Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12241 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDTK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/04795
APPELANT
Monsieur [B] [I]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Michael GABAY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC95
INTIMÉES
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA OUEST
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
SELARL ATHENA prise en la personne de Maître [O] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS OOCAR
[Adresse 3]
[Localité 2]
Sans avocat constitué, signifié à personne morale le 20 février 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M Stéphane MEYER, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– réputé contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [B] [I] a été engagé par la société Oocar, pour une durée indéterminée à compter du 14 septembre 2015, en qualité de développeur informatique, avec le statut de cadre.
La relation de travail est régie par la convention collective « Syntec ».
Il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur par lettre du 12 avril 2019, reprochant à l’entreprise des retards et omissions dans le versement de ses salaires.
Par jugement du 25 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Oocar et désigné la société Athena en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 30 mai 2019, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 14 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Monsieur [I] de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
A l’encontre de ce jugement notifié le 19 novembre 2019, Monsieur [I] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 12 décembre 2019.
Par jugement du 17 juin 2020, la procédure collective de l’entreprise a fait l’objet d’une clôture pour insuffisance d’actif et par ordonnance du 20 juin 2022, la société Athena a été désignée en qualité de mandataire de justice, chargée de représenter l’entreprise dans le cadre de la présente procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 septembre 2022 et signifiées à la société Athena le 9 septembre suivant, Monsieur [I] demande l’infirmation du jugement, que sa prise d’acte soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Oocar de ses créances suivantes :
– rappel de salaires : 856,65 € nets ;
– indemnité de congés payés afférente : 85,66 € nette ;
– indemnité compensatrice de préavis : 12 207,60 € ;
– indemnité de congés payés afférente : 1 220,76 € ;
– rappel d’indemnité compensatrice de congés payés : 495,41€ ;
– indemnité conventionnelle de licenciement : 4 747,40 € ;
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 276,80 € ;
– les intérêts au taux légal avec capitalisation ;
– Monsieur [I] demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de salaire, ainsi que d’un certificat de travail, d’un reçu pour solde de tout compte et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Monsieur [I] expose que :
– aucune rémunération ne lui a été versée à compter du mois de février 2019, malgré des réclamations, à l’exception d’un virement tardif de 2 000 € ;
– il ne lui appartient pas de rapporter la preuve de l’absence de versement des sommes dues ;
– ce n’est que le 12 juin 2019 qu’il a finalement reçu un paiement, partiel et erroné, ainsi que ses documents de fin de contrat non conformes ;
– ces faits justifiaient la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 janvier 2020, l’Ags demande la confirmation du jugement et le rejet des demandes de Monsieur [I]; Elle fait valoir que :
– Monsieur [I] a bien reçu ses bulletins de paie de février et mars 2020 et n’a pas émis la moindre réclamation antérieurement à sa prise d’acte ;
– il lui appartient de produire ses relevés de comptes bancaires afin d’établir l’absence de paiement des sommes qu’il réclame ;
– il était parfaitement informé des difficultés financières de la société et aurait dû lui laisser l’opportunité de régulariser la situation ;
– sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, plus élevée qu’en première instance, n’est pas justifiée ;
– en ce qui concerne les rappels de salaire et indemnité compensatrice et de préavis, il a déjà rempli de ses droits ;
– les autres demandes ne concernent pas l’AGS ;
– il doit en tout état de cause être fait application des limites légales de sa garantie.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2022.
Bien que régulièrement assignée par acte d’huissier de justice délivré le 20 février 2020 à une personne habilitée, la société Athena, en sa qualité de mandataire de justice, ne s’est pas constituée. L’arrêt sera donc réputé contradictoire.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS
Sur la demande de rappel de salaires et congés payés afférents
Il résulte des dispositions de l’article 1353 alinéa 2 du code civil qu’en cas de contestation sur la réalité du paiement du salaire, il appartient à l’employeur ou, à défaut, aux organes de la procédure collective de ce dernier, de prouver que ce salaire a été versé au salarié.
Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.
En l’espèce, Monsieur [I], dont le salaire apparaissant sur ses dernières fiches de paie était de 4 069,20 euros, expose qu’à compter du mois de février 2019, il n’a plus perçu ses salaires, malgré plusieurs réclamations orales, à l’exception d’un virement de 2 000 euros le 14 mars 2019.
Il produit une lettre que la société Athena, alors liquidateur judiciaire de l’entreprise, lui a adressée le 12 juin 2019, lui annonçant qu’un virement bancaire venait d’être effectué sur son compte bancaire, pour des montants de 4 990,04 € correspondant aux salaires du 1er février au 12 avril 2019 et de 2 211,98 € correspondant aux congés payés du 1er août 2018 au 12 avril 2019.
Monsieur [I] est donc fondé à percevoir la somme nette de 660,51 euros (salaire net dû : 7 650,55 € – versements 6 990,04 €), outre 66,05 euros d’indemnité de congés payés afférente et le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaires.
Sur l’imputabilité de la rupture
Il est de règle que le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail et que cette prise d’acte produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il rapporte la preuve de manquements de l’employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
Par ailleurs, l’une des principales obligations de l’employeur est de régler régulièrement les salaires dûs au salarié.
En l’espèce, il résulte des explications qui précèdent que Monsieur [I] n’a perçu que le 14 mars 2019 la somme de 2 000 euros correspondant à environ la moitié de son salaire de février et que ce n’est que le 12 juin 2019, soit avec environ deux mois de retard, que le solde de son salaire de février ainsi que ses salaires de mars et avril lui ont été réglés.
Contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, ces manquements de l’employeur, nonobstant ses difficultés financières, sont suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d’acte de la rupture à ses torts, avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences de la rupture
En application des stipulations de la convention collective applicable, Monsieur [I] est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, soit la somme de 12 207,60 euros, ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 1 2220,76 euros.
Monsieur [I] a également droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement, telle que prévue par l’article 19 de la convention collective applicable et égale à 1/3 mois par année d’ancienneté sur la base des 12 derniers mois, soit 4 747,40 euros.
Il résulte des bulletins de paie produits par Monsieur [I], que d’indemnité compensatrice de congés payés due au titre de la période du 1er août 2018 au 12 avril 2018 s’élève à 3 307,25 euros bruts. Monsieur [I] n’ayant perçu à ce titre que 2 811,84 € bruts, est fondé à percevoir la différence, soit 495,41 €.
Monsieur [I] justifie de 3,5 années d’ancienneté et l’entreprise emploie habituellement moins de 11 salariés.
En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 4 069,20 euros.
En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre un et quatre mois de salaire, soit entre 4 069,20 euros et 16 276,80 euros.
Au moment de la rupture, Monsieur [I] était âgé de 26 ans et il ne produit aucun élément relatif à sa situation à la suite de la rupture du contrat de travail.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 10 000 euros.
Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un reçu pour solde de tout compte, d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau ;
Déclare que la prise d’acte de la rupture du 12 avril 2019 constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Fixe la créance de Monsieur [B] [I] au passif de la procédure collective de la société Oocar aux sommes suivantes :
– rappel de salaires : 660,51 € nets ;
– indemnité de congés payés afférente : 66,05 € nette ;
– indemnité compensatrice de préavis : 12 207,60 € ;
– indemnité de congés payés afférente : 1 220,76 € ;
– rappel d’indemnité compensatrice de congés payés : 495,41€ ;
– indemnité conventionnelle de licenciement : 4 747,40 € ;
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 000 € ;
Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l’ouverture de la procédure collective ;
Dit que le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA Idf Ouest – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC devra garantir ces créances dans la limite du plafond légal ;
Ordonne à la société Athena, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Oocar, de remettre à Monsieur [B] [I] un bulletin de salaire rectificatif, ainsi qu’un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;
Déboute Monsieur [B] [I] du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Athena, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Oocar, aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT