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Convention collective SYNTEC : 7 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/02437

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Convention collective SYNTEC : 7 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/02437

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02437 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7KN2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2018 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F16/03261

APPELANTE

SAS EAU

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Agnès VIOTTOLO, avocat au barreau de PARIS, toque : R011

INTIMÉE

Madame [D] [G]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er juin 2011, Mme [D] [G] a été engagée par la société E.A.U, spécialisée dans le développement territorial, en qualité de responsable des opérations statut Cadre, niveau 2.3 coefficient 150 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec, moyennant une rémunération brute mensuelle de 40 000 euros augmentée d’une prime annuelle en fin d’année, déterminée en fonction des résultats de la société et de l’activité personnelle de la salariée.

Dans le dernier état des relations contractuelles entre les parties, Mme [G] percevait un salaire brut mensuel de base de 3 700,75 euros.

La société E.A.U emploie habituellement moins de onze salariés.

À compter du 2 mars 2015, Mme [G] a fait l’objet d’arrêts de travail successifs.

Lors d’une visite de pré-reprise du 29 mai 2015, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte mais a indiqué qu’il désirait la revoir après la reprise du travail.

À la suite visite médicale du 9 septembre 2015 faite à la demande de la salariée, le médecin du travail a déclaré Mme [G] inapte en un seul examen pour danger immédiat.

Par courrier en date du 18 septembre 2015, la société E.A.U a fait une offre de reclassement à la salariée. Cette dernière a décliné l’offre au motif, notamment, que le poste offert la placerait sous la subordination de Mme [K], sa supérieure actuelle, qui se livrait sur elle à un véritable harcèlement dont l’employeur était, par ailleurs, parfaitement au courant.

Après avoir été convoquée, par lettre du 14 octobre 2015, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 octobre 2015, Mme [G] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 30 octobre 2015.

Soutenant que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement trouve son origine dans une situation de harcèlement et estimant ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits durant le relation contractuelle de travail, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, le 24 mars 2016, afin de l’entendre, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– prononcer la nullité de son licenciement,

– Condamner la société E.A.U à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :

° rappel de prime 2013 : 3 700,75 euros,

° congés payés afférents : 370,07 euros,

° rappel de prime 2014 : 3 700,75 euros,

° congés payés afférents : 370,07 euros,

° indemnité compensatrice de congés payés 2014-2015 : 1 639,68 euros,

° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 44’409 euros,

° indemnité compensatrice de préavis : 12’027,30 euros,

° congés payés afférents : 1 202,73 euros,

° indemnité conventionnelle de licenciement : 1 137,63 euros, subsidiairement 803,53 euros,

° dommages et intérêts pour harcèlement moral : 11’102 euros,

° article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,

– Condamner la société à lui remettre une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.

La société E.A.U a conclu au débouté de la salariée et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 juin 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné la société E.A.U à verser à Mme [G] les sommes de 22’204,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et de 900 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société E.A.U a interjeté appel le 8 février 2019 de la décision qui lui a été notifiée le 24 janvier 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2019, elle demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a requalifié le licenciement en licenciement nul et condamner la société à verser à Mme [G] la somme de 22’204,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul outre 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

– Dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

– Débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes

– Condamner cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 février 2020, Mme [G] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré son licenciement nul et en ce qu’il a condamné la société E.A.U à lui verser une certaine somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

– Dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Infirmer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau,

– Condamner la société à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal, à compter de la date de saisine du Conseil de prud’hommes, s’agissant des rappels de salaire, de l’indemnité de licenciement et des congés payés, à la date du jugement pour ce qui concerne l’indemnité pour licenciement nul et à la date de l’arrêt à intervenir pour ce qui concerne les autres demandes :

° 44’409 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 12’027,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 1 202,73 euros au titre des congés payés afférents,

° 11’102 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

° 1 137,63 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement, 803,53 euros,

° 1 639,68 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés,

° 3 700,75 euros à titre de rappel de prime 2013, outre 370,07 euros au titre des congés payés afférents,

° 3 700,75 euros à titre de rappel de prime 2014, outre 370,07 euros au titre des congés payés afférents ,

– Ordonner la remise par la société E.A.U d’une attestation pôle emploi, d’un bulletin de salaire et d’un certificat de travail rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l’arrêt,

– Condamner la société E.A.U à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 22 février 2022 et l’affaire plaidée à l’audience du 23 mars 2022. Par arrêt du 20 avril 2022, les parties ont été envoyées en médiation.

Aucun accord n’étant intervenu, l’affaire a été rappelée à l’audience du 28 septembre 2022.

MOTIFS

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Sur le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés

L’article 27 de la la convention collective nationale Syntec énonce :

‘Pour le calcul de la durée du congé, sont notamment considérés comme période de travail effectif :

(…)

– Les périodes d’arrêt pour maladie ou accident lorsqu’elles donnent lieu à maintien du salaire en application de la convention collective

(…)’

L’article 43 IC de la même convention collective dispose :

‘En cas de maladie ou d’accident dûment constatés par certificat médical et contre-visite, s’il y a lieu, les IC recevront les allocations maladie nécessaires pour compléter, jusqu’à concurrence des appointements ou fractions d’appointements fixées ci-dessus, les sommes qu’ils percevront à titre d’indemnité, d’une part, en application des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et des lois sur l’assurance maladie, d’autre part, en compensation de perte de salaire d’un tiers responsable d’un accident.

Les indemnités versées par un régime de prévoyance auquel aurait fait appel l’employeur viendront également en déduction.

(…).

Cette garantie est fixée à 3 mois entiers d’appointements.

Il est précisé que l’employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance, ainsi que les compensations de perte de salaire d’un tiers responsable, jusqu’à concurrence de ce qu’aurait perçu, net de toute charge, l’IC malade ou accidenté s’il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications.

(…)

Le maintien du salaire s’entend dès le premier jour d’absence pour maladie ou accident dûment constatés par certificat médical.

Les allocations fixées ci-dessus constituent le maximum auquel l’IC aura droit pour toute période de 12 mois consécutifs au cours de laquelle il aura eu une ou plusieurs absences pour maladie ou accident.

Pour les incapacités temporaires de travail supérieures à 90 jours consécutifs, le relais des garanties sera assuré aux conditions prévues par l’accord “Prévoyance” annexé à la présente convention collective.’

L’article 6 de l’Accord Prévoyance du 27 mars 1997 pris en application de la même convention collective est ainsi rédigé :

‘Garantie incapacité temporaire de travail :

Article 6.1 ‘ Définition :

Il s’agit d’un arrêt total de travail entraînant le versement d’indemnités journalières de la Sécurité Sociale hors assurance maternité.

Article 6.2 – Délai de carence :

Le délai de carence appliqué à la garantie est de 90 jours consécutifs d’arrêt de travail.

Article 6.3 ‘ Montant :

La garantie consiste à assurer à un salarié ayant plus d’un an d’ancienneté un complément d’indemnité destiné à compléter les versements de la Sécurité Sociale à hauteur de 80 % du salaire brut tel que défini à l’article 8 jusqu’au classement en invalidité par la Sécurité Sociale

sans pour autant excéder le salaire net qu’aurait perçu le salarié en activité.’

Pour confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande en rappel de congés payés de Mme [G], la société E.A.U fait valoir que la salariée a bénéficié de la garantie de maintien de salaire durant trois mois, par application de l’article 43 de la convention collective Syntec, et que la période postérieure qui n’entre plus dans la garantie de maintien de salaire due par l’employeur est prise en charge par l’organisme de prévoyance et ne permet pas d’acquérir de droits à congés payés.

Mme [G] réplique qu’aux termes des articles visés ci-dessus, les salariés bénéficient d’un premier maintien de salaire par l’employeur pendant trois mois puis d’un maintien de salaire au titre de la prévoyance obligatoire et que c’est donc à tort que les premiers juges ont limité ses droits à congés payés sur la première période uniquement.

Cela étant, il résulte clairement des textes ci-dessus, que ‘les périodes d’arrêt pour maladie ou accident donnant lieu à maintien du salaire en application de la convention collective’, s’entendent comme étant les seules périodes visées expressément par l’article 43 IC, à savoir celles durant laquelle l’employeur doit la garantie de maintien de salaire à son salarié. En effet, pour la période postérieure, l’article 43 IC se contente de renvoyer le salarié à l’accord de prévoyance.

En outre, la garantie de salaire prévue par la convention collective n’a pas la même nature ni la même portée que la garantie de salaire assurée par le régime de prévoyance. La première est à la charge de l’employeur qui doit assurer à son salarié 100 % de son salaire en complétant les indemnités journalières et autres prestations versées au titre du régime de prévoyance, et ce sans période de carence. La seconde est assurée par l’organisme de prévoyance pour garantir au salarié 80 % de son salaire après période de carence.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [G] de cette demande.

Sur le rappel des primes au titre des années 2013 et 2014

Pour confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande en rappel de prime au titre des années 2013 et 2014, la société E.A.U fait valoir que le montant de la prime est discrétionnaire et est déterminée en fonction de l’activité personnelle de la salariée telle qu’évaluée par l’employeur et que, compte-tenu des performances moindres – pour ne pas dire largement insuffisantes – de Mme [G] au titre des années 2013 et 2014, elle était parfaitement en droit de diminuer le montant de la prime allouée.

Toutefois, le contrat de travail prévoit expressément qu’en plus de son salaire annuel, Mme [G] devait percevoir une prime annuelle attribuée en fin d’année en fonction des résultats de la société et eu égard à sa contribution (pouvant atteindre 1 mois de salaire) et de l’activité personnelle de la salariée, sur la base d’un entretien et d’une évaluation annuelle (pouvant atteindre 1 mois de salaire).

Comme justement relevé par Mme [G], il résulte clairement de ces dispositions que la prime sollicitée par la salariée, d’une part, a bien une nature contractuelle et, d’autre part, n’a pas de caractère discrétionnaire puisqu’elle dépend de la performance de l’intéressée dont le bilan doit être fait à l’occasion d’un entretien annuel.

Or, comme tout aussi justement rappelé par Mme [G], dans un pareil cas, la carence de l’employeur à organiser l’entretien annuel d’évaluation dont les conclusions conditionnent le principe et le montant du versement de la prime contractuelle, ouvre droit pour le salarié au paiement intégral de cette prime.

La société E.A.U ne verse aucun compte rendu d’entretien individuel d’évaluation professionnelle de Mme [G] et les attestations qu’elle produit, selon lesquelles ces entretiens ont eu lieu mais n’ont pas fait l’objet d’une formalisation écrite, ne peuvent valoir preuve que l’employeur a rempli ses obligations à ce titre sur les années 2013 et 2014, un tel entretien ne pouvant se résumer à une discussion informelle entre la salariée et l’employeur.

La société E.A.U sera donc condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à verser à Mme [G] rappel de prime de 3700,75 euros outre celle de 370,07 euros au titre des congés payés afférents, pour chacune des années 2013 et 2014.

Sur le harcèlement

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon, l’article L.1152-2 du même code, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application de l’article L.1154-1, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au titre du harcèlement, Mme [G] invoque :

– des propos désobligeants tenus par Mme [K] à son endroit et des humiliations publiques qu’elle lui faisait subir ;

– un changement de bureau imposé pour la placer sous la surveillance immédiate de Mme [K], changement perçu par plusieurs de ses collègues comme une sanction,

– l’absence de formation dispensée en matière comptable, tandis qu’elle se voyait confier la charge de préparer la facturation des clients d’E.A.U pour son secteur d’activité,

– le retrait de certains dossiers dont elle assumait la gestion, pour les confier à la comptable, sans information préalable,

– la sous-évaluation de sa charge de travail lors d’une réunion avec plusieurs collègues,

– l’absence d’entretien d’évaluation en dépit d’une clause de rémunération variable conclue entre les parties visant un tel entretien et la suppression de cette rémunération pour les années 2013 et 2014.

Elle affirme que ce comportement s’inscrit dans un véritable mode de management par la terreur, poussant de nombreux salariés à démissionner ou à accepter des ruptures conventionnelles à des conditions iniques.

Elle ajoute que ces agissements répétés ont eu pour effet de porter atteinte non seulement à ses conditions de travail mais surtout à son état de santé, puisqu’ils ont conduit au prononcé d’une inaptitude en un seul examen, à raison du danger immédiat pour sa santé, constaté par le médecin du travail.

Elle produit de nombreuses attestations qui :

– décrivent, de façon générale, de mauvaises relations de travail au sein de la société imputant cette situation à la présidente de la société, Mme [K] (M. [H] : ‘Il apparaît clairement qu’à travers ces agissements, Mme [K] entretenait avec les différents membres de l’équipe des relations s’appuyant sur de la manipulation psychique et les échanges qu’elle avait avec chacun de nous étaient pervers’ ; M. [E] : ‘J’ai pu constater, à plusieurs reprises, que Madame [K] avait des propos déplacés et des réflexions malveillantes à l’égard des salariés’,

– témoignent de nombreuses altercations entre Mme [G] et Mme [K], ponctuées de remises en cause professionnelles de la première par le seconde, y compris publiquement, ayant provoqué des pleurs de Mme [G] (Monsieur [E] : ‘J’ai pu constater, à plusieurs reprises, que Madame [K] avait des propos déplacés et des réflexions malveillantes à l’égard des salariés, en particulier de Mme [G] ; M. [H] : ‘ J’ai été témoin de plusieurs altercations de ce genre entre Mme [K] et Mlle [G]. A terme, lors de nos échanges privés notamment au cours de déplacements, Mme [K] me faisait part de ses difficultés avec [D] : « [D] n’est pas facile », « [D] a du mal à travailler », « Elle a une capacité de concentration limitée », « Elle passe trop de temps sur Facebook ,’ De cette manière, il s’agissait évidemment d’asseoir son point de vue et de conforter le caractère « anormal » de [D]. J’étais choqué par ce genre de propos, ils ne traduisaient, pas à mes yeux, un comportement managerial vertueux et respectueux. J’ai ainsi assisté, depuis mon poste, à une altercation particulièrement violente. Sans pouvoir décrire précisément l’événement déclencheur, j’ai pu voir [D] rapidement en panique et en pleurs face aux deux associés M. [Z] et M. [R] que Mme [K] avait appelé à la rescousse. Ils se positionnaient auprès de [D] et lui reprochaient de faire beaucoup d’erreurs, que cela devenait agaçant. Leur persuasion était soutenue et [D], en pleurs, se trouvait dans une situation de détresse. J’ai toujours regretté ne pas être intervenu à ce moment, tellement la situation était insoutenable’ ; Mme [Y] : ‘Pour ce qui a trait aux relations concernant spécifiquement Mme [K] et Mme [G], lors de mon passage dans la société j’ai pu constater à plusieurs reprises que Madame [K] tenait des propos et des réflexions malveillantes à l’égard de Mme [G] et cela dès mon arrivée dans la société. Le comportement de Mme [K] était excessif, les éclats et voix, des explications « musclées » étaient récurrents avec Mlle [G]. Elle était régulièrement la cible de remontrances devant l’ensemble du bureau (dont notamment une fois dont le sujet ne m’étant pas familier je ne peux qu’esquisser les contours : il s’agissait d’un bilan ou un budget à propos d’une opération en cours. Mme [K] avait alors sévèrement pris à partie Mme [G] devant l’ensemble des employés critiquant brutalement son travail et son implication. Mme [G] était restée sans voix, chacune de ses tentatives de prises de parole ayant été brutalement réprimée)’,

– font un lien entre le mécontentement plusieurs fois exprimé par Mme [K] à l’égard de Mme [G] et le déménagement du bureau de cette dernière à proximité de celui de la dirigeante en lui imposant, au surplus, un éloignement avec une proche collaboratrice (Mme [O] : Elle s’est vue aussi changer de bureau dans l’espace de travail, passant d’un emplacement à côté de Mme [B], comptable d’E.A.U et avec qui elle travaillait sur les dossiers d’AMO, situé à une dizaine de mètres de Mme [K] et la rendant peu visible depuis le poste de celle-ci (annexe 3 : schéma de la moitié de l’open space de travail) à un emplacement situé à côté, séparé seulement par une bibliothèque haute d’un peu moins d’un mètre, et qui rendait visible l’écran de Mme [G] depuis le poste de Mme [K] (le seul bureau dans ce cas dans l’ensemble de l’open space)..’

Mme [G] produit un échange de SMS avec Mme [O] au sujet de retraits de dossiers sans explication.

Elle présente donc des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

La société E.A.U réplique que Messieurs [H] et [E], collaborateurs de l’entreprise depuis 3 ans, et par ailleurs partenaires de PACS, ont été licenciés pour faute grave le 24 avril 2015 pour avoir créé une société dont l’activité était identique et, par conséquent concurrente, à celle de E.A.U à l’aide des ressources et des partenaires de E.A.U, qu’ils ont été déboutés de leur contestation du licenciement dans l’instance prud’homale au cours de laquelle ils ont produit une attestation de Mme [G] qui témoignait en leur faveur, tout en accablant Mme [K], ce qui établit que chacun des intéressés a témoigné en faveur de l’autre dans leurs procédures respectives.

Elle relève le caractère vague et imprécis de certains autres témoignages.

Elle ajoute que Mme [G] ne peut se plaindre de retrait d’un dossier puisqu’elle n’en avait pas la charge exclusive, le traitement technique de celui-ci lui étant confié, et la partie financière et comptable attribuée à Mme [B], que le tableau de la répartition du travail n’était qu’une simple base appelée à évoluer avec les commentaires des salariés, que l’absence de versements de primes annuelles 2013 et 2014 s’explique, en ce qui concerne la prime de résultat de l’entreprise, par l’effondrement du chiffre d’affaires de cette dernière et ,en ce qui concerne la prime personnelle de la salariée, par les faibles performances de celle-ci – voire son insuffisance professionnelle relevée par l’expert-comptable – que les témoignages attestant d’un climat délétère au sein de l’entreprise sont contredits par des écrits de ces témoins durant la relation contractuelle de travail et par les échanges entre les dirigeants de la société et leurs anciens collaborateurs.

Cela étant, la société E.A.U se contente de critiquer la force probante des témoignages produits par Mme [G] sur les relations de travail au sein de la société et plus particulièrement sur les relations entre la salariée et sa supérieure, alors que ces témoignages sont précis, circonstanciés et concordants entre eux, y compris lorsqu’ils sont rédigés par des personnes autres que MM. [H] et [E] et qui n’apparaissent pas avoir un intérêt à agir contre la société.

Par ailleurs, les critiques du travail de Mme [G] par sa supérieure dépassent l’exercice normal du pouvoir de direction et de contrôle de l’activité du salarié par l’employeur en ce qu’elles ont été exprimées parfois avec véhémence, dans le ton comme dans les termes utilisés à caractère vexatoire, et devant des collègues de travail. Elles se sont répétées au point d’être ressenties par la salariée comme par ses collègues de travail comme systématiques.

Un telle circonstance établit à elle seule que la société E.A.U échoue à démontrer que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En ce qui concerne les conséquences du harcèlement, la société E.A.U soutient que la salariée n’arrive pas à démontrer que la dégradation de son état de santé ayant conduit à la déclarer inapte est d’origine professionnelle, que les pièces que celle-ci produit sous les numéros 10,11, 12 doivent être déclarées irrecevables car versées en violation du secret médical et portent sur des éléments que le médecin n’a pas personnellement constatés et, en tout état de cause, n’établissent pas un lien entre l’inaptitude de la salariée et ses conditions de travail.

Mais, il doit être rappelé que si le secret médical s’impose impérativement au médecin, il ne s’étend pas au patient lui-même qui reste libre de se prévaloir de toutes les pièces médicales le concernant qu’il estime utiles pour la défense de ses intérêts.

La lecture des certificats médicaux établit, certes, que les médecins relient la dégradation de l’état de santé psychologique de Mme [G] à ses conditions de travail sur les seules informations données par la patiente.

Pour autant, cette circonstance ne saurait conduire à écarter le lien entre les conditions de travail et l’altération de la santé de la salariée en raison, d’une part, de la concomitance de l’apparition des troubles avec la dégradation des conditions de travail de l’intéressée et, d’autre part, de l’absence d’identification d’autres causes au malaise de la patiente, par les médecins.

Par ailleurs, la reconnaissance ou la dénégation du caractère professionnel de la maladie par l’organisme social, ne lie pas la juridiction prud’homale qui reste souveraine dans son appréciation faite à partir des éléments du dossier qui lui sont soumis.

Ainsi, compte tenu de la durée et de la nature des agissements de l’employeur à l’égard de Mme [G] et de ses répercussions sur l’état de santé de l’intéressée, la société E.A.U sera condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à verser à la salariée la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le licenciement

L’article L.1152-3 prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il résulte des éléments développés ci-dessus, qu’il n’est pas nécessaire de répéter, que l’altération de l’état de santé de Mme [G] ayant conduit à son inaptitude en un seul examen pour danger immédiat est liée aux dégradations de ses conditions de travail constitutives de harcèlement.

Les premiers juges ont donc retenu à juste titre la nullité du licenciement de Mme [G].

La nullité d’un licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement ouvre droit pour le salarié à l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, peu importe que le salarié ait été ou non en mesure d’effectuer ce préavis. C’est donc à tort que les premiers juges ont débouté Mme [G] de cette demande.

L’article 15 IC de la convention collective Syntec fixe la durée du préavis pour ingénieurs-conseils à trois mois.

Compte-tenu d’une rémunération brute mensuelle fixe de base de 3 700,75 euros et de la prime annuelle de 3 700,75 euros bruts, le salaire mensuel brut de référence de Mme [G] s’élève, selon la moyenne des 12 derniers mois précédant le licenciement, à 4 029,14 euros.

La société E.A.U sera donc condamnée à verser à Mme [G] la somme de 12’027,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1202, 73 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation du jugement entrepris.

L’article 12 de la convention collective nationale Syntec prévoit que les interruptions pour mobilisation ou faits de guerre entrent intégralement en compte pour la détermination du temps d’ancienneté et qu’il en est de même des interruptions pour maladies, accidents ou maternités (à l’exclusion des périodes d’incapacité de travail ininterrompues supérieures ou égales à 6 mois pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu).

La société E.A.U soutient que Mme [G] qui s’est bien présentée dans les locaux de l’entreprise le 1er juin 2015, n’a pas pris la peine de se rendre à son poste de travail ni d’allumer son ordinateur et a ensuite rapidement souhaité évoquer sa rupture conventionnelle avec ses supérieurs, et qu’ainsi, contrairement à ses affirmations, elle n’a pas repris le travail et a donc subi une période d’incapacité de travail ininterrompue supérieure ou égale à 6 mois qui n’entre pas dans le calcul de l’ancienneté à retenir pour l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Mais, le seul fait qu’un salarié se présente auprès de son employeur à l’issue d’un arrêt de travail et après un examen médical de pré-reprise interrompt le congé maladie.

C’est donc à juste titre que Mme [G] sollicite un rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement en prenant en compte une ancienneté de 4 ans et 8 mois, préavis compris, pour un montant non autrement contesté de 1 137,63 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de cette demande.

La nullité du licenciement ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts qui ne peuvent être inférieurs à six mois de salaire.

Compte tenu de l’ancienneté (4 ans), de l’âge (36 ans) et de la rémunération (voir ci-dessus) de la salariée à la date de la rupture et compte-tenu également du fait que Mme [G] établit avoir bénéficié d’une prise en charge par Pôle Emploi jusqu’en 2019 sans toutefois justifier de ses recherches d’emploi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à Mme [G] la somme de 22’204,50 à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur les intérêts

En vertu des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes ci-dessus, de nature salariale, produiront des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2016, date de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation valant mise en demeure et celles de nature indemnitaire à compter du jugement qui les alloue en ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement nul, et du présent arrêt pour le surplus.

Sur la remise des documents sociaux de fin de contrat

Compte-tenu des développements ci-dessus, la société E.A.U devra remettre à Mme [G] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, sans qu’il apparaisse nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte, le risque d’une éventuelle résistance de la société n’étant pas établi en l’état de la procédure.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société E.A.U sera condamnée à verser à Mme [G] la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par l’intimée à hauteur d’appel qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société E.A.U à verser à Mme [G] les sommes de 22 204,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en complément d’indemnité compensatrice de congés payés et débouté la société E.A.U de ses demandes et condamné cette dernière aux dépens de première instance,

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la société E.A.U à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

° 3 700,75 euros à titre de rappel de prime sur 2013,

° 370,07 euros, au titre des congés payés afférents,

° 3 700,75 euros à titre de rappel de prime sur 2014,

° 370,07 euros, au titre des congés payés afférents ;

° 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

° 12 027,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

° 1 202,73 euros au titre des congés payés afférents,

° 1 137,63 euros à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement,

DIT que les sommes ci-dessus de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2016 et celles de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société E.A.U à verser à Mme [G] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

CONDAMNE la société E.A.U aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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