Convention collective Syntec : 9 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00998

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Convention collective Syntec : 9 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00998

9 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG
22/00998

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 MARS 2023

N° RG 22/00998 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VC4P

AFFAIRE :

[W] [P]

C/

S.A.S.U. SEGULA MATRA AUTOMOTIVE

Décisions déférées à la cour :

Arrêt rendu le 9 mars 2022 par la cour de cassation

N°290F-D

Arrêt rendu le 24 Juin 2020 par le Cour d’Appel de VERSAILLES

N° Chambre : 15

N° RG : 18/00740

Jugement rendu le 23 janvier 2018 par le conseil de prud’hommes de Nanterre

N°RG: F 15/00239

Expéditions exécutoires et

Copies certifiées conformes délivrées le :

à :

Me Jérôme BORZAKIAN

de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN

Me Anne-Christine PEREIRA

de la SELARL DBC,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS, après première prorogation en date du SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS, les parties ayant été préalablement avisées,

La cour d’appel de VERSAILLES, ayant été saisi par déclaration de saisine enregistrée au greffe social le 25 mars 2022 en exécution d’un arrêt de la cour de cassation du 9 mars 2022 cassant et annulant l’arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant entre :

Monsieur [W] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0242

Demandeur au renvoi après cassation

****

SASU SEGULA MATRA AUTOMOTIVE

RCS 817 465 651

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne-Christine PEREIRA de la SELARL DBC, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0180

SASU SEGULA MATRA AUTOMOTIVE

RCS 844 926 311

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Anne-Christine PEREIRA de la SELARL DBC, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0180

Défendeurs au renvoi après cassation

***

Composition de la cour

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue en chambre du conseil le 13 décembre 2022, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY

FAITS ET PROCÉDURE

Engagé à compter du 22 juin 1992 en qualité de projeteur, par la société Sodeca, M. [P] a successivement été promu aux emplois de Chef de groupe, statut cadre, ‘Responsable technique’, ‘Chargé de développement’ et enfin ‘Responsable du bureau d’études’.

Placée en redressement judiciaire, suivant jugement du tribunal de commerce de Belfort en date du 10 juin 2018, la société Sodeca a fait l’objet d’un plan de cession au profit de la société Segula Futur 5 (ci-après SF5), filiale du groupe Segula groupe de dimension internationale d’ingénierie et de conseil en innovation, qui offrait des compétences technologiques et expertises techniques spécifiques à chaque secteur d’activité : automobile et véhicules industriels, aéronautique, spatial, défense, ferroviaire, énergie, naval, industrie, banque, assurance.

Le contrat de travail de M. [P] était transféré au sein de la société Segula Futur 5 (SF5) puis, au mois de juillet 2010, au profit de la société Segula Technologies Automotive (STA) dans le cadre d’un transfert universel de patrimoine.

La société Segula Technologies Automotive, qui s’adressaient principalement aux grands constructeurs et équipementiers du secteur de l’automobile, était absorbée, le 31 décembre 2015, dans le cadre d’une opération de transfert universel de patrimoine, par la société Segula Matra Automative .

In fine, à la suite d’une opération de fusion intervenue le 31 décembre 2021, le contrat de travail de M. [P] a été transféré de la société Segula Matra Automative inscrite au RCS de Nanterre 817 465 651 et située [Adresse 1] vers la société Segula Matra Automative, inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 844 926 311 et située [Adresse 3]

L’entreprise occupe plus de dix salariés et relève de la convention collective des bureaux d’études, dite Syntec.

Titulaire de plusieurs mandats syndicaux et électifs qu’il exerçait dès l’époque où il travaillait pour le compte de la société Sodeca, M. [P] a saisi, le 29 janvier 2015, le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins notamment d’entendre condamner la société au paiement de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Par ordonnance de départage du 12 février 2016, le juge départiteur a ordonné à la société Segula la communication de diverses pièces et a renvoyé l’affaire devant le bureau de jugement du 24 octobre 2017.

Par jugement rendu le 23 janvier 2018, le conseil de prud’hommes de Nanterre a statué comme suit :

Dit que l’action de M. [P] est irrecevable car prescrite,

Déboute M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

Reçoit et déboute la société de ses demandes reconventionnelles,

Laisse les éventuels dépens à la charge de M. [P].

M. [P] a relevé appel du jugement par déclaration du 25 janvier 2018.

Par arrêt du 24 juin 2020, la 15ème chambre de la cour d’appel de Versailles a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris et a condamné M. [P] à payer à la société Segula Matra Automotive la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] aux dépens de première instance et d’appel.

Statuant sur le pourvoi formé par M. [P], la Cour de cassation a, par arrêt du 9 mars 2022, cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles et a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée, aux motifs suivants :

‘Vu l’article L. 1134-5 du code du travail :

5. Aux termes de ce texte, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

6. Pour dire prescrite l’action relative à la discrimination engagée par le salarié le 27 janvier 2015, l’arrêt retient qu’il invoque essentiellement, à l’appui de son action, une absence de reclassement qu’il fait remonter au 1er août 2008, date de sa prise de fonctions chez SF5, qu’il s’est plaint de cette discrimination dès la réunion du comité d’entreprise du 22 janvier 2009 au cours de laquelle il a attiré l’attention de la direction sur le fait qu’il était écarté de la gestion de son équipe, se retrouvant sans charge hormis celle liée à ses fonctions d’élu, et avait donc pleinement conscience de la discrimination dès cette date, et que toute action se trouvait par conséquent prescrite le 22 janvier 2014.

7. En statuant ainsi, alors que si le salarié faisait état d’une discrimination syndicale ayant commencé dès le transfert de son contrat de travail le 1er août 2008 et dont il s’est plaint en 2009, période couverte par la prescription, il faisait valoir que cette discrimination s’était poursuivie tout au long de sa carrière au sein de la société en terme d’évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait que le salarié se fondait sur des faits qui n’avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription, la cour d’appel a violé les textes susvisés’.

M. [P] a saisi, le 25 mars 2022, la cour d’appel de Versailles autrement composée.

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2022.

‘ Selon ses dernières conclusions notifiées le 28 octobre 2022, M. [P] demande à la cour de réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’elle a estimé que ce dernier aurait été prescrit en ses demandes et rappeler que le salarié n’a eu connaissance de la réalité de la discrimination et du comparatif possible avec son panel qu’à compter de la décision rendue par le conseil des prud’hommes de [Localité 6] en sa section du départage le 28 novembre 2014 et, statuant de nouveau, de :

Sur la discrimination à l’encontre du salarié :

Dire qu’il est recevable et bien fondé en ses demandes,

Dire et juger qu’il a subi une discrimination syndicale de la part des sociétés Segula Matra Automotive depuis la date de sa prise de fonction soit au 1er août 2008,

En conséquence :

Condamner les sociétés Segula Matra Automotive, conjointement, à lui payer la somme de 108 876 euros comme correspondant à l’indemnisation et la réparation de son préjudice passé,

Fixer la rémunération du salarié à la somme de 66 096 euros pour l’année 2022 (soit encore la somme de 5 508 euros bruts mensuels) – sous réserve des augmentations à intervenir,

Ordonner, pour l’année 2022, et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant signification de l’arrêt intervenir la remise des feuilles de paye afférente,

Condamner les sociétés Segula Matra Automotive, conjointement, à lui payer les sommes de :

– 15 000 euros comme correspondant à l’indemnisation de son préjudice moral du fait de la non reconnaissance de ses qualités professionnelles,

– 10 887 euros comme correspondant à l’indemnisation de la perte de sa prime de vacances outre la somme de 1 088 euros au titre des congés payés afférents,

– au titre de sa perte sur primes exceptionnelles/prime sur objectifs et parts variables (10% du salaire annuel) :

‘ pour l’année 2012 : 836 euros au titre de prime exceptionnelle, outre 3 800 euros au titre de prime sur objectifs et 6 339 euros au titre de la part variable outre la somme de 1097,50 euros au titre des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2013 : 724 euros au titre de la prime exceptionnelle, 2 339 euros au titre des primes sur objectifs, 7 572 euros au titre de la part variable outre la somme de 1 063,50 euros au titre des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2014 : 813 euros au titre des primes exceptionnelles, 2 400 euros au titre des primes sur objectif, 4 917 euros au titre de la part variable outre la somme de 813 euros au titre des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2015 : 1 038 euros au titre de la prime exceptionnelle, 3 976 euros au titre de la prime sur objectif et 4 147 euros au titre de la part variable outre 916 euros au titre des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2016 ordonner le versement au bénéfice du salarié de la somme de 704 euros au titre des primes outre 70,40 euros titrent des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2017 condamner l’entreprise au titre des primes à verser au salarié la somme de 481 euros outre la somme de 48,10 euros titrent des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2018 ordonner le versement au bénéfice du salarié de la somme de 5 730 euros outre la somme de 573 euros au titre des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2019 (selon NAO 2020) ordonner le versement au bénéfice du salarié de la somme de 6 231 euros outre la somme de 623,10 euros au titre des congés payés afférents ;

‘ pour l’année 2020 (selon NAO 2021) ordonner le versement au bénéfice du salarié de la somme de 6 315 euros outre congés payés afférents à hauteur de 631,50 euros ;

‘ pour l’année 2021 (selon NAO 2022) ordonner le versement au salarié de la somme de 6 429 euros outre congés payés afférents à hauteur de 624, 90 euros.

Condamner les sociétés Segula Matra Automotive, conjointement, à lui payer la somme de 35 929 euros (soit un tiers des sommes précitées de la rémunération non perçue) au titre de son préjudice afférent à la perte sur pension de retraite ;

Condamner les sociétés Segula Matra Automotive, conjointement, à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile comme correspondant tout à la fois aux frais nécessaires à la défense du salarié devant la juridiction prud’homale mais aussi devant la cour de céans qu’il a été contraint de saisir au regard de l’inanité de la décision initiale ;

Condamner les sociétés Segula Matra Automotive, conjointement, aux éventuels dépens de l’instance en application des dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

‘ Aux termes de leurs dernières conclusions, remises au greffe le 7 novembre 2022, les sociétés Segula Matra Automotive demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] de l’intégralité de ses demandes et de :

Dire et juger que M. [P] n’a subi aucune discrimination syndicale dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail,

Débouter en conséquence M. [P] de l’ensemble de ses demandes […], fins et conclusions,

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et, statuant à nouveau,

Condamner M. [P] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

En tout état de cause,

Débouter M. [P] du surplus de ses demandes,

Dire et juger que l’argumentation développée par M. [P] dans sa pièce n° 169 contrevient aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile et en conséquence inopposable,

Condamner M. [P] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [P] aux éventuels dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Le mémo établi par M. [P] et produit sous côte n°169, dépourvu de toute force probante, ne saisit pas la cour qui statuera sur les demandes de M. [P] telles que celles-ci figurent au dispositif de ses dernières conclusions par appréciation des moyens de fait et de droit développés dans le corps de ses écritures.

I – Sur la recevabilité de l’action :

Alors que M. [P] invoquait une discrimination syndicale ayant produit ses effets jusqu’au jour de la saisine du conseil de prud’hommes et même au-delà, c’est par des motifs erronés que les premiers juges ont accueilli la fin de non recevoir tirée d’une prescription de l’action, que l’employeur ne soutient plus en cause de renvoi de cassation.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a jugé M. [P] irrecevable en ses prétentions et, par voie de conséquence, en toutes ses dispositions.

II – Sur la discrimination syndicale :

Dans un contexte qu’il qualifie de ‘particulièrement difficile’, ayant vu les ‘militants des organisations syndicales victimes de pressions, harcèlements, menaces, non-remboursement de frais », situation qui aurait engendré même la tentative de suicide d’un délégué syndical CFE-CGC, sans qu’aucune pièce ne soit visée sur ce point dans ses conclusions, M. [P] fait valoir au soutien de son action, avoir été l’objet de railleries, de propos ou de comportement discriminatoires, s’être vu priver de ses fonctions et de tout emploi suite au transfert de son contrat de travail, hormis une mission temporaire en 2011 et ce jusqu’en janvier 2018, date à laquelle il a conclu un avenant pour occuper un emploi de ‘Coordinateur technique de branche’, situation caractérisant selon lui une ‘mise au placard’, n’avoir été reçu qu’une fois en entretien professionnel, avoir été sanctionné d’un avertissement pour avoir refusé d’accepter un repositionnement qui aurait acté un déclassement, et avoir subi une différence de rémunération résultant de cette discrimination, son salaire mensuel en 2013 étant inférieur de 340 euros à la moyenne des salaires perçus par ses collègues classé au coefficient 170 et ayant comme lui 10 ans et plus d’ancienneté.

La société Segula Matra Automotive conteste tout comportement discriminatoire. Exposant que le salarié a exprimé en 2008 et 2009 la volonté de se consacrer prioritairement à l’intégration des salariés Sodeca dans le groupe Segula, ce que lui permettait ses divers mandats, l’intéressé acceptant en outre à sa demande de participer à diverses commissions chargées d’harmoniser les statuts (avantages, temps de travail, salaire, etc), la société affirme lui avoir proposé en juin 2010 une mission temporaire de ‘correspondant qualité’, qu’il a exercée sur le dernier quadrimestre 2010, puis lui avoir vainement proposé plusieurs solutions de repositionnement auxquelles le salarié n’a pas donné suite (‘Chargé de développement d’une unité process pièces plastiques’, ‘Responsable GPEC’, ‘Pilote qualité transversal’, ‘Pilote travaux SMT’), ainsi que celles de ‘Coordinateur technique branche’ en 2018, et enfin de ‘Formateur dans le domaine du harcèlement’ en 2022. Opposant à l’action du salarié le rejet des plaintes qu’il a formées auprès de la Halde, devenue Défenseur des droits, et de l’inspecteur du travail, la société soutient que M. [P] a persisté dans ses accusations manifestement infondées exerçant un véritable chantage à son endroit en sollicitant une indemnisation de 150 000 euros contre l’abandon de l’action diligentée devant le conseil de prud’hommes.

Selon l’article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décision en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L’article L. 1132-1 du même code dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’adaptation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, notamment en raison de ses activités syndicales.

L’article L. 1134-1 prévoit que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que les parties s’accordent sur les éléments suivants du parcours professionnel de M. [P]. Engagé par la société Sodeca, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 1992, en qualité de Projeteur 1, qualification Etam, les fonctions du salarié ont évolué comme suit :

‘ au 15 janvier 1996, il se voyait confier les fonctions de Chef de groupe, statut cadre, position 2.1, coefficient 110, à [Localité 5],

‘ selon avenant à effet au 1er janvier 2000, il était promu ‘Responsable technique’ au sein d’un bureau à ouvrir à [Localité 6], statut cadre, position 2.3 coefficient 150, sous réserve d’une évaluation positive à six mois,

‘ le 1er juillet 2007, il était nommé ‘Chargé de développement’ et soumis à un forfait annuel en jours, à raison de 218 jours,

‘ le 1er novembre 2007, il était promu ‘Responsable du bureau d’études’ de [Localité 6], cette promotion étant toutefois assortie d’une période probatoire de six mois prenant fin au 1er mai 2008, date à laquelle il était convenu que le salarié passerait au coefficient hiérarchique 170 sous réserve de sa ‘confirmation’. Il ressort des organigrammes versés aux débats que placé sous l’autorité d’un directeur de site et d’un directeur technique, il manageait une équipe composée d’une quinzaine de collaborateurs, composée d’un chargé de développement, de responsables de lot et de techniciens (pièce n° 106/107 de la société intimée).

Parallèlement, il exerçait au sein de la société Sodeca les mandats suivants (cf. pièce 83) :

– Délégué syndical CFE-CGC,

– Membre titulaire du comité d’entreprise,

– Délégué du personnel,

– Membre du CHSCT.

A l’occasion de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Sodeca, PME d’un peu moins de 80 salariés, il était désigné représentant des salariés.

En exécution du plan de cession partielle, la totalité du personnel de la société Sodeca était transférée au sein de la société Segula Futur 5, le 1er août 2008, les salariés de l’établissement de [Localité 6] dont il faisait partie étant accueillis sur le site SF5 de [Localité 7]. (pièce 110)

Du 4 mai 2009 au 4 janvier 2010, M. [P] était placé en arrêt maladie à la suite ‘d’une lourde intervention chirurgicale sur la colonne vertébrale […]’, qui a conduit la Maison départementale des personnes handicapées des [Localité 4] à lui reconnaître le statut de ‘travailleur handicapé’, ainsi que le salarié le précise dans sa lettre du 18 février 2011 par laquelle il dénonçait à l’employeur la discrimination syndicale dont il s’estimait victime (pièce n° 31de l’appelant).

Le 1er juillet 2010, son contrat de travail et ceux de ses collègues SF5 étaient transférés au profit de la société Segula Technologies Automotive, le salarié conservant à cette occasion ses mandats de membre du CE et de délégué syndical. Il était élu au CHSCT, et désigné également membre titulaire au Comité de groupe SEGULA. Il devait également exerçait des mandats extérieurs dont celui de conseiller du salarié sur le département des [Localité 4], alors que l’activité de l’entreprise était déménagée sur des locaux situés à [Localité 8].

Sur ce,

1 – sur les propos et comportements réitérés discriminatoires :

La lettre qu’il a adressée à l’employeur, étant dépourvue de force probante, M. [P] ne démontre pas que M. [K] lui aurait répondu, alors qu’il s’ouvrait du fait que le bureau dont il disposait depuis octobre (2010), avait été attribué en son absence (arrêt maladie) à un autre salarié, dans les termes suivants : « Lui est facturé et ne travaille pas en intermittence avec des heures de délégation à n’en plus finir », et qu’il n’avait qu’à ‘aller travailler dans son local syndical’, ce que ses propres écrits n’objectivent pas, ni que M. [D], directeur des ressources humaines, lui aurait déclaré que son « engagement syndical était un obstacle pour exercer (sa) fonction de responsable BE ». (pièce n°31)

En revanche, il établit de ce chef :

‘ que le 29 octobre 2008, alors qu’il interpelle son responsable, M. [X], sur le fait de ne pas avoir été invité à un petit-déjeuner d’intégration organisé avec tous ses collaborateurs dans les locaux où se trouvait son bureau, ce responsable lui a répondu : « Rien de particulier, tu ne fais pas partie de mon équipe », ce qui conduira M. [D], directeur des ressources humaines, alerté par le salarié, à lui répondre être désolé par cet incident, qualifié de ‘déplacé et inacceptable’ et à lui présenter les excuses de la direction. (Pièce n°5 et 6)

‘ les propos tenus par le directeur des ressources humaines lors de la réunion du comité d’entreprise du 5 juillet 2012 :

« M. [P] se souvient que son ex-patron s’était plaint auprès de l’un de ses anciens collègues, d’avoir du mal à dormir en parlant de la restructuration ayant entraîné 14 licenciements au sein de Sodeca. Restructuration pour laquelle l’inspection du travail avait refusé à 2 reprises son licenciement.

Son collègue avait alors répondu : Parce que vous avez oublié un nom.

M. [C] [D], directeur des ressources humaines, s’exprime alors : ‘C’est sûr, il en a loupé.

M. [P] demande à ce que cela soit acté au présent PV.

M. [U] [A] intervient en rappelant que le CE n’est pas là pour des attaques personnelles et demande une fois encore à M. [D] d’arrêter de mettre ce type de sujet sur la table. » (Pièce n°59)

‘ que Mme [R] [I] atteste avoir assisté à une altercation entre [E] [K], responsable qualité, et M. [P] , le 14 juin 2011, au cours de laquelle, le premier a reproché au second son « comportement de syndicaliste de merde » (Pièce n°45), propos que le salarié a aussitôt dénoncés à la direction : « Je tiens à vous remonter que je n’apprécie guère le fait qu’expliquant à T. [K] que je ne consulte pas mes mails durant mes congés, il me dit que cela relève d’un comportement de « syndicalisme de merde ». (Pièce n°44)

‘ que M. [S] atteste que « le 17 mars 2011, pendant la négociation de l’accord d’adaptation nous parlions des ex-cadres dirigeants de Matra, le RH, M. [D] a dit qu’il ne confiait pas de postes importants à des cadres ayant coulé leur propre boîte. Ce à quoi M. [P] a répondu que cela n’avait pas été le cas pour les ex cadres de Sodeca tels que MM. [Y] ou [G], tous 2 reclassés alors que lui-même est au placard depuis le rachat, sans aucune proposition de la direction.

Le DRH a alors répondu : « Oui, mais eux ne sont pas chiants ». M. [P] a demandé aux personnes présentes de lui faire une attestation. (M. [D]) s’est alors rattrapé en disant : « si on ne peut plus plaisanter’ » (Pièce n°35).

2 – sur la privation de ses fonctions et de tout emploi, hormis une mission temporaire en 2011 :

Alors qu’il avait connu une évolution professionnelle tout à fait favorable au sein de la société Sodeca, y compris postérieurement à son engagement en qualité de représentant du personnel, lequel remonte à l’année 2006, ainsi qu’en atteste sa dernière promotion de novembre 2007 à effet au 1er mai 2008, M. [P] établit que consécutivement au transfert de son contrat de travail au sein de la société SF5 en juillet 2008 puis au sein de la société STA en juillet 2010, il n’a pas été rétabli dans ses fonctions de Responsable de bureau d’études, ou positionné sur une fonction équivalente au sein de la nouvelle structure, qu’aucune proposition de repositionnement sur un emploi ne lui sera présentée avant le mois de janvier 2011, ni surtout sur un emploi comprenant des responsabilités de management d’une équipe conformes à celles exercées jusqu’au transfert du contrat et ce nonobstant ses demandes réitérées en ce sens.

C’est ainsi qu’il ressort des comptes-rendus des réunions du comité d’entreprise (pièces n° 8 à 15 de l’appelant) que :

– le 14 octobre 2008, M. [D] (DRH) lui demande d’être ‘patient’, dans l’attente de ses recherches,

– le 1er décembre si le directeur des ressources humaines indique qu’il est ‘indispensable de boucler le chapitre ‘repositionnement’ d’ici la fin de l’année’, M. [P] souligne l’absence d’une quelconque proposition formulée le concernant,

– le 22 janvier 2019, M. [D] déclare qu’ ‘il n’a pas de nouvelle […]’, le salarié attirant l’attention de la direction sur le fait ‘qu’il est systématiquement écarté de la gestion de son équipe, se retrouvant ainsi sans charge, hormis celle liée à ses fonctions d’élu’.

– le 6 avril 2009, le directeur des ressources humaines indique que ‘ce repositionnement ne pourra être étudié qu’en fonction de la réorganisation qui sera déployée pour la reprise des activités […]’, M. [P] notant qu’il ne lui reste qu’à patienter, tout en attirant l’attention sur le fait que ‘cela dure déjà depuis plus de 8 mois’.

– le 9 avril 2010, alors que le salarié souligne que depuis le rachat de Sodeca aucune tâche professionnelle ne lui a été confiée – tout en faisant abstraction de la période d’arrêt maladie qu’il avait subi pendant 8 mois – M. [O], (RRH) indique que ‘compte tenu des nombreuses commissions auxquelles M. [P] participe à la demande de la direction, s’il doit y avoir proposition de reclassement, cela ne se fera qu’à la fin des commissions’ ; à noter que le procès-verbal de la réunion mentionne que ‘les membres du CE pensent fortement que cela relève d’une discrimination syndicale et demandent que l’on y remédie’,

– le 19 mai 2010, le responsable RH indique que deux pistes ont été évoquées par le directeur des ressources humaines.

M. [P] affirmant avoir entendu M. [O] dire qu’il est ‘très difficile d’affecter un élu à une mission’, le responsable RH réplique que l’intéressé ne l’a pas compris et qu’il a dit que

« bien qu’aucune tâche professionnelle ne lui ait été confiée, M. [P] est occupé par ses différents mandats et par les différentes commissions mises en place par la direction » ;

il est mentionné au procès-verbal de la réunion que ‘les membres du CE s’interrogent si cela est lié au fait qu’il soit le seul délégué syndical de l’entreprise  »

– le 23 juin 2010, le responsable RH indique que M. [P] devrait être repositionné sur un poste de ‘correspondant qualité volant’, le salarié précisant être dans l’attente de la fiche de fonctions afférentes et que, selon le responsable du service, M. [K], cela relèverait davantage d’une mission temporaire, en soulignant qu’il ‘ne souhaitait pas être déclassé’.

S’il communique un mail du directeur des ressources humaines confirmant que M. [P] et M. [F] doivent être en mesure d’accéder aux locaux de [Localité 6] et disposer d’un badge, le salarié ne justifie pas avoir été supprimé de la ‘mailing list’.

Ultérieurement, le salarié ne cessera de solliciter de la direction qu’il soit repositionné sur un emploi conforme au contrat de travail qui était le sien et aux responsabilités de manager qui étaient les siennes avant le transfert de son contrat de travail.

Il plaide avoir légitimement refusé le poste de ‘pilote qualité transversal SMT’ proposé en juillet 2014, celui-ci étant dépourvu de fonctions managériales, et qui aurait constitué, selon lui, un véritable déclassement.

Il établit avoir reçu le 20 octobre 2016 de M. [J], qu’il présente comme étant le ‘Responsable de Business unit’ auquel il était rattaché depuis 5 ans, une invitation à venir le rencontrer dans son bureau ‘pour faire connaissance’, puis après un entretien à l’issue duquel ce dernier était censé revenir vers lui, être resté sans nouvelle pendant 5 mois, avant d’apprendre en juin 2017 que son supérieur avait connu des ennuis de santé au cours du premier semestre et qu’il n’était plus son supérieur hiérarchique de sorte qu’il était dirigé vers M. [M] (pièce n° 122 de l’appelant). Il ne résulte pas des pièces visées à ses conclusions que ce dernier lui aurait proposé un emploi de simple ‘pilote’ statut Etam, comme il l’affirme, mais un emploi de ‘Coordinateur technique de branche’ ainsi qu’il ressort de la fiche de fonctions reçue le 5 juillet 2017 (pièce n° 128 de l’appelant).

Finalement, M. [P] concluait un avenant le 11 janvier 2018 (pièce n°145) aux termes duquel il devait occuper à compter du 1er janvier 2018 l’emploi de ‘Coordinateur technique de branche’ cadre coefficient 170 position 3.1, la prime forfaitaire de 150 euros nette convenue par l’avenant du 18 juillet 2007 est intégrée à son salaire de base, lequel est porté mensuellement à 4 705 euros bruts, outre une rémunération variable de 10% de la rémunération annuelle brute, laquelle est fixée pour l’année 2018 à objectifs réalisés à la somme de 6 000 euros bruts.

Il établit s’être plaint auprès de la direction de la vacuité de cet emploi soulignant notamment le fait que l’entreprise s’était abstenue de désigner les référents métiers par produits dont il était censé coordonner l’activité. Sur ce point, il établit qu’aucun salarié ne fut nommé à ce poste dans l’année qui a suivi, M. [H] lui répondant le 17 janvier 2019, soit une année après son entrée en fonctions que ‘la nomination n’est toujours pas faite, c’est une action RH/manager’ (pièce n° 151 de l’appelant) , le salarié affirmant s’être, nonobstant la carence de l’employeur, mobilisé en créant un outil de stockage (share point division produit).

In fine et en réponse au constat qui lui est opposé par l’employeur pour tenter de justifier cette situation, M. [P] s’interroge sur le point de savoir si ce n’est pas le fait d’avoir été ainsi être ‘mis au placard’ qui l’a incité à s’impliquer davantage dans l’action représentative et syndicale.

3 – sur l’avertissement injustifié du 12 décembre 2014  :

Il dénonce l’avertissement que l’employeur lui a notifié le 12 décembre 2014 pour avoir refusé ce repositionnement, objectant qu’ ‘il n’avait pas à compromettre ses droits’.

Il est constant que l’employeur lui a notifié le 12 décembre 2014 un avertissement pour les motifs suivants :

« Votre réponse du 2 décembre dernier que nous considérons comme définitive quant à notre proposition de poste de ‘Pilote qualité transversal SMT’, nous conduit aujourd’hui à vous signifier un avertissement.

En effet, le comportement que vous adoptez ne nous paraît pas acceptable.

Nous vous rappelons que depuis le mois de mai 2014 et 1’arrivée de M. [T], nous sommes particulièrement mobilisés autour de votre reprise professionnelle.

De nombreuses réunions en présence de M. [T] – Directeur Général, M. [V] – Directeur du Secrétariat Technique ou moi-même, ont eu lieu autour de la proposition de poste de ‘Pilote qualité transversal SMT’ qui vous a été faite le 19 juin dernier et à laquelle vous aviez initialement porté intérêt (12 mai, 19 juin, 20 novembre 2014). Pour mémoire, vous aviez occupé chez Sodeca un poste de pilote Qualité et des fonctions de Correspondant qualité chez Segula.

De nombreux courriers vous ont également été adressés pour apporter des compléments d’information à vos demandes ou observations (1er juillet en réponse à l’entretien du 19 juin, 4 août en réponse à votre courrier du 12 juillet, 21 novembre en réponse à l’entretien du 20 novembre, 11 décembre en réponse à votre courrier du 2 décembre).

Or, force est de constater que, depuis que votre demande d’indemnisation préalable n’a pas trouvé écho auprès de la Direction, vous cherchez par tous les moyens à discréditer la démarche de la Direction de façon à ce qu’elle n’aboutisse pas.

Lorsque1’on croit que vous êtes intéressé par le poste proposé, vous revenez magnétiquement sur le passé en vous agrippant à votre qualification de Responsable de Bureau d’études.

Or, pour mémoire, lorsque nous vous avions proposé en avril 2011, un poste de Responsable de Bureau d’études d’une unité Process pièce plastique, vos tergiversations et vos absences aux entretiens fixés vous avaient valu en leur temps, un avertissement.

Dans le cadre de notre nouvelle proposition de poste, les termes d’ « absence de formation », d’«  intention de nuire », de « mise au placard » de « déstabilisation », de « manque de loyauté et d’honnêteté », de « mascarade » ont été invariablement réutilisés tout au long de vos courriers, sans même qu’il soit tenus compte des réponses apportées. A titre d’exemple, dans notre courrier du 1er juillet, nous vous indiquions déjà que vous bénéficierez de formations. Pourtant, dans votre courrier du 2 décembre, vous nous reprochez de ne pas avoir évoqué le sujet de la formation. . .Un tel comportement est inacceptable et ne peut plus durer.

Nous confirmons ce que M [V] a déjà relaté, dans son mail du 20 novembre, à savoir que vous n’avez montré aucun intérêt pour ce poste lors de notre entretien, ni même posé de questions.

Votre courrier de réponse du 2 décembre vient donc parachever ces manoeuvres dilatoires et accusatoires qui constituent des fautes et vous valent cette sanction.

Le poste de ‘Pilote -qualité transversal SMT’ va donc être proposé à un autre salarié.

Il sera rattaché à M. [V] et M. [B] pour les raisons qui vous ont été données.

En effet, ce poste présente un intérêt réel pour l’entreprise quand bien même il aurait été occupé par différents salariés au cours des années précédentes selon une intensité variable, mais pour autant qui n’a jamais cessée.

En ce qui concerne votre situation de souffrance professionnelle, nous restons parfaitement disposés à l’entendre et à la prendre en compte. Nous avons notamment engagé votre suivi médical avec notre service de santé au travail qui vous a reçu à plusieurs reprises (2 septembre, 22 octobre). Il y aura d’autres démarches à engager si nécessaire.

Néanmoins, l’enquête démarrée au mois d’août dans 1e cadre du DGI dont vous n’avez pas eu l’initiative, n’a pu aboutir, faute de nous avoir orientés uniquement vers votre avocat, qui n’a d’ailleurs pas répondu à notre demande de dialogue. […] » (pièce n°86)

4 – Sur l’absence d’entretien professionnel :

M. [P] reproche à l’employeur de ne l’avoir reçu à ce titre, contrairement à ses collègues lesquels bénéficient d’un entretien annuel, qu’une fois en avril 2011.

L’employeur objecte et justifie que M. [P] a refusé en avril 2011 à plusieurs reprises de satisfaire aux convocations pour l’entretien annuel 2010.

Elle justifie que le salarié a refusé en 2014 de répondre aux convocations concernant l’entretien de 2ème partie de carrière, et indique que les entretiens annuels ont bien eu lieu en 2018 et 2019.

Le salarié concède avoir refusé un entretien, refus qu’il estime légitime dès lors que la mission temporaire qui lui avait été confiée en 2010 était expirée et que l’entretien avait pour objet de lui confier des objectifs dénués de cause dès lors qu’il était privé d’emploi.

La matérialité de ce grief n’est que partiellement établie.

5 – sur le manque de formation :

M. [P] invoque encore une absence de formation professionnelle.

6 – Sur la différence de salaire :

Au soutien de la thèse qu’il développe selon laquelle il percevait un salaire inférieur conforme à son ancienneté de 25 ans, M. [P] communique une courbe de salaire non explicitée dépourvue de portée et un tableau qu’il présente comme ayant été établi par l’employeur dans le cadre des NAO pour l’année 2014, point non sérieusement critiqué par l’employeur, qui présente par coefficient et ancienneté (- de 2 ans, entre 2 et 4 ans, entre 6 et 10 ans et 10 ans et plus), le salaire minimum et maximum et la moyenne mensuelle en précisant pour chaque catégorie professionnelle le nombre de collaborateurs concernés.

Rappel fait que le salarié n’avait été promu au coefficient 170 qu’au 1er mai 2008, il en ressort que son salaire mensuel de 2013, de 4 305,08 euros était supérieur au salaire moyen de 16 collaborateurs à ce niveau de coefficient ayant entre 6 et 10 ans d’ancienneté (4 158 euros), mais inférieur de 342 euros à la moyenne des salaires perçus par 28 autres collègues ayant 10 ans et plus d’ancienneté (4 647,89 euros).

‘ Les faits ainsi établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination, de sorte qu’il appartient à l’employeur de les justifier par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Hormis les propos tenus par M. [D] lors du comité d’entreprise du 5 juillet 2012, dont le caractère ambigu ne permet pas de les qualifier de discriminant, l’employeur ne justifie par aucun élément les situations ou propos à caractère discriminatoire subis par le salarié ni les actions éventuellement engagées par la direction vis-à-vis de certains des collaborateurs impliqués, autant d’éléments de contexte qui illustrent le climat social de l’entreprise.

Rappels faits que les transferts du contrat de travail sont intervenus en août 2008 et juillet 2010 conformément aux dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail et que l’employeur est débiteur de l’obligation de fournir à M. [P] du travail conforme aux qualifications du salarié et aux stipulations contractuelles, telles que celles-ci ressortent de l’avenant du 1er novembre 2007, dont la société intimée ne conteste pas que la période d’essai de six mois convenue dans le cadre de sa dernière promotion au poste de ‘Responsable de bureau d’études’, laquelle s’était achevée 40 jours avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de l’entreprise, avait été validée, force est de constater que l’employeur n’a jamais proposé au salarié un poste, non pas de RBU, comme le revendique l’appelant, emploi dont les dimensions en termes de responsabilités et d’envergure en considération du nombre de personnels à manager, sont sans commune mesure avec le dernier emploi exercé au sein de Sodeca, mais un emploi conforme au coefficient 170 de la convention collective applicable, correspondant aux ‘ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en ‘uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef’ à vocation technique et comprenant une dimension managériale qui ressortait expressément de l’avenant signé le 1er novembre 2007, les organigrammes communiqués faisant état entre 12 et 15 collaborateurs à manager dans les domaines du ‘recrutement, intégration, formation, évaluation, gestion des rémunérations et promotions professionnelles’ ainsi que le précisait le dit avenant.

Si le salarié concède avoir déclaré qu’il entendait se consacrer ‘prioritairement’ à l’intégration des salariés Sodeca au sein du groupe Segula, en 2008 et 2009, à une époque où les plafonds des heures de délégations auxquelles ouvraient droit ses mandats représentait approximativement un tiers d’un temps plein, ainsi qu’il ressort des chiffres communiqués par l’employeur dans ses conclusions, et avoir accepté de participer à la demande de l’employeur à des commissions d’harmonisation, dès lors que le salarié a manifesté de manière réitérée, à l’occasion du point qui était fait sur les repositionnements des salariés Sodeca au sein de la société SF5, lors des réunions du CE, sa volonté d’être repositionné, l’employeur ne justifie pas objectivement l’absence d’une quelconque proposition faite en ce sens avant l’année 2010, la cour relevant que les élus du comité d’entreprise s’interrogeaient sur cette situation en notant qu’en juin 2010 M. [P] était, alors, le seul délégué syndical.

Ni ses heures de délégation, ni le fait qu’il ait accepté de participer à diverses commissions d’harmonisation des statuts ne justifient cette carence.

Si l’employeur relève à juste titre que le salarié évoque lui même avoir été ‘parachuté’ au début de l’année 2010 sur un projet de recherche et innovation, dont le salarié indique que le responsable n’a manifesté aucun empressement pour lui donner des instructions, aucun élément n’est communiqué de nature à apprécier en quoi cette mission a pu consister.

Il est constant qu’il lui a été proposé en juin 2010 une mission, dont les parties s’accordent sur son caractère ‘temporaire’ de ‘Correspondant qualité’ que le salarié a accompli de septembre à décembre 2010. Si l’employeur communique des éléments établissant le désintérêt manifeste opposé par l’intéressé à l’exercer, nonobstant l’accord qu’il avait fini par donner au président de la société STA, le salarié n’ayant pas pris attache avec les responsables des unités et les correspondants, lesquels avaient été prévenus dès le mois de septembre de la mission qui lui était confiée, et ne se présentant pas le 11 octobre à la réunion organisée par le président afin qu’il puisse rencontrer effectivement ses interlocuteurs ‘Correspondants qualité’, observations complémentaires faites que la société Segula Matra Automotive expose sans être contredite par l’appelant que ce dernier avait participé à une action de formation individuelle de 2 heures organisée sur les thèmes ‘CSC, mini-audits qualité et fonctionnement du site qualité sous intranet’, et justifie qu’il n’a pas participé à la formation collégiale du 7 décembre 2011 (seul absent parmi la dizaine de participants), il convient de relever qu’il s’agissait d’une mission temporaire.

Nonobstant les dénégations de M. [P], il est également établi qu’il lui a été proposé, parallèlement à l’entretien d’évaluation, au printemps 2011, un emploi de ‘Chargé de développement d’une unité ‘process pièces plastiques’, à laquelle le salarié ne donnera pas suite à l’issue du délai de deux semaines de réflexion qui lui avait été donné, le salarié étant sanctionné le 16 mai 2011 d’un avertissement pour ne pas avoir répondu à l’invitation du président de la société pour acter sa réponse sur cette proposition, sanction dont il ne conteste pas le bien fondé.

Le 18 juin 2012, M. [N], directeur région Île de France, conviait M. [P] à une réunion afin de lui proposer un poste de ‘Responsable GPEC’ (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), qualifié par l’employeur de « sur mesure » au motif que le salarié occupait des fonctions de membre de la commission formation du comité d’entreprise et siégeait à la commission Plan-Formation du FAFIEC (organisme paritaire collecteur des fonds destinés à la formation des salariés des métiers de l’ingénierie), emploi dont le salarié concédera l’intérêt… en 2017, à une époque où il proposera à l’employeur de réactiver cette piste.

Par email en date du 27 juin 2012, le salarié réservait sa réponse à cette proposition, dans l’attente de la proposition que l’employeur voudrait bien lui faire au titre de l’indemnisation des ‘quatre années de placard manifeste’ qu’il soutenait avoir subies. (pièce n° 43 et 44 de la société intimée).

Le 12 mai 2014, le salarié était reçu par le directeur-général et Mme [Z], directrice des ressources humaines, qui lui proposaient un poste de ‘pilote qualité transversal SMT’, proposition que M. [P] déclinait.

Dans le cadre de l’exercice par M. [L], délégué du personnel, de son droit d’alerte pour DGI (danger grave et imminent), ce dernier confirmait l’exigence formulée par le salarié d’être indemnisé à hauteur de 150 000 euros.

La société intimée proposait vainement au salarié de recourir à une mesure de médiation.

Le poste aménagé de ‘pilote qualité transversal SMT’ lui était de nouveau proposé le 21 novembre 2014.

En juin 2015 il lui était proposé le poste de ‘pilote travaux SMT’ qu’il déclinait le considérant inférieur à ses fonctions contractuelles.

En décembre 2016, la société lui proposait le poste de ‘Coordinateur technique branche’. Lors d’un entretien au cours duquel il était assisté de M. [L], il réitérait le besoin d’être indemnisé, regrettant que la société ne formule pas de ‘contre proposition’, la directrice des ressources humaines lui objectant que le conseil de prud’hommes, qu’il avait saisi entre-temps, statuerait sur cette question.

Ensuite des problèmes de santé de M. [J], son successeur, M. [M] échangeait avec M. [P] sur ce poste en juin 2017.

Le 30 octobre 2017, il revenait sur la proposition que lui avait faite M. [N] de ‘Responsable GPEC’, et formulait une proposition en lien avec la qualité de vie au travail et la GPEC, à laquelle l’employeur ne donnait pas suite en lui répondant qu’il n’avait pas de besoin en la matière.

Il doit être encore relevé que la société ne présente aucune observation sur les conditions dans lesquelles M. [P] a pu exercer ces fonctions de ‘Coordinateur technique branche’, suite à l’avenant signé en janvier 2018 et l’absence de désignation par les unités des ‘Correspondants qualité’ dont il était censé coordonner l’activité.

L’employeur indique enfin que le salarié a signé en octobre 2022 l’avenant entérinant la proposition qui lui avait été faite le 13 avril 2021 de ‘formateur en matière de harcèlement’.

Il oppose également à son action l’avis du défenseur des droits qui, le 21 mai 2013, a conclu à l’absence de discrimination syndicale à l’encontre de M. [P] et procédé à la clôture du dossier : « Les éléments apportés par votre employeur permettent d’écarter tout lien entre la situation que vous rapportez et votre activité syndicale ». (pièce 101)

Par courrier du 19 décembre 2014, l’Inspection du travail a informé la société de l’ouverture d’une enquête et sollicité de l’entreprise la communication de divers éléments de comparaison relativement aux salaires, lesquels sont versés aux débats. (pièce 102).

Tout en signalant qu’il ressortait de son enquête, notamment, outre ‘une souffrance au travail’, ‘une absence de proposition de poste et/ou de missions correspondant à son profil depuis son entrée dans l’entreprise en 2006 jusqu’à juillet 2014,qu’il ne dispose pas effectivement de mission ou de fonction au sein de la société, ce qui lui vaut une absence de bureau ou local mis à disposition, ces deux éléments étant de nature à entraîner chez ce salarié un sentiment de dévalorisation, accentuant le sentiment d’isolement ou de mise au placard’, la réponse apportée par l’employeur au refus opposé par le salarié du poste proposé suite au déclenchement de l’alerte DGI en août 2014, à savoir ‘un avertissement’, et rappelé au sujet de son refus du poste de 2014 ‘que M. [P] n’a exercé aucune autre activité que celle de représentant du personnel dans l’entreprise depuis 2006, que dès lors (il) a perdu nécessairement en compétences et en technicité, n’ayant pas pu entretenir ses acquis ni bénéficier de formations de mise à jour’ de sorte qu’ ‘il appartient à l’employeur de proposer un poste répondant à ses qualifications et son expérience avec des objectifs précis, réalistes et objectivables et d’assortir la proposition de poste d’un programme de formation adapté et conciliable avec le poste proposé, à défaut de quoi (il) pourrait, à raison, estimer ne pas être en capacité d’assumer le poste proposé et décliner l’offre’, l’inspectrice du travail a conclu, le 27 mars 2015, son enquête comme suit :

‘Il ne ressort pas des éléments recueillis d’informations permettant de caractériser les infractions de harcèlement moral et de harcèlement discriminatoire’,

l’inspectrice prenant toutefois le soin de préciser que dans le cadre de cette enquête, elle n’avait pas analysé l’intégralité du parcours du salarié mais qu’elle avait procédé à une analyse à la date de sa saisine sur la base des éléments récents et de la documentation disponible à cette date, indiquant que ses conclusions ne signifiaient pas qu’ ‘il n’y ait pas eu, avant décembre 2014, des actes pouvant relever du harcèlement discriminatoire au sens de la loi’. (pièce n°106 de la société intimée)

En l’état de l’ensemble de ces éléments, alors :

– d’une part, que le juge n’est pas lié par l’avis non motivé du défenseur des droits,

– de deuxième part, que l’inspecteur du travail n’a apprécié que les faits récents qui étaient soumis à son appréciation, précisant expressément dans sa décision que celle-ci ne voulait pas dire qu’antérieurement au mois de décembre 2014 le salarié n’avait pas été victime de harcèlement discriminatoire,

– de troisième part, que la volonté manifeste du salarié de tenter de négocier à son profit une indemnisation qu’il estimait lui être due, importe peu,

– de quatrième part, que l’employeur ne pouvait pas tenir compte de ses heures de délégation, dont les plafonds sont allés crescendo au fur et à mesure que la situation d’inoccupation professionnelle de l’intéressé se prolongeait, ni du travail en commissions que l’employeur lui avait demandé d’accomplir dans l’intérêt de la collectivité, ensuite du transfert du contrat de travail, pour s’abstenir dans un premier temps de faire une quelconque offre de repositionnement au sein des entités SF5 et STA,

– et enfin, que M. [P], salarié protégé, devait accepter, non seulement toute modification de son contrat de travail, mais également de ses conditions de travail, et qu’aucun des postes proposés ne le positionnait concrètement en situation de manager directement une équipe de collaborateurs, de sorte que ces propositions n’étant pas conformes aux qualifications qui lui étaient contractuellement reconnues, ses refus n’étaient pas illégitimes, et observation faite de surcroît que l’employeur, qui ne présente pas dans le détail son organisation, ne justifie pas objectivement par des éléments étrangers à toute discrimination syndicale son impossibilité alléguée de le positionner sur un tel emploi de responsable, non pas d’une business unit, mais d’un service, au besoin assisté d’un adjoint, sa décision de ne pas confier à M. [P], dans les mois suivant le transfert de son contrat de travail de Sodeca au profit de SF5, puis à compter de juillet 2010 au sein de STA, des responsabilités contractuelles de manager d’une équipe de collaborateurs n’est pas justifiée objectivement.

Pour les mêmes motifs, l’avertissement du 12 décembre 2014 qui fait référence au refus légitime opposé par le salarié de conclure l’avenant proposé, quand bien même le salarié a effectivement abusé de la liberté d’expression qui lui est reconnu, n’est pas justifié par des motifs étrangers à toute discrimination.

En ce qui concerne l’absence d’organisation d’un entretien d’évaluation chaque année, la société établit que M. [P] s’est régulièrement montré opposant à leur tenue, les considérant sans objet voire offensant. Dans ces circonstances, l’employeur établit par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination sa carence partielle sur ce point.

Relativement à l’évolution de son salaire, au delà des pièces peu signifiantes fournies par le salarié, les sociétés intimées qui rappellent l’évolution salariale dont M. [P] a bénéficié sur la période de juillet 2008 (3 800 euros mensuels) à janvier 2022 (4 975 euros), en ce comprise l’augmentation initiale conséquente destinée à compenser les écarts des rémunérations servies au sein de Sodeca et des sociétés du groupe Segula, établissent que le salarié a bénéficié en 2013 et 2014 d’un dispositif réservé aux représentants du personnel ayant pour objectif de compenser leur absence du terrain et consistant en une augmentation automatique sur la base de la moyenne des augmentations individuelles salariales de l’ensemble des salariés. L’employeur illustre son propos en exposant ainsi qu’au titre des années 2013 et 2014 M. [P] a bénéficié d’une augmentation (respectivement 1% et 0.5%) à hauteur de l’enveloppe globale d’augmentation individuelle de 1% et 0.5% de la masse salariale qu’il appartenait aux responsables hiérarchiques de distribuer. (Accord de désaccord NAO 2013 pièce 173).

En l’état des pièces communiquées par l’employeur à l’inspectrice du travail en 2015, communiquées sous la pièce n°105, comprenant deux échantillons de salariés, l’un basé sur des collaborateurs présentant une ancienneté et des fonctions estimées proches de celles de M. [P], et un second de 26 salariés exerçant les fonctions de RBU, à savoir les fonctions revendiquées par le salarié, ayant entre un an et 13 ans d’ancienneté, à une date où le salarié ne bénéficiait d’une ancienneté au coefficient hiérarchique 170 inférieure à 7 années, il ressort que sa rémunération s’inscrit dans la moyenne de ces panels, dont le salarié ne critique pas utilement la pertinence au regard du nombre de collaborateurs les composant et des critères professionnels, de coefficient, de qualification et d’ancienneté, desquels il ne ressort aucun traitement défavorable du salarié relativement à son salaire de base.

Enfin, il ressort des éléments communiqués par l’employeur que, contrairement à ce qu’il prétend le salarié a pu participer occasionnellement ou été convié à des formations auxquelles il ne s’est pas nécessairement rendu, et que la plupart des propositions formulées étaient assorties d’un engagement de formation.

En définitive, il résulte de l’ensemble que les parties ont engagé relativement au repositionnement de M. [P] à la suite du transfert de son contrat de travail au sein de SF5 en 2008 puis au sein de STA en 2010, un ‘bras de fer’, sans parvenir à nouer un dialogue constructif, les propositions de recourir à une mesure de médiation que cette situation de blocage justifiait, formulée par le défenseur des droits, puis l’employeur, n’ayant par reçu l’accueil qu’elles méritaient.

Ceci dit, faute pour l’employeur, sur qui incombait la charge de ce transfert, d’avoir organisé, dans un délai raisonnable, l’intégration du salarié sur des fonctions professionnelles conformes à son contrat de travail, une fois la priorisation donnée par le salarié à l’intégration de Sodeca dans Segula achevée, le salarié s’est tourvé placé dans une situation d’inoccupation professionnelle durable, abstraction faite de son arrêt maladie de 2009 et de la mission temporaire exercée au cours du dernier quadrimestre 2010. En l’état de la cristallisation de cette situation, l’employeur n’est pas fondé à opposer au salarié, confronté à une situation d’inoccupation professionnelle qui ne relevait pas de son fait, son ‘surinvestissement’ progressif dans l’exercice de ses mandats limitant à compter de 2012 sa disponibilité pour exercer des fonctions de responsabilités telles que celles-ci étaient définies par l’avenant du 1er novembre 2007, que l’employeur ne lui a jamais concrètement proposées, avant que les parties conviennent d’acter contractuellement l’évolution de ses fonctions en concluant des avenants en janvier 2018 puis en octobre 2022.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande de reconnaissance d’une discrimination syndicale.

III – Sur l’indemnisation :

Sur la base d’une discrimination salariale qu’il estime avoir subi, et un différentiel mensuel qu’il évalue à 633 euros, l’appelant motive sa demande en paiement de la somme de 108 876 euros par la perte de rémunération de base d’août 2008 à novembre 2022 (172 mois x 633 euros). Il sollicite en outre une incidence au titre de la retraite qu’il fixe à un tiers du préjudice salarial (35 929 euros) une incidence au titre de la prime conventionnelle de vacances évaluée à 10% de la somme précédente (10 887 euros), un préjudice moral et de manque de considération professionnelle, qu’il estime à 15 000 euros et enfin des demandes au titre de la perte de rémunération variable dont il aurait dû bénéficier comme ses collègues responsables et singulièrement les RBU.

L’évaluation du préjudice moral et le manque de considération professionnelle subis au titre d’une discrimination syndicale s’étant déroulée d’août 2008 à janvier 2018, date de conclusion du premier avenant, proposée par le salarié à hauteur de 15 000 euros sera entérinée.

Aucune discrimination salariale n’étant caractérisée, ainsi que ci-avant jugé, M. [P] sera débouté de ses demandes tendant à voir fixer l’indemnisation de la perte salariale à une somme de 108 876 euros, de voir fixer sa rémunération à la somme de 66 096 euros pour l’année 2022 (soit encore la somme de 5 508 euros bruts mensuels), ainsi que de ses demandes subséquentes en indemnisation au titre des incidences pour la retraite et la prime de vacances.

Par ailleurs, il s’estime bien fondé à solliciter le paiement de primes et rémunérations variables que l’employeur aurait dû lui verser, soulignant qu’hormis la dernière proposition qu’il a acceptée, aucune des propositions ne faisait état d’une telle part variable. Il fonde son calcul relativement aux primes sur les NAO 2013, 2014 et 2016 mentionnant un montant global de primes alloué à un nombre limité de collaborateurs, pour fonder son calcul à hauteur du rapport de la somme globale ainsi définie par le nombre de bénéficiaires.

À ce titre, l’employeur, débiteur de l’obligation de repositionner M. [P] à un emploi conforme aux stipulations contractuelles, n’est pas fondé à soutenir que le salarié serait responsable de son préjudice en ayant refusé jusqu’en janvier 2018 des propositions de repositionnement qui n’étaient pas conformes, de sorte qu’il ne saurait se prévaloir d’une quelconque perte de chance à ce titre.

Seule constitue perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. Faute pour l’employeur d’avoir satisfait à son obligation de fournir à M. [P] du travail conforme aux responsabilités contractuelles qui lui avaient été confiées, le salarié n’est pas fondé à réclamer le paiement de primes ou rémunération variable mais la perte de chance de négocier le bénéfice de telles rémunérations et de satisfaire l’atteinte des objectifs.

M. [P] sera donc débouté de sa demande en paiement des sommes sollicitées à ces titres pour les années 2012 à 2021 pour un montant global de 44 094 euros, le préjudice résultant de cette perte de chance étant réparé par l’allocation de la somme de 12 000 euros.

L’action de M. [P] étant partiellement fondée, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n’est pas fondée.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur le tout et y ajoutant,

Déclare M. [P] recevable en son action,

Dit que M. [P] a subi une discrimination syndicale d’août 2008 à janvier 2018,

Condamne les sociétés Segula Matra Automotive à verser à M. [P] les sommes suivantes :

– 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et manque de considération professionnelle,

– 12 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de percevoir une rémunération variable de 2012 à 2017.

– 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [P] de ses demandes plus amples en paiement de dommages-intérêts pour préjudice financier, préjudice de retraite, primes de vacances et en fixation de son salaire à la somme de 66 096 euros pour l’année 2022,

Déboute les sociétés Segula Matra Automotive de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Les condamne au paiement des entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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