Convention collective Syntec : 7 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01816

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Convention collective Syntec : 7 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01816

7 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG
20/01816

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 20/01816 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M5AV

[S]

Syndicat SYNDICAT SNEPSSI ‘ CFE-CGC SYNDICAT NATIONAL DE L’

Syndicat SYNDICAT FIECI – CFE-CGC FEDERATION NATIONALE DU P

C/

S.A. KEYRUS

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 13 Février 2020

RG : 18/02084

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRET DU 07 Juin 2023

APPELANTS :

[P] [S]

né le 16 Février 1959 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

Syndicat SNEPSSI CFE-CGC SYNDICAT NATIONAL DE L’ENCADREMENT DES PROFESSIONS DES SOCIETES DE SERVICE INFORMATIQUE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

Syndicat SYNDICAT FIECI – CFE-CGC FEDERATION NATIONALE DU PERSONNEL DE L’ENCADREMENT DE L’INFORMATIQUE DES ETUDES DU CONSEIL DE L’INGIENIERIE ET DE LA FORMATION

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société KEYRUS

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Saskia HENNINGER de la SCP LA GARANDERIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Nadia PERLAUT, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mars 2023

Présidée par Joëlle DOAT, présidente et Nathalie ROCCI, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Morgane GARCES, greffière

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 07 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Morgane GARCES, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée du 27 juin 2013 à effet du 1er juillet 2013, M. [P] [S] a été embauché par la société Keyrus, en qualité de directeur de projet, position 2.3, coefficient hiérarchique 150, statut cadre, de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils (SYNTEC).

Le salarié a été élu membre suppléant du comité d’entreprise, sous l’étiquette CFE-CGC, le 30 octobre 2014, désigné membre du CHSCT le 19 février 2015 et le 3 avril 2017, élu en qualité de délégué du personnel le 24 juin 2016 et élu membre titulaire du CSE le 18 juillet 2019 pour un mandat de quatre ans.

Il exerce le mandat de conseiller du salarié depuis le 26 octobre 2015 (renouvelé pour la seconde fois du 26 octobre 2021 au 26 octobre 2024) et celui de défenseur syndical depuis le 5 août 2016.

Par lettre du 2 juillet 2018 adressée à son employeur, le salarié a revendiqué le bénéfice de la position 3.2 du coefficient 210 de la convention collective et soutenu qu’il était victime d’une discrimination syndicale dès lors que sa rémunération moyenne n’avait pas évolué comme celle de ses autres colllègues de travail placés dans la même situation. Il a ajouté qu’il déplorait avoir essuyé trois refus de formation qui lui paraissaient pourtant parfaitement correspondre à son profil, n’ avoir été positionné sur aucune mission depuis le mois de mars 2016 et pire encore ne plus avoir été proposé pour une mission depuis le mois de juin 2016. Il a indiqué qu’à tout cela venait en outre s’ajouter un certain nombre d’entraves à ses mandats qui étaient trop nombreuses pour qu’il les énumère dans le présent courrier.

Par requête du 12 juillet 2018, M. [S], la Fédération Nationale du Personnel de l’Encadrement de l’Informatique, des Etudes, du Conseil, de l’Ingenierie et de la Formation (FIECI CFE-CGC) et le Syndicat National de l’Encadrement des Professions de Sociétés de Service Informatique (SNEPSSI CFE-CGC) ont saisi le conseil de prud’hommes de LYON pour voir condamner la société :

– à verser au salarié diverses sommes à titre de rappels de salaire consécutifs au repositionnement conventionnel pour les années 2015 à 2018, de dommages et intérêts pour discrimination salariale (en raison de l’appartenance syndicale et de l’âge) et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

– à verser respectivement à la FIECI CFE-CGC et au SNEPSSI CFE-CGC une somme à titre de dommages et intérêts pour discrimination.

Par jugement du 13 février 2020, le conseil de prud’hommes a :

– dit que Monsieur [P] [S] n’a pas été victime d’une discrimination syndicale, ni d’une discrimination en raison de l’âge, mais d’une inégalité de traitement dès son embauche

en conséquence,

– condamné la société KEYRUS à placer Monsieur [P] [S] à la position 3.1 et au coefficient 170 de la convention collective Syntec, ainsi qu’au salaire correspondant, en tenant compte des dispositions applicables aux cadres de cette position (minimum conventionnel majoré de 20 %) 

– fixé le salaire brut mensuel de Monsieur [P] [S] à la somme de 4 167,72 euros 

– condamné la société KEYRUS à verser au salarié les sommes suivantes :

année 2015 (juillet à décembre) : 2 739,12 euros

congés payés afférents : 273,91 euros

année 2016 : 5 294,87 euros

congés payés afférents : 529,48 euros

année 2017 : 5 187,14 euros

congés payés afférents : 518,71 euros

année 2018 : 5 512,68 euros

congés payés afférents : 551,26 euros

année 2019 : 5 212,68 euros

congés payés afférents : 521,26 euros

– débouté Monsieur [P] [S] de sa demande au titre des discriminations syndicales et liées à l’âge 

-débouté Monsieur [P] [S] de sa demande aux fins de repositionnement salarial 3.2 coefficient 210 

– débouté Monsieur [P] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 

– condamné la société KEYRUS à payer à Monsieur [P] [S] la somme de 1 700 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à la somme de 200 euros pour chacun des syndicats CFE/CGC (FIECI et SNEPSSI) intervenants à la procédure 

– débouté Monsieur [P] [S] au titre de l’exécution provisoire de la présente condamnation 

– ordonné à la société KEYRUS de procéder à la rectification des bulletins de salaire correspondant, sans qu’il ne soit nécessaire d’ordonner l’astreinte à ce titre

 

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires 

– condamné la société KEYRUS aux dépens de l’instance.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement, le 5 mars 2020 à l’égard de la société Keyrus et des deux syndicats.

La société Keyrus a interjeté appel de ce jugement, le 10 mars 2020, à l’égard de M. [S] et des deux syndicats.

Par ordonnance en date du 12 mars 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux appels, sous le numéro 20/01816.

M. [S] a fait valoir ses droits à la retraite par lettre du 2 novembre 2022, à effet du 1er janvier 2023.

Le 12 décembre 2022, il a écrit à l’employeur que sa décision de prendre sa retraite de manière anticipée résultait du comportement de ce dernier à son égard.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 14 février 2023, M. [S] et les deux syndicats demandent à la cour :

M. [S] :

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il était victime d’une inégalité de traitement 

– d’infirmer le jugement pour le surplus

y ajoutant,

– de dire qu’il a également été victime d’une discrimination syndicale et d’une discrimination en raison de l’âge

– d’ordonner la remise à niveau de son salaire mensuel de base

– de condamner la société KEYRUS à lui payer les sommes suivantes en réparation du préjudice subi résultant des discriminations et de l’inégalité de traitement :

* à titre de dommages et intérêts : 72 609,42 euros

* à titre de rappels de salaire (y compris les congés payés) pour la période de juin 2015 à décembre 2022 : 239 859,49 euros

– de condamner la société KEYRUS à lui verser la somme de 10 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail 

à titre subsidiaire,

– de condamner la société à lui payer les sommes suivantes à titre de rappel de salaires par application du positionnement 3.2, coefficient 210 :

* année 2015 (juin à décembre) : 3 763,80 euros outre intérêts

* congés payés afférents : 376,38 euros outre intérêts

* année 2016 : 7 344,23 euros outre intérêts

*congés payés afférents : 734,42 euros outre intérêts

* année 2017 : 7 012,30 euros outre intérêts

* congés payés afférents : 701,23 euros outre intérêts

* année 2018 : 6 983,64 euros outre intérêts

* congés payés afférents : 698,36 euros outre intérêts

* année 2019: 6 683,64 euros outre intérêts

* congés payés afférents : 668,36 euros outre intérêts

* année 2020 : 4 511,69 euros outre intérêts

* congés payés afférents : 541,12euros outre intérêts

* année 2021 : 1 722,96 euros outre intérêts

* congés payés afférents : 172,30 euros outre intérêts

* année 2022 : 1 958,15euros outre intérêts

* congés payés afférents : 195,81 euros outre intérêts

en tout état de cause, 

statuant par dispositions nouvelles

– de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail 

– de dire que la rupture du contrat de travail dont il a été contraint de prendre l’initiative produit les effets d’un licenciement nul 

– de condamner la société KEYRUS à lui verser les sommes suivantes :

indemnité de licenciement : 20 089,20 euros

indemnité compensatrice de préavis : 19 387,38 euros

congés payés afférents : 1 938,74 euros

dommages et intérêts pour licenciement nul (10 mois) : 64 625 euros

dommages et intérêts pour violation du statut protecteur (30 mois) : 193 873,80 euros

article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros

– de condamner la société KEYRUS à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés comportant les mentions prescrites par les articles R 3243-1 et suivants du code du travail et indiquant à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l’objet d’un versement unique, en fonction des condamnations prononcées sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du ‘jugement’ à intervenir, la cour se réservant le pouvoir de liquider ladite astreinte

– de condamner la société KEYRUS aux entiers dépens.

le syndicat FIECI CFE-CGC :

– de condamner la société KEYRUS à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour discrimination : 10 000 euros

article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros

le syndicat SNEPSSI CFE-CGC :

– de condamner la société KEYRUS à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour discrimination : 10 000 euros

article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros

– d’ordonner la capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 février 2023, la société KEYRUS demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que Monsieur [S] relève de la position 3.1 de la convention collective Syntec, en ce qu’il a débouté Monsieur [S] de ses demandes de rappels de salaire et de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et liée à l’âge et pour nullité de la rupture, en ce qu’il a débouté Monsieur [S] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il a débouté le syndicat SNEPSSI-CFE-CGC de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination 

y ajoutant,

– de dire que le départ à la retraite de Monsieur [S] ne produit pas les effets d’un licenciement nul 

– de condamner Monsieur [S] en tous les dépens d’instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023.

SUR CE :

Sur la discrimination

Le salarié fait valoir :

– qu’il a été placé dès son embauche dans une situation nettement moins favorable que ses collègues en termes de classification et de rémunération

– qu’il apparaît à la lumière du tableau produit par la société qu’il est le directeur bénéficiant de l’ancienneté la plus importante, à l’exception de M. [W], mais dont la classification et la rémunération sont les plus basses

– que les documents internes de la société (grilles d’augmentation de salaires) montrent que, si tous les salariés ayant des responsabilités syndicales sont augmentés chaque année sur la période litigieuse, le montant moyen des augmentations dont ils bénéficient est inférieur à celui dont bénéficie l’ensemble des salariés

– que, contrairement à ce qu’affirme la société, il disposait d’une ancienneté d’environ 15 années à des postes de directeur de projet et que son expérience professionnelle n’était pas moins riche que celle de ses collègues de travail 

– que sa moindre mobilité résultait de son état de santé et de l’exercice de ses mandats

– que son profil généraliste n’a pas été un obstacle à son recrutement et ne saurait justifier le traitement moins favorable qu’il a subi.

La société fait valoir :

– que M. [S] n’apporte pas d’éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination en raison de son appartenance syndicale 

– qu’en dépit de ses tentatives, elle a eu les plus grandes difficultés pour missionner son salarié en clientèle du fait de son refus de se déplacer 

– que M. [S] entend se voir appliquer à compter de son embauche en 2013 le salaire moyen qu’il a calculé pour partie à partir du salaire versé à des salariés engagés en 2017 et 2018.

****

En application de l’article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération (…) de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle (…) en raison de son âge, de ses activités syndicales ou mutualistes.

L’article L2141-5 du même code énonce qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Aux termes de l’article L.1134-1 du code du travail, en cas de survenance d’un litige au sujet d’une discrimination invoquée par un salarié, celui-ci doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, les éléments apportés par le salarié devant être examinés dans leur ensemble, et si tel est le cas, il incombe ensuite à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [S], embauché le 1er juillet 2013 au poste de directeur de projet, au niveau 2.3 coefficient 150, alors qu’il était âgé de 54 ans comme étant né le 16 février 1959, soutient en premier lieu qu’il a été victime d’une discrimination à l’embauche en raison de son âge.

Le fait que M. [S] ait été recruté en 2013 en qualité de directeur de projet à la position 2.1 coefficient 150, alors que les salariés auxquels il se compare, notamment M. [G], né en 1974, M. [I], né en 1978 et Mme [D], née en 1985, présentés par l’employeur dans son tableau versé en pièce 17 comme directeurs de projets au même titre que M. [S], ont été embauchés respectivement en 2014, 2017 et 2018 à la position 3.1 coefficient 170, et que le document produit par la société, intitulé position et classification des directeurs de projet mai 2019, montre qu’à cette date, M. [S] perçoit un salaire moins élevé que celui des trois salariés auxquels il se compare , soit 44 500 euros en fixe annuel (3 708,33 euros par mois) et 2 000 euros par an en variable, les salaires des trois autres directeurs de projet s’élevant respectivement à :

– Mme [D] : 52 500 euros (4 375 euros par mois), outre 1 500 euros par an de rémunération variable

– M. [I] : 59 000 euros (4 916,66 euros par mois), outre 7 000 euros par an de rémunération variable

– M. [G] : 60 000 euros (5 000 euros par mois), outre 6 000 euros par an de rémunération variable

ne laisse pas présumer l’existence d’une discrimination liée à l’âge dont M. [S] aurait été victime au moment de son embauche , puisque, d’une part un salarié ayant le même âge que lui, M. [W] , embauché depuis 1997, était positionné au niveau 3.2 et percevait un salaire annuel fixe de 76 484 euros (6373,66 euros par mois), outre 6 410 euros de rémunération variable, d’autre part les trois salariés ci-dessus ont été embauchés postérieurement à lui.

La société justifie en outre de ce que, dans son poste précédent de consultant confirmé chez Altran, du 2 novembre 2011 au 27 mars 2012, le salarié était classé en position 2.3 coefficient 150.

L’existence d’une discrimination à l’embauche en raison de l’âge n’est pas établie.

M. [S] soutient par ailleurs qu’il a fait l’objet d’une discrimination syndicale à compter de sa première élection (30 octobre 2014), au motif que :

1) sa rémunération n’a pas évolué de manière identique à celle de ses collègues placés dans une situation identique, si l’on compare son évolution de salaire avec celle dont ont bénéficié deux autres directeurs de projet (MM. [G] et [I])

2) il n’a pas reçu de proposition de mission correspondant effectivement à son profil

3) il a rencontré des difficultés pour accéder à la formation et ses candidatures à une mobilité interne ont été systématiquement écartées

4) la société a fait obstacle à l’exercice normal de ses mandats de représentation du personnel.

1) M. [S] se fonde sur deux tableaux faisant apparaître que le taux d’augmentation moyen de salaire est :

– pour les élus de 2,1% en 2016, 2,3% en 2017 et 2,9 % en 2018

– pour les élus ayant des responsabilités syndicales de 2 % en 2016 , 2 % en 2017 et 2,78 % en 2018

– pour l’ensemble des collaborateurs, de 2,8 % en 2016, 3,1 % en 2017 et 3,6 % en 2018.

Il expose que, de 2013 à 2019, son salaire a augmenté ‘en moyenne’ de 3,5 %, soit 0,6 % par an.

M. [S], embauché le 1er juin 2013 moyennant une rémunération brute annuelle fixe de 43 000 euros percevait en mai 2019 un salaire annuel fixe de 44 500 euros.

En six ans, son salaire annuel fixe a donc progressé de 1 500 euros (3,5 %), soit 250 euros par an.

Dans ses conclusions, M. [S] compare la progression de son salaire à celle du salaire de MM. [G] et [I].

M. [G] a été embauché le 10 septembre 2014 en qualité de consultant manager, position 3.1, coefficient 170, moyennant une rémunération annuelle fixe brute de 51 000 euros.

En mai 2019, son salaire fixe annuel s’élevait à 60 000 euros.

En quatre ans et huit mois, son salaire annuel fixe a donc progressé de 9 000 euros (17,6 %), soit 1 895 euros par an.

M. [I] a été embauché le 15 décembre 2017 en qualité de directeur de projets, position 3.1, coefficient 170, moyennant une rémunération annuelle fixe brute de 54 000 euros.

En mai 2019, son salaire fixe annuel s’élevait à 59 000 euros.

En un an et cinq mois, son salaire annuel fixe a donc progressé de 5 000 euros (11,8 %), ce qui correspond à une augmentation annuelle de 3 571 euros.

2) M. [S] explique dans ses conclusions que la société ne lui a plus proposé de mission de directeur de projets depuis quatre ans, alors qu’il avait pu réaliser différentes missions de 2013 à 2015 sans difficulté ( ‘du moins avant le ‘burn out’ dont il a été victime’).

Dans les compte-rendus des entretiens annuels d’évaluation portant sur les années 2016 à 2021, M. [S] porte les commentaires suivants :

– 2016 : depuis début mars 2016, plus aucune mission, le manque de mission ou de projet provoque un sentiment de dévalorisation, d’insécurité, donc de démotivation

– 2017 : courant 2017 : projet interne; aucune mission extérieure facturable pouvant me permettre de réaliser un chiffre d’affaires (…) Je souhaite que Keyrus me donne la possibilité d’exécuter ma profession pour laquelle j’ai été embauché par le biais de projets internes ou de missions chez les clients en adéquation à mon profil afin de relancer ma carrière professionnelle

– 2018 : aucune mission extérieure facturable pouvant me permettre de réaliser un chiffre d’affaires

– 2019 : après plus de deux années passées sans mission, je souhaite que Keyrus m’attribue un projet ou une mission en rapport avec mes qualités de directeur de projets et donc de manager exercées depuis près de vingt ans

– 2020 : aucune mission externe facturable pouvant me permettre de réaliser un chiffre d’affaires ne m’a été proposée

– 2021 : aucune mission externe de directeur de projet facturable pouvant me permettre de réaliser un chiffre d’affaires ne m’a été proposée; après plusieurs années passées sans mission de directeur de projets chez Keyrus, je souhaite que Keyrus m’attribue un projet ou une mission en rapport avec mes qualités de directeur de projets et donc de manager exercées depuis près de 25 années ;

3) M. [S] affirme qu’en 2019, il n’a bénéficié que de deux formations alors qu’il en avait sollicité neuf.

En ce qui concerne les formations, l’employeur produit un échange de courriels montrant qu’il a validé le 2 janvier 2018 deux formations d’une demi-journée chacune demandées par M. [S] le même jour, que, le 26 mars 2018, M. [S] a demandé à bénéficier de quatre formations dont trois en avril et une en juin, soit sept journées au total, et que sa responsable lui a demandé de lui transmettre les devis et financements associés indispensables à la validation.

Il résulte des compte-rendus des entretiens annuels 2020, 2021 et 2022 :

– qu’en 2019, le salarié a bénéficié de deux demi-journées de formation en septembre et de deux jours de formation au CSE, cinq formations en management demandées ont été annulées en raison du nombre trop faible d’inscrits et une formation proposée par le manager n’a pu être réalisée car elle n’existait plus sur le planning des formations

– qu’en 2020, trois des quatre formations demandées ont été annulées pour cause de COVID, et la dernière n’a pas été validée par l’employeur

– qu’en 2021, le salarié a suivi cinq formations d’une demi-journée chacune.

Le refus injustifié de l’employeur de valider les formations sollicitées par M. [S], notamment en 2019, n’est pas établi.

En ce qui concerne la mobilité interne qu’il reproche à l’employeur de ne pas lui avoir accordée, M. [S] verse aux débats :

– son courriel du 27 juin 2019 aux termes duquel il déclare ‘souhaiter postuler dans la mesure du possible à cette opportunité de pouvoir reprendre certaines des activités qui se libèrent’ et une attestation de Mme [O], responsable qualité et modernisation des services de septembre 2016 à mars 2018, selon laquelle M. [S] l’a assistée dans ses fonctions comme point relais, correspondant qualité, pour la refonte des processus, le référencement des processus et procédures et autres tâches relatives à la démarche qualité et elle a pu constater au regard de son expérience que M. [S] présentait toutes les qualités requises pour occuper les missions de correspondant qualité.

Ce courriel et cette attestation ne permettent pas de déterminer qu’un poste interne était à pourvoir et que l’employeur aurait dû l’attribuer à M. [S].

– son courriel envoyé le 29 janvier 2020, aux termes duquel M. [S] a posé sa candidature au poste interne de ‘consultant manager delivery’ en écrivant qu’il souhaite avoir un entretien afin de discuter de cette opportunité et attend une convocation en février.

Le directeur des opérations Régions Sud a répondu le 31 janvier 2020 à cette candidature que l’équipe avait décidé de ne pas la retenir car elle recherchait quelqu’un ‘pouvant avoir un aspect de coach autour des technologies DATA et méthodologies pratiquées pour nos clients’ et qu’il restait à disposition pour en parler s’il le souhaitait.

Le reproche relatif aux candidatures non retenues sans motif valable n’est pas matériellement établi.

4) M. [S] indique, ‘à titre d’exemple’, que la société a mis huit mois pour lui fournir un ordinateur portable doté d’une webcam et d’un micro pour assister aux réunions du CSE qui se déroulent en visio-conférence.

Il justifie avoir fait le 1er août 2019 une demande de ‘renouvellement de son ordinateur portable qui ne contient pas de caméra intégrée de sorte qu’il s’est retrouvé bloqué pour une réunion avec [Localité 10] sur le CSE’, demande réitérée le 7 octobre 2019, le 19 octobre 2019, le 6 novembre 2019 et le 16 mars 2020. La demande a été validée le 16 mars 2020 par le directeur.

Les faits établis 1, 2 et 4, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une discrimination syndicale au préjudice de M. [S] à compter de son élection en octobre 2014.

L’employeur observe en réponse que :

– il résulte des tableaux relatifs au pourcentage d’augmentation des salariés invoqués par le salarié, issus de la négociation annuelle obligatoire qu’en 2016, 80 % des élus, 60 % des élus ayant des responsabilités syndicales, mais seulement 55 % des collaborateurs sont augmentés, en 2017, ces chiffres sont : 73, 3 %, 100 % et 58 %, en 2018 : 82 % , 100 % et 59 % et en 2019: 75 %, 100 % et 68,51 %, si bien que la proportion des salariés élus (comme M. [S]) ou élus ayant des responsabilités syndicales augmentés est plus importante que celle des autres collaborateurs

– les élus sont au nombre de 15 dont 5 personnes syndiquées et comptent en leur sein des métiers très différents

– M. [S] a un profil généraliste, son expérience passée s’est faite dans des environnements non spécialisés, étant observé que le titre de directeur de projets renvoie à des fonctions qui peuvent être très différentes selon les compétences et l’expertise des salariés et des entreprises, ce qui explique qu’au sein d’une même entreprise, le salaire des directeurs de projets connaisse des écarts importants

– M.[S] se compare à M. [I] qui n’est plus directeur de projets mais ‘delivery manager’, ce qui signifie qu’il encadre lui-même des directeurs de projet et se situe donc à l’échelon supérieur de celui de directeur de projet

– M. [G] est passé ‘delivery manager’ en 2016

– M. [I] et M. [G] avaient déjà de nombreuses années d’expérience en qualité de directeurs de projet, leur feuille de route comporte la compétence ‘management d’équipe’ dont M. [S] ne dispose pas, ces deux salariés se déplacent en France et/ou en Europe, leur feuille de route démontre que les réalisations attendues d’eux sont bien différentes de celles de M. [S]

– Mme [D] occupe le poste de directeur du projet digital et dispose d’une formation digitale, niveau master 2, ingénieure des médias

– lors des entretiens annuels pour les années 2015 à 2019 inclus, M. [S] a reconnu qu’il n’avait pas le niveau requis pour le poste de directeur de projets puisqu’il n’avait pas le niveau expert (4)

– M. [S] a refusé toute mobilité à compter du 21 avril 2015

– elle lui a proposé un poste sédentaire sans aucune baisse de rémunération, compatible avec ses nouvelles exigences professionnelles, mais M. [S] l’a refusé.

Il ressort de la fiche de poste de Keyrus que le directeur de projet a une formation supérieure + 4 ou + 5 et une expérience professionnelle égale ou supérieure à 10 ans et de la fiche de poste Cigref que le profil de formation du directeur de projets est bac + 5 et qu’il est requis une expérience de plus de sept ans en tant que manager et en conduite de projet opérationnel.

Le profil professionnel de M. [S] montre qu’avant d’être embauché par la société Keyrus, il exerçait des fonctions de chef de projet (de 2008 à 2012), que, sur la période 1998 à 2003, puis 2004 à 2007, il a exercé des fonctions de directeur de projet (avec management d’une équipe de 30 personnes de 2004 à 2007) et qu’antérieurement à 1998, il a exercé des fonctions de chef de projet.

Le profil de M. [G] montre qu’avant son embauche, le 10 septembre 2014, un an après M. [S], il avait exercé à partir de 2008 des fonctions de chef de projet avec pilotage d’équipes de 4 à 12 personnes, puis à partir de 2010 des fonctions de directeur de projet avec pilotage d’équipes de chefs de projet (jusqu’à 10).

Ses fiches d’objectifs montrent qu’en sa qualité de ‘consultant manager’ de 2014 à 2016, puis de ‘delivery manager’ de 2017 à 2019, il devait réaliser une production, manager une équipe et manager des projets. Son évaluation de l’année 2015 mentionne plusieurs projets et contient un commentaire globalement positif du manager.

Avant son embauche le 15 septembre 2017, quatre ans après M. [S], M. [I] a été de 2011 à 2014 directeur de projets avec management au quotidien d’une équipe de 50 personnes, en 2014 et 2015, directeur de projets ERP avec management d’une équipe internationale et en 2016, directeur de programmes.

Les pièces produites par l’employeur font apparaître par ailleurs que :

– une lettre de ‘mise en garde formelle’ a été adressée au salarié le 26 mai 2014, lui reprochant des manquements professionnels et des problèmes de comportement (communication inappropriée avec son manager)

– le 21 avril 2015, M. [S] a refusé la mission qui lui était proposée à [Localité 9] au motif qu’elle nécessitait sa présence chez le client à temps plein, alors qu’à son embauche, il avait clairement exposé sa situation familiale qui ne lui permettait pas de s’absenter loin de son domicile pour plusieurs jours ‘étant en intercontrat, je suis conscient que tu n’as pas forcément de dossier relatif à ma fonction de directeur de projets, mais je peux rendre service ponctuellement à toutes personnes’

– le 5 juin 2015, l’employeur a rappelé au salarié que son poste de directeur de projet impliquait la mobilité géographique inhérente à sa fonction exercée en société de services, le parc de clients étant géographiquement étendu, qu’il n’était pas rattaché contractuellement au centre de services, que son poste n’était pas sédentaire et que, depuis quelques mois, ‘il n’avait pas pléthore de missions de direction de projet’ mais qu’en raison de son refus de mission, il lui avait tout de même proposé un poste sédentaire de chargé de formation qui se libérait, sans baisse de rémunération, poste qu’il avait refusé

– lors de la visite de reprise en date du 8 juin 2015, le médecin du travail a déclaré M. [S] apte à son poste et, le même jour, a écrit à l’employeur qu’afin de préserver l’état de santé du salarié, un aménagement du poste de travail actuel était nécessaire :

* favoriser au maximum une activité pas trop éloignée de son domicile

* les trajets de plus de deux heures ainsi que les absences sans retour à domicile doivent être occasionnels

* il est nécessaire que le salarié puisse rentrer chez lui dans des horaires convenables.

– lors de l’évaluation de l’année 2015, le manager indique : ‘le projet a été finalisé par un autre dispositif (…) le positionnement en direction de projet reste une priorité pour M. [S] qui a rejoint l’entité Centre Est en fin d’année. Ce positionnement n’est pas aisé car l’expérience passée de M. [S] ne porte pas sur nos métiers et c’est ce qui rend la situation compliquée pour trouver des missions.’

– sur le compte-rendu d’évaluation de l’année 2016, le salarié écrit : ‘fin février 2016, fin de la mission Y qui a duré 4 mois’ ; le manager écrit : ‘sortie de la mission Y, client moyennement satisfait (…) M. [S] a été positionné sur des missions mais missions perdues, il est généraliste et difficile à positionner sur le marché (…) il est difficile à positionner en clientèle car assez peu adaptable; il n’est pas question qu’il se sente dévalorisé, on va travailler dans ce sens’

– sur le compte-rendu d’évaluation de l’année 2017, le manager écrit: ‘bonne implication dans son rôle de soutien interne sur les sujets rédactionnels de qualité ; une année mitigée, difficulté de positionner M. [S] sur des missions chez le client au vu de ses difficultés de communication; année correcte en interne (…) M. [S] a été positionné plusieurs fois sur des missions en clientèle, il n’ a jamais été retenu, il n’est pas en mesure non plus de se déplacer, ce qui limite considérablement le potentiel de mission, l’ensemble des directeurs de projet ont des déplacements car des clients de tout horizon géographique; de plus, il n’a pas les qualités pour devenir manager’

– le 5 septembre 2018, en réponse à une proposition de mission, M. [S] écrit à l’employeur qu’avant d’envoyer son CV à un client pour une mission, il souhaite connaître son contenu, si c’est celle dont [C] m’a parlé, elle est trop technique et ne correspond pas du tout à mon profil. De plus, ce client se trouve à 1 heure 30 de voiture de [Localité 8], soit 3 heures de trajet par jour, ce qui est trop loin de [Localité 8] et mes disponibilités en semaine sont limitées, les missions doivent se trouver sur [Localité 8] et sa proche périphérie. Je suis représentant du personnel et à ce titre, j’ai plusieurs mandats , je suis donc appelé à être disponible etc…

– courant 2018, M. [S] n’a effectué aucune mission extérieure client. Le manager signale sur le compte-rendu d’évaluation de l’année 2018 que M. [S] a été proposé pour le client X mais ‘no go du client’

– en 2020, il est noté dans le compte-rendu d’évaluation que M. [S] a travaillé sur un projet interne évalué B (le manager indique que le sujet a pu se dérouler sans accroc) et qu’il a été placé en arrêt maladie du 26 mars au 30 avril 2020 et du 31 mai au 25 octobre 2020

– en 2021 : M. [S] a effectué le projet interne ‘people value’ (évalué B) ; le manager indique que la mission 3 correspond à une mission facturable, que plusieurs initiatives ont été lancées, que ‘nous n’avons pas eu de go client’, que la mission 3 s’est arrêtée au bout de deux mois et qu’un autre salarié a repris la mission de pilotage; il ajoute ‘nous sommes alignés sur la projection 2022 : un départ à la retraite, je vais néanmoins continuer à proposer des missions en lien avec les aptitudes de M. [S]’.

– le 22 avril 2022, M. [S] a refusé une mission au motif qu’elle demande des compétences techniques qu’il n’a pas, que son profil n’est pas en adéquation avec la demande de la mission et celle du client et que les déplacements à [Localité 7] sont contraignants par rapport à ses mandats internes et externes qui demandent sa présence à [Localité 8].

L’employeur démontre au moyen de ces éléments que le taux d’augmentation de salaire plus important accordé à MM. [G] et [I], par rapport à M. [S], étant précisé que les périodes de comparaison ne sont pas les mêmes, puisque ces deux salariés ont été embauchés postérieurement à M. [S], est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En effet, MM. [G] et [I] avaient une expérience de management plus récente et plus longue que celle M. [S], contrairement à ce dernier, des objectifs en ce domaine leur ont été impartis, ils ont été mobiles géographiquement et ils ont été positionnés, soit à l’embauche, soit en cours de contrat à un niveau de responsabilité plus important que celui de M. [S].

M. [S] a refusé une mission longue en avril 2015, avant que le médecin du travail ne préconise une limitation des durées de trajet et des missions éloignées de son domicile, et il lui a été rappelé par l’employeur à cette occasion que son absence de mobilité réduisait les possibilités de lui confier des missions externes.

Alors que cette préconisation n’avait pas été réitérée à l’issue de la visite périodique du 19 décembre 2016, le médecin du travail ayant rendu un avis d’aptitude au poste, sans autre précision, M. [S] a indiqué dans ses évaluations qu’il n’était pas mobile, par exemple en 2017 : aucune mobilité en perspective, les missions à long terme ne peuvent être que sur [Localité 8] et sa proche périphérie, en raison de l’exécution de mes mandats, activités extra-professionnelles et situation de santé et familiale et en 2021 : aucune raison de mobilité en perspective, les missions à long terme nécessitant une présence continue chez le client ne peuvent être que sur [Localité 8] et sa proche périphérie, en raison de l’exécution des mandats internes et externes, des conditions sanitaires, de l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, des activités extra-professionnelles.

Il a refusé une mission en 2018, a demandé par courriel du 17 novembre 2021 à ne plus travailler sur la mission qui lui avait été attribuée en octobre 2021 et il a refusé une mission en 2022.

Enfin, les appréciations du manager portées sur les évaluations du salarié depuis l’année 2015 et des courriels du 22 avril 2022 et du 8 septembre 2022 montrent que certains clients ont décidé d’écourter la mission confiée à M. [S] ou n’ont pas souhaité retenir ce dernier sur certaines missions et que le profil généraliste du salarié le rendait plus difficile à positionner sur le marché, outre les difficultés relevées en termes de management.

Quant au retard apporté par l’employeur à donner suite à une demande de changement d’ordinateur faite en août 2019, il ne peut à lui seul , les autres faits étant soit non établis, soit justifiés par des éléments objectifs, caractériser l’atteinte aux fonctions de mandataire élu alléguée.

La preuve d’une discrimination syndicale dont M. [S] aurait été victime n’est pas rapportée et il convient de confirmer le jugement qui a rejeté les demandes en paiement de dommages et intérêts et de rappels de salaire formées en réparation du préjudice causé par la discrimination.

La demande de dommages et intérêts présentée par M. [S] au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail se fonde sur :

– la discrimination subie

– l’abstention de lui fournir des missions en adéquation avec son poste

– le refus de le faire bénéficier de formations

– le refus de toute mobilité interne,

faits dont il a été dit ci-dessus qu’ils n’étaient pas établis.

M. [S] invoque également à l’appui de cette demande une modification imposée des modalités de calcul de sa rémunération variable, au mépris de son statut protecteur.

Il soutient qu’à compter de l’année 2020, l’employeur a conditionné le versement de l’intégralité de sa rémunération variable à l’atteinte d’un objectif collectif lié à la ‘marge nette opérationnelle’ de la société Keyrus France, ce qui l’a conduit à refuser de signer les feuilles de route 2020, 2021 et 2022, et qu’il a ainsi été privé d’une partie de sa rémunération variable en 2020 et de la totalité de celle-ci en 2021.

Le contrat de travail stipule que les objectifs (dont l’atteinte à 100 % donne lieu au versement d’une rémunération variable brute de 2 000 euros par an) seront définis en début de chaque exercice par le manager du salarié.

Dans ces conditions, M. [S] qui indique lui-même qu’il a reçu une feuille de route correspondant à chacun des exercices litigieux ne démontre pas que son employeur lui a imposé de manière fautive une modification de son contrat de travail.

La demande de dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande subsidiaire de repositionnement

Le salarié fait valoir qu’il résulte de la lecture de sa fiche de poste qu’en le recrutant la société s’est engagée à lui confier un poste stratégique avec des responsabilités importantes, que la définition donnée par la société elle-même du poste de directeur de projet ne correspond pas à la classification 2.3 de la convention collective applicable qui lui a été attribuée  et qu’il aurait dû se voir appliquer dès son embauche la classification 3.2.

La société fait valoir que si les fonctions de directeur de projet occupées par le salarié impliquaient le pilotage opérationnel d’un projet, celui-ci n’a jamais eu d’autorité hiérarchique sur des subordonnés ou les autres directeurs de projets, de sorte que la condition prévue par la convention collective pour bénéficier de la position revendiquée n’est pas remplie.

****

Le salarié ne démontre pas que le poste auquel il a été recruté et les fonctions réellement exercées par lui relevaient de la classification 3.2 de la convention collective ainsi définie : les ingénieurs ou cadres ayant à prendre dans l’accomplissement de leurs fonctions les initiatives et responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.

Il se compare du reste lui-même à des salariés directeurs de missions positionnés au niveau 3.1 coefficient 170.

Sa demande subsidiaire de repositionnement au niveau 3.2 doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Le conseil de prud’hommes a condamné la société Keyrus à appliquer à M. [S] la classification 3.1 coefficient 170 depuis son embauche et à verser à ce dernier le rappel de salaire correspondant à compter du 1er juillet 2015, après avoir relevé notamment que tous les directeurs de projet de l’entreprise étaient classés au niveau 3.1 coefficient 170 ainsi défini par la convention collective: ingénieurs ou cadres, placés généralement sous la responsabilité d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre, non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme mais aussi des connaissances pratiques étendues, sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient à leur chef.

La société ne demande pas dans le dispositif de ses dernières conclusions sur lequel seul doit statuer la cour, en application de l’article 954 du code de procédure civile, l’infirmation de ces dispositions du jugement.

Il convient en conséquence de les confirmer.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [S] a notifié à l’employeur sa décision de faire valoir ses droits à la retraite, par lettre recommandée du 2 novembre 2022 avec effet au 1er janvier 2023, date d’expiration du préavis de deux mois et il sollicite désormais la requalification de son départ à la retraite en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul.

Sa demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail est donc devenue sans objet.

Sur la demande de requalification du départ à la retraite en prise d’acte de la rupture

Le salarié fait valoir qu’il a fait le choix, compte tenu des manquements persistants de la société à ses obligations, de partir à la retraite, qu’il a expliqué les motifs de son départ dans sa lettre du 12 décembre 2022 et que la rupture produit les effets d’un licenciement nul, compte-tenu de son statut de salarié protégé.

La société fait valoir que ce n’est qu’après l’avoir informée de son départ à la retraite que le salarié a tenté de justifier sa décision par une prétendue ‘placardisation’ et que le départ à la retraite de M. [S] résulte d’un choix personnel et n’est pas la conséquence de prétendus manquements qui lui seraient imputables.

****

Le 12 décembre 2022, M. [S] a écrit à la société Keyrus la lettre suivante :

Je fais suite à mon courrier du 2 novembre dernier aux termes duquel je vous informais de ma décision, de guerre lasse, de départ volontaire à la retraite.

Je vous rappelle, à toutes fins utiles, comme je l’avais expressément mentionné lors de mon entretien annuel du 8 novembre 2022 :

« Le manque d’activité professionnelle à la hauteur de mes compétences et de mes attributions me démotivent et me poussent à notifier un départ à la retraite au 1er janvier 2023. Aimant ma profession de directeur de projet que j’exerce depuis plus de vingt ans, si j’avais eu des missions intéressantes ou une activité professionnelle interne chez KEYRUS enthousiasmante et répondant à mes ambitions, j’aurais vraisemblablement pris ma retraite plus tard, soit à l’âge de 65 ans .

Je déplore de devoir mettre un terme anticipé à ma carrière et, plus encore, de terminer ladite carrière dans ce contexte, c’est-à-dire après plus de cinq années de « placardisation ».

Dans la mesure où les griefs invoqués dans le cadre de la présente procédure ne sont pas établis, que le salarié n’a pas demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail dans sa requête introductive d’instance, ni en cours de procédure devant le conseil de prud’hommes et que les premiers juges ont ordonné le repositionnement et condamné l’employeur à payer le rappel de salaires correspondant, ce qui a mis fin à la différence de classification entre M. [S] et ses collègues directeurs de mission, M. [S] ne démontre pas l’existence de fautes graves commises par l’employeur jusqu’à la date à laquelle il a décidé de faire valoir ses droits à la retraite, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La demande tendant à voir qualifier la décision de départ à la retraite de prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul n’est pas justifiée.

Les demandes consécutives doivent être rejetées.

Sur les demandes formées par les syndicats FIECI CFE-CGC et SNEPSSI CFE-CGC

L’existence d’une discrimination syndicale au préjudice de M. [S] n’étant pas démontrée, les demandes en paiement de dommages et intérêts ne sont pas justifiées et le jugement qui les a rejetées sera confirmé.

Le jugement doit être infirmé en revanche en ce qu’il a condamné la société Keyrus à payer aux syndicats, parties perdantes, une indemnité de procédure. Cette demande sera rejetée.

Il convient de condamner M. [S] et les deux syndicats dont le recours est rejeté aux dépens d’appel.

Pour des raisons d’équité, la demande de la société Keyrus fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a condamné la société Keyrus à payer à chacun des deux syndicats une indemnité de procédure

REJETTE les demandes en paiement d’une indemnité de procédure de première instance formées par les syndicats FIECI CFE-CGC et SNEPSSI CFE-CGC

STATUANT par dispositions nouvelles,

CONSTATE que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est sans objet

REJETTE la demande tendant à voir qualifier le départ à la retraite de M. [P] [S] de prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul

REJETTE les demandes en paiement consécutives

CONDAMNE M. [S] et les syndicats FIECI CFE-CGC et SNEPSSI CFE-CGC aux dépens d’appel

REJETTE la demande de la société Keyrus fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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