9 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/19291
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2023
N° 2023/189
Rôle N° RG 19/19291 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKCH
[ML]-[R] [UE]
C/
Association AGS CGEA DE [Localité 7]
SELARL MJ SYNERGIE
SELARL [KU]
Copie exécutoire délivrée
le :
09 JUIN 2023
à :
Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 27 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02501.
APPELANTE
Madame [ML]-[R] [UE], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
Association AGS CGEA DE [Localité 7], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [J] [ZF] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE, désigné suivant jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 31 janvier 2019, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
SELARL [KU] représentée par Maître [ZK] [KU], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE et succédant à Maître [I] [OD], désigné par jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 31 janvier 2019, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [ML]-[R] [UE] a été embauchée en qualité de technicien préleveur commercial, statut non cadre, le 3 juillet 2012 par la société ALPA.
Son contrat de travail a été transféré le 1er avril 2016 au sein de la société ACP LOGISTIQUE avec reprise de son ancienneté, par avenant de transfert du contrat de travail en date du 23 mars 2016 à effet du 1er avril 2016.
Au dernier état de la relation contractuelle, Madame [UE] percevait une rémunération mensuelle brute de 1480,30 euros, outre une prime de production de 296,81 euros et une prime de rachat RTT de 106,81 euros, pour l’emploi de technicien commercial préleveur, classification non cadre, position 2.1.
Madame [UE] a été en arrêt de travail à compter du 17 décembre 2015 pour maladie non professionnelle jusqu’au 26 février 2016, à compter du 11 avril 2016 pour maladie non professionnelle jusqu’au 21 août 2016, puis à compter du 22 août 2016 dans le cadre d’un congé maternité jusqu’au 10 décembre 2016, en arrêt pour maladie non professionnelle à partir du 11 décembre 2016 jusqu’au 12 février 2017, suivi d’une période de congés payés du 13 février 2017 au 17 mars 2017, et en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 11 avril 2017 jusqu’au 30 septembre 2017.
Lors de la visite médicale de reprise du 6 octobre 2017, le médecin du travail a déclaré la salariée apte à la reprise, en précisant « à revoir dans un mois ou à la demande ».
Par requête du 31 octobre 2017, Madame [ML]-[R] [UE] a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de demandes en paiement de rappels de salaire, d’heures supplémentaires, de congés payés, d’indemnité pour travail dissimulé et d’indemnités de rupture au titre d’un licenciement nul.
Le médecin du travail a émis, le 10 novembre 2017, une « contre-indication médicale temporaire à la conduite d’un véhicule de fonction » à l’égard de la salariée. Il a indiqué à l’employeur, par courriel du 21 novembre 2017, qu’il prononçait l’inaptitude de la salariée au poste de travail, courriel non suivi d’un avis officiel de la médecine du travail.
Madame [ML]-[R] [UE] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 10 août 2018.
Par jugement du 12 septembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé le redressement judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE, converti en liquidation judiciaire le 31 janvier 2019.
Par jugement du 27 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Madame [ML]-[R] [UE] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes indemnitaires afférentes, a jugé que la prise d’acte de Madame [ML]-[R] [UE] en date du 10 août 2018 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a dit que le salaire moyen de Madame [ML]-[R] [UE] s’élèvait à la somme brute de 1856,92 euros, en conséquence, a fixé la créance de Madame [ML]-[R] [UE] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE, administrée par les mandataires liquidateurs Maître [J] [ZF] et Maître [I] [OD] pour les sommes suivantes :
-16’712,28 euros à titre d’indemnité correspondant aux salaires du 10 novembre 2017 au 10 août 2018,
-1671,23 euros de congés payés y afférents,
-2785,38 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
-3713,84 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,
-371,38 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
-500 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale de reprise,
-1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
a déclaré le jugement opposable au CGEA/ASSEDIC en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites de l’article L.3253-8 du code du travail, a ordonné aux mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE de délivrer à Madame [ML]-[R] [UE] les documents sociaux et les bulletins de salaire rectifiés conformément à la présente décision, a débouté Madame [ML]-[R] [UE] de sa demande au titre de l’astreinte, a ordonné l’exécution provisoire du jugement sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile, a débouté Madame [ML]-[R] [UE] du surplus de ses demandes, a dit que l’AGS ne devrait procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L.3253-20 du code du travail, a dit que le jugement d’ouverture de la procédure collective avait entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en application de l’article L 622-28 du code de commerce, a dit que les dépens seraient pris en frais privilégiés de la procédure collective et a rejeté toute autre demande.
Ayant relevé appel, Madame [ML]-[R] [UE] demande à la Cour, termes des conclusions d’appelante n°3 notifiées par voie électronique le 3 février 2023, de :
RÉFORMER partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 27 novembre 2019,
DIRE ET JUGER recevables et bien fondées les demandes et actions de Madame [UE],
CONSTATER la discrimination liée à l’état de grossesse et la situation de famille,
CONSTATER le harcèlement moral et le stress subi par la requérante,
CONSTATER les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
CONSTATER que la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée,
CONSTATER que la prise d’acte du contrat de travail est justifiée,
En conséquence et A titre principal,
JUGER que la rupture du contrat de travail prendra les effets d’un licenciement nul,
INSCRIRE AU PASSIF de la société les sommes suivantes :
– 27’667,32 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul, correspondant à 12 mois de salaire réévalué, ou à tout le moins 22’442,40 euros au salaire actuel,
PORTER le quantum des condamnations aux sommes suivantes :
– 4023,34 euros à titre d’indemnité légale de licenciement (salaire réévalué), ou à tout le moins 2785,38 euros (salaire actuel),
– 5364,46 euros à titre de préavis, ou à tout le moins 3713,84 euros.
A titre subsidiaire,
JUGER que la prise d’acte du contrat de travail prendra les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
INSCRIRE AU PASSIF ou au besoin condamner la société les sommes suivantes :
– 24’140,07 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul, correspondant à 9 mois de salaire réévalué, ou à tout le moins 16’712,28 euros au salaire actuel,
PORTER le quantum des condamnations aux sommes suivantes :
– 4023,34 euros à titre d’indemnité légale de licenciement (salaire réévalué), ou à tout le moins 2785,38 euros (salaire actuel),
– 5364,46 euros à titre de préavis, ou à tout le moins 3713,84 euros,
– 536,44 euros à titre de congés payés sur préavis, ou à tout le moins 371,38 euros.
En tout état de cause,
INSCRIRE AU PASSIF ou au besoin condamner la société les sommes suivantes :
– 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct de harcèlement moral, violences et stress au travail,
– 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct de discrimination fondée sur la situation de famille de la salariée,
– 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour indemnité pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,
– 10’000 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles,
– 5000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice distinct né de la carence fautive de l’employeur en matière salariale,
– 500 euros de dommages et intérêts pour le préjudice distinct né de l’absence de visite médicale de reprise suite congé maternité,
– 5810,40 euros à titre de rappel de salaire sur coefficient, outre 581,04 euros de congés payés afférents,
– 14’970,57 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires effectuées et non payées, outre 1497,05 euros de congés payés afférents, ou à tout le moins 13’146,20 euros et 1314,62 euros,
– 10’000 euros de dommages et intérêts pour la violation des dispositions légales et le préjudice moral subi,
– 1000 euros de dommages et intérêts pour l’absence de visite médicale suite avis novembre 2017,
– 10’000 euros de dommages et intérêts en raison du comportement fautif de l’employeur à l’origine de la détérioration de l’état de santé de la salariée,
– 5387,20 euros au titre de la contrepartie pécuniaire à l’obligation de non-concurrence,
L’entendre ORDONNER la délivrance des documents de rupture et les bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et avec faculté de liquidation,
DIRE ET JUGER que les sommes allouées porteront intérêts de droit avec anatocisme à compter de la saisine en justice,
CONDAMNER la société ACP LOGISTIQUE à verser la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC pour la procédure de première instance et 5000 euros en cause d’appel, ainsi qu’aux éventuels dépens,
DÉCLARER les sommes opposables à l’AGS/CGEA,
CONFIRMER la décision pour le surplus.
La SELARL MJ SYNERGIE et la SELARLU [KU] ès qualités de liquidateurs judiciaires de la SAS ACP LOGISTIQUE demandent à la Cour, aux termes de leurs conclusions n° 2 d’intimées à titre principal et d’appelantes à titre incident notifiées par voie électronique le 30 janvier 2023, de :
DÉCLARER recevables et bien fondées les conclusions d’intimées et d’appel incident de la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société ACP LOGISTIQUE, représentée par Maître [J] [ZF], et la SELARLU [KU], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société ACP LOGISTIQUE représentée par Maître [ZK] [KU], succédant à Maître [I] [OD], désignées par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 31 janvier 2019,
CONFIRMER le jugement du 27 novembre 2019 du conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a :
Dit que le salaire moyen de Madame [UE] s’élève à la somme brute de 1856,92 euros ;
Débouté Madame [UE] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ;
Débouté Madame [UE] de toutes ses demandes indemnitaires afférentes à la demande de résiliation judiciaire ;
Débouté Madame [UE] de sa demande au titre de l’astreinte ;
Débouté Madame [UE] du surplus de ses demandes ;
Dit que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en application de l’article L.622-28 du code de commerce.
INFIRMER le jugement du 27 novembre 2019 du conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a :
Débouté les concluants de leurs demandes voir condamner Madame [UE] à payer les sommes suivantes :
o 3713,84 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
o 371,38 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
o 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
o Aux entiers dépens,
Dit et jugé que la prise d’acte de Madame [UE] en date du 10 août 2018 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixé la créance de Madame [UE] au passif de la liquidation judiciaire de la société ACP LOGISTIQUE pour les sommes suivantes :
16’712,28 euros à titre d’indemnité correspondant au salaire du 10 novembre 2017 au 10 août 2018 ;
1671,23 euros de congés payés afférents ;
2785,38 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
3713,84 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis ;
371,38 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;
500 euros de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale de reprise ;
1500 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
STATUANT A NOUVEAU SUR CES CHEFS,
JUGER que la demande de Madame [UE] au titre de l’obligation de non-concurrence est irrecevable, pour être nouvelle en cause d’appel et subsidiairement prescrite, et très subsidiairement mal fondée et en tout état de cause l’en débouter,
JUGER que la demande de Madame [UE] au titre du comportement fautif de l’employeur à l’origine de la détérioration de son état de santé est irrecevable, pour être nouvelle en cause d’appel et subsidiairement mal fondée et en tout état de cause l’en débouter,
JUGER que les demandes de Madame [UE] au titre de sa contestation de la validité de sa convention annuelle de forfait en jours sont irrecevables pour être prescrites et subsidiairement mal fondées, et en tout état de cause l’en débouter,
JUGER que les demandes de Madame [UE] de rappel d’heures supplémentaires et de rappel de salaire au titre de son coefficient conventionnel sont irrecevables pour être prescrites pour la partie antérieure au 26 mars 2015 et mal fondées, et en tout état de cause l’en débouter,
JUGER que sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d’une démission,
DÉBOUTER Madame [UE] de toutes ses demandes fins et conclusions,
CONDAMNER Madame [UE] à payer aux liquidateurs judiciaires la somme de 3713,84 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis ; 371,38 euros bruts au titre des congés payés sur préavis et la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 1500 euros au titre de la procédure d’appel
CONDAMNER Madame [UE] aux entiers dépens de première instance et d’appel, distraits conformément à l’article 699 CPC auprès de Me MAHE DES PORTES de la SCP CHABAS ET ASSOCIÉS, avocat postulant.
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 7] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions en réponse notifiées le 9 février 2023, de :
Vu les articles L.3253-6 à L.3253-21 du code du travail régissant le régime de garantie des salaires,
Vu l’article L.624-4 du code de commerce,
Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,
Vu la mise en cause de l’AGS/CGEA par Madame [ML]-[R] [UE] sur le fondement de l’article L.625-3 du code de commerce,
Donner acte au concluant de ce qu’il s’en rapporte sur le fonds à l’argumentation développée par l’employeur de Madame [ML]-[R] [UE] représenté par son mandataire judiciaire,
Infirmer la décision attaquée et débouter Madame [UE] de l’ensemble de ses demandes,
En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d’être allouées au salarié,
Débouter Madame [ML]-[R] [UE] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposable à l’AGS CGEA.
En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Madame [ML]-[R] [UE] selon les dispositions des articles L.3253-6 à L.3253-21 et D.3253-1 à D.3253-6 du code du travail.
Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, plafonds qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du code général des impôts.
Dire et juger que les créances fixées seront payables sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L.3253-20 du code du travail.
Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du code de commerce.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 9 février 2023.
SUR CE :
Sur le rappel de salaire conventionnel :
Madame [ML]-[R] [UE] soutient, à titre liminaire que sa demande formée au titre de rappel de salaire conventionnel n’est pas prescrite, sa saisine du conseil de prud’hommes étant intervenue le 31 octobre 2017 et ayant interrompu la prescription de 3 ans, en sorte qu’elle est fondée à solliciter des rappels de salaire jusqu’au 31 octobre 2014, et que dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par l’employeur doit être écartée.
Elle fait valoir qu’en vertu de l’article 32 de la convention collective des Bureaux d’études techniques, le montant minimal de salaire mensuel doit être calculé en additionnant la partie fixe liée à la position 2.1 et la valeur du point multipliée par le coefficient, soit pour l’année 2017 :
850.50 € (Partie fixe pour la position 2.1) + 275 (coefficient) x 2.96 € (valeur du point) = 1664.50 € ;
Qu’en l’espèce, l’employeur a considéré à tort que toutes les primes de production et de rachat de RTT devaient être prises en compte dans l’appréciation du salaire minimal ; que contrairement à ce que soutient l’employeur, la prime de production doit être écartée puisqu’elle a un caractère aléatoire et, en vertu de l’article 32 de la convention qui exclut du calcul du salaire minimum les primes non garanties, ce caractère aléatoire de la prime lui confère incontestablement la caractéristique de ne pas être garantie ; que l’employeur ne peut sérieusement considérer que la prime de fonction prévue contractuellement se confond avec la prime de production ; que tel n’est pas le cas dans la mesure où ces primes n’ont pas la même nature ; qu’en effet, l’une est liée à l’exercice même des fonctions du salarié, tandis que l’autre est liée aux résultats générés et produits par le salarié ; que Madame [UE] n’a en réalité jamais perçu la prime de fonction qui était pourtant prévue à son contrat de travail ; qu’en conséquence, elle n’a pas été rémunérée conformément aux règles prévues par la convention collective et n’a donc pas perçu le salaire minimum garanti ; qu’il sera donc versé à la concluante un rappel de salaire sur coefficient d’un montant de 5810,40 euros, outre 581,04 euros de congés payés afférents, ces sommes devant être inscrites au passif de la société. Madame [UE] réclame également la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la violation de la convention collective applicable.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE font valoir que la demande de Madame [UE] n’a été sollicitée que dans ses conclusions adressées par elle le 26 mars 2018 et qu’elle est donc prescrite pour la période du 1er novembre 2014 au 26 mars 2015, étant rappelé que toute demande de rappel de salaire se prescrit par trois ans (article L.3245-1 du code du travail) ; qu’en conséquence, la Cour devra déclarer que la demande de Madame [UE] est irrecevable pour la partie qui porte sur la période antérieure au 26 mars 2015.
Ils soutiennent qu’en application de l’article 5 du contrat de travail de Madame [UE], la rémunération globale annuelle de la salariée, pour un temps de travail effectif de 230 jours, se décomposait de la manière suivante :
-une rémunération fixe brute de 17’400 euros par an
-une prime de fonction de 2600 euros par an,
soit un total de rémunération brute annuelle garantie de 20’000 euros ;
Qu’il a ainsi été contractuellement convenu entre les parties que sont inclus dans la rémunération brute annuelle de Madame [UE] un salaire brut de base, ainsi qu’une prime de production garantie (dite aussi prime de fonction) ; que la décomposition de sa rémunération lui a été de nouveau exposée lors de l’entretien annuel d’évaluation du 18 mars 2016, la salariée ayant signé et approuvé le versement des primes mensuelles de l’exercice 2016, que ce soit la prime de production garantie d’un montant mensuel de 296,81 euros brut ou la prime mensuelle de RTT d’un montant de 106,81 euros brut ; qu’ainsi, dans l’appréciation du respect du salaire brut minimum conventionnel, il doit être tenu compte de ces éléments bruts de rémunération garantis, conformément à l’article 32 de la convention collective nationale étendue des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 ; qu’à l’analyse des bulletins de paie de Madame [UE], force est de constater que l’employeur lui a versé un salaire brut supérieur au salaire minimum conventionnel ; que Madame [UE] confond la prime de production, assimilée à la prime de fonction contractuellement prévue, et la prime de productivité ; que très subsidiairement, Madame [UE] ne démontre pas le préjudice qu’elle aurait subi en lien avec une prétendue violation des dispositions conventionnelles ; que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille doit être confirmé en ce qu’il a débouté Madame [UE] de ses demandes de rappel de salaires et de dommages-intérêts, infondées dans leur principe et dans leur quantum.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur et déclare faire sienne son argumentation. Elle soutient qu’il convient en tout état de rejeter les demandes de la salariée dont le préjudice n’est pas établi et, subsidiairement, de diminuer le montant des sommes réclamées dans d’importantes proportions.
*****
En premier lieu, il convient d’observer que Madame [ML]-[R] [UE] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 31 octobre 2017 notamment de demandes en paiement de « salaire sur coefficient de octobre 2014 à octobre 2017 : à évaluer », puis elle a chiffré ses demandes à titre de rappels de salaire sur coefficient et congés payés afférents dans ses conclusions communiquées en première instance le 26 mars 2018.
Il importe peu que Madame [UE] n’ait chiffré ses demandes à titre de rappels de salaire sur coefficient que dans ses conclusions du 26 mars 2018, l’acte de saisine du conseil de prud’hommes du 31 octobre 2017 ayant interrompu le délai de prescription.
En conséquence, la Cour rejette la demande des mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE d’irrecevabilité de la demande de Madame [UE] de rappel de salaire au titre de son coefficient conventionnel et déclare les demandes de la salariée, postérieures au 31 octobre 2014, non prescrites en application du délai de prescription triennale de l’action en paiement des salaires.
Madame [ML]-[R] [UE] a été employée en qualité de technicien préleveur commercial, non cadre, classification Position 2.1 coefficient 275 de la Convention collective nationale des bureaux d’études techniques (Syntec), selon les dispositions du contrat de travail à durée indéterminée du 3 juillet 2012.
Aux termes de l’article 5 du contrat de travail, il était prévu que :
« Mademoiselle [R] [UE] percevra une rémunération fixe de base à laquelle se rajoute les acomptes et avances sur primes.
La rémunération globale annuelle pour un temps de travail effectif de 230 jours, pourra se décomposer de la manière suivante :
– Une rémunération fixe brute de 17’400 € par an
– Une prime de fonction de 2600 euros par an
Le total de la rémunération brute annuel garantie est de 20’000 €.
Les commissions sur affaires nouvelles sont évaluées en annexe 2 et versées sous forme d’acomptes.
Ces acomptes seront régularisés en fin d’année, sur la base des objectifs fixés en début d’année avec la direction.
Les modalités de ces diverses primes sont déterminées chaque année lors de l’entretien individuel et font l’objet d’un document annexe ».
Il résulte des bulletins de paie de Madame [UE] que celle-ci percevait :
-un salaire mensuel brut de 1450 euros en décembre 2014, de 1457,55 euros à partir de janvier 2015, de 1466,65 euros à partir de janvier 2016 et de 1480,30 euros à partir de janvier 2017,
-une « prime de production » de 296,81 euros,
-un « acompte prime de RTT » (ou « prime de rachat RTT ») de 106,81 euros.
Elle a également perçu une prime de gestion et une prime qualité en décembre 2015.
Les salaires minima conventionnels sont définis à l’article 32 de la Convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, en ces termes :
« La rémunération normale est basée sur des appointements mensuels calculés sur l’horaire légal, majorés ou minorés suivant que l’horaire normal de l’entreprise est supérieur ou inférieur à l’horaire légal.
Les appointements minimaux relatifs à chaque emploi des ETAM sont déterminés par l’application aux coefficients hiérarchiques des valeurs du point de rémunération.
Les valeurs du point de rémunération seront examinées deux fois par an par la commission paritaire.
Dans les barèmes des appointements minimaux garantis afférents aux positions définies, sont inclus les avantages en nature évalués d’un commun accord et mentionnés dans la lettre d’engagement ainsi que les rémunérations accessoires en espèces, mensuelles ou non, fixées par la lettre d’engagement (ou par la lettre de régularisation d’engagement ou par un accord ou une décision ultérieure).
Pour établir si I’ETAM reçoit au moins le minimum le concernant, les avantages prévus ci-dessus doivent être intégrés dans la rémunération annuelle dont 1/12 ne doit, en aucun cas, être inférieur à ce minimum.
Par contre, les primes d’assiduité et d’intéressement, si elles sont pratiquées dans l’entreprise, les primes et gratifications de caractère exceptionnel et non garanties ne sont pas comprises dans le calcul des appointements minimaux, non plus que les remboursements de frais, les indemnités en cas de déplacement ou détachement, la rémunération des heures supplémentaires ».
Le salaire minimum conventionnel, pour la position 2.1. était ainsi de 1650,75 euros brut sur 2017 (à compter du 1er juillet 2017) et non de 1664,50 euros tel que revendiqué par Madame [UE], et de 1617,55 euros brut sur 2015 et 2016.
Alors que Madame [UE] soutient que la prime de production ne correspondrait pas à la prime de fonction prévue à son contrat de travail et qu’elle présenterait un caractère aléatoire, il ressort toutefois des bulletins de paie que la « prime de production » présente un caractère fixe (296,81 euros), que son versement n’a rien d’aléatoire, que cette « prime de production » ne correspond pas à une prime de productivité (dans le compte rendu d’entretien individuel 2016, est présentée la décomposition de la rémunération avec la « prime de production mensuelle » et par ailleurs, un paragraphe 3 sur « PRIMES améliorations productivité » et autres primes – pièce 10 versée par l’employeur) et que le versement de cette prime entrait donc dans le salaire garanti à Madame [UE], laquelle a approuvé, dans le cadre du compte rendu de son entretien individuel, la décomposition de sa rémunération.
Il est certain que le versement de la « prime de production » est venu en remplacement de la « prime de fonction » prévue au contrat de travail.
En conséquence, eu égard aux montants du salaire fixe et de la « prime de production » perçus mensuellement par la salariée (montant total de 1754,36 euros en 2015, de 1763,46 euros en 2016 et de 1777,11 euros en 2017), cette dernière a donc perçu un salaire garanti supérieur au salaire minimum conventionnel.
La Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté Madame [ML]-[R] [UE] de ses demandes en paiement d’un rappel de salaire conventionnel, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour non respect par l’employeur des dispositions de la convention collective applicable.
Sur les heures supplémentaires :
Sur la prescription
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE soutiennent en premier lieu que les demandes de Madame [UE] sont irrecevables car totalement ou partiellement prescrites ; qu’en effet, la demande de Madame [UE] au titre de la validité de la convention de forfait jours a été effectuée bien au-delà du délai de deux ans prévu par l’article L.1471-1 du code du travail, étant rappelé que ce forfait est applicable à la salariée depuis son embauche le 3 juillet 2012.
Ils font valoir que la demande de la salariée, pour la partie qui porte sur la période antérieure au 26 mars 2015, est irrecevable car prescrite ; qu’en effet, Madame [UE] n’a sollicité un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires que dans ses conclusions adressées le 26 mars 2018 ; que la demande est à tout le moins prescrite pour la période du 1er octobre 2014 au 26 mars 2015, étant rappelé que toute demande de rappel de salaire se prescrit par trois ans (article L.3245-1 du code du travail).
Madame [ML]-[R] [UE] soutient, à titre liminaire, que la contestation de la convention de forfait n’a pas pour délai de prescription le délai prévu à l’article L.1471-1 du code du travail mais celui prévu à l’article L.3245-4 relatif à la prescription des salaires ; qu’en l’espèce, Madame [UE] invoque la nullité de sa convention de forfait en jours et sollicite, en conséquence, la condamnation de l’employeur au titre des heures supplémentaires réalisées les trois ans précédant la saisine du conseil de prud’hommes ; que force est de constater que la demande formulée par la salariée au titre des heures supplémentaires est parfaitement recevable et, par ricochet, que la demande qu’elle formule au titre de la nullité de sa convention de forfait l’est également et que la Cour ne pourra qu’écarter la fin de non-recevoir soulevée par l’employeur et déclarer la demande formulée par Madame [UE] au titre de la nullité de sa convention de forfait parfaitement recevable.
Elle fait valoir que la demande en paiement d’heures supplémentaires peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, soit en l’espèce le 31 octobre 2017 ; qu’au jour de la saisine du conseil de prud’hommes, le délai de prescription a été interrompu, la salariée ayant de surcroît saisi la formation de référé le 31 octobre 2016 ; que la Cour écartera la fin de non-recevoir soulevée par l’employeur et déclarera les demandes de la salariée recevables.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur.
***
Contrairement à ce qui est invoqué par l’employeur, l’action de la salariée ne s’analyse pas en une action portant sur l’exécution du contrat de travail, soumise au délai de prescription de deux ans prévu par l’article L.1471-1 du code du travail. En effet, la salariée, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite, est recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail dans le délai de prescription des salaires de trois ans.
La Cour constate que Madame [UE] a, dans le cadre de sa requête du 31 octobre 2017, réclamé le paiement de salaire au titre des « heures supplémentaires de octobre 2014 à octobre 2017 : à évaluer », demande qu’elle a précisément chiffrée par la suite dans ses conclusions communiquées en première instance le 26 mars 2018.
Il importe peu que Madame [UE] n’ait chiffré ses demandes à titre de rappel d’heures supplémentaires que dans ses conclusions du 26 mars 2018, l’acte de saisine de la juridiction prud’homale par requête introductive du 31 octobre 2017 ayant interrompu le délai de prescription.
En conséquence, la demande de Madame [UE] de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, postérieure au 31 octobre 2014, n’est pas prescrite.
Il s’ensuit que la salariée est recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours contenue dans son contrat de travail.
En conséquence, la Cour rejette les demandes des mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE d’irrecevabilité des demandes de Madame [UE] de contestation de la validité de la convention de forfait jours et de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires postérieurement au 31 octobre 2014.
Sur la validité de la convention de forfait jours
Madame [ML]-[R] [UE] fait valoir que son contrat de travail, prévoyant que son temps de travail est organisé sur la base d’un forfait annuel de 230 jours, ne satisfait nullement aux obligations légales et jurisprudentielles puisque l’article 3 du contrat afférent à la durée du travail renvoie à un accord d’entreprise et à son avenant, dont la salariée n’a nullement pris connaissance ; que l’accord d’entreprise versé aux débats par l’employeur date du 29 septembre 2017 ; que cela démontre qu’au jour de la conclusion du contrat de travail, il n’existait aucun accord collectif d’entreprise relatif au forfait jours au sein de l’entreprise ACP LOGISTIQUE ; que la convention collective dite Syntec ne permet le recours au forfait annuel en jours que pour les cadres de niveau 3 ; que dès lors, le forfait annuel en jours est nul ; qu’au surplus, ni la convention, ni le contrat ne prévoit de dispositions sur le droit à la déconnexion et au repos de la salariée, de sorte que le forfait lui est là encore inopposable ; qu’elle n’a pas pu bénéficier du suivi régulier de sa charge de travail, ni même des entretiens annuels pourtant obligatoires ; que le préjudice subi résultant de l’application irrégulière du forfait annuel en jours sera indemnisé à hauteur de 5000 euros à titre de dommages et intérêts et, également, que l’annulation de la convention de forfait entraînera le retour au droit commun et au décompte des heures supplémentaires.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE font valoir que l’article 3 du contrat de travail, relatif à la durée du travail, a été approuvé par Madame [UE] ; que l’exigence d’un écrit a été parfaitement respectée, conformément aux exigences légales et conventionnelles, de sorte que la convention individuelle de forfait annuel en jours a valablement été conclue entre les parties ; que par ailleurs, contrairement à ce que Madame [UE] prétend, ce n’est pas la convention collective de branche qui prévaut en matière de forfait jours, puisque l’accord d’entreprise prime dans ce domaine sur la convention collective de branche ; qu’à cet égard, l’accord d’entreprise applicable au sein de la société ACP LOGISTIQUE ne prévoit aucun critère minimum de classification, tout comme d’ailleurs les dispositions de l’article L.3121-58 du code du travail ; que l’accord d’entreprise prévoit par ailleurs les temps de repos et de déconnexion, les modalités selon lesquelles s’exerce le suivi de la charge de travail des salariés au forfait annuel en jours et les modalités selon lesquelles ont lieu les entretiens annuels et le suivi régulier de la charge de travail ; qu’il n’existe aucun débat sur la conformité de l’accord d’entreprise aux dispositions de l’article L.3121-64 du code du travail ; que partant, le forfait annuel en jours est parfaitement opposable à Madame [UE] ; qu’en tout état de cause, Madame [UE] ne justifie nullement d’un préjudice qu’elle aurait subi du fait de la prétendue inopposabilité de sa convention de forfait jours et qui justifierait l’allocation d’une somme exorbitante de 5000 euros, soit plus de trois mois de salaire ; que Madame [UE] ne fait pas la démonstration de son préjudice et qu’elle doit être déboutée de ses demandes.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur.
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Le contrat de travail à durée indéterminée de Madame [ML]-[R] [UE] en date du 11 juillet 2012 prévoit, en son article 3 « Durée du travail » que « La durée de travail, compte tenu de la large autonomie dont Mademoiselle [R] [UE] dispose dans l’organisation de son travail lié à ses fonctions, sera de 230 jours de travail effectif par an, conformément à l’accord d’entreprise et à son avenant’ ».
La conclusion d’une convention individuelle de forfait annuel en jours doit être prévue, aux termes des dispositions de l’article L.3121-39 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, « par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ».
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE versent aux débats l’ « Accord collectif d’entreprise portant sur la durée et l’aménagement du temps de travail – Société ACP – Accord du 29 septembre 2017 », dont il résulte qu’il existait au sein de la société ALPA, précédent employeur de Madame [UE], des accords d’entreprise qui ne sont toutefois pas versés aux débats et dont il n’est pas établi qu’ils auraient continué à s’appliquer au personnel transféré le 1er avril 2016 au sein de la société ACP durant une « période de survie », jusqu’à l’accord d’entreprise de la société ACP du 29 septembre 2017.
La Cour n’est donc pas en mesure de vérifier que l’accord collectif ALPA déterminait les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait et qu’il concernait notamment les salariés non cadres. Il n’est donc pas établi que l’accord collectif ALPA était applicable à Madame [ML]-[R] [UE].
Par ailleurs, les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE ne versent aucun élément susceptible de démontrer que la société a assuré un suivi de la charge de travail de la salariée, de l’organisation du travail dans l’entreprise, de l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale de Madame [UE], ainsi que de sa rémunération, en conformité avec les dispositions de l’article L.3121-46 du code du travail applicable au présent litige.
Il résulte du compte rendu d’entretien individuel 2016 (pièces 10 et 11 versées par les intimés) qu’il est annoncé à Madame [UE], d’une part, qu’elle a « la possibilité et la nécessité d’alerter (sa) hiérarchie si (elle estime) être en surcharge de travail chronique » et, d’autre part, qu’elle aura « un deuxième entretien en cours d’année dans le cadre de l’application du forfait jour dans l’entreprise », aucun compte rendu d’entretien du suivi de l’application du forfait jours n’étant produit.
En conséquence, alors qu’il n’est pas établi que la société APA puis la société ACP ont assuré le suivi de la charge de travail de la salariée, la convention de forfait jours est inopposable à Madame [UE], laquelle est en droit de solliciter le règlement des heures supplémentaires exécutées au-delà de 35 heures hebdomadaires.
Sur les heures supplémentaires
Madame [ML]-[R] [UE] soutient qu’elle est en mesure d’attester de la réalité et de l’amplitude des heures supplémentaires qu’elle a effectuées, notamment au travers des courriels reçus et envoyés, qui démontrent qu’elle effectuait en moyenne une durée hebdomadaire de travail de 45 heures ; qu’elle commençait généralement ses journées à 7 heures, prenait une pause déjeuner d’une demi-heure, reprenait sa journée, laquelle finissait par des tâches administratives (saisie des prélèvements effectués sur le réseau interne dit HORUS) ; qu’il arrivait souvent qu’elle finisse tard le soir car le réseau était saturé dans la journée de sorte que les saisies « buggaient » et prenaient du temps à s’enregistrer, de telle sorte qu’il arrivait que la salariée était encore à son bureau à 20 heures ; qu’à raison de 10 heures supplémentaires exécutées par semaine travaillée, la concluante est en droit de réclamer la somme de 14’970,57 euros de rappel d’heures supplémentaires sur la base du salaire réévalué de 1664,50 euros (salaire minimum conventionnel) ou, à tout le moins, la somme de 13’146,20 euros sur la base de son salaire actuel, outre les congés payés afférents.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE font valoir que Madame [UE] n’a accompli aucune des heures supplémentaires dont elle revendique le paiement ; que cette dernière affirme, sans le démontrer, avoir effectué de manière parfaitement linéaire 10 heures supplémentaire par semaine, pour avoir systématiquement commencé ses journées à 7 heures du matin ; que Madame [UE] ne produit aucun décompte crédible et probant détaillant précisément chacune de ses journées de travail, en distinguant son temps de travail effectif et son amplitude horaire et en indiquant ses temps de trajet, ses temps de pause, ses temps de repas, ainsi que ses heures de début et de fin de travail ; que les quelques mails produits par la salariée ne sont pas de nature à apporter la preuve des prétendues heures supplémentaires ; qu’il convient de rappeler que la salariée a travaillé uniquement 52 jours depuis début janvier 2016, du fait de ses arrêts de travail pour maladie simple ou pour congé maternité ou pour congé payé ; que la Cour confirmera le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté Madame [UE] de ses demandes à ce titre.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur.
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A l’appui de sa réclamation, Madame [ML]-[R] [UE] verse les éléments suivants :
-son décompte dans ses conclusions faisant état de 10 heures supplémentaires effectuées par semaine travaillée, sans précision des horaires journaliers, la salariée indiquant toutefois qu’elle commençait généralement ses journées à 7 heures, qu’elle prenait une pause d’une demi-heure pour déjeuner et qu’il lui arrivait d’être encore à son bureau à 20 heures ;
-un courriel du 8 juin 2015 de [D] [O], Responsable Délégué des Prestations, adressé à plusieurs salariés dont [ML]-[R] [UE], en ces termes :
« Lors de l’envoi de vos plannings de juin, certains d’entre vous m’ont fait part d’une surcharge de travail (au total 10 jours).
J’ai donc convenu d’un rendez-vous jeudi 04/06/15 après-midi avec [P] afin de discuter de la nécessité d’un poste supplémentaire (CDD) sur la zone.
Voilà ce qui en est ressorti :
– Disparités dans les plannings (forme, contenu, organisation’), avec des plannings très bien rédigés et organisés’ et d’autres nettement moins. Nous avons donc convenu avec [P] qu’un point sur l’organisation et la rédaction de vos plannings serait organisé lors de notre prochaine réunion.
– Une meilleure organisation de certains plannings permettrait de compenser cette surcharge de travail, environ 13 jours de Travail pourraient être récupérés sur l’ensemble de la zone. Il n’y a donc pas d’éléments permettant de justifier un poste supplémentaire sur la zone auprès de la direction.
– Disparité sur la charge de travail des techniciens (journées très denses pour certains, et très légères chez d’autres’)’ » ;
-un courriel du 10 juin 2015 de [ML]-[R] [UE] adressé en réponse à celui de [D] [O] :
« Voici mon planning il y a toujours des choses qui ne passent pas. J’ai corrigé votre proposition car ce n’est pas comme ça que ça se passe sur le terrain’
Les validations de transports sont très compliquées ça ne se passe jamais bien je tourne dans tout [Localité 10]’
Mon planning est maintenant saturé je ne pourrais pas gérer la moindre urgence.
On ne peut pas comparer des plannings les uns aux autres chacun a ses contraintes pour ma part je fais avec la deuxième plus grande ville de France et la première la plus embouteillée devant [Localité 13] et je suis seule, et en plus vous voulez que je gère le 13. Je ne fais pas 600 km par jour mais je suis une bonne partie de la journée dans la voiture à l’arrêt » ;
-un courriel en réponse du 11 juin 2015 de [P] [E], Responsable du Pôle Prestations, adressé à [ML]-[R] [UE] :
« Concernant les embouteillages sur [Localité 10] que vous évoquez organisez-vous votre journée de manière à éviter les axes sujet aux embouteillages ‘
Ex : faire le 8ème le matin tôt on roule très bien cela prend 2h si vous y allez à 9h ou 16h.
Pour y avoir tourné pendant plusieurs années, j’ai pu m’organiser pour éviter d’être impacter par cet aspect.
Nous pouvons voir cela ensemble si vous le souhaitez’ » ;
-le courriel en réponse du 11 juin 2015 de [ML]-[R] [UE] :
« Je prends au maximum les tunnels quand je dois traverser je ne suis pas le GPS sinon je ne m’en sortirais pas et justement je connais bien maintenant la ville’ pour votre exemple je n’ai pas que des clients dans le 8ème je suis dans le 5ème quand je sors du garage c’est déjà bouché à 7H15 je peux partir à 6H pour faire un client à 8H.
Bref c’est pas tant le matin [P] c’est toute la journée la folie’ ce que je voulais vous faire comprendre c’est que je ne fais pas partie des gens qui font des bornes mais que je suis quand même beaucoup dans la voiture’
Je ne veux pas qu’on s’imagine que je ne fais rien je n’ai pris qu’une journée administrative depuis janvier. Je n’ai peut-être pas 10 clients par jour mais je n’ai pas de « petits » clients j’ai toujours des audits par exemple et à part le GMS la plupart de mes clients se font le matin. Mes journées un peu light en général servent à anticiper de l’hydro ou autre urgence.
Si vous n’avez pas confiance en moi je ne sais pas quoi vous dire’ Lors de mes deux arrêts de travail j’ai repris avant la fin de l’arrêt pas merci ni rien alors je me dis que j’ai été bête de l’avoir fait » (pièces 32) ;
-un échange de courriels entre le 12 et le 15 juin 2015, entre [P] [E] et [ML]-[R] [UE], le Responsable faisant le constat d’un « très faible nombre d’échantillon hydro prélevé » proposant à la salariée de prendre en charge des prestations sur des secteurs voisins et lui indiquant : « Sur votre périmètre actuel (13) il n’y a pratiquement pas de prestations l’après-midi (peu de GMS et quasiment pas d’hydro à part des prisons que vous ne préférez ne pas faire).
Cela n’est donc pas un secteur optimisé comme peuvent l’être d’autres secteurs avec un équilibre entre prestations matin et après-midi.
J’ai proposé une piste de réflexion –> si vous prenez en charge des prestations actuellement faites par [Z] et [X] sur les secteurs voisins et qui ont bcp d’hydro.
Je vous demande à votre tour quelles propositions, idées, réflexions vous pouvez avoir pour alimenter la réflexion et permettre d’améliorer la productivité de votre secteur notamment pour les prestations l’après-midi », et la réponse de [ML]-[R] [UE] : « Je pense que cette discussion devrait se poursuivre de vive voix. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous j’ai des prestations pratiquement tous les après-midi ce mois ci. Ce n’est pas tous les mois pareils mais comme vous dites presque pas de GMS j’ai quand même plus de carrefours et de simply que d’autres. J’ai aussi gardé les medipsy et j’ai pas mal de klorian avec de l’hydro. En agro j’ai beaucoup de compass et j’ai l’APHM qui prend pas mal de temps.
J’ai déjà récupéré une partie de la zone que je n’arrive pas à caser la plupart du temps heureusement qu’il y a [JY]. Pour les prisons je n’ai pas choisi j’ai demandé à ne plus les faire suite à des insultes et autres sans rentrer dans les détails. [JY] s’en charge mais cela reste sur mon secteur.
Bien sûr que je peux dépanner [Z] sur de l’hydro quand cela est possible.
Mais je crois que en amont il faudrait retravailler sur les secteurs pourquoi pas même reprendre à [Z] les clients entre [Localité 17] et [Localité 10] mais en me levant une partie du 13 (ex [Localité 16] [Localité 5]’).
Je ne comprends pas la zone que je récupère je ne peux déjà pas la faire et vous voulez que je trouve une solution pour en ajouter, pourquoi tant de haine ‘ » (pièces 34) ;
-un courriel du 26 octobre 2017 de [ML]-[R] [UE] : « Je viens de finir ma saisine il est 20 : 45.
Parce que comme très souvent on passe notre temps de bureau l’après-midi à batailler avec horus qui beug exemple une heure à essayer de planifier un client. Du coup en est obligé de travailler une partie de la soirée après une journée de travail » (pièce 39).
Madame [ML]-[R] [UE] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant à ses horaires de travail pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectué, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
Les représentants de la SAS ACP LOGISTIQUE critiquent les éléments versés par la salariée, relèvent que le courriel du 28 octobre 2017 que la salariée aurait envoyé date de deux jours à peine avant sa saisine de la juridiction prud’homale. Ils produisent le compte rendu d’entretien professionnel 2016, dans lequel la salariée n’a émis aucune observation alors qu’il lui avait été rappelé qu’elle avait « la possibilité et la nécessité d’alerter (sa) hiérarchie si (elle estimait) être en surcharge de travail chronique », ainsi qu’un « planning individuel des absences et jours fériés » correspondant à l’activité de [ML]-[R] [UE] sur l’année 2016 (52 jours travaillés) et sur l’année 2017 (9 semaines de présence en dehors des arrêts de travail et des congés payés) (pièces 16).
Les mandataires de la SAS ACP LOGISTIQUE ne versent pas d’élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée.
En conséquence, la Cour reconnaît l’existence d’heures supplémentaires accomplies par Madame [UE].
Il convient de constater que l’observation faite par Monsieur [D] [O], dans son courriel du 8 juin 2015, relative à la surcharge de travail apparaissant dans certains plannings ne concerne pas Madame [ML]-[R] [UE] puisqu’il lui est souligné par la suite qu’elle n’a « pratiquement pas de prestations l’après-midi » (la salariée ayant répliqué qu’elle avait des prestations « pratiquement tous les après-midi ce mois ci » – en juin 2015).
Par ailleurs, la salariée évoque, à travers ses courriels, un départ de chez elle à 7h15 ou même 6 heures « pour faire un client à 8H » et également une fin de journée « administrative » à 20h45 le 26 octobre 2017, ayant par ailleurs précisé en juin 2015 qu’elle n’avait pris qu’ « une journée administrative depuis janvier » (son courriel du 11 juin 2015).
Ainsi, au vu des éléments versés par la salariée, la Cour lui accorde la somme de 1500 euros au titre des heures supplémentaires impayées, ainsi que la somme de 150 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur l’indemnisation d’un préjudice né du défaut d’information de la prise du repos ou de sa contrepartie
Madame [ML]-[R] [UE] sollicite également la condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice pour défaut d’information de la prise du repos ou de sa contrepartie.
Il n’est pas établi que les heures supplémentaires accordées à la salariée étaient susceptibles de lui faire bénéficier d’une contrepartie en repos. Madame [UE] ne verse par ailleurs aucun élément sur l’existence d’un préjudice qui résulterait de la carence de l’employeur dans le paiement d’heures supplémentaires.
À défaut de tout élément probant, la Cour déboute Madame [UE] de sa demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef.
Sur l’indemnisation du préjudice né de la carence fautive de l’employeur en matière salariale
Madame [ML]-[R] [UE] réclame dans le dispositif de ses conclusions la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice distinct né de la carence fautive de l’employeur en matière salariale. Cette demande correspond à celle développée en page 66 de ses conclusions au titre d’un préjudice subi du fait de l’application irrégulière du forfait jours.
Madame [ML]-[R] [UE] ne verse aucun élément probant sur l’existence de son préjudice.
En conséquence, la Cour déboute la salariée de cette prétention.
Sur la discrimination :
Madame [ML]-[R] [UE] invoque en premier lieu qu’elle a été victime de discrimination fondée sur sa grossesse qu’elle a annoncée à son supérieur hiérarchique lors de son entretien annuel d’évaluation, le 18 mars 2016 au matin, à 7h30, une réunion devant se tenir dans les locaux de l’entreprise le même jour, dans l’après-midi ; que l’employeur lui a adressé un avertissement au motif qu’elle serait prétendument partie avant la fin de la réunion, sans autorisation (à 15h au lieu de 16h), alors qu’elle avait demandé à sa supérieure hiérarchique, Madame [GO] [K]-[S], si elle pouvait prendre le train de 16 heures car celui qui avait été réservé était tard dans la soirée et qu’elle était fatiguée compte tenu de son état de grossesse ; que Madame [K]-[S] lui donnera son accord ; que la salariée a pourtant été convoquée quelques jours après un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, un vendredi à 16 heures alors qu’elle était en congé ; que le « rappel à l’ordre » notifié par l’employeur constitue bien une sanction disciplinaire et plus précisément un avertissement ; que cette sanction prononcée pour avoir quitté de manière anticipée une réunion, le jour de l’annonce de sa grossesse, caractérise une discrimination en raison de son état de grossesse.
Madame [UE] invoque en second lieu avoir été victime, à son retour de congé maternité, de faits de discrimination fondée sur sa nouvelle situation de famille :
-le refus de lui attribuer son poste pourtant toujours vacant et l’affectation, dès son retour de congé maternité, sur un autre secteur loin de son domicile (de 1h30 à 2h de trajet pour s’y rendre) ;
-la modification unilatérale du secteur géographique, élément par essence du contrat de travail de Madame [UE], laquelle conteste la validité de la clause lui attribuant un secteur géographique vaste, sur l’ensemble de la région sud, et l’employeur ne pouvant se prévaloir de la clause de mobilité pour justifier la modification du secteur géographique puisque celle-ci s’avère indéniablement nulle ;
-une atteinte substantielle à sa rémunération, le changement de secteur devant avoir à long terme pour conséquence une baisse de rémunération qui caractérise donc bien la modification du contrat de travail ;
-le non-respect de la vie personnelle et familiale, l’affectation éloignée de Madame [UE] ne lui permettant pas d’allaiter son enfant.
Madame [UE] fait valoir que l’ensemble de ces éléments caractérise une discrimination fondée sur sa situation familiale et justifie le versement de la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct de discrimination fondée sur sa situation familiale.
La salariée invoque également une discrimination subie par elle en raison de son état de santé, l’employeur lui ayant reproché son état de santé lors de l’entretien d’évaluation. Elle soutient enfin qu’à la suite de l’avis d’aptitude du médecin du travail, l’employeur lui a demandé de rester chez elle, ce qu’elle a fait, mais ne l’a plus rémunérée ; que Madame [UE] n’a eu de cesse de demander à son employeur du travail ; que le refus de l’employeur de lui fournir du travail et de la rémunérer constitue une discrimination prohibée car fondée sur son état de santé.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE soutiennent qu’il appartient à Madame [UE] de rapporter la preuve d’éléments de fait qui laisseraient supposer l’existence d’une discrimination en raison de sa situation de famille ; que celle-ci ne satisfait pas à cette exigence probatoire dès lors qu’elle est dans l’incapacité de préciser quel salarié aurait été dans une situation comparable à la sienne et aurait été mieux traité qu’elle ne l’a été ; qu’aucune des pièces communiquées par Madame [UE] ne permet de faire une telle démonstration ; que la salariée n’a d’ailleurs jamais informé les représentants du personnel, ni l’inspection du travail, ni le défenseur des droits, ni le médecin du travail de tels agissements ; qu’en outre, aucun des certificats médicaux qu’elle communique ne fait état d’un lien entre son état de santé et une prétendue discrimination, aucun des arrêts de travail n’ayant une origine professionnelle ou de lien avec l’activité ; que Madame [UE] n’explique pas comment elle aurait pu être victime de discrimination en ayant travaillé seulement 52 jours depuis début janvier 2016 et à peine 20 jours après son retour de congé maternité suivi de congés payés ; que Madame [UE] a reconnu lors de son entretien individuel d’évaluation, qui s’est tenu le 18 mars 2016, que ses conditions de travail lui convenaient ; que d’autre part, l’employeur a versé à Madame [UE] la prime de qualité d’un montant de 875 euros brut de nature à valoriser son travail et son investissement, démarche qui est totalement incompatible avec une prétendue discrimination et une mise au placard selon les propos de la salariée ; qu’en réalité, Madame [UE] n’a manifestement pas apprécié les remarques légitimes qui ont été formulées par son responsable hiérarchique lors de l’entretien annuel d’évaluation du 18 mars 2016, ainsi que le rappel à l’ordre fondé dans son principe qui lui a été notifié à la suite de cette réunion de travail ; que son responsable hiérarchique lui a notifié un rappel à l’ordre sans toutefois la sanctionner ; qu’il est donc totalement inapproprié de la part de Madame [UE] d’évoquer au soutien de sa prétendue discrimination une « sanction disciplinaire délivrée à l’annonce de la grossesse » ; que Madame [UE] a seulement prévenu sa supérieure hiérarchique le jour même de son départ anticipé de la réunion mais n’avait obtenu aucune autorisation de celle-ci ; que la protection de la femme enceinte ne joue que contre la rupture du contrat de travail et aucunement contre des sanctions disciplinaires autres, que l’employeur reste libre de notifier.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE font valoir que le secteur géographique sur lequel intervenait Madame [UE] n’avait aucunement été contractualisé ; qu’il a seulement été demandé à la salariée, dans l’intérêt de l’entreprise et pour raisons de service, d’étendre ses missions principalement sur le secteur d'[Localité 6] et d'[Localité 12], faisant partie intégrante de la région sud, conformément à son contrat de travail ; que ce simple changement de ses conditions de travail ne nécessitait donc pas son accord préalable mais s’imposait à elle ; que l’employeur n’a jamais actionné la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail de Madame [UE], de sorte que les débats relatifs à cette clause sont parfaitement inutiles.
Ils font valoir en second lieu que Madame [UE] se contente d’affirmer gratuitement que le changement de son secteur géographique aurait impacté une partie variable de sa rémunération, sans le démontrer. En troisième lieu, ils soulignent que Madame [UE] n’avait émis aucune réclamation et adressé aucune demande pour organiser des périodes d’allaitement, en sorte qu’il est absurde de reprocher à la société intimée un comportement discriminatoire.
Ils soutiennent qu’il n’a jamais été demandé à Madame [UE] de rester à son domicile à la suite de la visite médicale du 10 novembre 2017, le médecin du travail ayant rendu un avis d’aptitude assorti de réserves d’une importance telle que son emploi était vidé de toute substance ; que son absence de prestation de travail ne résulte pas d’une demande de l’employeur ni du choix de celui-ci, mais bien d’un avis du médecin du travail que l’employeur est tenu de respecter dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat ; que le médecin du travail n’a pas émis d’avis d’inaptitude régulier et l’employeur ne pouvait pas engager une procédure de licenciement pour inaptitude, même si Madame [UE] la réclamait ; que l’employeur n’avait pas plus l’obligation de reprendre le paiement du salaire de Madame [UE] ; qu’en l’absence de prestation de travail et de communication par Madame [UE] de justificatif de ses absences, la société ACP LOGISTIQUE n’avait aucune obligation de reprendre le paiement du salaire ; que la Cour confirmera le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a constaté l’absence de discrimination à l’égard de Madame [UE] et débouté cette dernière de ses demandes indemnitaires et de rappel de salaire à ce titre.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur et déclare faire sienne son argumentation. Elle soutient qu’il convient en tout état de rejeter les demandes de la salariée dont le préjudice n’est pas établi et, subsidiairement, de diminuer le montant des sommes réclamées dans d’importantes proportions.
*****
Madame [ML]-[R] [UE] verse notamment, à l’appui de la discrimination qu’elle déclare avoir subie, les pièces suivantes :
-un courriel du 29 mars 2016 de [ML]-[R] [UE] adressé à Monsieur [P] [E] :
« Je n’ai pu récupérer votre lettre recommandée qu’aujourd’hui. Je suis surprise de cette convocation puisque j’avais prévenu [GO] de mon départ à 15H pour prendre le train à 16H après vous avoir annoncé le matin que j’étais enceinte.
En effet les trains étaient complets pendant une fourchette horaire et ceux d’après étaient tard.
J’ai attendu l’heure du déjeuner pour lui en parler pour pouvoir vérifier le matin s’il y avait du changement dans les trains. Comme vous n’étiez pas au déjeuner avec nous je n’ai pas pu vous en avertir.
J’avais convenu avec [GO] pour ce que je manquais d’un rdv téléphonique le lundi pour faire le point sur V10 et je lui avais préparé un tableau avec les dates compass.
Je suis normalement en CP les vendredi 1 et lundi 4 pour solder en Avril (comme convenu dans mon EI) les 2 CP restant de 2015. Ces congés ne m’ont pas été refusés.
Pour cet entretien je souhaite être accompagnée de [W] [IG] » ;
-un échange de courriels du 10 mars 2016 sur l’entretien d’évaluation de Madame [UE] le 18 mars à 7h30 ;
-un échange de courriels des 29 et 31 mars 2016, après notification des documents sur l’entretien individuel d’évaluation de la salariée par courriel du 18 mars 2016 à 9h21, Madame [UE] adressant certains commentaires et s’étonnant que l’annonce de sa grossesse lors de l’entretien n’apparaisse pas dans le compte rendu et Monsieur [P] [E] répliquant que cette annonce n’avait pas été faite lors de l’entretien « mais une fois que celui-ci était terminé et clôturé. Je vous ai d’ailleurs félicité pour cette excellente nouvelle. Je vous ai également rassuré concernant l’organisation. En effet, je dois gérer ce type de situation assez régulièrement donc nous allons prendre un CDD pour vous remplacer au plus tôt et gérer sa formation afin d’assurer la continuité sur le secteur » (pièce 37) ;
-le certificat du 26 septembre 2018 du Docteur [U], médecin gynécologue et obstétricien, qui « certifie avoir suivi en gynécologie et endocrinologie depuis le 17 novembre 2015 Madame [ML] [R] [UE] née le 9 mars 1977.
S’agissant d’un problème multiple de gynécologie, d’endocrinologie et de médecine de la reproduction, elle a eu besoin d’un suivi spécialisé’
Le surmenage professionnel chez une femme de cet âge étant à éviter s’agissant d’une grossesse relativement à risque, elle a bénéficié d’un arrêt de travail qui était tout à fait légitime’ » (pièce 65) ;
-l’attestation du 13 janvier 2023 de Madame [H] [N] épouse [Y], en congé parental, qui déclare : « Ayant été embauchée en CDI le 3 octobre 2011 pour une durée d’environ 1 an sur le secteur Provence Alpes Côte d’Azur, afin de mettre en place le secteur (après le rachat de la société IPL).
Comme il avait été décidé que je sois affectée sur le secteur Savoie, Haute-Savoie.
J’ai donc formé [ML]-[R] [UE] en juillet 2012, embauchée pour me remplacer sur le secteur des Bouches-du-Rhône, avec le plus grand nombre des clients situés sur [Localité 10] et les alentours » ;
-un courriel du 30 mars 2017 de Madame [ML]-[R] [UE] adressé à sa direction en ces termes :
« Suite à notre entretien de mardi 28/03 au sujet de mon retour de congé maternité et en absence de représentant du personnel, je me suis rapprochée de [P] [M], ancien délégué du personnel, que je ne connaissais depuis mon emploi à l’institut [14] de [Localité 8].
Pour rappel, résidant à [Localité 10] ce qui était un élément décisif pour mon contrat en CDI, j’ai été embauchée en 2012 afin de couvrir [Localité 10] et ses environs.
Aujourd’hui, votre intention et celle des responsables ACP est de me retirer le secteur de [Localité 10] et ses environs pour le confier à la personne en CDD qui m’a remplacée pendant mon congé maternité, sous prétexte qu’il faudrait me former sur le secteur de [Localité 10] et ses environs. Je ne comprends pas cette décision alors que j’assure ce secteur depuis quasiment 5 ans et qu’il n’en a pas été question lors de nos échanges avant et à mon retour.
Vous me proposez de reprendre l’ancien secteur de Mr [D] [O], secteur que je ne connais pas et qui demanderait beaucoup de temps et de formations.
Cette proposition ne me convient pas pour des raisons diverses et familiales.
Je reste à votre entière disposition pour en discuter’ » (pièce 10) ;
-un courriel du 13 octobre 2017 de [ML]-[R] [UE] adressé à [L] [I], Directeur des Ressources Humaines, dans lequel la salariée indique : « […] Or, lors de ma reprise effective, j’ai été surprise de voir que mon secteur m’était retiré sous de faux prétextes au profit de mon remplaçant qui n’était alors qu’en CDD. Mon poste était donc disponible car occupé par un CDD.
Au lieu de cela vous avez préféré lui laisser volontairement mon secteur et me placer sur celui de Mr [O] qui est nettement plus éloigné de mon domicile et m’oblige à régulièrement faire 1h30 de trajet avant d’arriver chez un client.
J’ai manifesté mon étonnement (notamment au regard du fait que j’ai informé [GO] [K] [S] que j’allaitais mon enfant), les pressions de [GO] et votre comportement m’ont conduite à un état de stress et d’angoisse tel que mon médecin a dû m’arrêter de nouveau.
Mais volontaire, j’ai souhaité reprendre mon poste, mais je me rends compte que malgré la visite de reprise que j’ai passée il y a près d’une semaine maintenant et qui a conclu à mon aptitude à reprendre, je suis toujours mise à l’écart, n’ayant toujours pas les moyens nécessaires à l’exercice de ma fonction.
Je m’étonne qu’assignée à rester à mon domicile depuis ma visite de reprise, il me soit donné comme instruction de préparer mon planning à compter du 23 octobre et pour la suite’
De tout ceci, je m’interroge sur votre véritable volonté. Je suis une jeune mère de famille qui allaite et à qui retire son secteur (à côté de son domicile) pour le donner à une personne en CDD qui est célibataire et sans enfant (sans contrainte donc)’
Je m’interroge encore parce qu’ayant eu comme tâche d’étudier mon nouveau secteur et de réaliser le planning de novembre, j’ai pu constater toutes les contraintes existantes. En effet ce secteur comporte beaucoup de clients avec des dates imposées, des clients mensuels voir hebdomadaires’
Cela implique une difficulté majeure à réaliser toutes les échéances en partant de [Localité 10].
La charge de travail n’est absolument pas tenable’
Ce constat me pousse à me demander si votre souhait n’est pas justement de me faire craquer :
-Mon isolement, ma mise au placard,
-Le retrait d’un secteur que j’occupais depuis des années au profit d’un CDD plus payé que moi et sans charge de famille alors que j’allaite,
-L’octroi d’un secteur qui se trouve à 1h30 en moyenne de chez moi,
-La charge de travail démesurée,
-La non fourniture du matériel nécessaire pour travailler,
-L’absence d’information quant à mon activité depuis mon retour et jusqu’à aujourd’hui, soit près d’un mois d’incertitude et de stress’ » et le courriel en réponse du 13 octobre 2017 de Monsieur [L] [I] (pièces 19) ;
-un courriel du 15 mars 2017 de [GO] [K] [S], Responsable Prestations Sud, adressé à Seif : « Lundi 20 mars, [ML]-[R] [UE] revient de maternité maladie.
Comme le CDD de [FT] sa remplaçante se termine fin avril, pourrais-tu l’équiper en matériel’
Elle tourne avec [FT] la semaine 12 » (pièce 62) ;
-un certificat du 3 octobre 2017 du Docteur [T], médecin pédiatre, qui rapporte que Madame [ML]-[R] [UE] allaite son enfant depuis la naissance (pièce 8) ;
-différents certificats médicaux attestant du syndrome dépressif présenté par Madame [UE] (pièces 7 et 9) ;
-le compte rendu d’entretien individuel 2016 de Madame [UE], dans lequel son responsable a mentionné, dans le cadre du « Bilan de la période écoulée » que la salariée « A la santé malheureusement fragile (représente 60 % des arrêts sur le secteur). Gère son secteur et fait son job dans la mesure de ses capacités » (pièce 38) ;
-l’attestation de suivi individuel du 10 novembre 2017 du médecin du travail concluant à l’aptitude de la salariée « à revoir pour visite occasionnelle au plus tard dans un mois ou à la demande » et mentionnant une « contre-indication médicale temporaire à la conduite d’un véhicule de fonction. Durée indéterminée selon l’état de santé actuel. Peut occuper ses fonctions hors déplacements professionnels. A revoir à la demande ou dans un mois » (pièce 24) ;
-un courriel du 22 novembre 2017 de [ML]-[R] [UE] adressé à [C] [V], Chargée de missions RH, en ces termes :
« Je reviens vers vous à la suite de la visite médicale avec le médecin du travail et suis depuis cette date obligée de rester chez moi selon vos instructions et sans être payée selon vos observations.
En effet, vous m’avez indiqué dès que je suis sortie du RDV que je ne devais plus travailler car le médecin du travail m’avait déclaré inapte et que par conséquent je ne serai plus payée. Vous m’aviez indiqué que je recevrai une lettre recommandée dans la semaine à la suite de mon inaptitude temporaire me laissant entendre qu’après des propositions de poste (de pure forme) en Savoie cela aboutirait à un licenciement pour inaptitude. Aussi Mme [K] [S] m’a demandé de restituer la totalité de mon matériel ainsi que mon véhicule de fonction.
Or, à ce jour je n’ai rien reçu. Vous pouvez imaginer mon état d’angoisse face à cette situation. Par ailleurs, vous ne pouvez ignorer la précarité de ma situation financière et je ne peux rester davantage comme cela sans être payée.
Je vous remercie de bien vouloir m’informer dès que possible de la décision que vous avez prise à mon égard » et la réponse du 22 novembre 2017 d'[C] [V] : « Je vous ai dit aussi que c’est [L] qui reviendrait vers vous. Je comprends que ne pas avoir de nouvelles peut-être déstabilisant mais au point de l’angoisse me semble exagéré.
Je refais le point avec [L] ce jour et nous vous tenons informée à sa suite » (pièce 25) ;
-un courriel du 26 avril 2018 de [ML]-[R] [UE] adressé à [C] [V] :
« J’ai assisté ce matin au référé des CPH. J’ai été choquée d’entendre les mensonges de votre avocat disant que je serais en abandon de poste depuis la visite de reprise du 10 novembre, que je n’ai donné aucun justificatif d’absence alors que c’est vous qui m’avez dit qu’il fallait que je ne travaille pas et que je reste chez moi en attendant d’être licenciée’
Compte tenu de ce que j’ai entendu ce matin, je préfère vous rappeler que moi je souhaitais reprendre mon travail à la base, j’ai même passé une visite de reprise pour cela.
Depuis ce jour je suis à votre disposition pour travailler mais c’est vous qui ne me donnez pas de travail. J’exerce une partie de mon activité en télétravail, vous pouvez largement me donner de quoi travailler chez moi à faire les rapports des autres techniciens ou des tableaux de bords ou encore d’autres projets comme le font d’autres salariés non préleveurs mais vous m’avez tout repris : mon véhicule, mon ordinateur, ma tablette’
Je ne comprends pas vous pensez que je suis bien chez moi à attendre sans salaire me retrouvant dans une situation financière compliquée avec un bébé ‘
Je maintiens depuis novembre entièrement à votre disposition mais vous ne m’avez rien donné à faire car je sais que de toute façon vous avez embauché en CDI une personne sur mon poste. Je ne suis pas en arrêt maladie, j’attends qu’on me donne du travail et malgré les relances vous ne me répondez pas et ne proposez rien’ » (pièce 54) ;
-un courrier du 24 mai 2018 de mise en demeure adressée par [ML]-[R] [UE] à son employeur d’avoir à mettre en place la visite avec le médecin du travail et de lui donner du travail (pièce 55) ;
-un courriel du 21 juin 2018 de [ML]-[R] [UE] adressé au service RH sollicitant de nouveau une convocation auprès du médecin du travail ainsi que la régularisation du paiement de son salaire « car je suis restée à votre disposition pour travailler mais c’est vous qui m’avez donné pour instruction de rester chez moi et qui m’avez retiré tout moyen de travailler’
Vous me laissez volontairement dans une situation financière des plus précaires, vous ne répondez pas à mes demandes de mettre en place une visite auprès de la médecine du travail’ » (pièce 56) ;
-un courrier recommandé du 27 juillet 2018 de Madame [ML]-[R] [UE] demandant à nouveau à son employeur de lui donner du travail et de reprendre le paiement de son salaire (pièce 58) ;
-une attestation de suivi du médecin du travail en date du 27 juin 2018 (pièce 59) et une attestation de suivi du 26 juillet 2018 mentionnant : « Pas de contre-indication médicale au poste de travail » (pièce 61).
Madame [ML]-[R] [UE] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse et en raison de son état de santé. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE versent les pièces suivantes :
-un courrier du 21 octobre 2013 adressé à [ML]-[R] [UE] suite à des manquements professionnels et lui demandant de tout mettre en ‘uvre pour améliorer la situation (pièce 8) ;
-des courriels du 28 avril 2017 et du 7 septembre 2017 de deux clients demandant que Madame [UE] n’intervienne plus chez eux (pièces 18 et 19) ;
-l’avis d’aptitude du médecin du travail du 2 mars 2016 ne mentionnant aucune contre-indication et limitation à l’aptitude de la salariée (pièce 17) ;
-le courriel du 29 septembre 2017 de l’employeur adressant à [ML]-[R] [UE] sa convocation à la visite médicale pour le 6 octobre 2017 et l’avis d’aptitude du médecin du travail du 6 octobre 2017 concluant : « reprise autorisée A revoir dans un mois ou à la demande » (pièces 24) ;
-l’attestation de suivi du médecin du travail du 10 novembre 2017 mentionnant une « contre-indication médicale temporaire à la conduite d’un véhicule de fonction. Durée indéterminée selon l’état de santé actuel. Peut occuper ses fonctions hors déplacements professionnels. A revoir à la demande ou dans un mois » (pièce 25) ;
-le « Planning individuel des absences et jours fériés » de [ML]-[R] [UE] sur l’année 2016 et celui de l’année 2017 (pièces 16) ;
-le compte rendu de l’entretien individuel 2016, dans lequel Madame [UE] indique : « Je trouve que la communication entre nous (JPA/LMAE) s’est améliorée. L’année a été difficile autant d’un point de vue personnel que professionnel. Je me suis même demandé si je n’allais pas partir. J’ai pris du recul lors de mon arrêt prolongé. Maintenant j’ai repris mon travail et je l’aime bien, y compris la GMS’ Finalement la refonte des secteurs me convient et je pense que le périmètre actuel devrait fonctionner. Je n’ai pas de réticence à faire de l’hydro’ » (pièce 10) ;
Le même compte rendu d’entretien individuel dans lequel le responsable de Madame [UE], Monsieur [E], indique au titre du bilan de la période indiquée : « Je ne suis pas pleinement satisfait de votre travail sur le secteur en termes de gestion et d’organisation. De chaque période compass met en évidence une prise de retard sur les premiers mois que nous devons compenser en fin de période. Je sens une réticence à réaliser des analyses d’eaux qui font pourtant partie intégrante de notre métier. Au-delà de ces difficultés d’organisations, nous n’avons pas de remontées négatives sur votre travail de la part des clients du secteur ce qui est positif et indique que vous maîtrisez les aspects techniques du métier » ;
Il est également annoncé le versement d’une prime de qualité à Madame [UE], d’un montant brut de 875 euros, prime versée en mai 2016 telle que mentionnée sur le bulletin de paie de mai 2016 (pièce 6) ;
-le courriel du 31 mars 2016 de [P] [E] indiquant à [ML]-[R] [UE] qu’il l’avait félicitée pour sa grossesse et poursuivant : « Je vous ai également rassuré concernant l’organisation. En effet, je dois gérer ce type de situation assez régulièrement donc nous allons prendre un CDD pour vous remplacer au plus tôt et gérer sa formation afin d’assurer la continuité sur le secteur » (pièce 12) ;
-un courrier du 29 mars 2016 de [ML]-[R] [UE] annonçant officiellement sa déclaration de grossesse et transmettant la copie du certificat médical attestant de son état (pièce 13)
-un courrier recommandé du 7 avril 2016 de Monsieur [P] [E] adressé à Madame [ML]-[R] [UE] en ces termes :
« En application des dispositions de l’article L.1232-2 du Code du Travail, nous vous avons convoqué à un entretien préalable le Vendredi 1 avril à 16h à l’espace Multiburo de la gare de [Localité 9] Part Dieu car nous envisagions à votre égard une sanction disciplinaire liée à votre départ prématuré de la réunion du Vendredi 18 mars 2016 ayant eu lieu au centre affaires [Localité 9] [15].
Après lecture de la convocation et exposition des faits vous avez pu exposer vos éléments :
Vous avez consulté les horaires de train pour réservation le 17 mars 2016 soit la veille de la réunion et avez constaté que plusieurs trains étaient complets. II restait selon vous des disponibilités sur les trains ayant un départ à 16h puis un train suivant à 19h vous faisant arriver à 20h50 à [Localité 10]. Vous avez jugé ce dernier train trop tardif car vous aviez rendez-vous le 18 mars à 7h30 avec moi pour votre entretien individuel, considérant ainsi votre amplitude journalière de travail trop importante sur la journée. Vous avez prévenu votre Responsable Mme [GO] [K] le 18 mars à la pause déjeuné de la réunion de votre départ prématuré de l’après-midi.
Je vous ai fait un rappel de vos obligations :
Les réunions ont un caractère obligatoire sur toute leur durée inscrite sur l’ordre du jour. Compte tenu des différents impondérables qui se présentent dans l’établissement des plannings des techniciens cette obligation peut néanmoins parfois être difficile à respecter (par exemple afin d’assurer l’ensemble des prestations chez nos clients).
Dans ce cas une demande de dérogation ou un arbitrage doit être demandé à votre responsable hiérarchique qui a la responsabilité de validé la dérogation ou de trouver des solutions alternatives pour vous permettre d’y participer.
L’ensemble des techniciens se conforment à ces règles notamment lors de la réunion du 18 mars :
– Un salarié a demandé une dérogation la semaine précédant la réunion pour pouvoir assurer tous ses clients.
Une solution a été trouvée pour qu’il puisse être présent à la réunion, avec un report de certains clients validé par le responsable
– Plusieurs salariés dont la logistique de retour est plus contraignante que la vôtre (avion, train avec changements, etc.) sont restés sur la totalité de la réunion
En conclusion vous avez reconnu avoir fait une erreur tant en terme d’organisation que de communication et avez présenté vos excuses en insistant sur votre investissement dans votre travail et au sein de l’équipe, deux éléments d’inquiétude évoqués lors de votre entretien individuel.
Compte tenu de nos échanges et de votre promesse d’engagement en termes d’investissement, aucune sanction n’est prise en ce qui concerne votre départ anticipé de la réunion du 18 mars. Ce courrier constitue un simple rappel de faits et de vos obligations en la matière » (pièce 14) ;
-le contrat de travail à durée indéterminée du 3 juillet 2012 de Madame [ML]-[R] [UE], indiquant en son article 1 que « Mademoiselle [ML]-[R] [UE] exercera ses fonctions sur la région Sud’
Mademoiselle [ML]-[R] [UE] devra organiser ces déplacements de manière à assurer plusieurs journées consécutives sur la même région. Mademoiselle [UE] pourra, à la demande expresse de la Direction, être amenée à effectuer des déplacements à l’extérieur de la société, en France et à l’étranger notamment pour les salons professionnels » ;
L’article 6 du même contrat indique : « Le lieu de travail à partir duquel Mademoiselle [ML]-[R] [UE] exercera ses fonctions, qui par nature impliquent de fréquents déplacements est fixé à titre indicatif au laboratoire de [Localité 11].
Par ailleurs, si le fonctionnement de l’entreprise l’exige, Mademoiselle [ML]-[R] [UE] accepte que son lieu de travail puisse être transféré au sein de toute agence de la société » ;
-la fiche de fonction du technico-commercial-préleveur et la fiche d’engagement personnel dans la démarche qualité, signées par Madame [UE] (pièces 3) ;
-le courriel du 28 septembre 2017 de [ML]-[R] [UE] demandant la mise en place d’une visite de reprise avec le médecin du travail et précisant qu’elle reprendrait son travail le 2 octobre 2017 (pièce 22) ;
-le courrier recommandé du 14 septembre 2017 de [L] [I], Directeur des Ressources Humaines, adressé à Madame [ML]-[R] [UE] :
« Je fais suite à votre correspondance en date du 5 septembre 2017, réceptionnée par nos services le 7 septembre dernier et tiens particulièrement à vous apporter les réponses nécessaires.
Tout d’abord je me dois de réfuter en bloc vos propos en objet, en effet il n’y a jamais eu de discrimination à votre encontre, la transformation des faits présentés en est la preuve.
En effet, le rôle d’un responsable est de définir au mieux un secteur en fonction des besoins des clients et de nos besoins en réactivité.
Monsieur [O] ayant été appelé à d’autres missions il était normal que son secteur soit réaffecté, je pense que votre ancienneté à votre poste vous permettait de vous adapter plus rapidement qu’un nouvel arrivant.
Le choix de garder telle ou telle personne en CDI n’est pas de votre responsabilité, le choix de l’organisation n’est pas non plus de votre responsabilité, mais essentiellement de celle de votre responsable, et dans ce cas votre attitude et vos écrits s’assimilent à de l’insubordination. En effet, personne n’est propriétaire de son secteur et l’organisation mis en place, les aménagements de secteurs sont faits pour le bien de nos clients. II est ainsi dommage et dommageable que votre seule réaction ait été votre arrêt maladie’ » (pièce 21) ;
-le courriel du 15 novembre 2017 de [L] [I] adressé au médecin du travail, suite à son avis d’aptitude du 10 novembre 2017, en ces termes : « Je reviens vers vous sur la contre-indication mentionnée dans l’avis d’aptitude joint. En effet, pourriez-vous me préciser les modalités que vous envisagez à l’exercice de la fonction de préleveuse pour laquelle elle a été embauchée car si elle ne peut effectuer les déplacements nécessaires elle est pour moi inapte à ce poste. Mais avec vos préconisations je ne peux rien lui proposer et surtout rien en déduire » ;
-le courriel en réponse du médecin du travail en date du 21 novembre 2017 :
« Madame [UE] peut exercer les différentes tâches de préleveur agroalimentaire ou contrôles hybrides pour légionella. Il s’agit entre autres de la réalisation des collectes, envoi des échantillons en laboratoire, contact et communications directes avec les clients, suivi administratif dont le reporting sur logiciel, etc.
En revanche, je confirme que Madame [UE] présente une contre-indication médicale à la conduite d’un véhicule de fonction.
Vous me précisez que les déplacements sont inhérents au poste de travail.
Dans la mesure où aucune solution d’aménagement n’a été trouvée (mise à disposition d’un chauffeur, périmètre de déplacement permettant l’usage des transports en communs par exemple), je prononce l’inaptitude au poste de travail » (pièce 31) ;
-l’ordonnance de référé rendue le 24 mai 2018 par le conseil de prud’hommes de Marseille ayant dit n’y avoir lieu à référé à la suite des demandes de la salariée de versement de rappels de salaire et de dommages intérêts.
*
En premier lieu, l’ordonnance de référé citée ci-dessus par l’employeur, en date du 24 mai 2018, a été infirmée par la chambre 4-2 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 9 mai 2019, ayant fixé la créance de Madame [ML]-[R] [UE] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE à la somme de 16’712,28 euros à titre de provision, correspondant au salaire du 10 novembre 2017 au 10 août 2018, outre 1671,23 euros de congés payés afférents, et ayant ordonné au mandataire liquidateur de la société de remettre à Madame [UE] les bulletins de salaire correspondant à la créance fixée (pièce 67 versée par la salariée).
Alors que Madame [UE] était revenue d’un arrêt de travail pour maladie fin février 2016 (arrêt de travail du 17 décembre 2015 au 26 février 2016), elle a été convoquée le 18 mars 2016 à son entretien d’évaluation professionnelle, à 7h30 dans les locaux de l’entreprise à [Localité 9], et le jour même devait se tenir dans l’après-midi une réunion de service jusqu’à 16 heures. Madame [UE] a annoncé sa grossesse à son supérieur hiérarchique, Monsieur [P] [E], le 18 mars 2016 au matin (à l’occasion de l’entretien selon la salariée, une fois l’entretien clôturé selon l’employeur). La salariée ayant quitté la réunion à 15 heures (au lieu de 16 heures), elle a été convoquée, par courrier recommandé réceptionné le 29 mars 2016 par Madame [UE], à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé le vendredi 1er avril 2016 à 16 heures, à [Localité 9], à une date où elle s’était positionnée en congé payé sans opposition de sa hiérarchie. Par courrier recommandé du 7 avril 2016, Monsieur [P] [E] a notifié à la salariée un « rappel de (ses) obligations » relatif au caractère obligatoire des réunions « sur toute leur durée inscrite sur l’ordre du jour ». Ce courrier, s’inscrivant dans le cadre d’une procédure disciplinaire, reprochant à la salariée un comportement fautif et lui adressant un rappel à l’ordre (rappel de ses obligations), constitue une sanction disciplinaire.
Il ne peut être retenu que Madame [UE] aurait « reconnu avoir fait une erreur tant en terme d’organisation que de communication et présenté (ses) excuses en insistant sur (son) investissement dans (son) travail et au sein de l’équipe, deux éléments d’inquiétude évoqués lors de (son) entretien individuel », cette dernière annotation décrivant bien la situation de stress face à laquelle la salariée, à laquelle son responsable lui avait fait part de son insatisfaction quant à son travail sur son secteur « en termes de gestion et d’organisation » lors de son entretien d’évaluation le 18 mars 2016, a été amenée à présenter des excuses, sans qu’il puisse en être déduit qu’elle reconnaissait ainsi avoir commis une faute.
Alors que Madame [UE] indique non seulement avoir prévenu Madame [GO] [K]-[S], sa supérieure hiérarchique, de son départ de la réunion à 15 heures, mais également d’avoir « convenu avec [GO] pour ce que (elle) manquait d’un rdv téléphonique le lundi… » (son courriel du 29 mars 2016), la SAS ACP LOGISTIQUE ne verse aucun élément susceptible de contredire l’existence d’un accord de Madame [GO] [K]-[S], ni ne fournit d’explication sur l’amplitude horaire de travail imposée à la salariée le 18 mars 2016 (entretien professionnel à [Localité 9] à 7h30 en venant de [Localité 10], fin de la réunion à 16 heures).
Au vu des éléments versés par les parties, les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE échouent à démontrer que la procédure disciplinaire initiée à l’encontre de Madame [UE] et le courrier recommandé du 7 avril 2016 notifiant à la salariée une sanction seraient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de l’état de grossesse de la salariée.
Lors de son retour de congé maternité le 20 mars 2017 (congé maternité du 22 août 2016 au 10 décembre 2016 suivi d’un arrêt maladie jusqu’au 12 février 2017 et d’une absence pour congés payés jusqu’au 17 mars 2017), Madame [UE] a été affectée sur un nouveau secteur géographique (secteur d'[Localité 6] et d'[Localité 12]). Cette nouvelle affectation ne constitue pas une mise en ‘uvre de la clause de mobilité prévue à l’article 6 du contrat de travail, mais une affectation sur un nouveau secteur de la région Sud, en conformité avec les dispositions de l’article 1 dudit contrat.
Toutefois, aux termes de l’article L.1225-25 du code du travail, « A l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ». Il en résulte que la réintégration doit se faire en priorité dans le précédent emploi.
La Cour constate que le précédent emploi de Madame [UE], avec affectation sur le secteur des Bouches-du-Rhône (« avec le plus grand nombre des clients situés sur [Localité 10] et les alentours » selon le témoignage de Mme [Y]), était disponible (« le CDD de [FT] sa remplaçante se termine fin avril » – courriel du 15 mars 2017 de [GO] [K] [S]). [FT], la remplaçante de [ML]-[R] [UE] sur le secteur des Bouches-du-Rhône, n’a été employée sur ce même secteur en contrat à durée indéterminée que postérieurement au retour de Madame [UE] de son congé maternité.
Si les représentants de la SAS ACP LOGISTIQUE soutiennent que l’affectation de Madame [UE] sur un nouveau secteur était conforme aux intérêts de l’entreprise, ils ne produisent cependant aucune pièce de nature à établir objectivement l’intérêt de la société à une telle affectation. Monsieur [I], Directeur des Ressources Humaines, a répondu à la salariée, par courrier recommandé du 14 septembre 2017, en invoquant que « (son) ancienneté à (son) poste (lui) permettait de (s’) adapter plus rapidement qu’un nouvel arrivant », seule explication donnée à la salariée à laquelle il avait été pourtant reproché, dans le cadre de son entretien d’évaluation 2016, de « représenter 60 % des arrêts sur le secteur » et qui revenait d’une absence de 11 mois (du 11 avril 2016 jusqu’au 17 mars 2017).
Il n’est donc pas justifié qu’il était de l’intérêt de l’entreprise d’affecter Madame [UE] sur un autre secteur et de maintenir sa remplaçante en contrat à durée indéterminée sur le secteur des Bouches-du-Rhône. Par ailleurs, la SAS ACP LOGISTIQUE n’a pas répondu à la salariée qui faisait valoir, au vu de l’éloignement de son nouveau secteur impliquant des trajets de 1h30 à 2 heures pour se rendre chez le premier client (2h30/3h de trajet pour certains clients selon courriel du 12 octobre 2017 de [ML]-[R] [UE] – pièce 17 versée par la salariée), ses difficultés familiales (dans son courriel du 30 mars 2017 : « Cette proposition ne me convient pas pour des raisons diverses et familiales »). De même, alors que la salariée a indiqué avoir informé sa supérieure hiérarchique, Madame [GO] [K] [S], qu’elle allaitait son enfant (allaitement confirmé par son médecin pédiatre dans le certificat du 3 octobre 2017), les représentants de la SAS ACP LOGISTIQUE ne versent aucune pièce, par exemple le témoignage de Madame [K] [S], de nature à contredire que la société avait bien été informée de l’allaitement par Madame [UE] de son enfant.
Ainsi, alors que la réintégration de la salariée à l’issue de son congé de maternité devait se faire dans son précédent emploi (sur le même secteur) toujours disponible, et qu’il n’est pas établi que l’affectation de Madame [UE] sur un nouveau secteur était conforme à l’intérêt de l’entreprise, les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE ne démontrent pas que la nouvelle affectation de la salariée et l’absence de prise en compte de sa situation familiale seraient justifiées par des éléments objectifs à toute discrimination en raison de sa situation de famille.
Il n’est pas non plus justifié de la pertinence de l’appréciation formulée par le responsable hiérarchique de Madame [UE], dans le cadre de l’entretien d’évaluation 2016 (« A la santé malheureusement fragile (représente 60 % des arrêts sur le secteur). Gère son secteur et fait son job dans la mesure de ses capacités »), qui caractérise une discrimination fondée sur l’état de santé de la salariée, peu importe que cette dernière ait malgré tout perçu une prime de qualité de 875 euros en mai 2016.
Suite à l’attestation de suivi du médecin du travail en date du 10 novembre 2017, constitutive d’un avis d’aptitude avec réserves (« Contre-indication médicale temporaire à la conduite d’un véhicule de fonction. Peut occuper ses fonctions hors déplacements professionnels »), la salariée n’a plus été payée. Alors que Madame [UE] affirmait, dans son courriel du 13 octobre 2017 adressé au DRH, qu’elle avait été « assignée à rester à (son) domicile depuis (sa) visite de reprise » et qu’elle avait à nouveau interrogé le service des Ressources Humaines, par courriel du 22 novembre 2017 (« Je reviens vers vous à la suite de la visite médicale avec le médecin du travail et suis depuis cette date obligée de rester chez moi selon vos instructions et sans être payée selon vos observations. En effet, vous m’avez indiqué dès que je suis sortie du RDV que je ne devais plus travailler car le médecin du travail m’avait déclaré inapte et que par conséquent je ne serai plus payée… Je vous remercie de bien vouloir m’informer dès que possible de la décision que vous avez prise à mon égard »), la responsable RH n’a pas contesté les termes du courriel de Madame [UE], dans son courrier du 22 novembre 2017, lui répondant : « Je vous ai dit aussi que c’est [L] qui reviendrait vers vous. Je comprends que ne pas avoir de nouvelles peut-être déstabilisant mais au point de l’angoisse me semble exagéré. Je refais le point avec [L] ce jour et nous vous tenons informée à sa suite ».
Or, aucune décision n’a été ensuite prise par l’employeur qui attendait une décision d’inaptitude du médecin du travail à la suite de son courriel du 21 novembre 2017, tel que cela ressort du courriel du 21 novembre 2017 de Madame [C] [V], Chargée de missions RH, adressé au médecin du travail en ces termes : « N’y a-t-il pas une erreur dans la pièce envoyée ‘ Il s’agit à nouveau de l’attestation de suivi et non d’un avis d’inaptitude. Merci par avance » (pièce 31 versée par les intimées).
En privant la salariée de tout salaire alors que celle-ci avait agi conformément aux préconisations de son employeur, auquel elle avait restitué son matériel sur sa demande, et s’était tenue à la disposition de la société ACP LOGISTIQUE, en l’interrogeant à plusieurs reprises sur sa situation, la société a agi au regard de l’état de santé de Madame [UE], considérant que la limitation de son aptitude préconisée par le médecin du travail « vidait de toute substance son emploi ».
Ainsi, le refus de l’employeur de fournir du travail à Madame [UE] et de rémunérer cette dernière constitue une discrimination fondée sur l’état de santé de la salariée.
Au vu des éléments médicaux versés par l’appelante attestant de son état dépressif, la Cour accorde à Madame [ML]-[R] [UE] la somme de 6000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de sa grossesse, de sa situation familiale et de son état de santé.
Madame [UE] réclame par ailleurs, au titre de sa mise au placard sans rémunération fondée sur l’état de santé et du refus de son employeur de lui fournir du travail et de lui payer son salaire, la somme de 10’000 euros de dommages-intérêts pour la violation des dispositions légales et le préjudice moral subi (page 36 de ses conclusions).
Elle ne verse toutefois aucun élément probant de nature à établir l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé au titre de la discrimination. Elle est en conséquence déboutée de sa demande d’indemnisation pour la violation des dispositions légales et pour le préjudice moral subi.
Sur le harcèlement moral :
Madame [ML]-[R] [UE] soutient que les comportements précédemment incriminés de son employeur sont également constitutifs d’un harcèlement moral, invoquant les éléments suivants :
-des commentaires défavorables dans son entretien individuel 2016, en contradiction avec les résultats,
-la mise au placard et le ton injurieux adopté et subi par la salariée,
-la modification de son secteur géographique afin de la pousser à la démission,
-l’ensemble des procédés mis en ‘uvre par l’employeur pour l’exclure de la société.
Elle fait valoir qu’elle a été arrêtée par son médecin traitant en raison de son état anxio-dépressif, en lien avec l’attitude de son employeur, et qu’elle est fondée à solliciter la condamnation de la SAS ACP LOGISTIQUE à 10’000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice découlant du harcèlement moral dont elle a été victime.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE font valoir qu’aucun des avis d’arrêt de travail de Madame [UE] n’a une origine professionnelle, que le médecin du travail n’a jamais émis de réserves sur l’aptitude de la salariée à exercer son emploi en lien avec des prétendus faits de harcèlement moral, qu’aucun des certificats médicaux versés au débat ne fait état du moindre acte de harcèlement moral ; que Madame [UE] n’a jamais émis la moindre revendication portant sur des actes de harcèlement moral qu’elle aurait subis, ni n’en a alerté son responsable hiérarchique ; qu’elle ne verse au débat aucun élément de nature à faire présumer le moindre acte de harcèlement moral et qu’elle a d’ailleurs souhaité reprendre son travail ; que Madame [UE] a sollicité, pour les besoins de la cause, une attestation de suivi individuel de son état de santé par le médecin du travail au cours d’une visite du 27 juillet 2018, dans laquelle il est indiqué « pas de contre-indication médicale au poste de travail » ; que cette attestation, rendue une dizaine de jours avant la prise d’acte par Madame [UE], démontre incontestablement l’absence de toute situation de harcèlement moral à l’encontre de la salariée ; que Madame [UE] ne pourra qu’être déboutée de ses demandes.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur et déclare faire sienne son argumentation. Elle soutient qu’il convient en tout état de rejeter les demandes de la salariée dont le préjudice n’est pas établi et, subsidiairement, de diminuer le montant des sommes réclamées dans d’importantes proportions.
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Madame [ML]-[R] [UE] verse les mêmes pièces que celles citées ci-dessus au titre de la discrimination et également :
-un échange de courriels du 13 octobre 2017 entre [ML]-[R] [UE] et [L] [I], Directeur des Ressources Humaines, ce dernier lui répondant :
« Avant de porter des propos totalement erronés, je vous invite à relire mes réponses’
Vous avez une fâcheuse tendance à travestir la vérité’ » ;
-la réponse du 22 novembre 2017 d'[C] [V] au courriel du même jour de [ML]-[R] [UE] :
« Je vous ai dit aussi que c’est [L] qui reviendrait vers vous. Je comprends que ne pas avoir de nouvelles peut-être déstabilisant mais au point de l’angoisse me semble exagéré… » ;
-le courrier recommandé du 14 septembre 2017 de [L] [I], Directeur des Ressources Humaines, adressé à Madame [ML]-[R] [UE], qualifiant l’attitude et les écrits de la salariée d’insubordination ;
-les avis d’arrêt de travail de Madame [UE], notamment les avis de prolongation des 18 mai, 19 juin, 20 juillet et 1er septembre 2017 mentionnant une « souffrance psychologique au travail », et l’avis d’arrêt de travail initial du 16 novembre 2017 mentionnant un « état anxio-dépressif », avis établis par le Docteur [G], médecin psychiatre, et le dernier par le Docteur [F], médecin psychiatre ;
-un courrier du 5 octobre 2017 adressé par le Docteur [G] au médecin du travail : « Je donne mes soins à Mme [UE] depuis mars 2017, pour un syndrome anxiodisthymique correlable à une souffrance psychologique au travail’ » ;
-un certificat du 21 septembre 2017 du Docteur [A], médecin généraliste, qui « certifie suivre Madame [ML]-[R] [UE] depuis 2014, et avoir constaté à l’occasion de multiples consultations l’apparition d’un tableau de somatisation intense en lien avec un syndrome anxio-dépressif insidieux constaté dès décembre 2015.
Ce tableau s’est aggravé au fil du temps dans les mois qui ont suivi, jusqu’à l’apparition d’une anxiété et une dépression majeures ».
Madame [ML]-[R] [UE] établit des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe aux parties défenderesses de prouver que les agissements de la société ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE versent les pièces suivantes :
-les avis d’arrêt de travail de Madame [UE] ;
-l’avis d’aptitude du médecin du travail du 2 mars 2016 ne mentionnant aucune contre-indication et limitation à l’aptitude de la salariée (pièce 17) ;
-le courriel du 29 septembre 2017 de l’employeur adressant à [ML]-[R] [UE] sa convocation à la visite médicale pour le 6 octobre 2017 et l’avis d’aptitude du médecin du travail du 6 octobre 2017 concluant : « reprise autorisée A revoir dans un mois ou à la demande » (pièces 24) ;
-l’attestation de suivi du médecin du travail du 10 novembre 2017 mentionnant une « contre-indication médicale temporaire à la conduite d’un véhicule de fonction. Durée indéterminée selon l’état de santé actuel. Peut occuper ses fonctions hors déplacements professionnels. A revoir à la demande ou dans un mois » (pièce 25) ;
-le compte rendu de l’entretien individuel 2016, dans lequel Madame [UE] indique : « Je trouve que la communication entre nous (JPA/LMAE) s’est améliorée. L’année a été difficile autant d’un point de vue personnel que professionnel. Je me suis même demandé si je n’allais pas partir. J’ai pris du recul lors de mon arrêt prolongé. Maintenant j’ai repris mon travail et je l’aime bien, y compris la GMS’ Finalement la refonte des secteurs me convient et je pense que le périmètre actuel devrait fonctionner. Je n’ai pas de réticence à faire de l’hydro’ » (pièces 10 et 11) ;
-différents courriels et courriers du Responsable du Pôle Prestations, M. [E], et du directeur des ressources humaines, M. [I], en réponse aux correspondances de la salariée (pièces 9 à 12, 21, 23 et 27 à 30) ;
-un courriel de [ML]-[R] [UE] du 28 septembre 2017, dans lequel la salariée indique souhaiter reprendre son travail ;
-un courriel du 28 septembre 2017 de [L] [I] indiquant à [ML]-[R] [UE] qu’il avait averti « [GO] et [B] (de sa reprise) afin que le nécessaire soit fait » quant à la mise à disposition de son matériel (pièce 23) et un courriel du 11 octobre 2017 de [GO] [K] [S] à [ML]-[R] [UE] pour faire un point sur la mise à disposition du matériel (pièce 27).
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Au vu des éléments versés par les parties, il est établi que la salariée, lors de son retour de congé maladie fin février 2016 et après l’annonce de sa grossesse, s’est vu reprocher son état de santé dans le cadre de son entretien professionnel 2016, s’est vu notifier une sanction disciplinaire le 7 avril 2016 en lien avec l’annonce de sa grossesse, puis lors de son retour de son congé maternité le 20 mars 2017, s’est vu affectée sur un nouveau secteur plus éloigné de son domicile. Elle a également reçu de sa hiérarchie des correspondances lui adressant des propos irrespectueux, voire injurieux (« Vous avez une fâcheuse tendance à travestir la vérité », « Je comprends que ne pas avoir de nouvelles peut-être déstabilisant mais au point de l’angoisse me semble exagéré » alors même qu’il avait été annoncé à la salariée qu’elle ne serait plus payée, « votre attitude et vos écrits s’assimilent à de l’insubordination », propos constitutifs de pressions), puis il lui a été demandé de rester à son domicile après l’avis d’aptitude avec restriction du médecin du travail du 10 novembre 2017, de restituer son matériel, et elle n’a plus été payée jusqu’à la fin de son contrat.
Les décisions prises par l’employeur et les agissements répétés subis par Madame [UE] caractérisent un harcèlement moral, ayant été à l’origine de l’état dépressif de la salariée. Le préjudice de Madame [UE], résultant du harcèlement moral exercé par l’employeur, doit être réparé distinctement de celui résultant de la discrimination. La Cour accorde à Madame [UE] la somme de 2500 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur l’indemnisation en raison du comportement fautif de l’employeur à l’origine de la détérioration de l’état de santé de la salariée
Madame [ML]-[R] [UE] soutient que c’est le comportement fautif de l’employeur qui est à l’origine de la détérioration de son état de santé ; qu’il convient de condamner la SAS ACP LOGISTIQUE à lui verser la somme de 10’000 euros au titre du préjudice distinct résultant du comportement fautif de l’employeur à l’origine de la détérioration de son état de santé, préjudice distinct démontré selon l’appelante par la production des arrêts de travail et certificats médicaux.
Cette demande nouvelle en cause d’appel est recevable car elle est l’accessoire et le complément nécessaire de celle soumise au premier juge au titre du harcèlement moral.
Toutefois, alors qu’il a été retenu ci-dessus que la salariée a été victime de harcèlement moral ayant altéré sa santé physique et mentale et qu’il lui a été accordé la somme de 2500 euros en réparation de son préjudice, Madame [UE] verse les mêmes certificats médicaux et invoque à nouveau la dégradation de son état de santé pour réclamer une indemnisation supplémentaire. S’agissant du même préjudice que celui réparé au titre du harcèlement moral et à défaut de tout autre élément probant versé par la salariée, la Cour déboute cette dernière de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre d’un comportement fautif de l’employeur à l’origine de la détérioration de son état de santé.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité :
Madame [ML]-[R] [UE] invoque, au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, l’absence de visite médicale de reprise à l’issue de son congé maternité et réclame de ce chef la somme de 500 euros de dommages-intérêts pour le préjudice né de l’absence de visite médicale de reprise.
Elle invoque par ailleurs la modification de son contrat de travail par l’affectation sur un nouveau secteur qui nécessitait 1h30 à 2 heures de route, augmentant sa charge de travail, les agissements de son employeur, les pressions de sa responsable hiérarchique, l’ayant conduite à un état de stress et d’angoisse qui a nécessité un arrêt de travail. Elle fait valoir que son employeur lui a imposé des trajets en voiture excessifs, alors même qu’elle était sous traitement médicamenteux et que, malgré les alertes de la salariée sur l’incompatibilité pour elle de conduire sous traitement médicamenteux, l’employeur n’a pris aucune mesure de protection de sa salariée.
Madame [UE] réclame le paiement d’une somme de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE soutiennent qu’il n’existe aucun lien entre l’état de santé de Madame [UE] et son activité professionnelle ; que Madame [UE] n’a jamais fait la demande auprès de son employeur de l’organisation de la visite médicale de reprise ; qu’elle a réintégré son poste uniquement du 18 mars au 10 avril, soit moins d’un mois ; qu’elle n’apporte pas la preuve d’un préjudice ; qu’au vu de la contradiction de l’avis rendu par le médecin du travail par courriel du 21 novembre 2017, il était strictement impossible pour l’employeur d’en tirer des conséquences juridiques et de déclencher une procédure de licenciement pour inaptitude ; que face à la carence du médecin du travail, Madame [UE] n’a, à aucun moment, jugé nécessaire de contester les avis médicaux rendus, ni de solliciter un nouvel examen médical à sa demande ; que l’inaction fautive de Madame [UE] ne fait que mettre en lumière sa mauvaise foi et sa déloyauté dans l’exécution de son contrat de travail ; qu’à l’inverse, et comme l’a parfaitement jugé le conseil de prud’hommes de Marseille, aucun manquement à l’obligation de sécurité de résultat n’a été commis par l’employeur qui a tout mis en ‘uvre pour assurer le suivi médical de Madame [UE], au-delà de ses obligations légales ; qu’en tout état, Madame [UE] ne justifie d’aucun préjudice et qu’elle doit être déboutée de cette nouvelle demande indemnitaire.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur et déclare faire sienne son argumentation. Elle soutient qu’il convient en tout état de rejeter les demandes de la salariée dont le préjudice n’est pas établi et, subsidiairement, de diminuer le montant des sommes réclamées dans d’importantes proportions.
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Il n’est pas discuté que Madame [UE] n’a pas fait l’objet d’une visite médicale de reprise à la suite de son arrêt de travail à compter du 11 avril 2016 jusqu’au 12 février 2017 (arrêt maladie du 11 avril 2016 jusqu’au 21 août 2016, congé maternité du 22 août 2016 jusqu’au 10 décembre 2016, suivi d’un arrêt maladie du 11 décembre 2016 jusqu’au 12 février 2017).
Alors que la salariée n’a pas bénéficié d’une visite médicale de reprise lui permettant de vérifier la compatibilité de son état de santé avec son poste de travail et qu’elle a été à nouveau en arrêt de travail pour maladie à partir du 11 avril 2017 jusqu’au 30 septembre 2017, il est établi que Madame [UE] a subi un préjudice dont la Cour évalue la réparation à hauteur de 500 euros, par confirmation du jugement déféré.
Si le médecin du travail a déclaré la salariée apte, sans restriction, lors de la visite médicale de reprise du 6 octobre 2017, Madame [UE] a toutefois écrit à plusieurs reprises à son employeur pour protester contre son changement de secteur « nettement plus éloigné de (son) domicile et (l’obligeant) à régulièrement faire 1h30 de trajet avant d’arriver chez un client » (son courriel du 13 octobre 2017, dans lequel elle indique également avoir informé Mme [K] [S] qu’elle allaitait), voire 2h30 à 3 heures de trajet pour certains clients (son courriel du 12 octobre 2017), pour lui préciser qu’elle subissait des « pressions de [GO] ([K]-[S]) » et pour dénoncer des agissements de discrimination de la part de son employeur (son courrier du 5 septembre 2017) l’ayant « conduite à un état de stress et d’angoisse tel que (son) médecin a dû (l’) arrêter de nouveau » (arrêt de travail du 11 avril 2017 jusqu’au 30 septembre 2017).
Madame [ML]-[R] [UE] a également indiqué à son employeur, dans son courriel du 12 octobre 2017, que « malgré ma reprise je prends toujours des médicaments dont les effets secondaires sont la somnolence’ » (pièce 17 versée par la salariée)
La SAS ACP LOGISTIQUE n’a pas répondu aux doléances de la salariée, si ce n’est par des propos agressifs et déstabilisants (« votre attitude et vos écrits s’assimilent à de l’insubordination » – courrier recommandé du 14 septembre 2017 ; « Vous avez une fâcheuse tendance à travestir la vérité » – courriel du 13 octobre 2017 du DRH), ce alors même que l’employeur n’ignorait pas l’état de santé qu’il qualifiait lui-même de « malheureusement fragile » dans le compte rendu d’entretien individuel 2016.
L’employeur ignorant les alertes de sa salariée, la santé de cette dernière s’est à nouveau dégradée jusqu’à l’avis du médecin du travail du 10 novembre 2017 concluant à une « contre-indication médicale temporaire à la conduite d’un véhicule de fonction », étant observé que cette contre-indication est en lien avec les doléances de la salariée quant à ses longs temps de trajets professionnels.
Il est donc établi que la SAS ACP LOGISTIQUE a manqué à son obligation d’assurer la protection de la santé et de la sécurité de sa salariée.
Au vu des éléments médicaux versés par l’appelante, la Cour accorde à Madame [ML]-[R] [UE] la somme de 2500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Sur l’indemnisation pour absence de visite médicale suite à l’avis du médecin du travail de novembre 2017
Madame [ML]-[R] [UE] réclame le paiement de la somme de 1000 euros de dommages et intérêts pour absence de visite médicale suite à l’avis de novembre 2017.
Alors qu’elle a été déclarée apte avec contre-indication médicale par l’attestation de suivi du médecin du travail en date du 10 novembre 2017 et qu’elle soutient par ailleurs que l’employeur aurait dû, à compter de cette date, lui fournir du travail et la rémunérer, Madame [UE] n’explique pas pour quel motif elle aurait dû faire l’objet d’une nouvelle visite médicale, ni quel préjudice résulterait pour elle de cette absence d’organisation d’une nouvelle visite médicale.
Par conséquent, la Cour déboute la salariée de sa demande de ce chef.
Sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail :
Madame [ML]-[R] [UE] fait valoir que l’employeur s’est rendu coupable de plusieurs manquements l’ayant conduite à prendre acte de la rupture de son contrat de travail ; que suite au rendez-vous médical à la médecine du travail le 10 novembre 2017, il ne lui a plus fourni de travail et ne l’a plus rémunérée ; que sa prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement nul et qu’elle doit être accueillie en ses demandes au titre de la nullité de son licenciement et, à titre subsidiaire, au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE font valoir qu’il n’incombait pas à la société de suppléer aux carences du médecin du travail ; que face à l’avis rendu par le médecin du travail, la société ne pouvait ni réintégrer Madame [UE] au sein de l’entreprise, sans faire entrave à son obligation de sécurité de résultat, ni procéder au licenciement pour inaptitude en l’absence d’un avis d’inaptitude rendu en conformité avec les dispositions du code du travail qui sont d’ordre public ; que dès lors, cette situation de blocage ayant été engendrée par le médecin du travail et Madame [UE] ne fournissant plus d’arrêts de travail, il n’incombait pas à l’employeur de supporter la rémunération de Madame [UE] à défaut d’accomplissement d’une quelconque prestation de travail ; que l’employeur n’a commis aucun manquement dans l’exécution du contrat de travail ; que la Cour infirmera le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a accueilli la demande de Madame [UE] de voir requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; à titre surabondant, que Madame [UE] ne démontre pas que les manquements qu’elle impute à son employeur revêtent un caractère de gravité suffisant et qu’ils seraient susceptibles de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, étant observé que Madame [UE] n’a jamais émis de revendications en près de cinq ans de relation contractuelle ; qu’en réalité, Madame [UE] a organisé et orchestré la rupture de son contrat de travail, davantage motivée par des considérations personnelles que par des prétendues fautes de son employeur, la salariée omettant volontairement de justifier de sa situation professionnelle et financière depuis le 10 août 2018 ; que la Cour condamnera Madame [UE] à verser aux liquidateurs judiciaires le préavis et les congés payés sur préavis.
Ils font également valoir, à titre infiniment subsidiaire, que les demandes indemnitaires formulées par Madame [UE], résultant de la prise d’acte de rupture à l’initiative de la salariée, ne pourront en tout état de cause être prises en charge et garanties par l’AGS.
L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] s’en rapporte à la position de l’employeur et déclare faire sienne son argumentation. Elle fait valoir que la gravité des faits reprochés à l’employeur qui auraient empêché la poursuite du contrat de travail n’est pas suffisamment démontrée, tel que cela est clairement expliqué par les mandataires liquidateurs ; qu’en tout état, il existe des doutes manifestes qui doivent profiter à l’employeur ; qu’en application de l’article L.1235-3 du code du travail, seule l’allocation d’une somme correspondant à 3 mois de salaire pourra être allouée et, en tout état, le montant maximum de l’indemnité prévue par la loi (maximum de 6 mois) devra être diminué dans d’importantes proportions.
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Madame [ML]-[R] [UE] a adressé à la SAS ACP LOGISTIQUE un courrier de prise d’acte de la rupture du contrat de travail le 10 août 2018 en ces termes :
« Depuis l’avis d’aptitude de novembre 2017 qui m’a déclarée apte vous m’avez dit de rester chez moi et vous m’avez repris mon matériel. Je ne peux plus travailler mais vous avez arrêté aussi de me payer. Je suis donc sans salaire depuis cette date et ce malgré le fait que je vous ai demandé de me donner du travail à plusieurs reprises.
Après le complément de fiche de visite médicale rendu le 27/07/18 par le médecin du travail me déclarant apte sans restriction que vous avez reçu tout comme moi par mail du 27/07/18 mais que je vous ai ré adressé par sécurité, je suis restée sans signe de votre part, et donc sans travail. Sans nouvelles de vous, je vous ai à nouveau demandé de me rendre mon matériel le 30/07. Nous sommes le 10 août, cela fait presque deux semaines et je suis toujours sans réponse.
Ma situation est loin de vous intéresser dans la mesure où vous ne prenez même pas la peine de me répondre, si ce n’est pour la visite médicale que j’ai dû supplier d’avoir avec le médecin du travail puisque vous ne l’avez pas fait.
Je me sens humiliée d’avoir à mendier du travail, un salaire, un examen avec le médecin du travail, d’attendre en vain une réponse et de la considération. Et j’en passe’
Dans ces conditions, je suis obligée de prendre acte de la rupture de mon contrat car je ne peux continuer ainsi. Votre comportement est inadmissible et je n’en peux plus moralement de cette situation’ ».
Il a été vu ci-dessus que Madame [ML]-[R] [UE] a été victime de discrimination et de harcèlement moral, ainsi que d’un manquement de son employeur à son obligation de sécurité. Par ailleurs, suite à l’avis d’aptitude du 10 novembre 2017 du médecin du travail avec « contre-indication médicale temporaire à la conduite d’un véhicule de fonction », l’employeur a demandé à la salariée de rester à son domicile et de restituer son matériel et ne l’a plus rémunérée.
Madame [ML]-[R] [UE] rappelait à son employeur, par courriel du 26 avril 2018, qu’elle attendait qu’on lui donne du travail, le mettait en demeure le 24 mai 2018 de lui donner du travail et d’organiser une visite avec le médecin du travail et, par courriel du 21 juin 2018, lui demandait le paiement de son salaire et une réponse à sa demande d’une visite auprès de la médecine du travail.
Suite à l’attestation de suivi du 26 juillet 2018 du médecin du travail ayant déclaré la salariée apte sans contre-indication médicale au poste de travail, Madame [UE] a sollicité son employeur, par courrier recommandé du 27 juillet 2018, afin qu’il lui donne du travail et qu’il reprenne le paiement de son salaire (pièces 58 et 61 versées par la salariée).
Il n’est pas prétendu, ni démontré, que la SAS ACP LOGISTIQUE ait répondu aux correspondances des 26 avril, 24 mai, 21 juin et 27 juillet 2018 de Madame [UE], ou qu’elle se soit manifestée auprès de la salariée.
Au vu des différents manquements d’une particulière gravité de l’employeur et au vu de son refus de fournir du travail à la salariée et de la rémunérer, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur est justifiée et produit les effets d’un licenciement nul, eu égard à la discrimination et au harcèlement moral dont a été victime Madame [UE] durant la relation contractuelle et jusqu’à la fin du contrat.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a accordé à Madame [ML]-[R] [UE] la somme brute de 3713,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et la somme brute de 371,38 euros au titre des congés payés sur préavis, dont le calcul des montants n’est pas discuté par l’employeur.
S’agissant de l’indemnité légale de licenciement, les mandataires liquidateurs font valoir que la demande de Madame [UE] est infondée dans son quantum dès lors qu’elle ne déduit pas de son ancienneté les périodes de suspension de son contrat de travail, sans proposer toutefois un autre calcul. En tout état, les absences pour maladie de Madame [UE] ont été en lien avec la discrimination et le harcèlement subis et l’absence de la salariée, postérieurement à l’avis d’aptitude du 10 novembre 2017 du médecin du travail, n’a pas donné lieu à suspension du contrat de travail et était imputable aux manquements de l’employeur à son obligation de fournir une prestation de travail à la salariée et de lui verser sa rémunération. En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a accordé à Madame [UE] la somme nette de 2785,38 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, conforme aux droits de la salariée.
En application de l’article L.1235-3-1 du code du travail, le barème de l’article L.1235-3 n’est pas applicable, le licenciement de la salariée étant nul en raison du harcèlement moral et de la discrimination subis par Madame [UE].
L’appelante soutient qu’il doit être tenu compte de sa situation de famille (enfant en bas âge), de la difficulté de retrouver un emploi notamment dans sa branche d’activité et ce, d’autant plus que la situation économique n’est pas favorable à l’embauche, de son ancienneté dans l’entreprise (6 ans) et du comportement particulièrement déloyal de l’employeur, aux fins de lui accorder la somme de 27’667,32 euros de dommages-intérêts (sur la base du salaire réévalué) ou, à tout le moins, la somme de 22’442,40 euros correspondant à 12 mois de salaire actuel au titre du licenciement nul.
Madame [ML]-[R] [UE] ne verse aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle, ni sur ses ressources.
En considération de son ancienneté de 6 ans dans l’entreprise et du montant de son salaire mensuel brut (1856,92 euros), la Cour accorde à Madame [ML]-[R] [UE] la somme de 12’000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul.
Sur le rappel de salaire :
Les mandataires liquidateurs de la société ACP LOGISTIQUE critiquent le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille ayant accordé à la salariée la somme de 16’712,28 euros à titre de rappel de salaire du 10 novembre 2017 au 10 août 2018, outre les congés payés afférents, au motif que la société n’avait pas l’obligation de reprendre le paiement du salaire de Madame [UE] en l’absence de prestation de travail accomplie par Madame [UE].
Il a été vu ci-dessus que l’employeur avait demandé à la salariée de restituer son matériel, suite à l’avis d’aptitude avec restriction du médecin du travail en date du 10 novembre 2017, que Madame [UE] s’était tenue à la disposition de son employeur en l’interrogeant à plusieurs reprises sur sa situation et en demandant à reprendre le travail et que la société ACP LOGISTIQUE avait ignoré les demandes de sa salariée, en sorte que la responsabilité du défaut de fourniture de la prestation de travail incombe à la société et que cette dernière est tenue au paiement des salaires entre le 10 novembre 2017 et le 10 août 2018, fin du contrat.
En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont accordé à Madame [RA] le rappel de salaire de 16’712,28 euros et les congés payés afférents. La Cour confirme le jugement de ces chefs.
Sur la clause de non-concurrence :
Madame [ML]-[R] [UE] soutient que la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail est parfaitement licite en ce que toutes les conditions de validité sont respectées ; qu’elle n’a jamais perçu la contrepartie à l’obligation de non-concurrence qu’elle a bien respectée pendant la durée prévue au contrat, la salariée n’ayant exercé aucune activité concurrente à la suite de sa prise d’acte de rupture du 10 août 2018 ; que la contrepartie de la clause de non-concurrence a le caractère d’un salaire et est donc soumise à la prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail ; que sa demande n’est donc pas prescrite ; que sur la base d’un salaire brut mensuel moyen des 12 derniers mois de salaire d’un montant de 1584,47 euros, il lui est dû une somme de 316,90 euros au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence, qu’elle devait percevoir pendant 12 mois, et qu’elle est donc fondée à solliciter le paiement de la somme de 5387,20 euros au titre du respect de l’obligation de non-concurrence ; que cette demande n’est pas nouvelle puisqu’elle s’inscrit dans le prolongement des demandes formulées par Madame [UE] au titre de la rupture de son contrat de travail et des demandes de rappels de salaire.
Les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE font valoir que Madame [UE] formule en cause d’appel une nouvelle demande au titre du respect de l’obligation de non-concurrence, dont elle n’a jamais fait état devant le conseil de prud’hommes de Marseille ; que la Cour devra juger irrecevable cette demande pour être nouvelle ; qu’au surplus, la demande de Madame [UE] est prescrite conformément à l’article L.1471-1 du code du travail ; qu’à titre surabondant, la demande est infondée dans son principe et dans son quantum et Madame [UE] ne pourra qu’en être déboutée.
L’AGS fait valoir que la contrepartie pécuniaire due au titre d’une clause de non-concurrence est garantie par l’AGS uniquement pour les versements échus à la date du jugement d’ouverture et que les versements postérieurs au jugement ne sont pas garantis par l’AGS.
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Madame [UE] n’a pas formulé devant les premiers juges une demande relative à la clause de non-concurrence, laquelle ne constitue pas l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes formées en première instance au titre de rappels de salaire, de dommages-intérêts pour harcèlement, pour discrimination, pour manquement à l’obligation de sécurité, pour violation des dispositions conventionnelles, au titre de la carence de l’employeur en matière salariale, au titre de l’absence de visite médicale de reprise, au titre d’une violation des dispositions légales et du préjudice moral subi et au titre d’indemnités de rupture, aucune de ces demandes ne concernant la période postérieure à la prise d’acte de rupture du contrat de travail du 10 août 2018.
En conséquence, la demande de Madame [UE] est irrecevable comme nouvelle en cause d’appel, en vertu de l’article 564 du code de procédure civile.
Sur la garantie de l’AGS :
Les créances de la salariée relatives à l’exécution et à la rupture du contrat de travail, nées antérieurement au jugement de redressement judiciaire prononcé le 12 septembre 2018 au bénéfice de la SAS ACP LOGISTIQUE, bénéficient de la garantie de l’AGS, dans les limites des plafonds de ses garanties légales et réglementaires.
Sur la remise des documents sociaux :
Il convient d’ordonner la remise par les représentants de la SAS ACP LOGISTIQUE des bulletins de salaire rectifiés de novembre 2017 à août 2018, d’un bulletin de salaire récapitulatif et de l’attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, étant précisé que cette indemnité n’entre pas dans le cadre de la garantie de l’AGS.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de Madame [UE] au titre d’un rappel de salaire sur coefficient, au titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles, pour préjudice distinct né de la carence fautive de l’employeur en matière salariale et pour violation des dispositions légales et préjudice moral subi, en ce qu’il a fixé les créances de Madame [ML]-[R] [UE] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE aux sommes de 16’712,28 euros à titre de rappel de salaire du 10 novembre 2017 au 10 août 2018, de 1671,23 euros de congés payés sur rappel de salaire, de 2785,38 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, de 3713,84 euros au titre de l’indemnité de préavis, de 371,38 euros au titre des congés payés sur préavis, de 500 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale de reprise et de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a déclaré le jugement opposable à l’AGS-CGEA dans les limites de l’article L.3253-8 du code du travail, en ce qu’il a débouté Madame [UE] de sa demande au titre de l’astreinte, en ce qu’il a dit que le jugement d’ouverture de la procédure collective avait entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels et en ce qu’il a dit que les dépens seraient fixés au passif de la procédure collective,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de Madame [UE] au titre de la contrepartie pécuniaire à l’obligation de non-concurrence,
Déclare recevable la demande de Madame [UE] au titre du comportement fautif de l’employeur à l’origine de la détérioration de son état de santé,
Déclare recevables les demandes de Madame [UE] en contestation de la validité de la convention de forfait jours et en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires postérieures au 31 octobre 2014,
Dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail de Madame [UE] produit les effets d’un licenciement nul,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE, entre les mains de la SELARL MJ SYNERGIE et de la SELARLU [KU] ès qualités de mandataires liquidateurs de la société, aux sommes de :
– 1500 euros d’heures supplémentaires,
– 150 euros de congés payés sur heures supplémentaires,
– 6000 euros de dommages-intérêts pour discrimination,
– 2500 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
– 2500 euros de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,
– 12’000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Ordonne la remise par les mandataires liquidateurs de la SAS ACP LOGISTIQUE des bulletins de paie rectifiés de novembre 2017 à août 2018, d’un bulletin de paie récapitulatif et de l’attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA de [Localité 7] dans les limites des plafonds de ses garanties légales et réglementaires,
Fixe les dépens de l’instance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACP LOGISTIQUE ainsi que la somme de 1500 euros supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette tout autre prétention.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction