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Convention collective SYNTEC : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00863

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Convention collective SYNTEC : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00863

N° RG 20/00863 – N° Portalis DBV2-V-B7E-INN4

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 16 Janvier 2020

APPELANTES :

SELARL MJ SYNERGIE ès qualités de Mandataire liquidateur de la SAS ALPA CHIMIES, représentée par Me Bruno WALCZAK

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Christophe SOLIN de la SELARL CABINET CHRISTOPHE SOLIN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie-line DOBSIK, avocat au barreau de LYON

SELARLU [Y] ès qualités de Mandataire liquidateur de la SAS ALPA CHIMIES, représentée par Me [P] [Y], succédant à Me [X] [D]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Christophe SOLIN de la SELARL CABINET CHRISTOPHE SOLIN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie-line DOBSIK, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur [O] [K]

[Adresse 1]

[Localité 8]

représenté par Me Hélène QUESNEL de la SELARL MOLINERO QUESNEL STRATEGIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sandra MOLINERO, avocat au barreau de ROUEN

Association DELEGATION UNEDIC CGEA DE CHALON SUR SAONE

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Guillaume DES ACRES DE L’AIGLE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 29 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 29 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Septembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 08 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [O] [K] a été engagé par la ville de [Localité 9] en qualité de technicien de laboratoire en bactériologie par contrat de travail à durée déterminée du 19 octobre 1992 d’une durée d’un an, prolongée par avenants successifs, puis par contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 2001.

En 2002, le laboratoire de la ville de [Localité 9] a été privatisé et repris par la Société ETSA puis par la société ALPA Chimies en 2015.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils (CICF-SYNTEC).

Le licenciement pour faute grave a été notifié au salarié le 25 septembre 2015.

Par requête initiale du 14 janvier 2016 réinscrite après radiation le 14 mars 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation de son licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et d’indemnités.

Suivant jugement du 12 septembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société ALPA Chimies et, par jugement du 12 décembre 2018, a adopté un plan de cession. Par jugement du 31 janvier 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société ALPA Chimies en désignant la SELARL MJ Synergie-Mandataires Judiciaires représentée par M. [B] [A] et M. [D] [E] en qualité de liquidateurs judiciaires.

Suivant jugement du 16 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de M. [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ALPA Chimies aux sommes suivantes :

indemnité de préavis : 5 542,56 euros,

indemnité de congés payés sur préavis : 554,26 euros,

indemnité de licenciement : 27 712,80 euros,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 000 euros,

rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire : 2 638 euros,

congés payés y afférents : 263,80 euros,

indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,

-débouté M. [K] de sa demande de rappel au titre de la participation de l’employeur concernant les tickets restaurant, fixé les dépens de l’instance au passif de la liquidation judiciaire.

La SELARL MJ Synergie, ès qualités, et la SELARLU [Y], venant aux droits de M. [D], en leur qualité de mandataire liquidateurs de la société ALPA Chimies ont interjeté appel de cette décision le 18 février 2020.

Par conclusions remises le 9 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [Y], ès qualités, demandent à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant débouté M. [K] de ses demandes, statuant à nouveau, dire que M. [K] a commis une faute grave et en conséquence le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, condamner M. [K] à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions remises le 13 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [O] [K] demande à la cour de débouter la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [Y], ès qualités, de toutes leurs demandes, débouter le CGEA de Chalon sur Saône de ses demandes, le recevoir en son appel incident et le déclarer bien fondé, confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande concernant les tickets restaurant, statuant à nouveau, dire que les tickets restaurant constituaient un avantage individuel acquis, en conséquence, mettre au passif de la société ALPA Chimies une somme de 245, 22 euros nets à titre de rappel de la participation de l’employeur pour les tickets restaurant, y ajoutant, mettre au passif de la société ALPA Chimies une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 de code de procédure civile, en cause d’appel, déclarer l’arrêt opposable au CGEA et à l’AGS.

Par conclusions remises le 17 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l’Unedic délégation AGS- CGEA de Chalon sur Saône demande à la cour, à titre principal, d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande au titre de la participation employeur sur les titres restaurant, statuant à nouveau, dire le licenciement comme bien fondé et débouter, en conséquence, M. [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

-à titre subsidiaire, réduire dans les plus amples proportions le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourraient être alloués à M. [K], mettre l’AGS hors de cause en ce qui concerne la demande de M. [K] au titre de la participation employeur sur les titres restaurant,

-en toute hypothèse, donner acte au CGEA de ses réserves et statuer ce que de droit quant à ses garanties, déclarer la décision opposable au CGEA et à l’AGS dans les limites de la garantie légale, dire que la garantie de l’AGS n’a qu’un caractère subsidiaire et lui déclarer la décision opposable dans la seule mesure d’insuffisance de disponibilités entre les mains des mandataires judiciaires, dire que les demandes présentées quant à la participation employeur au titre des tickets restaurant et sur le paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile n’entrent pas dans le champ d’application des garanties du régime, dire que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-18, L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, dire qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail, dire que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’association concluante.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre des tickets restaurant

Sur le fondement de l’article L. 2261-13 du code du travail, M. [K] sollicite le paiement de 67 jours travaillés durant lesquels la société ALPA Chimies aurait dû participer à hauteur de 3,66 euros par jour au titre des tickets restaurant, soit une somme de 245,22 euros nets.

Les liquidateurs s’opposent à cette demande au motif que l’accord collectif du 25 mai 2010 n’a pas le même objet que l’engagement unilatéral à l’origine de l’octroi des tickets restaurants et que ces derniers ne constituent pas un avantage individuel acquis.

Aux termes de l’article L. 2261-13 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque la convention ou l’accord qui a été dénoncé n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis, en application de la convention ou de l’accord, à l’expiration de ce délai. Lorsqu’une stipulation prévoit que la convention ou l’accord dénoncé continue à produire ses effets pendant un délai supérieur à un an, les dispositions du premier alinéa s’appliquent à compter de l’expiration de ce délai.

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler, d’une part, qu’un accord collectif peut se substituer à un engagement unilatéral ou à un usage dès lors qu’il a le même objet, que l’avantage individuel acquis est celui qui, au jour de la dénonciation de l’accord collectif, procure au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficie à titre personnel et correspond à un droit déjà ouvert et non un droit simplement éventuel, et que la structure de la rémunération constitue un avantage individuel acquis incorporé au contrat de travail au jour où la convention ou l’accord collectif dénoncé a cessé de produire ses effets.

En l’espèce, il est constant que l’avantage tickets restaurant résultait initialement d’un engagement unilatéral de l’employeur. L’objet de l’accord d’entreprise du 25 mai 2010 qui prévoit un accroissement de la part de l’employeur dans la prise en charge des tickets restaurant et une revalorisation des indemnités de repas versées aux salariés des services de prélèvement comprend nécessairement le principe même de l’octroi de ces avantages. Il s’en suit que l’octroi de tickets restaurant en partie pris en charge par l’employeur résulte d’un accord collectif.

Par ailleurs, aucun nouvel accord n’étant intervenu dans le délai d’un an à compter de l’expiration du préavis de dénonciation de l’accord du 25 mai 2010, les salariés ont conservé les avantages individuels qu’ils ont acquis en application de l’accord dénoncé, conformément à l’article L. 2261-13 du code du travail sus-visé.

Or, contrairement à ce que soutient l’employeur, les tickets restaurant constituent bien des droits individuels en ce qu’ils profitent en propre au salarié sans nécessairement profiter à la collectivité des salariés ainsi que des droits ouverts et non éventuels en ce que les salariés en bénéficiaient déjà au jour de la dénonciation de l’accord. Au demeurant, l’octroi de tickets restaurant constitue un avantage en nature, élément de la rémunération au sens large qui s’est incorporé au contrat de travail et qui ne peut être remis en cause par l’employeur sans l’accord du salarié.

En conséquence, et dans la mesure où il n’est pas contesté que la part revenant à l’employeur est de 3,66 euros par ticket restaurant, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande présentée par M. [K] à ce titre à hauteur de 245,22 euros nets correspondant à 67 jours travaillés sur la période allant du 25 juin 2015 au 25 septembre 2015, date du licenciement.

Sur le licenciement

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie, exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

L’article L. 1235-1 du même code précise qu’à défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 25 septembre 2015, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

‘Lors de l’entretien du 22 septembre 2015 auquel vous vous êtes présenté assisté de Monsieur [W] [N] nous vous avons demandé de vous expliquer quant aux éléments nous indiquant la non réalisation et la falsification d’analyses de Listeria monocytogènes sur des produits alimentaires.

Lors de cet entretien, vous nous avez dit réaliser les analyses de Listeria monocytogènes, mais ne pas les réaliser toutes les étapes selon vos dires. A savoir, vous nous avez avoué :

– peser 25 g de produit mais ne pas réaliser la dilution au 1/10ème en fraser demi. Dans certains cas vous ajoutiez le quart de la quantité requise, des fois d’autres quantités.

– diviser les tubes de Fraser en 4 alors que la norme pour la recherche de Listeria monocytogènes ISO 11290-1 prévoit l’utilisation d’une boîte de Palcam ou Oxford + 1 boîte d’ALOA (ou équivalent) par échantillon

– diviser la boîte de la seule voie (oxford ou Palcam) que vous réalisez en 4 pour y isoler 4 échantillons alors même que la norme pour la recherche de Listeria monocytogène ISO 11290-1 indique qu’il faut isoler un échantillon par boîte et ce sur 2 voies.

Vous nous indiquez également réaliser cette pratique couramment au laboratoire et ce sans en informer votre hiérarchie.

Nous sommes malheureusement au regret de constater qu’en plus de ne pas respecter les procédures, vous nous avez délibérément menti lors de votre rendez-vous avec Messieurs [I] et [R], puisque ce jour-là, vous nous avez affirmé non sans aplomb que vous respectiez scrupuleusement les procédures. Vous cachez votre mensonge sous le registre de la peur d’avouer que vous ne respectiez pas les procédures, ce qui montre une réelle absence de prise de conscience de votre part quant à la gravité de la situation rencontrée.

Dès lors, de telles pratiques sont intolérables au laboratoire. En effet, ces dernières peuvent mettre en danger la santé publique puisque vous altérez les résultats d’analyses qui de ce fait s’en trouvent falsifiés. Ces pratiques pouvant entraîner la libération de lots de produits alimentaires potentiellement contaminés en Listeria monocytogènes, bactérie hautement pathogène, pouvant provoquer le décès d’une personne.

De tels faits mettant en péril toute l’activité de la société qui vous emploie, ne nous permettent plus à ce jour de vous maintenir au sein des effectifs de notre société.’

M. [K] ne conteste aucunement la matérialité des faits, mais soutient que ces agissements ne peuvent constituer une faute qui lui est imputable, puisqu’il s’agit d’une pratique imposée par le manque de stocks de consommables nécessaires pour la réalisation des analyses en raison des délais d’approvisionnement de plus en plus longs, notamment à cause du non paiement des fournisseurs par l’employeur, l’arrivée massive d’échantillons non planifiés ainsi que le caractère impératif des brefs délais d’analyses, situation dont sa hiérarchie avait parfaitement connaissance et qui avait fait l’objet d’échanges réguliers, de sorte que cette pratique non conforme aux normes ne peut lui être imputée.

A ce titre, il convient de relever que l’employeur produit lui-même l’attestation de M. [K] rédigée dans le cadre de la procédure de licenciement d’une de ses collègues du même service, salariée protégée dont le licenciement n’a pas été autorisé, qui est conforme à ce qu’il soutient dans le cadre de la présente instance à savoir qu’il évoque la difficulté de gestion des stocks de consommables utilisés pour les tests. A ce titre, certes, il est exact qu’il indique que ‘c’est pour cela que certaines entorses analytiques aux normes sont pratiquées. Ces pratiques sont réfléchies et à mon sens sans impact sur les résultats du fait de notre expérience et de la connaissance des produits NUTRISET notamment leur faible contamination en flore interférente’ ; mais, néanmoins, il poursuit comme suit : ‘ j’ai souvent évoqué et échangé avec les différentes hiérarchiques sur ces problèmes en leur exposant les problématiques et les réponses à apporter. Elle nous apportaient toujours leur confiance et comptaient sur nos expériences et compétences professionnelles pour toujours être réactifs, efficaces, pour la satisfaction du client.’

Or, alors que la charge de la preuve pèse sur l’employeur, force est de constater qu’aucune des pièces produites par ce dernier ne vient remettre en cause le fait que les faits reprochés à M. [K] constituaient une pratique courante connue et validée par sa hiérarchie afin de pouvoir respecter les délais imposés par les analyses commandées par les clients.

Ainsi, les attestations de M. [I], responsable hiérarchique de M. [K], ne viennent nullement contredire cette situation, puisqu’il se contente d’évoquer l’enquête interne qui aurait été déclenchée au mois d’août 2015 par le directeur à la suite d’un échange avec un client qui lui aurait fait part de ses doutes sur la qualité des tests réalisés. Au demeurant, l’existence de cet échange ou de tout autre plainte d’un client sur la qualité des tests réalisés n’est aucunement établi.

De même, l’employeur échoue à rapporter la preuve de l’absence de difficultés d’approvisionnement en consommables dénoncés par M. [K]. En effet, les liquidateurs produisent aux débats une attestation datée du mois de septembre 2015 de la même société Oxiod qui précise dans des termes génériques et peu circonstanciés qu’elle ‘n’a pas rencontré de difficultés pour livrer le laboratoire de [Localité 9] en milieux de culture (hormis les lames de surface) depuis 2011″. Toutefois, non seulement, cet unique document est insuffisant pour rapporter la preuve d’une absence de difficultés d’approvisionnement, étant fait observer qu’il n’est versé aucun bon de commande ni aucun bon de livraison démontrant la véracité de cette allégation, mais surtout, il est contredit par le mail produit par M. [K] aux termes duquel, au mois d’août 2015, la société Oxiod l’informe de la rupture de stocks de plusieurs produits commandés avec leur nom, leur référence et leur quantité et lui donne une date prévisible de réception de la commande.

De surcroît, cette situation est confirmée par les nombreux témoignages de salariés de la société produits aux débats par M. [K] qui confirme tous les difficultés d’approvisionnement et les conditions de travail dégradées liées également à l’absence d’entretien du matériel et des locaux en raison du non-paiement des prestations par leur employeur.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, s’il est incontestable que M. [K] n’a pas respecté les normes d’analyses pour les recherches de Listeria monocytogènes qui lui étaient confiées dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, cette situation ne résulte aucunement d’une initiative personnelle et fautive, mais au contraire d’une pratique imposée par les conditions matérielles dégradées fournies par son employeur, ce dont ce dernier avait, de surcroît, parfaitement connaissance. Dans ces conditions, aucune faute grave, ni cause réelle et sérieuse de licenciement ne peut être imputée à M. [K].

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement de M. [K] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

– Sur le rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire

La convocation à l’entretien préalable en vue de son licenciement délivrée à M. [K] le 11 septembre 2015 mentionne une mise à pied à titre conservatoire jusqu’à décision définitive à intervenir.

Toutefois, il résulte de l’examen du bulletin de salaire du mois de septembre 2015 que cette mise à pied conservatoire n’a pas donné lieu à retenue sur salaire, le salaire de M.[K] ayant été intégralement versé pour l’ensemble du mois de septembre 2015, à l’exception d’une journée d’absence non rémunérée du 2 septembre 2015 qui n’est pas contestée par le salarié.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter M. [K] de sa demande à ce titre.

– Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, le salarié qui justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus de plus de deux ans a droit à un préavis de deux mois. La convention collective applicable ne comporte pas de dispositions plus favorables en la matière.

En l’espèce, M. [K] ayant plus de deux ans d’ancienneté, il peut prétendre au versement d’une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire d’un montant de 2 638 euros, l’employeur contestant à raison le montant retenu par les premiers juges, dès lors que l’indemnité de préavis s’apprécie au regard de la rémunération qu’il aurait perçu s’il avait travaillé, ainsi qu’aux congés payés y afférents de 10 %, soit une somme totale de 5 276 euros, outre la somme de 527,60 euros au titre des congés payés y afférents. Le jugement est donc infirmé sur ce point.

– Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

L’article 19 de la convention collective SYNTEC, plus favorable au salarié que les dispositions légales en vigueur lors de la rupture du contrat de travail, prévoit pour les ETAM que ‘l’indemnité de licenciement se calcule en mois de rémunération sur les bases suivantes :

– pour une ancienneté acquise entre 2 ans et 20 ans : 0,25 mois par année de présence ;

– à partir de 20 ans d’ancienneté : 0,30 mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de 10 mois.

Le mois de rémunération s’entend dans le cas particulier comme le douzième de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l’horaire normal de l’entreprise et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l’indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.’

En application de cette disposition et sur la base d’un salaire mensuel moyen de 2 987,70 euros et d’une ancienneté de 23 ans et un mois, il revient au salarié une indemnité d’un montant de (20 x 2 987,70 x 0,25) + (3 x 2 987,70 x 0,3) + (0,3 x 2 987,70 /12) = 17 702,12 euros.

Le jugement est infirmé de ce chef.

– Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [K] ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant de manière habituelle plus de onze salariés, il est fondé à obtenir réparation du préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au présent litige.

En considération de son ancienneté de vint trois ans, de son âge au moment de la rupture du contrat de travail comme étant né le 10 décembre 1971 (44 ans), de son salaire mensuel moyen de 2 987,70 euros, des circonstances de la rupture, de ce qu’il a retrouvé un emploi de chauffeur de bus au salaire moindre et ne correspondant pas à sa qualification professionnelle au mois de février 2016, il y a lieu d’allouer à ce titre à M. [K] une somme de 42 000 euros.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ALPA Chimies le remboursement aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de huit jours d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.

Sur la garantie de l’AGS

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l’AGS doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles, et dans la limite des plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et ce y compris pour la demande au titre des tickets restaurants dont la nature de créance salariale n’est ni contestable ni sérieusement contestée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [Y] en qualité de mandataires liquidateurs de la société ALPA Chimies aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de les débouter de leur demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros sur ce même fondement pour les frais générés non compris dans les dépens en appel, en sus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [O] [K], a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société ALPA Chimies, la créance de M. [O] [K] aux sommes suivantes :

rappel de la participation de l’employeur au

coût des tickets restaurant : 245,22 euros nets

indemnité compensatrice de préavis : 5 276,00 euros

congés payés afférents : 527,60 euros

indemnité conventionnelle de licenciement : 17 702,12 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 42 000,00 euros

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société ALPA Chimies la créance au titre du remboursement aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. [O] [K] dans la limite de huit jours d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;

Dit que l’Unedic délégation AGS CGEA de Chalon sur Saöne sera tenue à garantie pour ces sommes dans les conditions définies par les articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles ;

Condamne la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [Y], ès qualités, à payer à M. [O] [K] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [Y], ès qualités de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL MJ Synergie, et la SELARLU [Y], ès qualités, aux entiers dépens de première d’instance et d’appel.

La greffièreLa présidente

 


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