8 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02148
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 JUIN 2023
N° RG 21/02148 –
N° Portalis DBV3-V-B7F-UTXG
AFFAIRE :
[D] [R]
C/
S.A.S. EUROGROUP CONSULTING FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE
N° Section : AD
N° RG : 20/00378
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sarah BACHELET
Me Claire LAVERGNE de l’ASSOCIATION DELORME
Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [D] [R]
née le 11 Octobre 1981 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Sarah BACHELET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 280
APPELANTE
****************
S.A.S. EUROGROUP CONSULTING FRANCE
N° SIRET : 323 912 998
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Claire LAVERGNE de l’ASSOCIATION DELORME, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: K0161
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Madame Régine CAPRA, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
Mme [D] [R] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2017 par la société Eurogroup consulting France en qualité de chargée des moyens généraux au sein du service fonctionnement. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale Syntec.
Madame [R] a été placée en arrêt maladie du 10 au 24 septembre 2018, celui-ci a été prolongé à deux reprises jusqu’au 29 octobre 2018.
Par courrier recommandé du 15 octobre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire, qui s’est tenu le 24 octobre 2018 et qui a été suivi de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 29 octobre 2018.
Par requête reçue au greffe le 20 décembre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la requalification de son licenciement en licenciement nul et le versement de diverses sommes, puis l’affaire a été renvoyée devant le conseil de prud’hommes de Saint-Germain en Laye suite à une ordonnance du Premier Président de la Cour d’appel de Versailles en date du 26 juin 2020.
Par jugement du 26 mai 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain en Laye a :
– dit que le licenciement pour faute grave de Madame [D] [R] était justifié ;
– débouté Madame [D] [R] de l’intégralité de ses demandes ;
– débouté la Sas Eurogroup Consulting France de sa demande an titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– laissé à la charge de Madame [D] [R] les dépens éventuels.
Par déclaration au greffe du 3 juillet 2021, la salariée a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 22 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :
infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Saint Germain en Laye en date du 26 mai 2021 en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes
et, statuant à nouveau,
à titre principal :
– dire et juger que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié est nul car prononcé en violation d’une liberté fondamentale ;
en conséquence :
– condamner la société Eurogroup Consulting Sas au paiement des sommes suivantes :
2 542 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,
254 euros au titre des congés payés afférents,
795 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement,
1 105,22 euros bruts au titre de rappel de salaire pour mise à pied à titre conservatoire du 15 au 29 octobre 2018,
15.252 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul
en tout état de cause :
– dire et juger que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence :
– condamner la société Eurogroup Consulting SAS au versement des sommes suivantes :
2 542 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,
254 euros au titre des congés payés afférents,
795 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement,
1 105,22 euros bruts au titre de rappel de salaire « pour mise à pied à titre conservatoire du »,
5 084 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
mais également :
– condamner la société Eurogroup Consulting Sas au paiement d’un rappel de salaire d’un montant de 6 197,5 euros correspondant aux 248 heures supplémentaires effectuées du 1er septembre 2017 au 10 septembre 2018 non rémunérées et non récupérées outre la somme de 619 euros au titre des congés payés afférents ;
– condamner la société Eurogroup Consulting Sas au paiement de la somme de 1 000 euros au titre du préjudice distinct en réparation de l’absence de rémunération des heures supplémentaires ;
– condamner la société Eurogroup Consulting Sas au paiement de la somme de 15 252 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
– condamner la société Eurogroup Consulting Sas au paiement d’un rappel de salaire d’un montant de 1 352,13 euros correspondant à l’intéressement contractuellement prévu outre la somme de 135euros au titre des congés payés afférents ;
– condamner la société Eurogroup Consulting Sas au paiement de la somme de 15 252 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;
– condamner la société Eurogroup Consulting Sas au paiement de la somme de 15 252 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier distinct de la perte d’emploi ;
– ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;
– dire et juger que l’ensemble des indemnités versées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente saisine ;
– condamner la société au versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société aux dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas Eurogroup Consulting France demande à la cour de :
– dire et juger que le licenciement pour faute grave est justifié et est intervenu dans des conditions exclusives de toute vexation ;
– dire et juger que Madame [R] n’a pas effectué d’heures supplémentaires non rémunérées;
– dire et juger qu’elle ne s’est pas rendue coupable de travail dissimulé ;
en conséquence,
– débouter Madame [R] de l’intégralité de ses demandes,
y ajoutant :
– condamner Madame [R] à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Madame [R] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 27 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, la salariée indique : qu’elle était contrainte d’arriver à 9 heures au plus tard le matin et qu’elle ne pouvait pas quitter son poste, sauf à de très rares exceptions, avant 18 heures, des départs à 19 heures voire 20 heures étant fréquents ; qu’elle a alors mentionné ses horaires quotidiens sur l’agenda qu’elle produit aux débats ; qu’il n’existait aucun dispositif de comptabilisation de son temps de travail au sein de l’entreprise ; que ses bulletins de paie ne mentionnent aucune heure supplémentaire ni aucune récupération ou Rtt ; qu’un collègue ayant travaillé dans son service du 6 octobre 2017 au 22 décembre 2017 et du mois d’avril 2018 au 29 juin 2018 témoigne de sa présence à son poste lorsqu’il arrivait à 9 heures et quand il quittait le sien à 17 heures ; qu’elle a ainsi accompli 248heures supplémentaires entre le 1er septembre 2017 et le 23 juillet 2018.
Au vu de ces éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée estime avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement, celui-ci, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, soutient que le temps de travail étant annualisé suivant un forfait en heures, limité à 1607 heures travaillées par an sur 214 jours travaillés, les salariés travaillaient 7,5 heures par jour, soit 37,5 heures par semaine dont 2,5 heures supplémentaires qu’il prétend avoir été compensées par l’octroi de jours de Rtt sans en justifier. Il ne démontre pas non plus l’enregistrement des horaires réalisés par la salariée par un procédé fiable que ne saurait suppléer le tableau informatique qu’il indique avoir forgé à partir d’heures d’ouverture et de fermeture de sessions sur le serveur de l’entreprise. Il fait valoir la non prise en compte de pauses déjeuner que la salariée critique mais seulement en ce qu’elle aurait été empêchée de les prendre avec l’un de ses collègues.
Considérant les éléments apportés de part et d’autre, il y a lieu d’allouer à la salariée un rappel de salaire d’un montant brut de 921,36 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 92,14 euros bruts de congés payés afférents.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires
Faute de justifier d’un préjudice indépendant du retard dans le paiement des heures supplémentaires, la salariée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre.
Sur le travail dissimulé
La salariée argue d’une résistance abusive de l’employeur qui persiste à nier l’existence d’heures supplémentaires sans toutefois caractériser l’intention de ce dernier de dissimuler de l’emploi alors que la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5, 2° du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute la salariée de sa demande formée de ce chef.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement énonce :
« ‘Nous vous rappelons le contexte contractuel :
Quelques mois après votre intégration en contrat à durée indéterminée, nous avions déjà été quelque peu alertés par votre changement de comportement et votre attitude sèche voire autoritaire envers certains collaborateurs, radicalement incompatible avec votre poste, par essence orientée service client.
En février, Monsieur [K] [G] DSI en charge du Fonctionnement, m’alertait de problèmes rencontrés au sein de cette équipe et des difficultés face à votre comportement. Une réunion de recadrage avait été nécessaire en présence de Madame [Y], Directeur de notre compte client auprès de la société de prestation de service, entre vous et Monsieur [P] [S], prestataire au sein du Fonctionnement.
En juin, j’ai été sollicitée par votre responsable, Monsieur [B] [C] qui déplorait la dégradation de votre comportement et l’ambiance délétère qui s’était insidieusement installée au sein d’une petite équipe de 5 personnes qui préalablement à votre arrivée n’avait posé que des problèmes très usuels dans une communauté de travail. Des prestataires auxquels nous faisions appel pour renforcer l’équipe afin de pallier l’absence de Madame [J] [Z] [F] (en congé maladie de longue durée) refusaient de prolonger leur collaboration au motif que votre comportement n’était pas acceptable et qu’ils ne souhaitaient plus travailler avec vous.
Le 19 juillet 2018, j’étais amenée à vous rencontrer à la demande de Monsieur [C]. Vous aviez décrété qu’à l’avenir vous quitteriez votre poste de travail à 17h30 et non 18h00 au prétexte que votre collègue, Madame [I] [A] quittait une demi-heure plus tôt que vous. Lors de notre entrevue, vous m’avez demandé de vous « changer de responsable ». Selon vous, Monsieur [C] « [vous] hait » et « le dit à tout le monde », « [vous] menace ». Vous avez prétendu ne pas être bien, venir travailler « la boule au ventre », avoir l’impression de régresser et des difficultés à vous projeter.
Je vous ai alors encouragée à réfléchir, et vous ai fait part des postes susceptibles d’être mis au mouvement interne dans le cadre de la réorganisation du Cabinet. Je vous ai alors conseiller de laisser passer les vacances estivales et de se revoir, si vous le souhaitiez à la rentrée.
Ceci étant rappelé, nous vous notifions en conséquence votre licenciement pour faute grave, caractérisée par le comportement suivant, qui vous est personnellement imputable :
Le 27 août, je vous rencontrais à nouveau, à votre demande. A cette occasion, vous m’avez dit que vous souhaitiez partir et m’avez le jour même envoyé par mail une demande formelle de rupture conventionnelle de votre contrat de travail.
Je vous ai donc reçue en entretien le 4 septembre 2018. Lors de cet entretien, vous m’avez confirmé votre souhait de partir. J’ai accédé à votre demande et vous ai proposé de conclure la rupture conventionnelle de votre contrat de travail aux conditions légales tout en vous accordant une dispense d’activité intégralement rémunérée.
Vous m’avez alors fait part de vos prétentions financières : une indemnité spécifique de rupture conventionnelle correspondant à deux mois de salaire ce que j’ai refusé au regard de la situation ci-avant rappelée et de votre brève ancienneté.
Nous devions nous revoir à mon retour de [Localité 5] où j’étais en déplacement professionnel les 5 et 6 septembre.
Le 11 septembre 2018 vous nous informiez être en arrêt maladie à compter du 10 septembre jusqu’au 24 septembre 2018, arrêt ayant fait l’objet d’une prolongation.
Le 9 octobre, vous m’avez adressé un courrier recommandé avec accusé de réception reçu le 10 octobre 2018 ayant pour objet, selon vous, à « expliciter les composantes de la situation qui [vous] ont amenée à [nous] faire parvenir deux arrêts de travail successifs pour maladie ».
J’ai donc reçu l’intégralité des personnes du service Fonctionnement présentes le 10 septembre 2018.
Il est résulté de ces auditions un comportement critiquable de votre part et parfois peu glorieux.
Tirant les conséquences des mensonges avérés contenus dans votre courrier, nous vous avons convoqué à un entretien préalable pour une éventuelle mesure de licenciement pouvant aller jusqu’à la faute grave pour accusation mensongère et calomnieuse à l’encontre de votre responsable hiérarchique aux seules fins d’obtenir des conditions de départs indues pour le mercredi 24 octobre 2018.
Concernant le climat que vous qualifiez « d’extrême tension, de violence verbale, voire de menace à peine voilée » :
Fallacieusement, vous tentez de faire croire que les « accès de colère », les agissements « violents» de Monsieur [C], laissant entendre que ce dernier serait réellement violent, seraient dirigés contre vous.
Vous allez même jusqu’à prétendre qu’une souris jetée sur son clavier a frôlé votre tête. Il suffit de voir l’aménagement des bureaux pour se rendre compte que cela est matériellement impossible.
L’ensemble des collaborateurs du service auditionnés tout comme ceux du service Planning situé juste en face du service Fonctionnement sont unanimes : jamais ils n’ont été témoin directs ou indirects de tels accès de colère voire de violence verbale et encore moins physique de la part de Monsieur [C].
Vous évoquez des instructions contradictoires, des reproches permanents injustifiés, une attitude condescendante voire humiliante de votre responsable, sans même être en mesure de donner le moindre exemple ou cas concret valable. Lorsque vous illustrez vos accusations par des exemples ils sont faux ou détournés. Vous prétendez fallacieusement que :
‘ vous aviez interdiction de déjeuner avec votre collègue ([H] [T]) « sans que cela soit justifié par une nécessité de service », c’est faux à double titre : une permanence pendant la pause déjeuner a toujours été de rigueur au sein du service Fonctionnement pour des raisons de service. Il ne vous a par ailleurs jamais été interdit de déjeuner avec qui que ce soit. Le service Fonctionnement compte 5 collaborateurs, charge à vous de vous organiser en conséquence. Je vous ai personnellement vue à plusieurs reprises déjeuner avec Monsieur [T]’
‘ votre responsable a refusé de vous valider 2 jours de congés alors que les demandes de vos collègues sont acceptées. C’est encore faux. Vous avez sollicité votre responsable en avril 2018 afin de vous absenter 2 jours en novembre 2018, soit 8 mois à l’avance. Là encore, vous laissez sous-entendre qu’il vous les aurait refusés. Monsieur [C] vous a tout simplement dit que vu les délais, il reviendrait vers vous ultérieurement. Toutes vos demandes de congés formulées dans une anticipation ont été validées :
– demande du 24/10/2017 : congés du 26/01/2018 au 02/02/18
– demande du 01/03/2018 : congé du 02/03/2018
– demande du 13/02/2018 : congés du 18/06/2018 au 22/06/2018
– demande du 28/06/2018 : congés du 17/07/2018 au 18/072018
‘ votre responsable a refusé de vous laisser partir un soir à 17h30 sans raison. La réalité est tout autre et c’est la raison qui m’a amenée à vous convoquer en entretien le 19 juillet 2018 à la demande de votre responsable. Ce même jour vous avez décrété que désormais vous quitteriez votre poste de travail à 17h30 au lieu de 18h car votre collègue, Madame [I] [A], effectuait une demi-heure en moins de travail par jour. J’ai dû à cette occasion vous recadrer et vous expliquer que vous n’aviez pas les mêmes droits et obligations contractuelles toutes les deux. Je vous rappelle que les rares fois que vous avez dû effectuer des « dépassements horaires » comme vous le prétendez, ceux-ci ont toujours fait l’objet d’une récupération dans les jours suivants.
Par ailleurs, le 15 septembre 2017 vous avez sollicité un départ anticipé à 15h15 qui vous a été accordé’
‘ Votre responsable aurait eu un accès de colère le 10 septembre 2018 qui vous aurait conduite chez le médecin. Tous les collaborateurs du service Fonctionnement nient ce supposé « accès de colère » de Monsieur [C]. Tous s’accordent à dire que justement ce jour-là le climat était paisible dans le service. Vous avez quitté votre poste à 18h en saluant l’ensemble de l’équipe : « Bonne soirée. A demain »’
La teneur de votre état d’esprit, préjudiciable à tous, que vous avez tenté d’instiller durant vos dernières semaines de présence effective, m’aura contrainte d’anticiper de deux semaines le transfert de votre collègue, Monsieur [H] [T], au sein des équipes Talentee (anciennement DMEH). En effet, Monsieur [T], avait participé au mouvement de mobilité interne et devait rejoindre les équipes de Talentee, en qualité d’Assistant de gestion, poste plus en adéquation à son profil et parcours professionnel que celui occupé jusqu’alors au service Fonctionnement, dès lors que nous aurions recruté son (sa) remplaçant(e).
Alors que vous prétendez avoir fait l’objet de « maltraitance » voire avoir été victime d’un comportement déviant de votre responsable, la réalité est toute autre : c’est vous qui avez tout fait pour que votre relation professionnelle avec votre responsable se tende et avez porté des accusations en usant de mensonges gravement préjudiciables à votre employeur.
A la faveur de votre attitude gravement déloyale, nous comprenons que vous avez ourdi une stratégie pour obtenir la rupture de votre contrat de travail, probablement à des conditions financières qui sont exclues au vu de votre comportement.
Nous déplorons l’issue de notre relation, les mensonges que vous avez proférés pour parvenir à vos fins sans considération aucune pour leurs conséquences sur votre responsable.
Bien évidemment, votre comportement ne permet en aucun cas d’envisager la poursuite de nos relations contractuelles, même au temps d’un préavis.
Votre mise à pied à titre conservatoire est confirmée et ne vous sera pas rémunérée.
L’envoi du présent courrier marque la rupture de votre contrat de travail pour faute grave, ci-avant caractérisée, privative de tout préavis et de toute indemnité de licenciement’ »
D’une part, il résulte de l’article L 1121-1 du code du travail que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Ainsi, sauf abus, résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
Le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul.
D’autre part, aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Selon l’article L. 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.
Il résulte de la lettre de licenciement qu’au cours d’une entrevue du 19 juillet 2018, la salariée a confié à la directrice des ressources humaines de l’entreprise que son supérieur hiérarchique, Monsieur [C], la haïssait, qu’il le disait à « tout le monde », qu’il l’a menaçait, qu’elle n’était pas bien et qu’elle venait travailler « la boule au ventre », ayant l’impression de régresser et des difficultés à se projeter.
Dans sa lettre du 9 octobre 2018, la salariée indique à la même directrice que son courrier a pour objet d’expliciter les composantes de la situation qui l’on amenée à lui faire parvenir deux arrêts de travail successifs pour maladie du 11 au 24 septembre 2018 puis du 25 au 15 octobre 2018, avant d’ajouter, notamment, ce qui suit :
« Vous ne serez pas surprise de ces éléments, étant donné qu’ils reprennent ce que je vous ai exprimé lors de notre entretien du 19/07/2018 dans votre bureau et celui plus officiel du 04/09/2018 et qu’ils vous ont conduite à me proposer un départ de la société sous la forme d’une rupture conventionnelle à des conditions qui laient entendre que j’étais seule « demandeur et responsable » de cette situation.
Je travaille chez Eurogroup Consulting en CDI depuis le 1er septembre 2017 dans le service Fonctionnement.
Très rapidement après cette date j’ai été à la fois extrêmement surprise et troublée de devoir exercer mon activité dans un environnement caractérisé par le climat d’extrême tension, de violence verbale, voire de menace à peine voilée, ne semblant pas très éloigné des définitions prévues par l’article L 1152-1 du code du travail et par l’article 222-32-2 du code pénal pour caractériser le harcèlement moral.
Ainsi, à titre d’illustration :
– Attitudes de violences verbales et accès de colère au sein du service, incontrôlés et récurrents, qui conduisent par exemple mon manager à jeter sa souris sur son écran situé près de ma tête, à taper violemment son agrafeuse sur son clavier, à donner un coup de pied dans ma chaise, tout ceci créant une ambiance de peur et d’insécurité qui me conduisait à venir au travail « la boule au ventre ».
– Instructions contradictoires de façon régulière d’où résultent des flots de réprimandes sur mon travail mal fait, des reproches permanents injustifiés créant un climat de harcèlement à mon encontre.
– Attitude condescendante voire humiliante, dans la façon de me parler et de considérer mon travail, ceci de façon répétée.
– Brimades ciblées : interdiction depuis septembre de prendre ma pause déjeuner en même temps que mon collègue, sans que cela soit justifié par une nécessité de service ; refus de me valider deux jours de congés demandés dans le respect de la procédure, alors que les demandes de mes collègues sont acceptées ; refus d’accéder à ma demande de partir un soir exceptionnellement à 17h30, alors qu’il n’y avait pas de tâche à accomplir nécessitant de rester et que je suis de façon permanente en dépassement horaire (en l’occurrence heures non compensées ni payées) par rapport à ce qui est stipulé dans mon contrat de travail.
– Menaces et intimidations en janvier 2018 suite à un fait inventé de toutes pièces par mon manager, dont je me suis expliquée avec lui.
– Le dernier accès de colère en date est intervenu le 10/09/2018 et m’a conduite le soit même chez le médecin. Il apparaît donc que le comportement de mon manager à mon égard et l’ambiance de travail déplorable qui en résulte, ont eu un effet tel sur ma santé qu’ils ont conduit un psychiatre à me délivrer un arrêt de travail (toujours en cours) pour état dépressif.
Je tiens à vous préciser que je regrette profondément cette situation. Je travaille depuis l’âge de 23 ans dans des contextes variés et j’ai toujours eu à c’ur de réaliser au mieux les tâches qui m’étaient confiées, avec rigueur et engagement. Jamais je n’ai eu d’arrêt de travail consécutif à des conditions de travail inacceptables.
C’est pourquoi je souffre particulièrement de la situation actuelle que je ne souhaite pas voir perdurer. Je suis bien entendu à votre disposition pour examiner les solutions que vous me proposerez à brève échéance dans le cadre de vos responsabilités’ »
La salariée en déduit à juste titre la dénonciation, tant verbale qu’écrite, de faits de harcèlement moral commis par son supérieur hiérarchique.
Afin de s’opposer à la demande de la salariée de voir dire nul son licenciement en raison de cette dénonciation selon elle exempte de toute mauvaise foi et participant de l’exercice non abusif de sa liberté d’expression, l’employeur argue du caractère mensonger des accusations portées à l’encontre du supérieur hiérarchique de la salariée révélé par les investigations menées par la directrice des ressources humaines qui a interrogé ses collègues appartenant au même service ainsi qu’une collègue extérieure à celui-ci mais dont le bureau était situé à proximité de ceux des intéressés.
Toutefois, à l’exception de faits allégués avoir été commis le 10 septembre 2018, les éléments produits aux débats par l’employeur, essentiellement l’attestation d’une collègue de la salariée travaillant dans le même service sous lien de subordination de Monsieur [C] ne s’exprimant que sur ces mêmes allégations, l’attestation, rédigée de manière très générale, d’une collègue extérieure à ce service qui indique n’avoir, de 2015 à 2018, « jamais été témoin de comportement déplacé et encore moins violent de la part de M. [B] [C] envers ses équipes ou qui que ce soit », et des notes manuscrites succinctes qui auraient été prises par la directrice des ressources humaines dans le cadre de ses investigations, ne permettent aucunement d’exclure l’existence d’accès de colère de la part de Monsieur [C] à l’encontre de la salariée, alors qu’à l’inverse Monsieur [T], autre collègue de la salariée ayant travaillé aux côtés de celle-ci de septembre 2017 à octobre 2018, confirme l’existence d’accès de colères répétés de la part de leur supérieur hiérarchique s’exprimant verbalement ou par des gestes violents, s’agissant notamment du jet d’une souris d’ordinateur près de la tête de la salariée ou du fait de donner un coup de pied sur sa chaise. A ce titre, si l’employeur soutient que les faits relatifs au jet de la souris d’ordinateur sont incompatibles avec la disposition des bureaux des intéressés, il n’en justifie pas. De plus, si Monsieur [C] réfute avoir fait preuve de violence verbale ou physique à l’encontre de la salariée comme à l’encontre de quiconque, il admet avoir jeté une souris d’ordinateur sur son bureau après avoir été agacé par une conversation téléphonique. Or, il ressort de deux photographies produites aux débats par la salariée, éléments de preuve non utilement contredits, que si les deux bureaux étaient accolés, il reste que celui de la salariée, comme l’écran de son ordinateur seul susceptible de faire barrage, étaient positionnés perpendiculairement au bureau de Monsieur [C], disposition qui n’empêchait donc pas un jet de souris au niveau de la tête de la salariée. Monsieur [T] confirme également une ambiance exécrable et tendue au sein du service en raison du comportement de leur supérieur hiérarchique, évoquant un climat de peur et d’insécurité en résonnance avec les confidences de sa collègue et de ses propres messages échangés avec celle-ci dès le 27 juin 2018 au sein desquels
il se plaignait déjà du comportement violent de Monsieur [C], « qu’il soit verbal ou physique », illustrant son propos par la survenance d’un nouvel incident causé par ce dernier, soit le jet de brochures au sol en s’énervant, ce salarié indiquant avoir atteint son seuil de tolérance jusqu’à émettre l’hypothèse d’une consultation auprès de la médecine du travail.
D’ailleurs, il s’évince des propos de la directrice des ressources humaines que celle-ci était informée, en amont des dénonciations litigieuses, d’un malaise relationnel entre la salariée et son supérieur hiérarchique, puisqu’il en résulte, notamment, qu’à partir du mois de février 2018 le N+2 de la salariée l’avait alertée de « difficultés que Monsieur [C] rencontrait avec [D] [R] et du comportement de cette dernière », et si des réunions ont été mises en ‘uvre par ce supérieur hiérarchique en raison de dysfonctionnements au sein du service, il n’est justifié d’aucune mesure ni d’aucune décision afin d’y remédier quand il apparaît que la salariée n’a jamais été sanctionnée ni mise en garde pour un comportement quelconque, en amont de la procédure de licenciement.
Quant aux « brimades ciblées » et, notamment, l’interdiction pour la salariée de prendre sa pause déjeuner en même temps que Monsieur [T], si l’employeur objecte qu’il se serait agi d’assurer la continuité du service en demandant aux salariés de prendre leur pause de manière « décalée », il n’en justifie pas, alors que Monsieur [T] confirme que Monsieur [C] l’avait reçu à deux reprises pour lui notifier cette « interdiction de déjeuner ensemble » en prétextant qu’ils étaient les seuls à être capables de gérer les urgences en son absence, une interdiction que Monsieur [T] critiquait déjà dans un message envoyé à sa collègue le 23 mai 2018 qui elle-même s’en plaignait.
L’employeur ne démontre pas non plus que le refus de deux jours de congés aurait eu pour seul motif une trop grande anticipation de la part de la salariée, peu important à cet égard l’octroi d’autres jours de congés conformément à des demandes de celle-ci.
Par ailleurs, si la cour en a réduit le nombre, des heures supplémentaires ont bien été accomplies par la salariée qui a pu dès lors se plaindre de ses horaires auprès de son employeur.
Enfin, aucun élément ne permet de corroborer l’existence d’une stratégie « ourdie » par la salariée afin d’obtenir la rupture de son contrat de travail à des conditions financières avantageuses, alors que si la salariée avait relancé la directrice des ressources humaines en août 2018 après ses congés d’été, cette entrevue avait été envisagée par cette dernière dès la rencontre du 19 juillet lorsqu’une situation de harcèlement moral venait d’être portée à sa connaissance par la salariée, et si l’hypothèse d’une rupture négociée a été émise par cette dernière, elle ne l’a été que dans un tel contexte et en l’absence de toute réaction sérieuse de la part de son employeur après ses révélations. De plus, aucun élément ne vient corroborer le caractère injustifié des prétentions financières de la salariée, laquelle soutient au contraire, sans être utilement contredite, que l’employeur a refusé un demi mois de salaire supplémentaire pour atteindre un montant
d’indemnisation correspondant à deux mois de salaire, prétention financière qui n’apparaît pas en elle-même ni « injustifiée » ni manifestement disproportionnée.
Il en résulte que la salariée a été licenciée pour avoir relaté des faits de harcèlement moral sans mauvaise foi de sa part ni abus dans l’usage de la liberté d’expression dont elle jouissait au sein de l’entreprise.
Il y a donc lieu de dire que son licenciement est nul, le jugement étant infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières du licenciement nul
Au vu des éléments d’appréciation, dont les éléments de calcul, la salariée est bien fondée à réclamer les sommes suivantes :
– 15 252 euros nets, correspondant à six mois de salaire de référence, à titre d’indemnité pour licenciement nul en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail,
– 2 542 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, pour un préavis d’une durée d’un mois, en application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, outre 254 euros bruts de congés payés afférents,
– 795 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement en application des article L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du même code,
– 1 105,22 euros bruts à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité
La salariée soutient, au visa des articles L.1222-1 et L. 4121-1 et suivants du code du travail, que l’employeur n’a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi et a manqué à son obligation de sécurité en s’étant abstenu de prendre toute mesure de nature à assurer sa sécurité au travail au prétexte de fausses allégations de sa part.
L’employeur réplique avoir réalisé toutes investigations utiles afin « de faire la lumière sur les prétendus faits de harcèlement moral, éventuellement dénoncés » à la suite du courrier du 9 octobre 2018. Il précise qu’il n’avait aucune raison de mettre en place un dispositif de prévention de harcèlement moral après l’entretien du 19 juillet 2018. Elle soutient que les dénonciations étant mensongères, aucun reproche ne peut lui être fait à ce sujet.
Il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code.
Il apparaît que l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité prévue par les articles précités puisqu’informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, il n’a pas pris de mesure propre à le faire cesser au-delà de simple notes manuscrites très succinctes prises par la directrice des ressources humaines à l’occasion d’un sondage réalisé auprès de deux salariées et du responsable mis en cause, qui ne saurait y suppléer, puis du prononcé d’un licenciement de nature disciplinaire, qui s’est avéré illicite, en raison du caractère prétendument « fallacieux » des accusations portées par la salariée à l’encontre de son supérieur hiérarchique.
En réparation du préjudice moral distinct de celui indemnisé au titre de la rupture illicite du contrat de travail, tel que ce préjudice est démontré, notamment, par les pièces médicales produites, soit des arrêts de travail à compter du 10 septembre 2018 partiellement motivés par un état dépressif, des prescriptions médicales en rapport avec cette pathologie, et un certificat médical établi par un médecin psychiatre le 17 décembre 2018 indiquant suivre la salariée sur le plan psychologique depuis le 10 septembre 2018, il y a lieu d’allouer à celle-ci la somme de 1 500euros nets à titre de dommages et intérêts.
Sur le licenciement brutal et vexatoire
La salariée ne justifie pas, au-delà de son caractère illicite, d’un licenciement intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires ayant généré un préjudice distinct non réparé par l’indemnité allouée pour licenciement nul. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute la salariée de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
Sur les rappels de participation et d’intéressement
La réclamation de la salariée porte sur la période allant du mois septembre 2018 jusqu’au 29 novembre 2018, date d’expiration du préavis, quand l’employeur réplique que l’exercice débutant en septembre, la salariée a été remplie de ses droits au titre de l’intéressement et de la participation pour les mois de septembre et d’octobre 2018.
Au vu des éléments d’appréciation, dont les bulletins de paie, il reste dû à la salariée la somme totale de 719,40 euros bruts au titre de l’intéressement et de la participation auxquels elle pouvait
prétendre jusqu’à l’issue de son mois de préavis.
L’employeur sera donc condamné au paiement de ce reliquat.
Sur la remise de documents
Vu les développements qui précèdent, il y a lieu à la remise de documents de fin de contrat conformes à l’arrêt. Le prononcé d’une astreinte n’apparaît pas nécessaire au regard des éléments de la cause.
Les intérêts au taux légal
Les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019, date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Par application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu à remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d’indemnités.
Une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.
Sur les frais irrépétibles
En équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit de la salariée à laquelle est allouée la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Sur les dépens
L’employeur, partiellement succombant, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il :
– déboute Madame [D] [R] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
– déboute la société Eurogroup Consulting France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Dit nul le licenciement de Madame [D] [R] ;
Condamne la société Eurogroup Consulting France à payer à Madame [D] [R] les sommes suivantes :
– 921,36 euros bruts au titre des heures supplémentaires,
– 92,14 euros bruts de congés payés afférents,
– 15 252 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement nul,
– 2 542 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, – 254 euros bruts de congés payés afférents, – 795 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement, – 1 105,22 euros bruts à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire, – 1 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité, – 719,40 euros bruts au titre de l’intéressement et de la participation – 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la date de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite ;
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la société Eurogroup Consulting France à remettre à Madame [D] [R] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;
Dit qu’il y a lieu à remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d’indemnités ;
Dit qu’une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Condamne la société Eurogroup Consulting France aux entiers dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,