COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JUIN 2022
N° RG 20/00832 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T2F2
AFFAIRE :
[P] [F]
C/
Association UNEDIC,DÉLÉGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Février 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 18/00209
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Jérémie ASSOUS
la SELEURL NAQUET- Cabinet d’Avocat
SCP HADENGUE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [P] [F]
né le 22 Novembre 1966 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentant : Me Jérémie ASSOUS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0021
APPELANT
****************
Association UNEDIC,DÉLÉGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué à l’audience par Maître GREGOIRE François, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. DXO LABS
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me J.-frédéric NAQUET de la SELEURL NAQUET- Cabinet d’Avocat, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0386
S.E.L.A.R.L. FHB en la personne de Me [J] [V] es qualité de co commissaires à l’exécution du plan
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me J.-frédéric NAQUET de la SELEURL NAQUET- Cabinet d’Avocat, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0386
S.E.L.A.R.L. [R][H] en la personne de Me [R] [H] es qualité de co commissaire à l’exécution du plan
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentant : Me J.-frédéric NAQUET de la SELEURL NAQUET- Cabinet d’Avocat, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0386
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCEDURE
M. [F], né le 22 novembre 1966, a été engagé à compter du 22 août 2016 en qualité de SVP Marketing & Communication, par la société DXO Labs, selon contrat de travail à durée indéterminée.
L’entreprise, qui est spécialisée dans la photographie et commercialise des caméras et des logiciels de traitement de l’image, dirigée par M. [K], emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des bureaux d’études ‘Syntec’.
M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 22 août 2017, fixé au 30 août suivant.
Suivant message en date du 28 août 2017, l’employeur a reporté cet entretien dans les termes suivants : ‘Je suis dans l’obligation de reporter notre entretien prévu ce mercredi à 10h. Je reviendrai vers toi prochainement pour fixer une autre date’.
Le salarié était convoqué le 15 septembre 2017 à un nouvel entretien préalable fixé au 25 septembre suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.
Il était finalement licencié par lettre datée du 13 octobre 2017 énonçant une faute grave.
Contestant son licenciement, M. [F] a saisi le 15 février 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’entendre juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes.
Le 7 mars 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et désigné comme administrateur la Selarl Fhb en la personne de Maître [J] [V] et la Selarl [R] [H] en la personne de Maître [R] [H] en qualité de Mandataire judiciaire.
Le 18 juillet 2018, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement et désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan, la Selarl Fhb prise en la personne de Maître [J] [V] et la Selarl [R] [H] en la personne de Maître [R] [H].
Par jugement rendu le 13 février 2020, notifié le 27 février 2020, le conseil a statué comme suit :
Dit que le licenciement repose sur une faute grave, et en conséquence,
Déboute M. [F] de l’ensemble de ses demandes liées à un licenciement abusif et reprises ci-dessous :
– Indemnité compensatrice de préavis ;
– Indemnité de congés payés afférents au préavis ;
– Rappel de salaire au titre de la mise à pied ;
– Indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire ;
– Indemnité légale de licenciement ;
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute M. [F] de sa demande de rappel de paiement de sa rémunération variable, de sa demande de paiement des journées de consulting, de sa demande de dommages intérêts pour impossibilité de rachat de ses stocks options, de sa demande de remboursement de frais et de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code
de procédure civile ;
Condamne M. [F] aux éventuels dépens.
Le 17 mars 2020, M. [F] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 9 février 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 mars 2022.
‘ Selon ses dernières conclusions du 5 janvier 2022, M. [F] demande à la cour de réformer le jugement en son intégralité et de :
Juger que l’envoi de la lettre de licenciement plus d’un mois après la date fixée pour l’entretien préalable est tardif,
Par conséquent,
Juger que le licenciement notifié est dénué de cause réelle et sérieuse,
Subsidiairement,
Juger qu’il n’a pas commis de faute grave dans l’exécution de son contrat de travail,
En tout état de cause,
Annuler la mise à pied conservatoire courant du 15 septembre au 13 octobre 2017,
Fixer au passif de la société DxO Labs les sommes suivantes :
– 50 000 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 5 000 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 16 666,66 euros bruts à titre de rappel de salaire durant la mise à pied, outre 1 666,66 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 37 500 euros bruts au titre de la rémunération variable pour l’année 2017, outre 3 750 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 11 689 euros bruts à titre de remboursement de frais,
– 7 700 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les 10 journées de consultings accomplies avant la régularisation d’un contrat de travail écrit, outre 770 euros au titre des congés payés afférents,
– 6 103,18 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 128 390 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance du droit d’exercer les options d’achat d’actions,
– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Juger que ces sommes seront assorties des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
Ordonner la capitalisation des intérêts ;
Ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi, d’un bulletin de salaire d’un solde de tout compte et d’un certificat de travail rectifiés conformes ;
Dire et juger que ces montants seront garantis par l’AGS dans la limite des plafonds légaux ;
Débouter la société DxO et l’AGS de l’intégralité de leurs demandes fins et conclusions.
‘ Aux termes de leurs dernières conclusions, en date du 10 septembre 2020, la société DXO Labs, Maîtres [V] et [H], ès qualité de commissaires à l’exécution du plan, demandent à la cour de confirmer, dans l’ensemble de ses dispositions, le jugement en ce qu’il débouté M. [F] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de condamner M. [F] aux entiers dépens.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 4 février 2022, l’AGS CGEA d’Ile de France Ouest demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une faute grave,
Débouter M. [F] de ses demandes,
Mettre hors de cause l’AGS au titre de présente instance,
A titre subsidiaire, réduire ses demandes indemnitaires à de plus justes proportions
En tout état de cause,
Mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure,
Dire et juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L 622-28 du code du Commerce.
Fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la Société,
Dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du Code du Travail,
Dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le Mandataire judiciaire et selon les plafonds légaux.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
A l’audience des débats, la cour a proposé aux parties de recourir à une mesure de médiation judiciaire afin de rechercher, par elles-mêmes, sous l’égide d’un médiateur indépendant, une solution au litige qui les oppose. Aucune réponse n’a été apportée à cette proposition.
MOTIFS
I – Sur la mise hors de cause de l’AGS sur le fondement de l’article L. 3253-6 du code du travail
Au motif que selon l’article L. 3253-6 du code du travail, sa garantie n’est que subsidiaire et ne joue qu’en l’absence de fonds disponibles, l’AGS-CGEA demande sa mise hors de cause du fait de l’adoption d’un plan de redressement le 18 mai 2018, ce dont elle déduit que la société appelante est in bonis et dispose de fonds disponibles.
Le salarié s’oppose à cette mise hors de cause, sollicitant la fixation au passif de la société ses créances salariales nées avant l’ouverture de la procédure collective et demandant leur garantie par l’AGS-CGEA.
Contrairement à ce que soutient l’AGS, dès lors que les créances du salarié sont nées antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, elles doivent être fixées au passif du redressement judiciaire de la société, peu important l’arrêté d’un plan de redressement.
En revanche, dès lors que comme elle le dit à juste titre, sa garantie n’est que subsidiaire, l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du même code et son obligation de faire l’avance des sommes auxquelles sont évaluées les créances garanties du salarié, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le commissaire à l’exécution du plan et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
La demande mise hors de cause de l’AGS sera rejetée.
II – Sur le licenciement :
M. [F] critique le jugement entrepris dont il qualifie la motivation de ‘lapidaire’. Au soutien de sa réformation, il fait valoir que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en raison de l’envoi tardif de la lettre de licenciement, adressée 15 jours après le délai d’un mois fixé par L. 1332-2 du code du travail s’agissant des licenciements disciplinaires.
Il réfute l’affirmation de l’employeur selon laquelle il aurait, en réalité abandonné la procédure initiale, soulignant que l’employeur a indiquer ‘reporter’ et non ‘annuler’ l’entretien préalable, affirmant que l’apparition de faits nouveaux entre la convocation et l’entretien n’imposait pas de re convoquer le salarié et soutenant que dans l’hypothèse d’un abandon de la procédure initiale, l’employeur ne peut se prévaloir dans la procédure ultérieure des faits non sanctionnés dans le délai d’un mois suivant la date fixée pour l’entretien, de sorte qu’en l’espèce, seul le voyage aux Etats-Unis reste invocable. M. [F] affirme que ce déplacement ne peut justifier la rupture du contrat de travail eu égard aux conditions dans lesquelles l’employeur l’a annulé, usant abusivement de son pouvoir de direction. En tout état de cause, il conteste l’ensemble des griefs retenus dans la lettre de licenciement.
La société réplique que le conseil de prud’hommes a débouté le salarié aux termes d’un jugement particulièrement motivé et que les arguments retenus sont légitimes. Elle soutient que la cour ne pourra que rejeter l’argumentation contradictoire du salarié relative à la prétendue notification tardive de son licenciement et affirme que la procédure initiale avait été abandonnée. L’employeur fait valoir par ailleurs que l’ensemble des griefs sont démontrés et caractérisent une faute grave.
La lettre de licenciement datée du 13 octobre 2017, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le lundi 25 septembre 2017, entretien pendant lequel vous vous êtes fait assister par M. [A] [Y].
En dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement de notre entreprise pour faute grave.
Pour rappel, vous avez été embauché le 22 août 2016 au poste de SVP Marketing & Communication sous la responsabilité de [A] [K], Président de la société DxO Labs.
En cette qualité et aux fonctions qui sont les vôtres, vous avez, à de multiples reprises, sciemment enfreint le lien de subordination qui existe avec M. [K], au point de mettre en péril les équilibres sociaux et économiques de la société.
Ce comportement n’est pas admissible ce d’autant qu’il a fait l’objet depuis ces derniers mois d’alertes ou de mises en gardes dont vous n’avez pas tenu compte.
Ainsi, nous vous reprochons notamment :
1. La violation répétée des process internes d’engagement de la société,
2. Une conversation inappropriée avec un candidat au poste de SVP Global Sales,
3. Des contacts inappropriés avec l’un des actionnaires de la société,
4. Un voyage aux Etats-Unis explicitement interdit par votre supérieur hiérarchique.
1. La violation répétée des process internes d’engagement de la société :
Des exemples, nombreux et répétitifs, témoignent d’une volonté affichée de passer outre les règles internes de notre société.
Le 11 juillet 2017, concernant le fournisseur de meubles Cameleon pour nos points de vente, vous avez fait une demande d’autorisation de dépenses pour des prototypes. Le 13 juillet 2017, le sujet n’a pas pu être validé en réunion faute de données de votre part justifiant la dépense.
Dans ces conditions, et alors qu’aucun accord ne vous avez été donné, vous avez donné instruction à M. [N] [U], ‘Trade Marketing Manager’, de passer un bon de commande non autorisé et d’accepter les conditions générales de ce nouveau fournisseur, lesquelles n’avaient pas été validées parle département juridique de DxO Labs (et alors même qu’il existait un volet propriété intellectuelle que vous ne pouviez ignorer).
Le 25 juillet 2017, Mme [C] [W], chargée de mission auprès du CEO a découvert que vous aviez passé cette commande. A cette même date, [A] [K], votre n+1, vous a demandé expressément de l’annuler immédiatement; il vous a écrit :
« Je comprends que ce devis a été signé -sans revue des CGV par le Legal ni approbation dépense Merci de l’annuler immédiatement. »
Vous passerez outre cette consigne stricte et la société apprendra que les travaux sur les prototypes ont démarré.
Le 28 juillet 2017, [Z] [T], Directeur Financier, a dû organiser en urgence une conférence téléphonique avec le dirigeant de Caméléon pour comprendre le statut et pour demander la mise en place d’un contrat cadre. Il apprendra alors à cette occasion que DxO Labs doit déjà une facture de 19 000 euros. Il découvrira également que l’un des meubles est dérivé d’un meuble dont nous n’avons pas les droits, en dépit de ses nombreuses demandes sur ce point.
Le 02 août 2017, Caméléon signera enfin un contrat acceptable pour DxO Labs, et s’engage à ne travailler que sur bons de commande comme le veut la règle chez Dx0 Labs.
Un autre exemple concernant l’Agence de Design [M] vous est aussi reproché. L’agence [M] est une agence de design de meubles pour points de ventes basée à New-York et dont le dirigeant est l’un de vos amis.
Au début 2017, vous avez négociez seul avec [M] la réalisation et l’étude de meuble de fabrication puis vous avez lancé les travaux, une fois encore, sans autorisation préalable.
Les 16 et 27 février 2017 ainsi que le 09 et 13 mars 2017, lors des réunions « Vente » nous vous avons indiqué qu’il n’y aurait pas de lancement sans qu’un devis ne soit signé et que la demande ne soit validée par [A] [K]. Le 13 mars 2017, M. [A] [K] vous a relancé par email afin d’obtenir plus d »informations sur la proposition de DxO Labs pour [M]. Ce mail est resté sans réponse de votre part.
Le 16 mars 2017, M. [N] [U] a indiqué toujours par email que les travaux de conception étaient terminés alors que le lancement n’avait pu être discuté faute d’informations.
Le 23 mars 2017, nous apprendrons dans un email qu’il v aurait des factures non reçues par le service comptabilité et qu’il y aurait un projet de contrat non transmisà la Direction.
Le 24 mars 2017, M. [Z] [T] relira le contrat et comprendra qu’il y a une clause très inhabituelle et inacceptable d’exclusivité – pour tous les futurs meubles alors qu’aucune grille tarifaire n’existe ni n’a été discutée au préalable.
Le 27 mars 2017, [M] dit avoir enlevé les clauses mais ce n’est pas le cas. La suite montre que ce fournisseur souhaite verrouiller DxO Labs.
Ces exemples illustrent bien votre volonté de vous affranchir de toute règle. Lors de l’entretien préalable, vous avez d’ailleurs vous-même reconnu ne pas avoir respecté les procédures internes.
Ainsi, pour des montants importants, vous vous comportez en « franc-tireur », faisant fi des consignes internes, de nos procédures de vérifications juridiques et financières, au risque d’exposer notre société à des conséquences dommageables.
En procédant de la sorte, sans respecter nos règles internes d’engagement de dépenses, sans vous assurer que DxO ne se retrouvera pas en situation de risque financier ou juridique, vous avez ouvertement violé vos obligations et vous avez persévéré dans une attitude que nous ne pouvons plus continuer à accepter.
2. Une conversation inappropriée avec un candidat externe au poste de SVP Global Sales
Depuis le début du mois de Juin 2017, notre société cherche à recruter un ‘SVP Global Sales’. M. [A] [K] mandate pour cela un cabinet de recrutement externe, dirigé par Mme [B] [X]. Un profil est identifié qui correspond aux attentes de DxO : il s’agit de M. [G] [E].
Alors que nous sommes en phase de conclure notre recherche avec ce candidat, nous sommes informés le 30 août 2017 par Mme [B] [X] de votre conversation avec M. [E] dont la teneur est pour le moins surprenante. Celle-ci nous écrit en effet :
‘Il m’a rapporté avoir parlé à [P] [F] et que celui-ci lui aurait dit en substance qu’il ne quittait pas DxO et lui aurait recommandé de faire traîner avant d’accepter l’offre car de grands changements se profilent dans l’entreprise’.
M. [E] a été particulièrement déstabilisé par cette conversation que vous avez d’ailleurs reconnu avoir eu avec lui lors de notre entretien.
Rien ni personne ne vous avait autorisé à interférer dans ce processus de recrutement de cette manière-là.
Votre choix de volontairement déstabiliser ce candidat au poste de SVP Global Sales n’avait pour autre ambition que de vous protéger vous-même puisque vous étiez parfaitement conscient à la fin du mois d’août que votre départ de DxO pouvait intervenir.
Ainsi, vous avez fait le choix d’aller à l’encontre de DxO ce qui est inacceptable.
3. Des contacts inappropriés avec l’un des actionnaires de la société
Le 14 août 2017, vous avez indiqué à M. [A] [K] votre projet de contacter directement l’un des actionnaires de l’entreprise. La réponse de M. [A] [K] en date du 14 août 2017 a été claire et sans appel :
« Je te demande de n’écrire à personne et de respecter tes obligations de réserve et de confidentialité »
En dépit de cette consigne parfaitement claire donnée par votre manager, vous avez écrit à M. [I] [O] le 26 août 2017 pour lui faire part des désaccords entre vous et M. [A] [K], l’informer de votre possible futur départ, et lui suggérer au contraire de licencier [A] [K] !
« With [D] [S] and his team, we know how to design the next evolutions of the DxO Camera. DxOMark gives us the stature of an expert trust worthy brand. Last but not least we have skilled and motivated teams looking for an inspiring vision. Severalfunds and companies have shown interest in ali of the above. (…) l hope this email helps you make the right decisions far the future of DxO and its teams. »
A la suite de votre email, vous avez ensuite eu des contacts directs avec [I] [O].
En passant outre la consigne écrite de votre n+1, vous avez défié M. [A] [K] et vous vous êtes une nouvelle fois inscrit dans une posture d’insubordination caractérisée.
4. Un voyage aux Etats-Unis explicitement interdit par votre supérieur hiérarchique
Le 10 Septembre 2017, M. [A] [K] vous a expressément demandé d’annuler un voyage aux Etats-Unis. En effet, de nouveaux responsables ‘SVP Global Sales’ et ‘VP Sales’ étaient sur le point de prendre leurs fonctions au sein de l’entreprise. L’email qu’il vous a envoyé à ce sujet était particulièrement clair :
‘[P]
J’apprends par cet email ton projet de voyage aux USA. Pour un certain nombre de raisons, j’estime que ce voyage n’est pas approprié. Je remercie de le reporter sine die et je te rencontrerai la semaine prochaine, mardi 12 septembre, à 17h30, chez DxO.
A toute fin utile, je te prie de considérer le présent email comme une instruction directe de ton supérieur hiérarchique. Merci’
Malgré cette injonction, vous avez fait le choix de passer outre et vous avez pris un nouveau billet d’avion et vous avez décidé de vous rendre aux Etats-Unis la semaine complète – sans rendre compte des contacts clients ni des engagements que vous avez pu prendre au nom de la société lors de ce déplacement.
En considérant tous ces faits, nous sommes contraints de tirer les conséquences de votre insubordination constante en mettant un terme à votre contrat de travail pour faute grave.
La période de mise à pied ne vous sera pas rémunérée. Nous vous adresserons prochainement votre solde de tout compte et les documents de rupture vous revenant.
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en apporter la preuve.
Il résulte de l’article L. 1332-2 du code du travail, qui énonce notamment que ‘la sanction ne peut intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable’ :
– d’une part, que le délai d’un mois est une règle de fond et que l’expiration de ce délai interdit à l’employeur aussi bien de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits que de sanctionner disciplinairement ces faits, sauf si dans l’intervalle une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre,
– d’autre part, que lorsque l’employeur abandonne une première procédure de licenciement pour sanctionner des faits qui ont été portés à sa connaissance postérieurement à l’entretien préalable, la convocation au nouvel entretien préalable n’a pas à intervenir dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée, le licenciement ne pouvant sanctionner que des faits distincts de ceux initialement envisagés,
– enfin, que lorsqu’en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à un entretien préalable, l’employeur adresse au salarié, dans le délai d’un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c’est à compter de la date de ce dernier que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.
Les parties s’opposent sur le point de savoir si la procédure initiée le 22 août 2017 a été abandonnée, comme le soutient l’employeur, ou si la date de l’entretien préalable a simplement été reportée par ce dernier, ainsi que le plaide l’appelant.
Il est établi :
– selon un échange de messages électroniques en date des 14, 15 et 24 août, que MM. [K] et [F], qui entretenaient des relations amicales préalablement à l’engagement du second par la société intimée, envisageaient la rupture du contrat de travail de ce dernier depuis le mois de juillet, le dirigeant précisant à son collaborateur qu’il attendrait le retour de congé de son avocat pour formaliser les choses (pièces n°4 à 6 de l’appelant),
– par message électronique du 22 août 2017, doublé d’une lettre recommandée, reçue le 26 août 2017, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 août suivant ;
– par message du 28 août 2017, M. [K] a écrit à M. [F] en ces termes : ‘[P], je suis dans l’obligation de reporter notre entretien prévu ce mercredi à 10 h. Je reviendrai vers toi prochainement pour fixer une autre date. Merci, [A]’ ;
– suivant lettre recommandée avec avis de réception datée du 15 septembre 2017, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 septembre suivant à 10h, cette convocation étant assortie d’une mise à pied à titre conservatoire ;
– par lettre datée du 13 octobre 2017, ci-avant reproduite, M. [F] a été licencié pour faute grave,
– selon lettre du 15 novembre 2017, M. [F] a contesté les griefs qui lui étaient reprochés en rappelant la procédure suivie et en précisant : ‘après une première procédure abandonnée en août 2017″.
Certes, M. [F], dans sa lettre d’observations du 15 novembre 2017 et dans ses conclusions devant le conseil de prud’hommes, a indiqué que la procédure intentée en août 2017 avait été ‘abandonnée’.
Toutefois, un aveu judiciaire ne peut porter que sur un fait et non sur un point de droit.
M. [F] conteste formellement dans ses conclusions d’appel que son entretien préalable au licenciement ait été « annulé ».
Alors même que la locution « reporter l’entretien » est dépourvue de toute ambiguïté, force est de constater que l’employeur, à l’initiative de ce ‘report’, ne communique aucun élément de nature à étayer la thèse selon laquelle il aurait, finalement, décidé de renoncer à cette procédure. Il n’allègue, ni a fortiori ne justifie avoir manifesté auprès du salarié sa volonté d’abandonner la procédure de licenciement initialement engagée.
L’aveu opposé par l’employeur sur l’interprétation que le salarié a pu donner au ‘report de l’entretien’ étant dépourvu de portée, il sera jugé, au vu des pièces communiquées, que la société n’avait pas abandonné la procédure initiale, ce qui l’aurait privée du droit d’invoquer les trois premiers griefs, dont il est constant qu’elle en avait eu connaissance avant la date fixée pour l’entretien préalable, mais avait simplement reporté cet entretien.
Conformément aux règles de droit, ci-avant rappelées, au constat du report de l’entretien préalable initial fixé au 30 août 2017, exclusivement imputable à l’employeur, ce dernier, qui invoque des faits, qu’il estime caractériser un manquement du salarié à ses obligations professionnelles, postérieurs au 30 août 2017, a pu valablement, après avoir convoqué le 15 septembre 2017 le salarié à un nouvel entretien fixé au 25 septembre, soit dans le mois suivant la date du premier entretien, prononcer le 13 octobre le licenciement pour faute grave, le 25 septembre constituant le point de départ du délai d’un mois prévu à l’article L. 1332-2 du code du travail imparti pour notifier la sanction.
Il s’ensuit que le salarié n’est pas fondé à invoquer le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement au seul motif que l’employeur le lui a notifié plus d’un mois après la date initialement fixée pour le premier entretien.
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les trois premiers griefs visés dans la lettre de licenciement, dont l’employeur avait connaissance au jour de sa décision de reporter la date de l’entretien préalable, il est constant que M. [F] a entrepris, du 10 au 15 septembre 2017, un déplacement professionnel aux Etats-Unis au mépris des instructions que lui avait données le dirigeant de l’entreprise, M. [K], par courrier électronique du 9 septembre à 22h35 (‘Pour un certain nombre de raisons, j’estime que ce voyage n’est pas approprié. Je remercie de le reporter sine die et je te rencontrerai la semaine prochaine, mardi 12 septembre […] à toute fin utile, je te prie de considérer le présent email comme une instruction directe de ton supérieur.’), message dont le salarié a accusé réception avant son départ (pièce n°7 de la société intimée).
Nonobstant ses fonctions de SVP Marketing & communication et de son statut de ‘cadre autonome’, au coefficient 270, position 2.3 de la convention collective Syntec, et son niveau de responsabilités, le salarié demeurait soumis au lien de subordination vis-à-vis de son employeur.
Dans le contexte, constant, de profond désaccord entre le dirigeant et M. [F] sur la stratégie commerciale à développer pour l’entreprise, qu’il appartenait néanmoins au dirigeant de définir, ainsi qu’il ressort des propres pièces communiquées par l’appelant, la preuve du caractère abusif de la décision de l’employeur de reporter ce déplacement n’est nullement démontrée par l’appelant.
Peu important le motif professionnel du déplacement litigieux, observation faite que le salarié ne justifie en aucune façon que les rendez-vous pris avec les représentants du client américain B&H ne pouvaient être reportés, l’insubordination de M. [F] est établie.
Ce comportement caractérise un manquement à ses obligations contractuelles d’une gravité telle qu’elle rendait impossible la poursuite de la relation de travail.
Le licenciement sera confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une faute grave et débouté l’appelant des demandes financières subséquentes.
III – Sur le rappel de salaires au titre des journées de consulting effectuées
Au soutien de sa demande de 7 700 euros bruts au titre des journées de travail accomplies avant la régularisation d’un contrat de travail écrit, M. [F] expose qu’il a effectué 10 jours de travail pour le compte de la société entre le 6 mai et le 15 juillet 2016 et qu’il était convenu que ces journées de travail seraient rémunérées sous forme d’un bonus en 2017, ce qui n’a pas été le cas.
La société, tout comme l’AGS, s’opposent à cette prétention en faisant valoir que cette prestation a été payée par un bonus en avril 2017, comme il en avait été convenu.
Par application des dispositions de l’article 1353 du code civil, s’il appartient à celui qui se prévaut d’une obligation d’en justifier, il revient à celui qui prétend s’en être libéré de justifier du paiement ou du fait extinctif.
Par l’effet de ce texte, sous réserve pour le salarié de justifier du principe de l’obligation contractuelle ou conventionnelle dont il se prévaut, il appartient à l’employeur de justifier du paiement ou du fait extinctif de son obligation.
Il résulte d’un mail envoyé par Mme [L] à M. [F] le 19 décembre 2016, que le salarié a bien effectué des jours de consulting aux dates alléguées et le 25 janvier 2017, Mme [OU] a demandé confirmation au salarié de ces 10 jours travaillés pour un montant total de 7 700 euros afin de faire ‘le paiement sur la paie de janvier’.
Par lettre du 25 octobre 2017, M. [F] a sollicité le paiement de ces 10 jours en contestant tout paiement qui serait intervenu en février 2017.
Par lettre du 15 novembre 2017, le salarié a contesté son solde de tout compte puisqu’il ne comportait pas ‘le règlement des 10 jours de consulting effectués pour le compte de DxO avant la signature de mon contrat de travail, et ce, pour un montant de 7 700 euros HT’.
En l’état de ces seuls éléments, la société ne justifie pas avoir réglé les salaires dus sur la période considérée. Faute d’en justifier, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef et il sera fixé au passif de la société la somme de 7 700 euros à titre rappel de salaire des 10 jours travaillés entre le 6 mai et le 15 juillet 2016.
Faute de clause contractuelle transparente et compréhensible quant au caractère global de la rémunération incluant les congés payés afférents sur la période litigieuse, il sera fait droit à la demande du salarié et il lui sera alloué la somme de 770 euros de congés payés afférents.
IV – Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2017
A l’appui de l’infirmation du jugement qui l’a débouté de sa demande de rémunération variable au titre de l’année 2017, M. [F] fait valoir que son versement n’était pas subordonné à une condition de présence dans l’entreprise à une date fixe et que faute pour la société de lui avoir fixé des objectifs individualisés, elle est débitrice de la part variable de sa rémunération correspondant à la réalisation des objectifs individuels. Il sollicite la somme de 37 500 euros au titre de la partie variable de sa rémunération.
La société s’y oppose en affirmant que M. [F] était sorti des effectifs avant la fin de la période de référence de calcul de son bonus et de la notification individuelle du montant du bonus qui n’est intervenue que le 27 février 2018. Elle souligne en outre qu’en raison des résultats de la société aucun salarié n’a touché la part ‘société’ du variable 2017.
En l’espèce, l’article 4.2 du contrat de travail de M. [F] relatif à la rémunération variable est ainsi rédigé :
‘Elle viendrait compléter la rémunération fixe reçue et serait fonction, à hauteur de 75%, de la réalisation d’objectifs individualisés (part individuelle), et pour le complément, soit 25%, de la réalisation d’objectifs financiers de la société (part société).
La part société est versée chaque année au titre de l’exercice précédent et elle sera calculée prorata temporis pour les années incomplètes. […]
Elle pourrait atteindre 50 000 euros pour une année pleine d’activité dans le cas où les objectifs seraient atteints.
Les modalités de calcul de cette partie variable pourront être revues annuellement selon les modalités en vigueur dans notre société et/ou en fonction de l’expérience acquise et/ou des résultats obtenus.
En tout état de cause, le versement effectif de cette partie variable est subordonné au fait que votre contrat de travail n’ait pas pris fin ou que vous ne soyez pas en période de préavis, lors de la notification individuelle de son montant’.
Alors que le contrat de travail stipule que les objectifs sont fixés unilatéralement par l’employeur,
force est de constater que l’employeur ne justifie pas avoir fixé des objectifs au salarié pour l’année 2017, lequel est sorti des effectifs le 13 octobre 2017, date de son licenciement pour faute grave.
Nonobstant le manquement de l’employeur qui ne justifie pas avoir fixé des objectifs à son salarié au titre de l’année 2017, il ressort des éléments de la cause que M. [F] était sorti des effectifs avant le terme de la période considérée et donc de la date prévisible de la notification individuelle de son montant.
Par suite, c’est à juste raison que le conseil au constat que le salarié ne remplissait pas la condition de présence au jour de la notification individuelle et donc de l’exigibilité de la rémunération variable, a rejeté la réclamation présentée de ce chef.
V – Sur les remboursements de frais
Au soutien de sa demande de 11 689 euros au titre des remboursements de frais, M. [F] explique que l’employeur s’est affranchi du paiement des 4 dernières notes de frais sans la moindre justification, sans qu’il ne puisse lui être opposé l’absence d’autorisation préalable d’engagement des dépenses.
La société rétorque que ces notes de frais lui ont été adressées postérieurement à la rupture de son contrat de travail et ne respectent pas les conditions posées à l’article 5 de son contrat de travail, notamment s’agissant du voyage à New York, qui a été expressément refusé par l’employeur.
Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être remboursés.
L’article 5 du contrat de travail du salarié prévoit que : ‘vos frais professionnels, exposés dans l’intérêt de la société et engagés après avoir explicitement obtenu l’accord de vos supérieurs, vous seront remboursés intégralement sur présentation des justificatifs conformément aux règles et procédures internes en vigueur dans la société’.
Dans ses courriers des 25 octobre et 15 novembre 2017, M. [F] sollicite le remboursement de frais professionnels qu’il explique avoir engagé et qu’il détaille ainsi :
– la première est liée au business trip aux US de septembre
– la seconde concerne les dernières dépenses (notamment durant l’IFA) et un reliquat du lancement chez B&H
– la troisième concerne des factures Uber depuis le mois de janvier, liées à des business trip,
– la quatrième est une note d’indemnités kilométriques pour les trajets professionnels effectués avec le véhicule personnel.
La note d’un montant total de 5 596 euros concerne uniquement le voyage aux Etats-Unis du 10 au 15 septembre 2017, entrepris par le salarié au mépris des instructions de l’employeur. Les frais exposés à cette occasion ne répondant pas à l’intérêt de la société seront écartés.
S’agissant de la dernière note de frais relative à l’indemnité kilométrique pour les trajets professionnels effectués avec le véhicule personnel, si le salarié affirme qu’il avait droit contractuellement à ce remboursement, il ressort néanmoins de la lecture du contrat de travail qu’aucune indemnité n’était prévue à ce titre.
En l’absence de tout justificatif des dépenses alléguées et eu égard à la constance du kilométrage mensuel afférent à l’indemnité sollicitée, M. [F] sera également débouté du remboursement de celle-ci.
En revanche, s’agissant des dépenses de la seconde et de la troisième note de frais, le salarié produit des reçus et ses relevés de compte laissant apparaître les courses Uber réalisées dont il sollicite le remboursement.
Le moyen tiré de la tardiveté de la transmission des notes de frais par la société est inopérant dès lors que M. [F] en a sollicité le paiement dès le 25 octobre 2017, soit moins de 15 jours après son licenciement et alors même que ces dépenses se rapportent à des frais exposés antérieurement par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, qui n’a pas contesté leur légitimité à l’exception de ceux relatifs au voyage aux Etats-Unis de septembre 2017.
Compte tenu des pièces produites, à l’exception d’un reçu de taxi en Allemagne d’un montant de 20 euros daté du 21 septembre 2016 ou 2018 – l’année étant illisible – et des courses Uber réalisées lors du voyage aux Etats-Unis de septembre 2017, il convient de faire droit à la demande de M. [F] à hauteur de 3 760,31 euros.
Le jugement sera réformé en ce sens de ce chef.
VI – Sur les dommages et intérêts en réparation de l’impossibilité d’exercer les stock options :
Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d’exercer les options d’achat d’actions, M. [F] explique qu’il a pris des risques financiers lors de son embauche et qu’il a bénéficié de 40 000 options d’achat d’actions à un prix unitaire de 1,45 euros ayant fait l’objet d’une promesse d’achat. Il indique que son licenciement ayant été mis en oeuvre brutalement, il n’a pas pu exercer ces options, représentant la somme de 58 000 euros.
La société s’oppose à cette réclamation et réplique que le salarié n’aurait été privé que de la possibilité éventuelle d’exercer son droit de lever des options de souscription d’actions à de meilleures conditions, et donc qu’il ne s’agit que d’une chance de gain. Elle précise que M. [F] n’a pas exercé ses droits à la date du 1er anniversaire et que la santé financière de l’entreprise a dévalorisé fortement la valeur des actions de la société, qui ne peuvent être valorisées à leur valeur d’attribution.
Le préjudice du salarié injustement privé du droit de lever des options qu’il a souscrites auprès de la société qui l’emploie peut être constitutif d’une perte de chance, sous réserve que cette éventualité apparaisse suffisamment sérieuse.
Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement le montant du préjudice subi par le salarié, la réparation de la perte de chance devant être mesurée à la chance perdue et ne pouvant être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Il résulte des plans d’attribution de stock-options versés aux débats que :
– ‘Evénement de liquidité ou EDL : événement constaté par le conseil d’administration à l’occasion duquel tout ou partie capital de la société est susceptible de faire l’objet d’un changement de propriétaire, selon les règles du pacte d’actionnaire dont un extrait est joint en annexe des présentes :
1. D’une cession directe ou indirecte de la société à un tiers,
2. D’une introduction en bourse,
3. D’une offre de rachat limitée des principaux actionnaires destinées à offrir une liquidité partielle à certains bénéficiaire’,
– ‘4. Sauf disposition contraires indiquées dans la lettre d’attribution, le bénéficiaire deviendra titulaire du droit d’exercer ses options à raison de 25% à l’issu de chaque année pleine suivant la date d’attribution. Sauf dans les cas exceptionnels prévus à l’article 6, aucun S-O ne peut être exercé avant la survenance d’un événement de liquidité’,
– ‘5.2 : avant la survenance d’un EDL, les bénéficiaires en période de préavis ou ayant quitté le groupe pour quelque motif que ce soit ne pourront exercer leurs S-O, ceux-ci devenant automatiquement caducs au premier jour du préavis, ou au jour où se situe la rupture du contrat de travail du bénéficiaire dans l’une des sociétés du groupe’
– ‘ 5.3.1 : Le bénéficiaire quittant, quelle qu’en soit la cause, le groupe au cours du délai d’option [délai maximum pendant lequel le bénéficiaire S-O peut, en tout ou partie, exercer les S-O si les conditions d’exercice sont remplies, fixé à 10 ans], perd automatiquement de plein droit et sans droit à dédommagement quelconque, le bénéfice des S-O non exercés et / ou non exerçables dont il est titulaire au premier jour de son préavis ou en l’absence de préavis, au jour de son départ effectif du groupe (matérialisé par la date effective de rupture du contrat de travail du bénéficiaire) ; lesdits S-O deviennent automatiquement caducs audit jour et ce, quel que soit le sort qui serait réservé aux éventuelles contestations ultérieures qui seraient initiées par le bénéficiaire salarié, notamment en cas de licenciement pour quelque cause que ce soit – sauf accord contraire explicite du conseil d’administration’
L’attribution définitive des options et les conditions d’exercice ont été explicitées dans une lettre envoyée à M. [F] le 22 août 2016 en ces termes :
‘Vous pourrez exercer des options d’achat d’actions selon le calendrier détaillé ci-après (le délai de blocage) :
– 25% d’option à la date du 1er anniversaire de la date d’attribution
– la fraction d’options correspondant au nombre de jours effectivement écoulés entre la date du 1er anniversaire de la date d’attribution et le jour de la réalisation de l’Evénement de liquidité
– 100% d’option à la date du 4ème anniversaire de la date d’attribution.
[…]
Une fois que vous aurez acquis définitivement vos options, vous devrez attendre la survenance d’un Evénement de liquidité (rachat de la société, introduction en bourse) pour pouvoir exercer vos options et acquérir des actions de la société. […] Toute option non exercée dans les 10 ans suivant la date d’attribution sera caduque, sans possibilité de report’.
En l’espèce, M. [F] n’a pas exercé son droit de lever les options de souscription d’action à la date du 1er anniversaire.
Du fait de son licenciement, dont il a été jugé ci-avant qu’il reposait sur une faute grave, et en l’état des stipulations contractuelles lesquelles prévoyaient qu’ avant la survenance d’un EDL, les bénéficiaires en période de préavis ou ayant quitté le groupe pour quelque motif que ce soit ne pourront exercer leurs S-O, ceux-ci devenant automatiquement caducs au premier jour du préavis, ou au jour où se situe la rupture du contrat de travail, M. [F] n’a pas été privé indûment de la possibilité d’exercer un droit d’option ultérieurement, aucun événement de liquidité n’étant survenu avant sa mise à pied conservatoire et son licenciement de sorte que ses SO sont devenus caducs.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef.
Il sera ordonné la délivrance au salarié des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.
Tenant la date du jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société, la demande de capitalisation des intérêts, laquelle requiert qu’ils soient dus pour une année entière, ne peut produire effet.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette la mise hors de cause de l’AGS CGEA Ile de France Ouest,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaires au titre des journées de consulting effectuées et en ce qu’il a débouté intégralement le salarié de sa demande en paiement de frais,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe la créance de M. [F] au passif du redressement judiciaire de la société DxO aux sommes suivantes :
– 7 700 euros au titre du rappel de salaire des 10 jours travaillés entre le 6 mai et le 15 juillet 2016 outre 770 euros au titre des congés payés afférents,
– 3 760,31 euros au titre du remboursement de frais professionnels,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à la société DxO de délivrer à M. [F] une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt,
Dit que la créance de nature contractuelle porte intérêt au taux légal, de la date de réception par la société DxO de la convocation devant le conseil de prud’hommes au 7 mars 2018, date du jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société, lequel arrête définitivement, conformément aux dispositions des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
Rejette la demande de capitalisation des intérêts au taux légal,
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA Ile de France Ouest,
Dit que la créance relative à l’article 700 du code de procédure civile n’est pas garantie par l’AGS et n’a pas à être avancée par l’AGS,
Dit que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances ci-dessus fixées, à l’exception de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, que dans les termes et conditions légales et ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le commissaire à l’exécution du plan et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
Confirme le jugement pour le surplus,
Met les dépens d’appel à la charge du passif du redressement judiciaire de la société DxO.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,