Convention collective SYNTEC : 9 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02467

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Convention collective SYNTEC : 9 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02467

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2023

N° RG 20/02467 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UEIZ

AFFAIRE :

S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES

C/

[F] [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Octobre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 16/00960

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Gilles SOREL

Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 15 décembre 2022, puis prorogé au 12 janvier 2023, puis prorogé au 09 février 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES

N° SIRET : 702 012 956

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Frédéric AKNIN de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 substitué par Me Julien BRU, avocat au barreau de PARIS – Représentant : Me Gilles SOREL, Constitué, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 137

APPELANT

****************

Monsieur [F] [U]

né le 25 février 1987 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0242 substitué par Me Thibault GEFFROY, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [U] a été engagé par la société Altran Technologies à compter du 12 septembre 2011 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’ingénieur d’études. En dernier lieu, le salarié exerçait les fonctions d’ingénieur consultant. Le salarié a démissionné et son contrat de travail a pris fin le 30 juin 2017.

La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils, dite Syntec.

Par requête reçue au greffe le 11 avril 2016, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la condamnation de la société Altran Technologies à lui payer diverses sommes.

Par jugement de départage du 2 octobre 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre, section encadrement, a :

– Déclaré inopposable la clause de convention de forfait prévue au contrat de travail de Monsieur [F] [U] ;

– Condamné la SA Altran technologies à payer à Monsieur [F] [U] les sommes de :

– 8 465,58 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires,

– 846,56 euros au titre des congés payés afférents,

– 94,66 euros au titre de la prime de vacances.

Ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2016,

-1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour clause de loyauté illicite,

Cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– Ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile;

– Condamné la SA Altran technologies à payer à Monsieur [F] [U] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la SA Altran technologies aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 3 novembre 2020, la société Altran technologies a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Altran technologies, appelante, demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 2 octobre 2020 en ce qu’il l’a condamnée à payer au salarié des rappels de salaire à titre d’heures supplémentaires, des congés et primes de vacances afférents et des dommages et intérêts pour clause de loyauté illicite ;

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 2 octobre 2020 pour le surplus ;

En conséquence,

Sur les demandes relatives aux heures supplémentaires :

A titre principal :

– Débouter le salarié de sa demande en paiement des heures supplémentaires revendiquées, les heures comprises entre 35 heures et jusqu’à 38,5 heures par semaine ayant d’ores et déjà été rémunérées,

– Subsidiairement, limiter une éventuelle condamnation aux seules majorations pour heures supplémentaires,

A titre subsidiaire :

– Débouter le salarié de sa demande dès lors qu’il ne prouve pas l’existence et/ou le nombre d’heures de travail qu’il prétend avoir réalisés et qu’en tout état de cause, la valorisation faite est erronée,

A titre infiniment subsidiaire :

– Limiter le chiffrage des heures supplémentaires à la somme de 9 115,24 euros bruts ;

En tout état de cause, en cas d’invalidation de la convention de forfait :

– Ordonner le remboursement par le salarié à la société Altran des avantages indument perçus pour un montant de 2 968,85 euros bruts ;

Sur la demande au titre de la clause de loyauté :

– Débouter le salarié de sa demande de dommage et intérêts au titre de la clause de loyauté ;

Sur le dépassement du contingent d’heures supplémentaires :

– Débouter le salarié de sa demande de dommage et intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires ;

En tout état de cause :

– Débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– Condamner le salarié à lui verser la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [F] [U], intimé, demande à la cour de :

– Le recevoir en ses demandes, fins et conclusions et, y faisant droit :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré inopposable la convention de forfait de celui-ci et lui ayant accordé paiement des heures supplémentaires afférentes, outre les congés payés et la prime de vacances ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé comme étant illicite la clause de loyauté insérée dans le contrat de travail ;

– Infirmer le jugement seulement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour absence de repos compensateur suite au dépassement du contingent d’heures supplémentaires ;

En conséquence, statuant de nouveau,

– Constater le non-respect des dispositions de la convention collective syntec (article 3 de l’accord national du 22 juin 1999) pour les salariés relevant des « modalités 2’de’réalisation’de’mission » concernant leurs modalités d’aménagement du temps de travail,

– Prononcer l’inopposabilité de la convention de forfait prévue à son contrat de travail ;

– Dire et juger que la société SA Altran lui est redevable du paiement d’heures supplémentaires majorées à 25 pour cent ;

Et,’en’conséquence,

– Condamner la société SA Altran technologies au paiement des sommes suivantes :

Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2011 : 1 133,66 euros.

Congés payés incidents : 113,37 euros.

Prime de vacances : 11,34 euros.

Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2012 : 2 558,38 euros.

Congés payés incidents : 255,14 euros.

Prime de vacances : 25,51 euros.

Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2013 : 3 351,32 euros.

Congés payés incidents : 335,13 euros.

Prime de vacances : 33,51 euros.

Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2014 : 2 939,40 euros.

Congés payés incidents : 293,94 euros.

Prime de vacances : 29,39 euros.

Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2015 : 2 416,16 euros.

Congés payés incidents : 241,62 euros.

Prime de vacances : 24,16 euros.

Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2016 : 3 020,91 euros.

Congés payés incidents : 302,09 euros.

Prime de vacances : 30,21 euros.

Rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2017 : 1 626,30 euros.

Congés payés incidents : 162,63 euros.

Prime de vacances : 16,26 euros.

Dommages et intérêts pour « clause de loyauté » illicite : 5 000 euros.

Dommages et intérêts pour absence de repos compensateur suite au dépassement du contingent d’heures supplémentaires : 5 000 euros.

Article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros.

– Dire que les sommes porteront intérêt au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 7 du code civil

– Condamner la société Altran technologies aux éventuels dépens article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 28 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures supplémentaires

L’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, conclu en application de la loi du 13 juin 1998, annexé à la convention collective nationale Syntec, et entré en vigueur le 1er janvier 2000 :

– fixe en son chapitre I, article 2, la durée hebdomadaire conventionnelle du travail effectif à 35 heures ;

– prévoit en son chapitre II, article 1er que tous les salariés qui relèvent de son champ d’application voient leur durée hebdomadaire de travail réduite selon les modalités définies ci-après ; que les réductions des horaires seront obtenues notamment en réduisant l’horaire hebdomadaire puis en réduisant le nombre de jours travaillés dans l’année par l’octroi de jours disponibles pris de façon individuelle ou collective ; que trois types de gestion des horaires sont a priori distingués à l’initiative de l’entreprise : modalités standard, dites modalités 1, modalités de réalisation de missions, dites modalités 2, et modalités de réalisation de missions avec autonomie complète, dites modalités 3 ;

– prévoit en son chapitre II, article 2, relatif aux modalités standard (modalités 1) que sauf dispositions particulières négociées par accord d’entreprise, les salariés concernés par les modalités standard ont une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, compte-tenu des modalités d’aménagement du temps de travail évoquées précédemment ; que la réduction de l’horaire de travail effectif doit être telle que leur horaire annuel ne puisse dépasser l’horaire annuel normal; que ce dernier ressort à 1 610 heures pour un salarié à temps plein sur toute la période de douze mois (non compris les heures supplémentaires visées aux chapitres III et IV) ; qu’un accord d’entreprise peut par ailleurs prévoir une durée annuelle inférieure à 1610 heures ; que ces modalités concernent les ETAM et que les ingénieurs et cadres peuvent également relever de ces modalités standard ; que compte-tenu de l’organisation du temps de travail sur l’année (modulation annuelle présentée au chapitre III), la rémunération de ces collaborateurs ne peut être inférieure au salaire brut de base correspondant à un horaire hebdomadaire de 39 heures ou à l’horaire hebdomadaire inférieur effectivement pratiqué à la date de sa signature ;

– institue en son chapitre II, article 4, relatif aux modalités de réalisation de missions avec autonomie complète (modalités 3), applicables aux collaborateurs qui disposent d’une grande latitude dans leur organisation de travail et la gestion de leur temps et bénéficient de la position 3 de la convention collective ou d’une rémunération annuelle supérieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, ou d’un mandat social, un forfait en jours ;

– institue en son chapitre II, article 3, relatif aux modalités de réalisation de missions (modalités 2), applicables aux salariés non concernés par les modalités standards ou les réalisations de missions avec autonomie complète, tous les ingénieurs et cadres étant a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale, d’une part une convention horaire sur une base hebdomadaire de 38h30, soit une variation de + 10% par rapport à l’horaire de 35 heures, avec une rémunération forfaitaire au moins égale à 115% du salaire minimum conventionnel, d’autre part un nombre maximum de 219 jours travaillés dans l’année (220 jours après l’instauration, par la loi n°2004-626 du 30 juin 2004, de la journée de solidarité).

Le contrat de travail de M. [U] stipule :

– en son article 4, durée du travail:

‘Compte tenu de la nature des fonctions du salarié et de l’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son temps de travail, les parties conviennent que le salarié ne peut suivre strictement un horaire prédéfini.

De convention expresse entre les parties, le décompte de temps de travail effectif est prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an en englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10% pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

Le décompte de temps est auto déclaratif et s’effectue dans le respect des procédures en vigueur dans l’entreprise.’

-en son article 5, rémunération:

‘Le salarié percevra un salaire forfaitaire annuel brut de 30 000 € pour les 218 jours travaillés par année civile au titre du forfait.

Cette rémunération annuelle forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10% pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

La rémunération annuelle lissée sur 12 mois de l’année ne sera pas affectée par ces variations et correspondra à une rémunération mensuelle brute de 2 500 €.’

Les stipulations du contrat de travail de M. [U], qui s’analysent en une convention horaire sur une base hebdomadaire de 38h30, représentant une variation de + 10% par rapport à l’horaire de 35 heures, avec une rémunération forfaitaire au moins égale à 115% du salaire minimum conventionnel, et un nombre de 218 jours travaillés dans l’année, s’inscrivent dès lors parfaitement dans le cadre des modalités 2 de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, prévoyant un forfait en heures assorti d’un nombre de jours travaillés dans l’année, dans la limite d’un nombre maximal de 219 jours de travail par an, porté à 220 jours à compter de l’entrée en vigueur de la loi n°2004-626 du 30 juin 2004 instaurant la journée de solidarité, et ne constituent pas, comme le prétend l’employeur, une simple convention de forfait hebdomadaire en heures telle que prévue par l’article L. 3121-38 du code du travail.

Les bulletins de paie délivrés au salarié, qui mentionnent expressément comme modalité ‘Cadre 38h30 218 jours’ jusqu’au mois de juin 2013, puis ‘ 2A-Cadre 38h30 218j’ à partir du mois de juillet 2013 et indiquent l’acquisition et la prise de JRTT, confirment que l’employeur lui appliquait effectivement les modalités 2, réalisation de missions, de la convention collective Syntec.

L’application des modalités 2 étant subordonnée par l’article 3 du chapitre II de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail à la condition que la rémunération du salarié soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale et la rémunération de M. [U] étant inférieure à ce plafond, l’intéressé n’était pas éligible à ces modalités.

La clause du contrat de travail prévoyant un forfait en heures assorti d’un nombre de jours travaillés dans l’année est dès lors inopposable à M. [U]. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

M. [U] revendique, selon son décompte, une somme totale de 17 046,13 euros, représentant le paiement au taux majoré de 25% des 3,5 heures supplémentaires de travail qu’il prétend avoir effectuées chaque semaine au-delà de 35 heures jusqu’à 38h30 sans en avoir reçu paiement, après déduction de la somme totale de euros perçue au titre des RTT.

La société Altran Technologies demande à la cour, à titre principal, de débouter M. [U] de l’intégralité de sa demande, à titre subsidiaire de limiter une éventuelle condamnation aux seules majorations pour heures supplémentaires, à titre encore plus subsidiaire de considérer que le salarié ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaire effectuées, à titre infiniment subsidiaire, si elle retenait l’existence des heures supplémentaires revendiquées et leur absence de paiement, de limiter le chiffrage des heures supplémentaires à la somme de 9 115,24 euros bruts.

Aucune convention de forfait ne lui étant opposable, le salarié est bien fondé à revendiquer le paiement, avec une majoration de 25 %, des heures supplémentaires effectivement accomplies, à la demande de son employeur, décomptées selon le droit commun.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En alléguant qu’il travaillait 38,5 heures par semaine, M. [U] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies. Ce temps de travail correspond d’ailleurs à celui mentionné par l’employeur sur ses bulletins de paie jusqu’en décembre 2015. L’employeur, tenu d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, s’est abstenu, en violation de l’obligation qui lui était faite, de procéder à l’enregistrement de l’horaire accompli par le salarié et ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci et à remettre en cause son respect de l’horaire de 38,5 heures par semaine mis en place dans l’entreprise. Cette justification ne peut résulter de la mention ‘1N-cadre 35 heures’ portée, pour une rémunération identique, sur les bulletins de paie du salarié à compter de janvier 2016, ces derniers étant établis unilatéralement par l’employeur. La preuve de l’accomplissement par M. [U] d’heures supplémentaires est dès lors rapportée, dont il appartient à la cour d’évaluer l’importance.

La cour constate que le salarié était rémunéré sur la base d’un temps de travail de 35 heures par semaine en moyenne sur l’année, à raison de 38,5 heures de travail par semaine dans la limite de 218 jours de travail par an, de sorte qu’il bénéficiait pour une année complète, sur une base annuelle de 47 semaines travaillées compte-tenu d’un droit à congés payés de 5 semaines, pour un nombre de jours travaillés réduit à 218 jours par an, de jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail (RTT), dont le nombre exact variait en fonction du nombre de jours chômés dans l’année. Contrairement à ce que l’employeur soutient, les heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures jusqu’à 38,5 heures par semaine n’étaient pas incluses dans la rémunération mensuelle de base lissée sur l’année versée à l’intéressé, mais avaient pour contrepartie l’attribution de jours de RTT.

Le salarié a droit dès lors au paiement d’un rappel de salaire pour les heures non payées accomplies au-delà de 35 heures par semaine, avec la majoration légale de 25% dès lors que ces heures constituent des heures supplémentaires.

Selon l’article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l’article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés. Les jours fériés et les jours d’arrêt maladie, même s’ils donnent lieu au maintien du salaire à 100%, ne peuvent, en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu’ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l’assiette de calcul des droits à majoration pour heures supplémentaires. En revanche, les congés payés doivent être inclus dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, au regard de l’interprétation qui doit être faite de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, lu à la lumière de l’article 31, paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

M. [U] ne pouvant cumuler l’indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue au cours de la période de référence et le montant de la rémunération qu’il aurait perçue pendant la période de congé s’il avait continué à travailler, mais seulement prétendre à celle qui lui est la plus favorable, les jours de congés payés ne donneront pas eux-mêmes droit à rappel de salaire mais seront pris en compte au titre des congés payés afférents.

Le salarié est bien fondé à prétendre, en application de l’article 31 de la convention collective, à un rappel de prime de vacances calculé sur la base de 1% du rappel d’indemnité de congé payés.

Le chiffrage proposé à titre infiniment subsidiaire par l’employeur, soit la somme de 9 115,24 euros bruts, correspond, selon le décompte produit, à la somme revendiquée par le salarié dont il déduit la somme de 7930,89 euros brut correspondant à l’absence de majoration applicable en cas de semaine incomplète.

L’absence du salarié au cours d’une seule journée dans la semaine, sauf s’il s’agissait d’un jour de congés payés, avait pour effet que son temps de travail de la semaine ne dépassait pas 35 heures, de sorte qu’il n’ouvrait pas droit à majoration pour heures supplémentaires.

Au vu des pièces produites par les deux parties, il convient de retenir le contre-chiffrage de l’employeur comme exact, d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Altran Technologies à payer à M. [U] la somme de 9 115,24 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, laquelle est calculée déduction faite des sommes indûment perçues au titre des jours de RTT, la somme de 911,52 euros brut au titre des congés payés afférents ainsi que la somme de 91,15 euros brut au titre de la prime de vacances afférente.

Sur les contreparties obligatoires en repos

Selon l’article L. 3121-11 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

Selon l’article D. 3121-14-1 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2008-1132 du 4 novembre 2008, en l’absence d’accord collectif, le contingent annuel d’heures supplémentaires prévu à l’article L. 3121-11 est fixé à 220 heures par salarié.

Selon les dispositions de l’article 2 du chapitre IV de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale Syntec, lorsque les organisations du travail retenues dans les entreprises conduisent à organiser le temps de travail sur l’année, les parties signataires conviennent que le contingent d’heures supplémentaires est fixé à 90 heures par an et par salarié. Le temps de travail de M. [U] n’étant pas annualisé, la modulation annuelle présentée au chapitre III ne lui étant pas applicable, l’intéressé ne peut se prévaloir de ces dispositions et le contingent qui lui est applicable est le contingent réglementaire de 220 heures.

Le salarié n’ayant pas effectué plus de 3,5 heures supplémentaires par semaine, n’a pas accompli d’heures supplémentaires au-delà de 220 heures par an. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires.

Sur les RTT

La convention de forfait étant inopposable à M. [U], le paiement des jours de RTT est indu. Toutefois, cette somme ayant déjà été déduite du montant du rappel de salaire pour heures supplémentaires auquel il pouvait prétendre, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Altran Technologies de sa demande en paiement d’une somme à ce titre.

Sur la clause dite de loyauté

M. [U] soutient que la clause de loyauté stipulée dans son contrat de travail, constitue une clause nulle comme étant illicite, s’agissant d’une clause de non-concurrence déguisée, sans limite dans le temps et ne donnant lieu à aucune contrepartie financière.

Le contrat de travail de M. [U] stipule, d’une part, en son article 9, une clause de non-concurrence assortie d’une contrepartie financière, et, d’autre part, en son article 10, une clause de loyauté rédigée comme suit :

‘Dans le cadre de son activité salariée au sein du Groupe Altran, le salarié s’engage à toujours agir de manière loyale et de bonne foi dans l’exécution de son contrat de travail.

Le salarié s’engage expressément à ne pas porter préjudice au Groupe, par son comportement ou de toute autre manière.

Au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients de la société, le salarié s’engage à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client, en vue de négocier son éventuelle embauche, conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté.

Dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail ou au terme de celui-ci, le salarié s’interdit d’utiliser, à titre personnel ou pour le compte d’une société, concurrente ou non, les informations obtenues ou les contacts établis dans le cadre de ses fonctions.

Dans le cadre de son contrat de travail ou au terme de celui-ci, le salarié s’interdit également d’agir de sorte à constituer envers la société Altran Technologies ou plus généralement le groupe Altran, une concurrence déloyale.

De ce fait, au terme de son contrat de travail avec la société Altran Technologies, le salarié ne dénigrera pas les prestations réalisées ou la politique de son ancien employeur, n’effectuera pas de confusion volontairement entretenue entre l’ancienne et la nouvelle entreprise, ne détournera pas la clientèle de la société Altran Technologies, ne débauchera pas les salariés de la société Altran Technologies, cette liste étant non exhaustive.’

Cette clause, qui n’a pas seulement pour objet d’empêcher le salarié de commettre des actes de concurrence déloyale, mais a pour effet de limiter sa liberté du travail en lui interdisant, après le terme du contrat de travail, pour une période illimitée et sans contrepartie, d’utiliser, à titre personnel ou pour le compte d’une société, concurrente ou non, les contacts établis dans le cadre de ses fonctions, constitue une clause illicite. Cette clause est en conséquence nulle.

M. [U], qui revendique le paiement de dommages-intérêts pour clause illicite, soutient que cette clause lui a nécessairement causé un préjudice.

Le salarié ne rapportant pas cependant la preuve de l’existence d’un préjudice certain dont il aurait personnellement souffert, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les intérêts

Les créances salariales produisent de plein droit intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit en espèce à compter du 22 avril 2016, ou à compter de la date de la demande qui en a été faite pour celles échues postérieurement. Il n’y a pas lieu de fixer le point de départ des intérêts de ces créances à une date antérieure.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société Altran Technologies, qui succombe partiellement à l’instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de ses demandes d’indemnités fondées sur l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles que celui-ci a exposés en cause d’appel, en sus de la somme de 1 000 euros allouée à l’intéressé par le conseil de prud’hommes pour les frais exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 2 octobre 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [F] [U] les sommes suivantes :

*9 115,24 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires après déduction des sommes indûment perçues au titre des jours de RTT ;

*911,52 euros brut au titre des congés payés afférents ;

*91,15 euros brut au titre de la prime de vacances afférente ;

Dit que ces sommes produisent intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2016 ou à compter de la date de la demande qui en a été faite pour celles échues postérieurement ;

Déboute M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour clause de loyauté illicite ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d’appel ;

Déboute la société Altran Technologies de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel ;

Condamne la société Altran Technologies aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, présidente et par Madame Sophie RIVIERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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