Convention collective SYNTEC : 9 novembre 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00689

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Convention collective SYNTEC : 9 novembre 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00689

ARRÊT N°

N° RG 21/00689 – N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHRH

AFFAIRE :

[J] [W]

C/

G.I.E. CORREZE LIMOUSIN

GV/TT

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée le 09/11/2022

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022

————-

Le neuf Novembre deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d’Appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

[J] [W], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle DE LA MORENA, avocat au barreau de TOULOUSE,

APPELANTE d’un jugement rendu le 12 Juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BRIVE LA GAILLARDE

ET :

G.I.E. CORREZE LIMOUSIN, dont l’adresse est [Adresse 2]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Alain LERICHE de l’ASSOCIATION LERICHE, FEBRER – Associés, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

—==oO§Oo==—

L’affaire a été fixée à l’audience du 20 Septembre 2022, après ordonnance de clôture rendue le 24 Août 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et de Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 09 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Mme [J] [W] a été engagée par la société d’économie mixte d’aménagement et d’équipement de la Corrèze (SEM 19) à compter du 2 février 1987 en qualité d’assistante commerciale sur les programmes immobiliers puis sur la gestion des logements locatifs.

À compter des années 2000, elle est devenue assistante de direction catégorie ETAM position 3.1 coefficient 400 de la convention collective SYNTEC.

Le Groupement d’intérêt économique CORREZE LIMOUSIN (GIE CORREZE LIMOUSIN) spécialisé dans les services administratifs combinés de bureau a été créée le 31 décembre 2013 par les deux sociétés adhérentes :

– la société d’économie mixte d’aménagement et d’équipement de la Corrèze (SEM 19)

– la société publique locale de Brive et de son agglomération (SPL).

Suivant convention tripartite en date du 31 décembre 2013, le contrat de travail de Mme [W] a été transféré de la SEM 19 au GIE CORRÈZE LIMOUSIN à effet au 1er janvier 2014.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 31 décembre 2013, le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a engagé Mme [W] en qualité d’assistante de direction, catégorie cadre, position 2.2 coefficient 130 de la même convention collective, moyennant un salaire mensuel de 2.550 € brut versé sur 13 mois, pour un temps de travail de 151,67 heures par mois. avec reprise d’ancienneté au 2 février 1987.

Par jugement rendu par le tribunal d’instance de Brive le 6 mars 2014, les trois entités initiales, SEM 19, SPL de Brive et son agglomération ainsi que le GIE CORRÈZE LIMOUSIN ont été reconnues comme constituant une unité économique et sociale à compter du 14 janvier 2014.

Le 26 mai 2014, Mme [W] a été élue déléguée du personnel suppléante au sein du GIE CORRÈZE LIMOUSIN.

En avril 2016, le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a annoncé à Mme [W] que son poste d’assistante de direction serait supprimé à compter de juillet 2016 et que lui était proposé un reclassement sur un poste d’assistante opérationnelle. Le 22 juillet 2016, Mme [W] a refusé cette proposition.

Mme [W] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 18 mars 2016 au 22 avril 2016, puis de façon quasi-continue à compter du 18 mai 2016 .

Après avoir repris son travail le 3 juillet 2017, le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a informé Mme [W] qu’elle reprenait son poste d’assistante de direction sans modification, sauf un nouvel aménagement des bureaux plaçant une grande partie du personnel dans un open-space.

==0==

Le 24 novembre 2017, Mme [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Brive pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du GIE CORRÈZE LIMOUSIN. Elle se plaignait d’avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, notamment par la modification unilatérale de son contrat de travail, la suppression de son poste d’assistante de direction puis l’absence de fourniture de travail. Elle invoquait également le défaut de paiement de son salaire ainsi que l’entrave de l’employeur à l’exercice de son mandat de déléguée du personnel.

Par jugement du 12 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Brive a débouté Mme [W] de l’ensemble de ses demandes.

Mme [W] a interjeté appel de ce jugement. Par ordonnance de mise en état du 23 janvier 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel. Cette ordonnance a été maintenue sur déféré par arrêt du 2 mai 2019.

Après plusieurs arrêts de travail, Mme [W] a été placée en dernier lieu en arrêt maladie du 26 juillet 2017 jusqu’au 31 octobre 2018.

Lors de la visite de reprise du 5 novembre 2018, le médecin du travail a conclu que Mme [W] était ‘inapte définitivement au poste d’assistante de direction et à tout autre poste dans l’entreprise’, précisant que ‘L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’.

Le 27 novembre 2018, le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a convoqué les membres du CSE et Mme [W] en vue d’une réunion fixée le 4 décembre 2018 ayant pour objet leur information et leur consultation sur la situation d’inaptitude et la dispense d’obligation de reclassement de Mme [W].

Le 4 décembre 2018, les membres du CSE ont émis un avis favorable au licenciement de Mme [W] pour inaptitude et dispense de reclassement ayant pour origine une maladie non professionnelle.

Par lettre du 6 décembre 2018 adressée en recommandée avec accusé réception, le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a convoqué Mme [W] en vue d’un entretien préalable à son licenciement prévu le 17 décembre suivant.

Par lettre du 20 décembre 2018 adressée en recommandée avec accusé réception, le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a licencié Mme [W] pour inaptitude ayant pour origine une maladie non professionnelle, avec dispense de recherche de reclassement.

==0==

Considérant que son licenciement est nul faute d’avoir été autorisé par l’inspection du travail au regard de son statut de salarié protégé ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse puisque fondé sur une inaptitude résultant des manquements de son employeur, Mme [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Brive le 29 novembre 2019.

Par jugement rendu le 12 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Brive a :

– dit et jugé que le licenciement de Mme [W] n’est pas frappé de nullité. Le licenciement pour inaptitude est fondé. Mme [W] est déboutée de l’ensemble de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail et des demandes indemnitaires qui en auraient découlé ;

– débouté Mme [W] de sa demande de nullité du licenciement ;

– débouté Mme [W] de sa demande de requalification du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l’employeur et manquement à son obligation de reclassement ;

– condamné Mme [W] au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– dit que chacune des parties conservera à sa charge les frais et dépens de l’instance’.

Mme [W] a interjeté appel de ce jugement le 28 juillet 2021, son recours portant sur l’ensemble de ses chefs.

==0==

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 5 avril 2022, Mme [J] [W] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que son licenciement n’était pas frappé de nullité et était fondé, ainsi qu’en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail et des demandes indemnitaires qui en auraient découlé ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

– juger que son licenciement est nul ;

– condamner, en conséquence, le GIE CORREZE LIMOUSIN au paiement des sommes suivantes :

* 8.537,10 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 853,71 € au titre des congés payés afférents,

* 65.000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* 15.000 € de dommages-intérêt pour violation du statut protecteur des salariés protégés,

* 5.142,13 € au titre de rappel de salaire et la somme de 514,21 € au titre des congés payés y afférent,

* 3.068,25 € brut de rappel de salaire et celle de 306,82 € au titre des congés payés y afférent,

* 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

– juger que son inaptitude résulte des manquements de l’employeur ;

– dire que le GIE a manqué à son obligation de reclassement au sein de l’UES ;

– dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner, en conséquence, le GIE CORREZE LIMOUSIN au paiement des sommes suivantes :

* 8.537,10 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 853,71 € au titre des congés payés y afférents ;

* 65.000 € de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* 5.142,13 € brut de rappel de salaire et la somme de 514,21 € de congés payés y afférent ;

* 3.068,25 € à titre de rappel de salaire et celle de 306,82 € au titre des congés payés y afférent ;

* 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Sur l’appel incident,

– débouter le GIE CORREZE LIMOUSIN de son appel incident ;

– confirmer, en conséquence, le jugement dont appel en ce qu’il l’a déclarée recevable, d’une part, en ses demandes relatives aux manquements de l’employeur et d’autre part en ses demandes de rappel de salaires.

A titre principal, Mme [W] soutient que son licenciement est nul en ce qu’il a été prononcé en violation de son statut de salarié protégé qui exigeait l’autorisation de l’inspection du travail. En effet, son licenciement repose sur son inaptitude établie le 5 novembre 2018 pendant la période de protection. Si sa convocation à l’entretien préalable date du 6 décembre 2018, son mandat de déléguée du personnel est arrivé à son terme le 26 novembre 2018, soit seulement quelques jours avant, ce qui caractérise un détournement de procédure. Le CSE a d’ailleurs été convoqué le lendemain de l’expiration de sa période de protection démontrant la volonté de l’employeur de détourner la procédure de protection.

A titre subsidiaire, sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, Mme [W] soutient que l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 10 septembre 2018 ne peut pas lui être opposée, l’objet de sa demande étant différent (demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en 2018 et ici demande de dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse). En outre, son inaptitude n’existait pas lors de la précédente instance.

Sur le fond, elle fait valoir que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, en raison d’une part de l’imputabilité de son inaptitude aux manquements de l’employeur qui a modifié unilatéralement son contrat de travail, ne lui a pas payé certains salaires et a entravé ses fonctions de déléguée du personnel. En outre, il n’a tenté aucun reclassement au sein de la SEM 19 et de la SPL de Brive.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 22 décembre 2021, le GIE CORREZE LIMOUSIN demande à la cour de :

Sur l’appel principal,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a jugé que le licenciement notifié à Mme [W] n’était pas frappé de nullité et que le licenciement pour inaptitude est fondé, en ce qu’il a débouté Mme [W] de sa demande de nullité du licenciement, ainsi que de ses demandes au titre d’un prétendu manquement à l’obligation de reclassement et en ce qu’il a condamné Mme [W] au paiement d’une indemnité de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– en conséquence, débouter, Mme [W] de ses demandes formulées à ces titres ;

Sur l’appel incident,

– le recevoir en son appel incident, lequel porte sur toutes dispositions non visées au dispositif du jugement lui faisant grief ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré Mme [W] recevable, d’une part, en ses demandes relatives à des manquements prétendument imputables à son ancien employeur, et d’autre part, en ses demandes de rappel de salaires, bien que l’en ayant déboutée ;

Et statuant à nouveau,

– juger Mme [W] irrecevable en ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de prétendus manquements imputables à son employeur et en ses demandes de rappel de salaires, en raison de l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 10 septembre 2018 ;

Subsidiairement,

– débouter Mme [W] de ses demandes, fins et prétentions ;

– la condamner au paiement d’une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le GIE CORREZE LIMOUSIN conteste ne pas avoir respecté le statut protecteur de Mme [W] en sa qualité de déléguée du personnel. En effet, à la date de sa convocation à l’entretien préalable, le 5 décembre 2018, seule date à prendre en compte, cette protection avait pris fin depuis le 25 novembre 2018. En outre, le GIE avait l’obligation de consulter le CSE s’agissant d’un licenciement pour inaptitude, en application des articles L 1226-2 et L 1226-2-1 du code du travail. Enfin, il n’est démontré aucune fraude ou détournement de procédure à son encontre.

En ce qui concerne la question de la cause réelle et sérieuse du licenciement, Mme [W] se heurte à l’autorité de la chose jugée du jugement du 10 septembre 2018 qui l’a déboutée de ses demandes, puisqu’elle reprochait les mêmes manquements à son employeur que dans la présente instance.

En tout état de cause, ces griefs ne sont pas fondés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2022.

SUR CE,

I Sur la validité du licenciement

L’article L 2411-5 du code du travail dispose que ‘Le licenciement d’un membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndical au comité social et économique, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail’.

L’ancien membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique ainsi que l’ancien représentant syndical qui, désigné depuis deux ans, n’est pas reconduit dans ses fonctions lors du renouvellement du comité bénéficient également de cette protection pendant les six premiers mois suivant l’expiration de leur mandat ou la disparition de l’institution’.

Mme [W] a été élue déléguée du personnel suppléante le 26 mai 2014 pour une durée de quatre années (cf procès-verbal des élections).

Son mandat expirait donc le 26 mai 2018.

En application de l’alinéa 2 de l’article L 2411-5, Mme [W] bénéficiait d’une protection pendant les six premiers mois suivant l’expiration de son mandat, soit jusqu’au 26 novembre 2018.

L’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement (Cour de cassation chambre sociale 23 octobre 2019 n° 18’16. 057, CE 23 novembre 2016). Est donc nul le licenciement du salarié, convoqué à l’entretien préalable au licenciement, avant le terme de la période de protection, sans avoir été autorisé par l’inspecteur du travail.

En l’espèce, Mme [W] a été convoquée le 6 décembre 2018 à l’entretien préalable au licenciement, soit 10 jours après l’expiration de la période de protection.

Mais, elle a été licenciée pour un fait survenu avant le terme de cette période, c’est à dire la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail en date du 5 novembre 2018, fait dont l’employeur avait connaissance au moment de la convocation à l’entretien préalable.

Or, est nul le licenciement du salarié au terme de son mandat prononcé en raison de faits commis pendant la période de protection et qui auraient dû être soumis à l’inspecteur du travail (Cour de cassation chambre sociale 27 juin 2007 n°06-40.399, 5 mars 2015 n°13-26.667).

En outre, est caractérisé le détournement de procédure lorsque le salarié, convoqué à un entretien préalable quelques jours après l’expiration de sa période de protection, est licencié en raison de faits commis pendant cette période dont l’employeur avait une exacte connaissance, alors que le licenciement n’a pas été soumis à l’inspection du travail (Cour de cassation chambre sociale 10 février 2010 n°08-44.001, 5 mars 2015 n°13-26.667, 28 février 2018 n°16-19.652)

Certes, ces arrêts se rapportent à des faits disciplinaires, mais le contrôle de l’inaptitude relève également de la compétence de l’inspection du travail.

En effet, l’inspecteur du travail, saisi du cas d’un salarié protégé reconnu inapte à son emploi, doit non seulement contrôler le respect la procédure de constatation de l’inaptitude, mais aussi vérifier sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu’elle justifie le licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé, des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi, des caractéristiques de l’emploi exercé par le salarié à la date à laquelle son inaptitude est constatée et de la possibilité d’assurer son reclassement dans l’entreprise, notamment par des mutations ou transformations de postes de travail (CE, 29 juill. 1994, n°112119 : RJS 1994, n°1156. ‘ CE, 21 oct. 1996, n°111961 : RJS 1996, n°1287. ‘ CE, 30 déc. 1996, n°163746 : RJS 1997, n°172. ‘ CE, 7 avr. 2011, n°334211 : RJS 2011, n°630).

Dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’inspection du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement. Mais, il ne lui appartient pas de rechercher la cause de cette inaptitude (Cour de cassation sociale 29 juin 2017 n°15 -15.775).

De plus, l’article L 2421-3 du code du travail en ses alinéa 1, 2 et 3 dispose que :

‘Le licenciement envisagé par l’employeur d’un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndical au comité social et économique ou d’un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III.

L’avis est réputé acquis nonobstant l’acquisition d’un nouveau mandat postérieurement à cette consultation.

Lorsqu’il n’existe pas de comité social et économique dans l’établissement, l’inspecteur du travail est saisi directement’.

Or, le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a convoqué le comité social et économique et Mme [W] pour audition, le 27 novembre 2018, soit le lendemain de l’expiration de la période de protection (cf procès-verbal de réunion du CSE en date du 4 décembre 2018), alors que la déclaration d’inaptitude datait du 5 novembre 2018. Cette convocation n’était pas fondée sur les dispositions de l’article L 1226’2 et L 1226’2’1 du code du travail puisque le GIE CORRÈZE LIMOUSIN n’a formulé aucune proposition de reclassement, l’état de santé de Mme [W] étant incompatible à tout reclassement dans un emploi selon l’avis d’inaptitude du 5 novembre 2018. Le comité social et économique a donné un avis sur le projet de licenciement pour inaptitude sans possibilité de reclassement de Mme [W], si bien que cet avis s’inscrivait en réalité dans le cadre de l’article L 2421-3 du code du travail et donc de la procédure de licenciement du salarié protégé.

L’employeur avait donc conscience que la procédure de licenciement relative au salarié protégé devait être respectée.

Ainsi, en convoquant Mme [W] 20 jours après l’avis d’inaptitude survenu pendant la période de protection et seulement quelques jours après l’issue de cette période, sans solliciter l’autorisation de l’inspection du travail, a détourné la procédure de protection de Mme [W] déléguée du personnel suppléante.

Son licenciement doit donc être déclaré nul.

II Conséquences

1) Le licenciement de Mme [W] étant nul, elle a droit à :

– l’indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 8.537,10 € brut correspondant à 3 mois de salaire brut et à la somme de 853,71 € brut au titre des congés payés afférents ;

– l’indemnité légale de licenciement pour licenciement nul qui ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois (2.626,42 € par mois) en application des dispositions de l’article L.1235’3’1 du code du travail ; sur ce point, au regard des seuls éléments du dossier, il convient de limiter son indemnisation à la somme de 18.000 €.

2) Sur la demande de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur du salarié protégé

Il convient de considérer que Mme [W] a subi une perte de chance causée par l’absence d’autorisation du licenciement par l’inspection du travail, dans la mesure où sa saisine lui aurait peut-être permis de conserver un poste au sein du GIE. Néanmoins, cette hypothèse est peu probable au vu de l’avis d’inaptitude sans possibilité de reclassement du 5 novembre 2018, clair, circonstancié et catégorique.

Il convient d’évaluer ce préjudice à la somme de 2.000 € et de condamner le GIE CORRÈZE LIMOUSIN à lui payer le montant de cette somme.

III Sur la demande de rappel de salaires

L’autorité de la chose jugée du jugement du conseil de prud’hommes de Brive en date du 10 septembre 2018 ne peut pas être appréciée parce que ce jugement ne fait pas apparaître les demandes chiffrées de Mme [W] à ce titre.

1) Sur le 13ème mois

Le contrat de travail de Mme [W] prévoit que ‘Le treizième mois sera versé en décembre de chaque année et sera égal au salaire de base brut dudit mois. En cas de départ en cours d’année, celle-ci sera versée au prorata du temps de travail(précision faite que sont assimilées à du temps de travail effectif les périodes visées à l’article L. 3141’5 du code du travail’.

Mme [W] a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle:

‘ en 2016 : – du 18 mars au 22 avril

– du 18 mai au 17 juin

– du 20 juin au 31 décembre

‘ En 2017 : – du 1er janvier au 29 juin

– du 26 juillet au 31 décembre

‘ En 2018 : – du 1er janvier au 31 octobre.

Mme [W] considère que ces périodes d’absence ne doivent pas impacter le calcul du 13ème mois basé sur le salaire de base brut et que le calcul prorata temporis ne s’applique qu’en cas de départ du salarié de l’entreprise en cours d’année.

Le GIE CORRÈZE LIMOUSIN considère au contraire que la quote-part du 13e mois est versée prorata temporis en fonction de la présence effective du salarié (cf son courrier du 7 mars 2018).

Sur ce, il convient de considérer en application des dispositions de l’article L. 3141’5 du code du travail que sont exclus du temps travail effectif les absences pour maladie non professionnelle.

En conséquence, c’est à bon droit que le GIE CORRÈZE LIMOUSIN a opéré un calcul prorata temporis en fonction du temps travail effectif de Mme [W].

Elle doit donc être déboutée de sa demande en paiement d’un rappel de salaire à ce titre.

2) Sur la valeur du point

La revalorisation au 1er juillet 2017 de la valeur du point a été prise en compte sur la fiche de paie d’octobre 2017 selon les modalités applicables.

Mme [W] doit donc être déboutée de sa demande à ce titre.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le GIE CORRÈZE LIMOUSIN succombant, il doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [W] à payer au GIE CORRÈZE LIMOUSIN la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Statuant à nouveau, les parties seront déboutées de leur demande en paiement formées à ce titre en première instance.

En appel, il est équitable de condamner le GIE CORRÈZE LIMOUSIN à payer à Mme [W] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Brive le 12 juillet 2021 ;

Statuant à nouveau,

DIT ET JUGE que le licenciement de Mme [J] [W] en date du 20 décembre 2018 est nul ;

En conséquence, CONDAMNE le GIE CORRÈZE LIMOUSIN à lui payer les sommes de :

– 8.537,10 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 853,71€ brut au titre des congés payés afférents,

– 18.000 € au titre de l’indemnité pour licenciement nul ;

CONDAMNE le GIE CORRÈZE LIMOUSIN à payer à Mme [J] [W] la somme de 2.000 € à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur des salariés protégés ;

DECLARE recevables les demandes de Mme [J] [W] en paiement de rappels de salaires, mais l’en DEBOUTE ;

DEBOUTE chacune des parties de sa demande en paiement formée en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le GIE CORRÈZE LIMOUSIN à payer à Mme [J] [W] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne l’instance d’appel ;

CONDAMNE le GIE CORRÈZE LIMOUSIN aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Line MALLEVERGNE Pierre-Louis PUGNET

 


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