7 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/07004
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 7 JUIN 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07004 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEVX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – Section Encadrement – RG n° F19/00067
APPELANTE
Madame [K] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Lucas DOMENACH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757
INTIMÉE
SA SOPRA STERIA GROUP
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jérôme POUGET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport et M. Fabrice MORILLO, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Philippine QUIL, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [M] a été engagée, selon contrat de travail à durée indéterminée du 27 mai 2015 avec effet au 14 septembre 2015, par la société Sopra Steria Group en qualité d’ingénieur débutant classification I1.2, coefficient hiérarchique 100, statut cadre de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec. Elle a exécuté ses prestations de travail auprès de la société Air France.
En dernier lieu, Mme [M] exerçait des fonctions d’ingénieur d’études, classification I2.11, coefficient 115, et percevait une rémunération brute mensuelle moyenne de 3 130 euros.
La société Sopra Steria Group emploie habituellement au moins 11 salariés.
Estimant que les conditions d’exécution de son contrat de travail la plaçaient dans un lien de subordination à l’égard de la société Air France qui était devenue ainsi son véritable employeur et qu’une telle situation caractérisait un prêt illicite de main d »uvre, Mme [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 10 avril 2018.
Par courrier du 11 avril 2018, la société Sopra Steria a informé Mma [M] qu’elle ne pouvait que prendre acte de sa décision, tout en contestant les faits allégués par la salariée.
Estimant que sa prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny, le 8 janvier 2019, afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la société Sopra Steria Group à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation de ceux-ci :
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 515,25 euros ;
– Indemnité légale de licenciement’: 2 056,30 euros ;
– Indemnité compensatrice de préavis’: 6 580,14 euros ;
– Congés payés afférents’: 658,01 euros ;
– Article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros.
La société Sopra Steria a conclu au débouté de Mme [M] et à la condamnation de cette dernière à lui verser les sommes de 9 390 euros à titre de dommages et intérêts pour préavis non effectué et de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 22 juillet 2021, le conseil de Prud’hommes de Bobigny a débouté Mme [M] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a débouté la société de sa demande reconventionnelle et de celle fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [M] a interjeté appel de ce jugement le 29 juillet 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 juin 2022, elle demande à la cour de’:
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens,
– Dire et juger que la prise d’acte de rupture doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– Condamner la société Sopra Steria Group à lui régler les sommes suivantes assorties des intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de la requête initiale avec capitalisation des intérêts échus :
° 11 515,25 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
° 2 056,30 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
° 9 870,21 euros au titre du préavis ;
° 987,02 euros au titre des congés payés afférant au préavis ;
° 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Débouter la société de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner celle-ci aux dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, la société Sopra Steria Group demande à la cour de’:
– Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté Mme [M] de l’ensemble de ses demandes,
en conséquence,
– Déclarer que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est pas fondée et qu’elle produit en conséquence les effets d’une démission,
– Réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur l’indemnité de préavis,
– Condamner Mme [M] à lui payer la somme de 9 390 euros à ce titre,
en tout état de cause,
– Condamner Mme [M] à lui payer la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’instruction a été clôturée le 14 février 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 15 mars 2023.
MOTIFS
Sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit les effets, d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, ou, dans le cas contraire, d’une démission.
Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
À l’appui de son appel, Mme [M] soutient qu’elle a fait l’objet d’un prêt de main-d »uvre illicite en ce que les conditions d’exécution de son contrat de travail la plaçaient dans un lien de subordination à l’égard de la société Air France, ce qui justifie la prise d’acte de rupture de son contrat de travail avec la société Sopra Steria Group, notamment suite au refus de la société Air France de signer le contrat à durée indéterminée avec elle.
La société Sopra Steria Group conteste tout prêt illicite de main-d »uvre et réplique qu’en tout état de cause, Mme [M] ne peut se prévaloir de manquements empêchant la poursuite du contrat de travail dès lors qu’elle se réfère à une situation ancienne car remontant à 2015 et, au surplus, régularisée.
Cela étant, il résulte des principes rappelés ci-dessus qu’une prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les manquements invoqués par le salarié sont non seulement établis mais, de surcroît, sont tels qu’ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail.
L’ancienneté des faits et l’éventuelle régularisation par l’employeur de la situation dénoncée par la salariée sont des éléments à prendre en considération dans l’appréciation des conséquences à donner à la prise d’acte.
En l’espèce, la situation dont se prévaut Mme [M] et qui, selon elle, caractériserait un prêt illicite de main-d »uvre perdurait depuis 2015. Or, elle n’a, manifestement durant toute cette durée, pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant deux ans et demi en ce que, en premier lieu, Mme [M] ne s’est jamais plainte de sa situation professionnelle jusqu’à sa prise d’acte, qu’en deuxième lieu, elle n’indique pas en quoi ce qu’elle qualifie de prêt illicite de main-d »uvre lui a causé en tant que tel un préjudice dont elle ne précise d’ailleurs ni la nature ni l’étendue.
Certes, Mme [M] fait valoir qu’elle a été victime de pressions et de sexisme depuis fin 2017, début 2018 au sein de la société Air France qui, au surplus, abusait d’un pouvoir de direction à son égard au point que son état de santé s’est dégradé et fournit un certificat médical.
Mais, de telles affirmations ne sont étayées par aucune pièce et, en outre, sont contradictoires avec d’autres éléments apportés par la salariée.
En effet, Mme [M] ne peut, sans se contredire, dénoncer ses conditions de travail au sein de la société Air France, fin 2017-début 2018, tout en invoquant, à l’appui de sa prise d’acte, un grief né du refus de la société Air France de signer un contrat de travail à durée indéterminée à son profit à la même période et en produisant un échange de mails entre la société Air France et elle-même du 2 mars 2018 montrant qu’elle était intéressée par un poste s’ouvrant au sein de la société Air France au point qu’un entretien devait lui être proposé dans ce cadre.
Sur ce point précis, il doit être rappelé que les manquements invoqués à l’appui d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail doivent être imputables à l’employeur. Mme [M] ne saurait donc utilement faire grief à la société Sopra Steria Group de ce que la société Air France a refusé de signer un contrat de travail à durée indéterminée avec elle.
Il apparaît également qu’à la date de la prise d’acte de Mme [M], la situation dénoncée par la salariée avait pris fin.
En effet, il résulte des différents échanges de mails produits par la société Sopra Steria Group que’:
– le changement de mission de Mme [M] était évoqué dès un mail du 26 janvier 2018′:
(«’Et comme demandé j’ai évoqué le changement de mission qui était prévue lors de son PAP [plan annuel de progression]. Elle est OK pour le changement de mission d’ici fin T1…’»),
– le principe du changement était acquis et sa mise en ‘uvre effective dès le mois de mars 2018′:
Mail du 9 mars 2018′: «’Il semblerait que tu ais décidé de l’éviter depuis l’annonce de ta sortie de la mission Air France’».
Mail du 16 mars 2018’: «’Pourrais-tu me transmettre en CV à jour en vue de ta prochaine affectation »’» Mail de relance du 27 mars 2018 : «’N’ayant pas de retour de ta part, je me permets de te relancer afin que tu puisses me transmettre en CV à jour. Comme indiqué également sur mon message téléphonique, nous avons des opportunités de mission à partir du 02/04/2018 et nous souhaiterions échanger avec toi sur celles-ci.’»
– la société Sopra Steria Group était en mesure de proposer une nouvelle mission à Mme [M] dès le 2 avril 2018 (voir-ci-dessus) alors que la salariée a été en arrêt de travail à compter du 3 avril 2018.
Mme [M], qui ne justifie pas que la dégradation de son état de santé est liée à ses conditions de travail lors de l’exécution de sa mission auprès de la société Air France, n’est pas fondée à prétendre que les manquements de l’employeur rendaient impossible, même pour l’avenir, la poursuite du contrat de travail.
En tout état de cause, et en tant que de besoin, il doit être rappelé qu’en vertu de l’article L.8241-1 du code du travail, sont prohibées les opérations qui se présentent comme des prestations de services ou de sous-traitance alors qu’en réalité elles dissimulent une mise à disposition à but lucratif de salariés hors les cas permis par la loi.
A contrario, est licite la convention de prestation de services dès lors qu’est maintenu le lien de subordination du salarié avec l’entreprise d’origine, que la prestation est nettement définie et donne lieu à un coût forfaitaire et que le salarié mis à disposition met en ‘uvre un savoir-faire spécifique, distinct de celui des salariés de l’entreprise d’accueil.
Par ailleurs, il doit être rappelé qu’un contrat de prestations de service conclu entre deux sociétés, surtout dans la cadre d’une assistance à maîtrise d’ouvrage comme en l’espèce, n’exclut pas des relations directes entre la société cliente et le salarié de la société prestataire s’inscrivant dans une nécessaire collaboration imposée par les besoins émergeant au fur et à mesure de la réalisation des prestations et d’une tout aussi nécessaire coordination des différents services de la cliente susceptibles d’être concernés par cette mission.
Pour qu’elles caractérisent un prêt illicite de main-d »uvre, ces relations directes doivent avoir pour effet d’entraîner une substitution des liens de subordination à l’égard du salarié d’une société à l’autre.
Ainsi, Mme [M] fait valoir que’:
– elle a poursuivi à l’identique en tant que consultante extérieure les missions et les fonctions qu’elle avait commencé en qualité d’apprentie au sein de la société Air France,
– elle n’a jamais régularisé de contrat de mission avec la société Sopra Steria Group avec qui elle a des échanges sporadiques, se résumant à un entretien annuel,
– la société Air France exerçait son pouvoir de direction à son encontre (validation des congés, réunion, organisation du travail, réprimandes’)
– son savoir-faire n’était pas distinct de celui de la société Air France, entreprise utilisatrice,
– elle a été pendant plusieurs années totalement intégrée dans l’équipe Air France en ce qu’il n’était fait aucune distinction entre internes et externes au sein de son service ni aucune différence de traitement ente les salariés d’Air France et elle-même et en ce qu’elle était pleinement intégrée à l’équipe au point d’être mentionnée dans la carte de v’ux de l’équipe IMO,
– elle travaillait exclusivement avec le matériel et les supports Air France,
– elle était mentionnée dans le calendrier partagé des congés payés et était conviée aux réunions et séminaires des internes d’Air France,
– elle travaillait avec un binôme, salarié de la société Air France, et effectuait exactement les mêmes tâches que ce dernier dans les mêmes conditions.
Elle produit un échange de SMS avec le responsable du service IMO d’Air France du vendredi 19 janvier 2018 dans lesquels ce dernier lui reproche d’avoir pris un jour de congé ce jour-là sans l’avoir averti et la convoque dans son bureau le lundi suivant pour qu’elle s’explique sur son «’absence injustifiée’», un échange de SMS du 12 juillet 2017, alors qu’elle est en vacances, par lequel le même responsable du service IMO lui demande si elle a généré un envoi d’un fichier et le mail qu’elle a envoyé aux fournisseurs le même jour à la suite du SMS, un mail du 29 septembre 2017 par lequel le commercial de la société Sopra Steria Group lui demande de prendre rendez-vous avec le responsable de la société Air France afin d’évaluer son travail sur un an, le calendrier des congés 2018 à remplir par l’équipe IMO Catering, le mail daté du 19 janvier 2018 du responsable du service IMO au sein de la société Air France pour la saisine des congés 2018 de l’équipe, un mail du 14 août 2017 par lequel le responsable au sein de la société Air France lui demande de réaliser une formation pour la mission qu’elle occupe, et d’autres échanges de mails entre le responsable du service IMO d’Air France portant diverses demandes de renseignements, de rendez-vous ou déplacements de rendez-vous et d’instructions.
Cependant, en toute logique avec sa position défendue, Mme [M] ne fournit que ses échanges entre les services de la société Air France et elle-même et s’abstient de produire ceux qu’elle a entretenus avec la société Sopra Steria Group.
Or, la société Sopra Steria Group réplique qu’elle a continué de donner des ordres et directives à Mme [M] et d’exercer un contrôle sur la prise de congés, la durée du travail, les activités exercées et les formations suivies de la salariée et que cette dernière a réalisé auprès de la société Air France une assistance technique comme en atteste son bilan de mission qui mentionne une tâche d’Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage (AMO) notamment sur le projet « Mymeal », ayant donné lieu à une rémunération forfaitaire indépendamment de la présence ou non de Mme [M], et produit différentes pièces qui, contrairement à ce que pourrait laisser penser le dossier de l’appelante, démontrent que ses liens avec Mme [M] n’ont pas disparu mais au contraire ont subsisté dans des conditions attestant que la société n’a pas abandonné, même partiellement, ses prérogatives d’employeur de Mme [M] au profit de la société Air France.
En effet, il résulte de ces pièces que la société Sopra Steria Group :
– assurait le suivi du positionnement et de la carrière de Mme [M] par l’intermédiaire d’un manager de proximité,
– organisait des formations proposées à ses salariés dans un catalogue et s’assurait du suivi de celles-ci par Mme [M] au besoin par des instructions données à celle-ci de s’inscrire à telle formation déterminée en fonction des besoins de l’entreprise (mail du 12 janvier 2017),
– organisait les entretiens annuels d’évaluation de Mme [M] appelés PAP (plan annuel de progression) par l’intermédiaire du manager de proximité qui sollicitait les observations de la salariée et recueillait l’expression de ses attentes professionnelles,
– assurait le contrôle de l’activité de sa salariée en sollicitant des comptes-rendus d’activité quotidienne avec une récapitulation mensuelle, au besoin par des rappels,
– donnait des directives à Mme [M] sur l’exécution de sa mission, au besoin sous forme d’injonctions,
– assurait l’intégration de Mme [M] dans la vie de l’entreprise par des invitations à des événements internes, la demande de documents administratifs, le remboursement de frais professionnels, le bénéficie des ‘uvres sociales du comité d’entreprise de la société et le bénéfice de l’organisation de travail (droit à des RTT et jour de congés complémentaires les jours de ponts),
– validait ou refusait les demandes de congés payés de Mme [M], cette dernière entretenant une confusion à ce titre en ce que le rappel à l’ordre de la société Air France dans le mail du 19 janvier 2018 portait, non sur le fait que la société cliente n’avait pas accordé de congés mais qu’elle n’en avait pas été avertie par la salariée alors qu’une présentation de celle-ci avait été préalablement prévue ce jour-là, le manager de proximité de Mme [M] au sein de la société Sopra Steria Group lui rappelant, par mail du même jour, que la demande de congés devait être faite auprès de son employeur après avoir simplement prévenu le client’; le fait que Mme [M] ait été destinataire en copie du planning des congés des salariés du service IMO de la société Air France ne porte pas atteinte aux prérogatives de la société Sopra Steria Group en la matière d’autant que, dans le cadre d’une coordination de ses services en adéquation avec les missions du prestataire, la société cliente peut légitimement émettre des souhaits à ce sujet,
– contrôlait le temps de travail de Mme [M] par un système auto déclaratif mis en ‘uvre au sein de l’entreprise,
-a exercé son pouvoir disciplinaire à l’égard de Mme [M] sous la forme d’un rappel à l’ordre (mail du 9 mars 2018).
Par ailleurs, la société Sopra Steria Group produit le contrat de prestation d’assistance technique la liant à la société Air France, des factures établissant le caractère forfaitaire du coût de la prestation, et des échanges de mails attestant de la réalité du support technique de Mme [M] dans le cadre de l’élaboration d’un projet «’Mymeal’» avec pour but le transfert de compétence au profit de la société Air France pour une gestion directe du programme à l’issue de la mission de Mme [M]. Les affirmations de cette dernière selon lesquelles la société Air France disposait des compétences nécessaires en interne et qu’elle-même effectuait des tâches identiques à celles des salariés d’Air France ne sont corroborées par aucune pièce et même sont contredites par certains des mails produits par la salariée par lesquels ses interlocuteurs au sein d’Air France relevaient son expertise.
Il apparaît ainsi de l’ensemble des éléments relevés ci-dessus que la situation dont se prévaut Mme [M] n’a pas rendu impossible la poursuite du contrat de travail et, qu’en tout état de cause, elle ne caractérise pas un prêt illicite de main-d »uvre.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [M] de sa demande tendant à faire requalifier sa prise d’acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes ses demandes en paiement conséquentes.
Sur l’appel incident
La société Sopra Steria Group demande à la cour de condamner Mme [M], qui n’était pas dans l’impossibilité d’exécuter son préavis du 11 avril au 10 juillet 2018 (arrêt maladie du 3 au 10 avril 2018, prise d’un nouveau contrat le 29 avril 2018) et qui n’a pas été dispensée de son exécution, à lui payer des dommages et intérêts correspondant au montant de l’indemnité compensatrice de préavis.
Mme [M] réplique que la société Sopra Steria Group ne peut pas tout à la fois prendre acte, de son côté, de la rupture du contrat de travail dès le 11 avril 2018, en indiquant à cette date que la salariée ne faisait plus partie des effectifs et en lui remettant ses documents de fin de contrat, tout en exposant qu’elle aurait subi un préjudice après le 11 avril 2018 ou qu’elle serait en droit de réclamer des dommages et intérêts au titre de l’indemnité de préavis.
Elle ajoute que la société Sopra Steria Group est dans l’incapacité de justifier d’un quelconque préjudice, puisqu’elle a donné dès le 11 avril 2018 son accord pour la rupture du contrat de travail (ce qui déjà doit conduire au débouté), et qu’elle-même était en arrêt de travail, à l’issue duquel elle se serait trouvée, d’après l’employeur, en inter-contrat.
Cela étant, le salarié qui n’exécute pas le préavis sans en avoir été dispensé par l’employeur doit être condamné à verser à ce dernier une indemnité égale aux salaires qu’il aurait reçus s’il avait continué à travailler jusqu’à l’expiration du préavis et cela même si l’employeur ne justifie pas d’un préjudice.
En outre, il doit être rappelé que la prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié rompt immédiatement le contrat de travail de sorte que l’employeur ne peut que constater la sortie du salarié des effectifs de la société.
Ainsi, la réponse de la société Sopra Steria Group du 11 avril 2018 faite en ces termes : «’La prise d’acte de la rupture du contrat de travail mettant immédiatement fin au contrat, vous cessez de faire partie des effectifs de l’entreprise dès le 11 avril 2018 au soir’», ne fait que constater la situation imposée par le salarié et ne vaut pas dispense d’exécution du préavis.
Par ailleurs, il résulte des pièces du dossier que Mme [M] était en mesure d’exécuter son préavis à l’issue de son congé maladie fixée au 10 avril 2018.
En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, Mme [M] sera condamnée à verser à la société Sopra Steria Group la somme de 9 390 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis.
Sur les frais non compris dans les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Mme [M], qui succombe en appel, sera condamnée à verser à la société Sopra Steria Group la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l’intimée à hauteur de cour qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté la société Sopra Steria Group de sa demande en dommages et intérêts pour inexécution par la salariée du préavis,
S tatuant à nouveau de ce seul chef,
CONDAMNE Mme [M] à verser à la société Sopra Steria Group la somme de 9 390 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [M] à verser à la société Sopra Steria Group la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [M] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT