité du juge, étant en outre observé que la question de fond relative à la qualification du contrat ne relève pas du juge de la mise en état qui ne sera donc pas appelé, en toute hypothèse, à en connaître.
La société DO-IT reproche, enfin, au juge de la mise en état d’avoir manqué à l’obligation de motivation de sa décision en s’abstenant de répondre à ses conclusions qui lui demandaient, au fondement de l’article 1191 du code civil, de constater que la clause compromissoire, en ce qu’elle désigne, en la personne de M. [G] [F], un arbitre suspecté d’entretenir des liens de dépendance vis-à-vis de l’une des parties, ne peut produire aucun effet et se trouve manifestement inapplicable et par là-même entachée de nullité.
Or, force est de constater que l’ordonnance attaquée répond aux conclusions de la société DO-IT et, précisément, au moyen qui y est énoncé, tiré de ce que la clause compromissoire serait nulle car inapplicable, en ce qu’elle retient (page 8 de l’ordonnance) qu’il ‘n’appartient pas au juge de la mise en état de se prononcer sur le manque d’impartialité objective de l’arbitre désigné d’un commun accord par les parties qui pourront seulement recourir au juge d’appui lors de la mise en oeuvre de l’arbitrage’ et en ce qu’elle déduit d’une telle motivation que le tribunal judiciaire est incompétent en présence d’une clause compromissoire qui n’est pas manifestement inapplicable.
C’est en vain que la société DO-IT fait observer, pour souligner le prétendu défaut de motivation de l’ordonnance, que le juge de la mise en état n’a pas même crû devoir se référer aux dispositions de l’article 1191 du code civil qu’elle invoquait expressément. Force est de rappeler que l’article 1191 du code civil, aux termes duquel ‘Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun’, relève des règles qui gouvernent l’interprétation du contrat dans les cas où celle-ci est rendue nécessaire car la volonté des parties n’y est pas clairement exprimée et qu’il revient au juge de la fixer. Or, en la cause, l’interprétation de la clause compromissoire rédigée en des termes clairs n’était aucunement discutée et il n’y avait donc pas lieu pour le juge de la mise en état, qui n’était pas saisi d’une demande d’interprétation de cette clause, de se référer aux dispositions de l’article 1191 du code civil qui étaient inutilement invoquées et ne trouvaient pas à s’appliquer.
Il s’ensuit que l’appelante n’est pas davantage fondée en son grief d’absence de motivation de l’ordonnance entreprise.
La demande d’annulation de l’ordonnance du juge de la mise en état ne saurait en conséquence prospérer et doit être rejetée.
— Sur la demande d’infirmation de l’ordonnance,
Pour conclure à l’infirmation de l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions et demander à la cour, statuant à nouveau, de déclarer le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître de ses demandes en contrefaçon de marque et manquements contractuels, la société DO-IT soutient que, faute de contenu certain et licite, la clause compromissoire est nulle et inapplicable, qu’en toute hypothèse, la société Markal qui ne l’a pas invoquée dans la procédure de référé-contrefaçon intentée à son encontre, doit être regardée comme ayant irrévocablement renoncé à l’arbitrage.
La rédaction de la clause compromissoire est, selon la société DO-IT, trop générale en ce qu’elle soumet à l’arbitrage ‘tout litige’ et imprécise en ce qu’elle se garde de fixer la mission de l’arbitre, en conséquence de quoi la clause se trouve privée de contenu certain.
Telle qu’elle est stipulée dans le contrat signé entre les parties le 20 mai 2015, la clause compromissoire s’énonce comme suit : ‘ Le présent accord prend effet à la signature des parties concernées (…) Pour tout litige, les parties nommeront un arbitre, désigné dès à présent en la personne de M. [G] [F], qui accepte’.
Or, la clause compromissoire par laquelle les parties au contrat expriment en des termes non équivoques leur volonté de soumettre à un arbitre nommément désigné tout différend qui pourrait survenir entre elles relativement à ce contrat, présente un contenu certain. La société DO-IT n’est pas pertinente à se prévaloir de l’imprécision de la mission impartie à l’arbitre celle-ci ne pouvant être définie tant que le litige n’est pas né et devant être précisée, ainsi qu’il ressort des dispositions de l’article 1442 du code de procédure civile, non pas dans la clause compromissoire, qui engage les cocontractants à recourir à l’arbitrage pour régler leurs litiges, mais dans le compromis d’arbitrage qui détermine l’objet du litige présenté à l’arbitre.
La société DO-IT ajoute que la clause compromissoire est illicite et ne saurait produire le moindre effet en ce qu’elle désigne en la personne de M. [G] [F] un arbitre qui a fait preuve de sa dépendance envers la société Markal en faveur de laquelle il aurait rédigé une attestation produite dans la procédure au fond et ne saurait en conséquence satisfaire à la condition d’impartialité exigée de l’arbitre. La société Markal rappelle pour sa part que M. [G] [F] a été désigné du commun accord des parties pour sa connaissance de l’activité concernée et du marché et conteste en tout état de cause le grief de partialité de l’arbitre.
Cependant la société DO-IT allègue d’un fait qui est de nature à mettre en doute l’impartialité de l’arbitre mais qui ne rend pas pour autant la clause compromissoire désignant cet arbitre illicite ou inapplicable.
Selon les dispositions de l’article 1456 du code de procédure civile, ‘Il appartient à l’arbitre, avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité. Il lui est également fait obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l’acceptation de sa mission. En cas de différend sur le maintien de l’arbitre, la difficulté est réglée par la personne chargée d’organiser l’arbitrage ou, à défaut, tranchée par le juge d’appui, saisi dans le mois qui suit la révélation ou la découverte du fait litigieux.’
Par application des dispositions précitées, et ainsi qu’il a été retenu à bon droit par le juge de la mise en état, il reviendra aux parties, en cas de désaccord sur le maintien de l’arbitre, de faire appel, lors de la mise en oeuvre de l’arbitrage, au juge d’appui pour faire trancher la difficulté relative aux garanties d’indépendance et d’impartialité de l’arbitre.
Il s’ensuit que la clause compromissoire litigieuse n’est ni nulle ni inapplicable .
Selon les dispositions de l’article 1448 du code de procédure civile, ‘Lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable’ .
Au regard des dispositions précitées le tribunal judiciaire de Paris, saisi d’un litige en contrefaçon de marque et manquements contractuels relevant de la clause compromissoire convenue entre les parties, qui n’est pas manifestement nulle ni manifestement inapplicable, doit se déclarer incompétent pour connaître de ce litige.
La société DO-IT prétend que la société Markal a, en toute hypothèse, renoncé à cette clause compromissoire qu’elle n’a pas invoquée dans la procédure de référé-contrefaçon qui a précédé l’assignation au fond devant le tribunal judiciaire de Paris.
Elle fait grief au juge de la mise en état d’avoir retenu, au visa de l’article 1449 du code de procédure civile, qu’il n’y avait pas lieu pour la société Markal d’exciper de l’existence de la clause compromissoire et de soulever l’incompétence de la juridiction étatique dans le cadre d’une procédure de référé-contrefaçon visant à obtenir des mesures provisoires et tendant à faire cesser, à titre conservatoire et préventif, un dommage causé par un comportement vraisemblablement contrefaisant.
Elle soutient qu’il ressort de l’article 1449 précité que la condition tenant à l’urgence est exigée pour justifier, en présence d’une convention d’arbitrage, de la compétence exceptionnelle du juge des référés et, dès lors que l’urgence n’est pas requise dans la procédure de référé-contrefaçon et que le juge des référés se prononce en la matière sans avoir à la caractériser, il appartenait à la société Markal, sauf à considérer qu’elle y a renoncé, de se prévaloir de la clause compromissoire pour contester la compétence de la juridiction étatique. Cette renonciation est, selon la société DO-IT, de plus fort irrévocable car la société Markal s’est gardée de relever appel de l’ordonnance du juge des référés.
Selon les dispositions de l’article 1449 du code de procédure civile, ‘L’existence d’une convention d’arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une partie saisisse une juridiction de l’Etat aux fins d’obtenir une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire.
Sous réserve des dispositions régissant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, la demande est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce, qui statue sur les mesures d’instruction dans les conditions prévues à l’article 145 et, en cas d’urgence, sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d’arbitrage.’
En l’espèce, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris avait été saisi par la société DO-IT, qui reprochait à la société Markal d’attenter à ses droits de marque sur le signe LA BIO IDEA, d’une procédure de référé-contrefaçon au fondement des dispositions de l’article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle qui énonce que : ‘ Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (…) la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.’
Il résulte de l’article 1449 précité du code de procédure civile que le juge des référés peut être saisi par une partie à la convention d’arbitrage, lorsque le tribunal arbitral n’est pas encore constitué, afin de le voir prononcer des mesures provisoires ou conservatoires.
La procédure de référé-contrefaçon prévue par les dispositions du code de la propriété intellectuelle permet au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle d’obtenir du juge des référés qu’il ordonne, au besoin sous astreinte, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre de propriété intellectuelle ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon quand il apparaît qu’une telle atteinte est vraisemblable. Elle tend ainsi à voir prononcer des mesures qui sont par nature provisoires et conservatoires et qui présentent un caractère d’urgence dès lors qu’elles visent à prévenir une atteinte imminente à un droit privatif de propriété intellectuelle ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.
C’est dès lors à tort et sans fondement que la société DO-IT prétend que les dispositions de l’article 1449 du code de procédure civile ne seraient pas applicables en cas de référé-contrefaçon.
En conséquence, et conformément à ces dispositions, la convention d’arbitrage ne faisait pas obstacle, dès lors que le tribunal arbitral n’était pas constitué, à ce que la société DO-IT saisisse une juridiction de l’Etat selon la procédure du référé-contrefaçon aux fins d’obtenir à l’encontre de la société Markal des mesures provisoires ou conservatoires dans le but de prévenir une atteinte imminente à ses droits de marque ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.
La société Markal n’est donc pas critiquable d’avoir manqué de soulever l’incompétence du juge des référés en présence de la convention d’arbitrage et la société DO-IT mal fondée à s’emparer de cette circonstance pour lui opposer qu’elle aurait renoncé à la convention d’arbitrage.
L’ordonnance du juge de la mise en état est en conséquence confirmée en ce qu’elle a dit la clause compromissoire non manifestement nulle et dit le tribunal judiciaire de Paris incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
La société Markal obtenant gain de cause en sa demande principale visant à la confirmation de l’ordonnance, il n’y a pas lieu pour la cour d’examiner sa demande subsidiaire tendant à voir prononcer l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris au profit du tribunal de commerce de Romans pour connaître des prétentions de la société DO-IT fondées sur les manquements contractuels.
Les dispositions de l’ordonnance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont également confirmées.
L’équité commande de condamner la société DO-IT à payer à la société Markal une indemnité complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
La société DO-IT, succombant à l’appel, en supportera en outre les entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Rejette comme mal fondée la demande de la société DO-IT BV en annulation de l’ordonnance dont appel,
Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Condamne la société DO-IT à payer à la société Markal une indemnité complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente