6 juin 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/00463
ARRÊT n°23/00317
06 juin 2023
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N° RG 21/00463 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FN7G
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Conseil de Prud’hommes de MULHOUSE
Décision du 28 novembre 2017
Cour d’Appel de COLMAR
Arrêt du 22 janvier 2019
Cour de cassation
Arrêt du 6 janvier 2021
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
RENVOI APRÈS CASSATION
ARRÊT MIXTE DU
Six juin deux mille vingt trois
DEMANDERESSES À LA REPRISE D’INSTANCE – APPELANTES :
S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 48]
[Localité 46]
SAS ALTRAN LAB prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 48]
[Localité 46]
Représentées par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE et par
Me Frédéric AKNIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DÉFENDEURS À LA REPRISE D’INSTANCE – INTIMÉS :
Monsieur [LZ] [W]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Monsieur [BW] [H]
[Adresse 39]
[Localité 31]
Monsieur [V] [I]
[Adresse 20]
[Localité 43]
Monsieur [Z] [M]
[Adresse 50]
[Localité 40] (ALLEMAGNE)
Monsieur [RA] [L]
[Adresse 19]
[Localité 25]
Monsieur [AG] [C]
[Adresse 7]
[Localité 12]
Monsieur [TT] [T]
[Adresse 42]
[Localité 11]
Monsieur [G] [RS]
[Adresse 34]
[Localité 49]
Madame [P] [ZU]
[Adresse 4]
[Localité 33]
Monsieur [AG] [A]
[Adresse 14]
[Localité 30]
Monsieur [LH] [R]
[Adresse 18]
[Localité 10]
Monsieur [O] [DX]
[Adresse 5]
[Localité 21]
Monsieur [F] [TS]
[Adresse 35]
[Localité 36]
Monsieur [CX] [CF]
[Adresse 37]
[Localité 44]
Monsieur [D] [JZ]
[Adresse 1]
[Localité 28]
Monsieur [VT] [RB] [XU]
[Adresse 41]
[Localité 23]
Madame [X] [Y]
[Adresse 26]
[Localité 49]
Monsieur [S] [OR] [TB]
[Adresse 3]
[Localité 29]
Monsieur [J] [MR]
[Adresse 13]
[Localité 49]
Monsieur [GO] [KP]
[Adresse 17]
[Localité 24]
Monsieur [UJ] [XC]
[Adresse 8]
[Localité 38]
Monsieur [WK] [ZC]
[Adresse 45]
[Localité 22]
Monsieur [HG] [HY]
[Adresse 2]
[Localité 32]
Monsieur [JY] [E]
[Adresse 27]
[Localité 47]
Syndicat CGT ALTRANS OUEST pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 16]
Tous les intimés sont représentés par Me Véronique L’HOTE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Mme Anne FABERT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA Altran technologies exerce une activité de prestataire de services dans le domaine du conseil en innovation et en ingénierie. Elle emploie environ 12 000 salariés sur le territoire national et applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
Le 22 juin 1999 un accord relatif à la durée du travail a été conclu avec les partenaires sociaux en application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 et annexé à la convention collective.
Cet accord prévoit dans son chapitre II, trois types de modalités de gestion des horaires pour les salariés soumis à l’accord, applicables à l’initiative de l’entreprise :
– 1. modalités standard ;
– 2. modalités de réalisation de missions ;
– 3. modalités de réalisation de missions avec autonomie complète.
Les modalités standard (1) peuvent concerner tous les salariés, et retiennent un décompte horaire hebdomadaire du temps de travail qui correspond à 35 heures.
Les modalités dites de réalisation de mission (2) s’appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard, ou par les réalisations de missions avec une autonomie, et qui ne peuvent suivre strictement un horaire prédéfini.
Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au PASS (plafond de la sécurité sociale).
Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies, dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, soit 38h30 au maximum.
Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie.
Selon l’accord, les dépassements significatifs du temps de travail commandés par l’employeur au-delà de la limite de 38h30 représentent des tranches exceptionnelles d’activité de 3,5 heures et sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer ces suractivités, qui ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, inter contrats…) par demi-journée, dans le cadre de la gestion annuelle retenue.
Ces salariés ne peuvent travailler plus de 219 jours pour l’entreprise, chiffre qui n’intègre pas les éventuels jours d’ancienneté conventionnels. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer les jours accordés aux salariés concernés par ces modalités. Toutefois, ce chiffre de 219 jours peut être abaissé par accord d’entreprise ou d’établissement.
Les modalités de réalisation de missions avec autonomie complète (3) s’appliquent aux ingénieurs ou cadres réalisant leurs missions en autonomie complète, et prévoient un forfait annuel en jours.
La société Altran technologies a mis en ‘uvre pour certains de ses ingénieurs-consultants des conventions individuelles de forfait en heures.
Des salariés de l’établissement Altran Est de la société Altran technologies situé à Illkirch, qui regroupe les sites de [Localité 52], [Localité 49] et de [Localité 51] (700 salariés), parmi lesquels M. [W] et les 23 autres salariés concernés par la présente procédure, ont saisi la juridiction prud’homale de Strasbourg le 16 février 2015 afin notamment de solliciter un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées de la 35ème heure à la 38,5ème heure, considérant que la convention de forfait heures à laquelle ils avaient été soumis leur avait été appliquée de manière irrégulière.
Par jugement en date du 28 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de Strasbourg a condamné la société Altran technologie à verser aux salariés demandeurs des sommes à titre de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, mais a rejeté les demandes relatives à la prime de vacances, au travail dissimulé et à la clause de loyauté.
Le conseil a fait droit aux prétentions du syndicat CGT Altran Ouest en les limitant à 100 euros de dommages-intérêts par salarié ayant obtenu indemnisation au titre des heures supplémentaires, et a fait application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de chaque salarié ayant obtenu des montants à hauteur de 250 euros, et en faveur du syndicat CGT Altran Ouest à hauteur de 50 euros par salarié.
Sur appel de la société Altran technologies, la cour d’appel de Colmar, a, par arrêt du 22 janvier 2019, confirmé partiellement les dispositions du jugement, et a condamné la société Altran technologies au paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires, congés payés afférents et prime de vacances, en retenant le caractère distinct de la clause de forfait Altran contenue aux contrats de travail par rapport à la modalité 2 de la convention collective, mais a considéré « ‘du fait de la volonté manifestée par les partenaires sociaux ci-avant exposée, que les dispositions Altran ne visent qu’à contourner celle-ci pour étendre les forfaits heures à des salariés insusceptibles de remplir les conditions pour ce faire ; que par suite les modalités Altran sont par leur nature même contraires et moins favorables que la modalité conventionnelle 2 », que le forfait »Altran » en heures ne peut être valablement opposé aux salariés.
Par arrêt en date du 6 janvier 2021 rendu suite au pourvoi formé par la société Altran technologies et par la société Altran Lab, la Cour de cassation a partiellement cassé et annulé cet arrêt de la cour d’appel de Colmar et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Metz, au motif suivant :
« En statuant ainsi, alors que l’existence d’un accord collectif déterminant les conditions de mise en place de conventions de forfait en heures sur l’année ne constitue pas un obstacle à la conclusion de conventions de forfait en heures hebdomadaires et qu’il ressortait de ses constatations que les conventions de forfait en heures conclues au sein de l’entreprise différaient de la convention de forfait en heures annuelle prévue par la convention collective en ce que les salariés avaient été soumis à une convention de forfait en heures hebdomadaire dans laquelle il était prévu que les heures supplémentaires accomplies au-delà de 38,5 heures étaient décomptées chaque semaine et payées chaque mois au lieu d’être annualisées, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La société Altran technologies et la société Altran Lab ont saisi la cour de renvoi par déclaration déposée au RPVA effectuée le 25 février 2021 et, par des dernières conclusions justificatives d’appel déposées au RPVA le 6 septembre 2022, la société Altran technologies et la société Altran Lab, intervenante volontaire, demandent à la cour de statuer comme suit :
»Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Strasbourg en ce qu’il l’a condamnée à payer aux salariés diverses sommes à titre d’heures supplémentaires, congés payés y afférant, et jours non travaillés/RTT, outre des dommages et intérêts au syndicat,
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Strasbourg le 28 novembre 2017 en toutes ses autres dispositions.
Ce faisant :
Sur les demandes relatives aux heures supplémentaires
1) A titre principal :
Débouter les salariés de leurs demandes de paiement des heures supplémentaires au-delà de 35 heures et jusqu’à 38,5 heures par semaine, la convention de forfait incluse dans leur contrat travail étant parfaitement licite et régulière,
2) A titre subsidiaire :
Débouter les salariés de leurs demandes de paiement des heures supplémentaires, les heures au-delà de 35 heures et jusqu’à 38,5 heures par semaine ayant d’ores et déjà été rémunérées,
Subsidiairement,
Limiter une éventuelle condamnation aux seules majorations pour heures supplémentaires
Ordonner la restitution des jours non travaillés à hauteur des sommes suivantes :
Nom Prénom Remboursement JNT en euros bruts
[W] [LZ] 4 154,40 €
[H] [BW] 4 220,74 €
[Y] [X] 5 513,64 €
[I] [V] 6 024,13 €
[A] [AG] 5 694,07 €
[M] [Z] 86,52 €
[R] [LH] 3 369,12 €
[L] [RA] 6 527,64 €
[C] [AG] 3 507,95 €
[T] [TT] 2 086,86 €
[E] [JY] 4 079,37 €
[HY] [HG] 4 739,26 €
[RS] [G] 3 524,03 €
[DX] [O] 12 477,07 €
[TB] [S] [OR] 3 090,21 €
[TS] [F] 2 961,25 €
[ZU] [P] 2 830,88 €
[MR] [J] 4 869,80 €
[CF] [CX] 6 543,91 €
[KP] [GO] 5 886,48 €
[XC] [UJ] 6 871,44 €
[JZ] [D] 9 446,25 €
[ZC] [WK] 8 515,23 €
[XU] [VT] [RB] 2 204,25 €
3) A titre en plus subsidiaire :
Débouter les salariés dès lors qu’ils ne prouvent pas l’existence et/ou le nombre d’heures de travail qu’ils prétendent avoir réalisés et qu’en tout état de cause, la valorisation faite est erronée,
Ordonner la restitution des jours non travaillés à hauteur des montants retenus.
Nom Prénom Remboursement JNT en euros bruts
[W] [LZ] 4 154,40 €
[H] [BW] 4 220,74 €
[Y] [X] 5 513,64 €
[I] [V] 6 024,13 €
[A] [AG] 5 694,07 €
[M] [Z] 86,52 €
[R] [LH] 3 369,12 €
[L] [RA] 6 527,64 €
[C] [AG] 3 507,95 €
[T] [TT] 2 086,86 €
[E] [JY] 4 079,37 €
[HY] [HG] 4 739,26 €
[RS] [G] 3 524,03 €
[DX] [O] 12 477,07 €
[TB] [S] [OR] 3 090,21 €
[TS] [F] 2 961,25 €
[ZU] [P] 2 830,88 €
[MR] [J] 4 869,80 €
[CF] [CX] 6 543,91 €
[KP] [GO] 5 886,48 €
[XC] [UJ] 6 871,44 €
[JZ] [D] 9 446,25 €
[ZC] [WK] 8 515,23 €
[XU] [VT] [RB] 2 204,25 €
4) A titre infiniment subsidiaire :
Limiter le chiffrage des heures supplémentaires aux sommes suivantes :
Nom Prénom Contre-Chiffrage Sociétés
[W] [LZ] 9 211,71 €
[H] [BW] 10 226,04 €
[Y] [X] 10 043,89 €
[I] [V] 14 383,96 €
[A] [AG] 11 836,69 €
[M] [Z] 3 835,47 €
[R] [LH] 8 459,37 €
[L] [RA] 11 233,63 €
[C] [AG] 17 604,59 €
[T] [TT] 8 488,45 €
[E] [JY] 9 429,14 €
[HY] [HG] 12 500,90 €
[RS] [G] 9 621,56 €
[DX] [O] 26 181,92 €
[TB] [S] [OR] 6 188,41 €
[TS] [F] 12 400,04 €
[ZU] [P] 9 197,85 €
[MR] [J] 11 828,70 €
[CF] [CX] 13 368,25 €
[KP] [GO] 13 597,90 €
[XC] [UJ] 13 878,56 €
[JZ] [D] 14 692,13 €
[ZC] [WK] 20 995,40 €
[XU] [VT] [RB] 14 947,12 €
Ordonner la restitution des JNT à la hauteur des montants suivants :
Nom Prénom Remboursement JNT en euros bruts
[W] [LZ] 4 154,40 €
[H] [BW] 4 220,74 €
[Y] [X] 5 513,64 €
[I] [V] 6 024,13 €
[A] [AG] 5 694,07 €
[M] [Z] 86,52 €
[R] [LH] 3 369,12 €
[L] [RA] 6 527,64 €
[C] [AG] 3 507,95 €
[T] [TT] 2 086,86 €
[E] [JY] 4 079,37 €
[HY] [HG] 4 739,26 €
[RS] [G] 3 524,03 €
[DX] [O] 12 477,07 €
[TB] [S] [OR] 3 090,21 €
[TS] [F] 2 961,25 €
[ZU] [P] 2 830,88 €
[MR] [J] 4 869,80 €
[CF] [CX] 6 543,91 €
[KP] [GO] 5 886,48 €
[XC] [UJ] 6 871,44 €
[JZ] [D] 9 446,25 €
[ZC] [WK] 8 515,23 €
[XU] [VT] [RB] 2 204,25 €
Sur les demandes annexes
Débouter les salariés de leurs demandes au titre du travail dissimulé et au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
Débouter le syndicat Altran CGT de sa demande de dommages et intérêts, en l’absence de preuve de son préjudice
Débouter les salariés et le syndicat de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre reconventionnel,
Condamner la CGT Altran à lui verser la somme de 100 euros par salarié sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner chacun des salariés à lui verser la somme de 200 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. »
La société Altran technologies et la société Altran Lab font valoir que la convention de forfait hebdomadaire en heures est régulière, en ce qu’elle requiert seulement l’accord individuel du salarié et doit être établie par écrit, et que la nullité est la seule conséquence susceptible de sanctionner une convention irrégulièrement formée.
Elles assurent que la convention de forfait appliquée aux salariés est distincte de la modalité 2 prévue par la convention collective Syntec, car elle prévoit que les heures supplémentaires réalisées au-delà du forfait de 38,5 heures ne sont pas annualisées mais décomptées chaque semaine et rémunérées comme telles, chaque mois, et elle prévoit un nombre de jours non travaillés différent soit 218 jours au lieu de 219.
Elles reconnaissent que les salariés ne remplissaient pas les conditions d’éligibilité de la modalité 2 prévue par l’accord collectif de branche, à savoir une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, et estiment que les salariés ne pouvaient donc pas relever de la modalité conventionnelle.
A titre subsidiaire, elles exposent que les heures supplémentaires réalisées au-delà de 35 heures et jusqu’à 38,5 heures par semaine ont d’ores et déjà été rémunérées, si bien le montant de rappel de salaire doit être limité aux seules majorations afférentes aux heures de travail prétendument réalisées.
A titre plus subsidiaire, elles relèvent que les salariés ne rapportent pas la preuve de l’existence et/ou le nombre d’heures de travail qu’ils prétendent avoir réalisées, et dont ils revendiquent le paiement, sachant que l’irrégularité d’une convention de forfait, qu’elle soit en jours ou en heures, ne saurait à elle seule justifier un rappel de salaire automatique au titre des heures supplémentaires.
A titre infiniment subsidiaire, elles soutiennent que les demandes de rappels de salaire doivent être minorées en prenant en compte le temps de travail effectif, et que le caractère erroné des chiffrages présentés par les salariés rend les demandes incohérentes et les prive de toute crédibilité.
En tout état de cause, elles font valoir que les salariés doivent restituer les contreparties qu’ils ont perçues dans le cadre de la convention de forfait jugée irrégulière.
Enfin, les sociétés appelantes contestent l’élément matériel et intentionnel du travail dissimulé.
Par leurs dernières conclusions d’intimés déposées au RPVA le 6 septembre 2022, les salariés et le Syndicat CGT Altran Ouest demandent à la cour de statuer comme suit :
»Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 28 novembre 2017 en ce qu’il a condamné la société Altran technologies à leur verser des sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents,
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 28 novembre 2017 en ce qu’il a condamné la société Altran technologies à des sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 28 novembre 2017 en ce qu’il a débouté les salariés de leur demande au titre de la prime de vacances,
Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les salariés de leur demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé,
Rejeter le chiffrage proposé par la société Altran technologies,
Faire droit aux demandes des salariés,
Condamner la société Altran technologies aux sommes suivantes :
Pour M. [LZ] [W] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 20 246, 56 euros
– Congés payés afférents : 2 024,66 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 202,47 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 250,02 euros
Pour M. [BW] [H] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 44 312, 86 euros
– Congés payés afférents : 4 431,29 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 443,13 euros
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 9 800,99 euros
Pour Mme [X] [Y] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 39 100,57 euros
– Congés payés afférents : 3 910,06 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 391,01 euros
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 9 100,60 euros
Pour M. [V] [I] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 20 582,66 euros
– Congés payés afférents : 2 058,27 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 205,83 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 16 162,72 euros
Pour M. [AG] [A] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 18 027,43 euros
– Congés payés afférents : 1 802,74 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 180,27 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 17 627,22 euros
Pour M. [Z] [M] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 5 124,07 euros
– Congés payés afférents : 512,41 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 51,24 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 19 688,54 euros
Pour M. [LH] [R] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 18 328,63 euros
– Congés payés afférents : 1 832,86 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 183,28 euros
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 9 214,40 euros
Pour M. [RA] [L] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 21 241,77 euros
– Congés payés afférents : 2 124,18 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 212,42 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 16 923,82 euros
Pour M. [AG] [C] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 31 880,94 euros
– Congés payés afférents : 3 188,09 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 318,81 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 18 804 euros
Pour M. [TT] [T] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 16 348,12 euros
– Congés payés afférents : 1 634,81 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 163,48 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 315,45 euros
Pour M. [JY] [E] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 22 780,14 euros
– Congés payés afférents : 2 278,01 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 227,80 euros
– Dommages et intérêts travail dissimulé : 15 778,00 euros
Pour M. [HG] [HY] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 18 142,64 euros
– Congés payés afférents : 1 814,26 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 181,43 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 833,28 euros
Pour M. [G] [RS] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 17 028,75 euros
– Congés payés afférents : 1 702,88 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 170,29 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 16 675 euros
Pour M. [O] [DX] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 41 502,11 euros
– Congés payés afférents : 4 150,21 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 415,02 euros
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 10 051,00 euros
Pour M. [S] [OR] [TB] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 20 059 euros
– Congés payés afférents : 2 005,90 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 200,59 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 18 840 euros
Pour M. [F] [TS] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 22 234,55 euros
– Congés payés afférents : 2 223,45 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 222,34 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 17 488,50 euros
Pour Mme [P] [ZU] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 14 384,60 euros
– Congés payés afférents : 1 438,46 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 143,84 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 499,98 euros
Pour M. [J] [MR] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 21 940,56 euros
– Congés payés afférents : 2 194,06 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 219,41 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 16 354,32 euros
Pour M. [CX] [CF] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 28 127,42 euros
– Congés payés afférents : 2 812,74 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 281,27 euros
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 9 735,00 euros
Pour M. [GO] [KP] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 20 466,31 euros
– Congés payés afférents : 2 046,63 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 204,66 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 18 022,92 euros
Pour M. [UJ] [XC] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 23 032, 50 euros
– Congés payés afférents : 2 303,25 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 230,33 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 954 euros
Pour M. [D] [JZ] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 53 366,99euros
– Congés payés afférents : 5 336,70 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 533,67 euros
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 11 324,60 euros
Pour M. [WK] [ZC] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 26 737 euros
– Congés payés afférents : 2 673,70 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 267,37 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 18 411,65
Pour M. [VT] [RB] [XU] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 20 827,12 euros
– Congés payés afférents : 2 082,71 euros
– Rappel de prime de vacances afférente : 208,27 euros
– Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 18 686,60 euros
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 28 novembre 2017 en ce qu’il a condamné la société Altran technologies à payer au syndicat CGT Altran Ouest des dommages et intérêts pour préjudice subi,
Condamner solidairement la SAS Altran Lab et la SA Altran technologies à verser au syndicat CGT Altran Ouest la somme de 500 euros par salarié à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 28 novembre 2017 en ce qu’il a condamné la société Altran technologies à verser au syndicat CGT Altran Ouest une somme au titre de l’article 700,
Condamner solidairement la SAS Altran Lab et la SA Altran technologies à verser au syndicat CGT Altran Ouest la somme de 500 euros par salarié sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Donner acte aux salariés qu’ils acquiescent à la restitution des JNT/RTT à hauteur de :
Pour M. [LZ] [W] : 4 154,40 euros
Pour M. [BW] [H] : 4 220,74 euros
Pour Mme [X] [Y] : 5 513,64 euros
Pour M. [V] [I] : 6 024,13 euros
Pour M. [AG] [A] : 5 694,07 euros
Pour M. [Z] [M] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT
Pour M. [LH] [R] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT
Pour M. [RA] [L] : 6 527,64 euros
Pour M. [AG] [C] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT
Pour M. [TT] [T] : 2 086,86 euros
Pour M. [JY] [E] : 4 079,37 euros
Pour M. [HG] [HY] : 4 739,26 euros
Pour M. [G] [RS] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT
Pour M. [O] [DX] : 12 477,07 euros
Pour M. [S] [OR] [TB] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT
Pour M. [F] [TS] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT
Pour Mme [P] [ZU] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT
Pour M. [J] [MR] : 4 869,80 euros
Pour M. [CX] [CF] : 6 543,91 euros
Pour M. [GO] [KP] : 5 886,48 euros
Pour M. [UJ] [XC] : 6 871,44 euros
Pour M. [D] [JZ] : 9 446,25 euros
Pour M. [WK] [ZC] : 8 515,23 euros
Pour M. [VT] [RB] [XU] : Statuer ce que de droit sur la restitution des JNT/RTT.
Les salariés soutiennent que la convention de forfait hebdomadaire en heures contenue dans leurs contrats de travail correspond à la convention de forfait prévue par la branche dite
« modalité 2 ».
Ils observent que les mentions des contrats de travail reprennent quasiment au mot près la définition de la modalité 2 telle qu’elle est établie par la convention collective.
Ils soulignent que la société a mentionné sur tous les bulletins de salaire la référence à la modalité 2 jusqu’au mois de janvier 2016, et que le contrat type transmis au comité d’établissement mentionne expressément la modalité 2.
Ils ajoutent que les avenants qui ont été proposés aux collaborateurs suite à l’accord du 29 février 2016 font expressément référence à l’état du droit antérieur à savoir la soumission à la modalité 2 Syntec.
Ils contestent l’existence d’une pratique généralisée de paiement mensuel des heures supplémentaires réalisées au-delà de 38 heures 30.
Ils retiennent qu’ils se sont vus appliquer par la société Altran technologies les dispositions de la modalité 2 alors qu’ils sont tous, à l’exception de M. [O] [DX], rémunérés à hauteur d’un montant inférieur au PASS, et sollicitent en conséquence l’inopposabilité du forfait querellé.
Ils réclament un rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies de la 36ème heure à la 38ème heure 30, tout en précisant que les bulletins de salaire ne font pas apparaître le nombre d’heures rémunérées par semaine.
Enfin, il soutiennent que le contre-chiffrage de la société est totalement erroné, étant donné que les heures supplémentaires restent dues pour les semaines de congés payés ou d’absence pour arrêt maladie.
Les salariés renoncent à se prévaloir du maintien des jours de RTT, mais demandent des dommages et intérêts pour travail dissimulé ou pour exécution fautive du contrat de travail.
Le Syndicat CGT Altran Ouest, intervenant volontairement en la cause, sollicite de la cour qu’elle condamne solidairement la société Altran technologies et la société Altran Lab à lui verser la somme de 500 euros par salarié à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, outre 500 euros par salarié sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions respectives de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, il est relevé que par arrêt du 22 janvier 2019, la cour d’appel de Colmar a confirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Strasbourg en ce qu’il a rejeté les demandes des salariés fondées sur le travail dissimulé et sur l’exécution déloyale du contrat de travail, et a également confirmé le jugement dans ses dispositions concernant les clauses de loyauté – soit le rejet des dommages-intérêts sollicités sauf pour un salarié -, et concernant les remises de bulletins de paie sans astreinte.
La cour d’appel de Colmar a infirmé le jugement pour le surplus et statuant, à nouveau et y ajoutant, a :
– débouté les salariés de leurs demandes dirigées contre la sas Altran Lab et rejeté ses demandes de frais irrépétibles ;
– condamné la société Altran Technologies à verser au syndicat la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
– condamné l’employeur à verser aux salariés des sommes au titre d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires outre les congés payés et primes de vacances afférents, et au titre d’un rappel de salaire pour des JNT/RTT supprimés depuis le 1er janvier 2016 outre les congés payés et primes de vacances afférents ;
– condamné la société Altran technologie à verser à M. [H] des dommages-intérêts pour discrimination, rappel de prime impayée, heures supplémentaires ainsi qu’à lui ouvrir un crédit de deux jours de congés supplémentaires, et débouté M. [H] de ses autres demandes.
La présente cour de renvoi rappelle les limites de sa saisine suite à l’arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la Cour de cassation, qui a statué sur pourvoi des société Altran technologie et Altran Lab et sur pourvoi incident qui ne concernait que le rejet des prétentions de M. [H] à titre de rappel de salaires lié à la perte de rémunération pour la période de 2013 à 2018 et à titre de fixation de salaire à compter du 1er janvier 2018, et qui a cassé et annulé l’arrêt rendu 22 janvier 2019 par la cour d’appel de Colmar « seulement en ce qu’il condamne la société Altran technologies à verser aux salariés des rappels de salaire pour heures supplémentaires, congés payés, prime de vacances afférents, des rappel de salaires au titre des JNT/RTT supprimés depuis le 1er janvier 2016, congés payés et primes de vacances afférents, à verser au syndicat des dommages-intérêts et déboute les sociétés Altran technologies et Altran Lab de leurs demandes de répétition d’indus ».
Ainsi, les autres dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar relatives au rejet des demandes pour travail dissimulé et exécution déloyale du contrat de travail ne sont pas concernées par la saisine de la cour de renvoi.
Sur l’application de la convention de forfait en heures
En vertu de l’article L. 3121-38 du code du travail, la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
Selon l’article L. 3121-39 du même code, la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou à défaut, par une convention ou un accord de branche qui détermine préalablement les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée individuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
L’accord du 22 juin 1999 annexé à la convention collective Syntec relatif à la durée du travail distingue dans son chapitre II trois modalités.
La modalité 2 intitulée »réalisation de missions », qui est objet du débat entre les parties, est ainsi libellée :
« Ces modalités s’appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l’activité de l’entreprise, un accord d’entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d’autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion.
Compte tenu de la nature des tâches accomplies (responsabilités particulières d’expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s’arrêter à heure fixe, utilisation d’outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches…), le personnel concerné, tout en disposant d’une autonomie moindre par rapport aux collaborateurs définis à l’article 3, ne peut suivre strictement un horaire prédéfini. La comptabilisation du temps de travail de ces collaborateurs dans le respect des dispositions légales se fera également en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement (chapitre III).
Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.
La rémunération mensuelle du salarié n’est pas affectée par ces variations.
Les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l’employeur, au-delà de cette limite, représentant des tranches exceptionnelles d’activité de 3,5 heures, sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer ces suractivités qui ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, inter contrats…) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue.
Ces salariés ne peuvent travailler plus de 219 jours pour l’entreprise, compte non tenu des éventuels jours d’ancienneté conventionnels. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer les jours accordés aux salariés concernés par ces modalités. Toutefois, ce chiffre de 219 jours pourra être abaissé par accord d’entreprise ou d’établissement, négocié dans le cadre de l’article L. 132-19 du code du travail.
Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie».
Le forfait hebdomadaire en heures permet de faire varier librement, le cas échéant à la seule initiative du salarié, le nombre d’heures de travail d’une journée à l’autre, tout en respectant le volume hebdomadaire fixé. Il permet ainsi d’échapper aux modalités habituelles de la répartition de la durée hebdomadaire de travail.
Il peut être assorti d’une limite annuelle en jours sans pour autant être considéré comme un forfait en jours, et peut être librement convenu avec le salarié, qu’il soit cadre ou non, sans nécessiter d’être adossé à un accord collectif, contrairement au forfait annuel en heures.
Il nécessite d’être passé par écrit, et de fixer une rémunération au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires.
En l’espèce il est constant que la société Altran technologies a appliqué à tous les salariés un forfait hebdomadaire en heures sur une base de 35 heures par semaine avec une variation de 10 % au maximum, soit un total de 38,5 heures par semaine inclus dans la durée du travail, et comprenant une rémunération forfaitaire supérieure à 115% du minimum conventionnel ainsi qu’un plafond de 218 jours travaillés par an.
Les contrats de travail de M. [W], M. [A], M. [R], M. [T], M. [E], M. [HY], M. [TB], M. [MR], M. [XC], M. [JZ], indiquent simplement au titre de la durée du travail que : « Compte tenu de la nature des fonctions du salarié, de son niveau de responsabilité et de l’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son temps de travail, les parties conviennent que M’ (nom ou le salarié) ne peut suivre strictement un horaire prédéfini. De convention expresse entre les parties, le décompte du temps de travail effectif est prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an. Le décompte des jours de travail est auto-déclaratif et s’effectue dans le respect des procédures en vigueur dans l’entreprise. ».
Le contrat de travail de M. [H], mentionne une durée de travail hebdomadaire de 35 heures selon l’horaire collectif en vigueur au sein de la société. Celui de M. [RS] retient une durée de 37 heures par semaine avec une compensation des heures travaillées au-delà de 35 heures par 12 jours de RTT par an.
Le contrat de travail de M. [ZC] – signé le 17 juin 1999 – ne comporte aucune indication sur la durée du temps de travail, et par là-même aucune clause de forfait heures.
Aussi seuls les contrats de travail de Mme [Y], M. [I], M. [M], M. [L], M. [C], Mme [ZU], M. [DX], M. [TS], M. [KP], M. [CF] (avenant à effet au 1er juin 2012), et M. [XU] disposent que : « Compte tenu de la nature des fonctions du salarié, et de l’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son temps de travail, les parties conviennent que M’ (nom ou le salarié) ne peut suivre strictement un horaire prédéfini. De convention expresse entre les parties, le décompte du temps de travail effectif est prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10% pour un horaire hebdomadaire de 35 heures. Le relevé d’activité est auto-déclaratif et s’effectue dans le respect des procédures en vigueur dans l’entreprise.».
Les salariés font valoir que la convention de forfait heures, contenue dans leur contrat de travail ou qui leur a été appliquée unilatéralement par l’employeur, leur est inopposable car elle n’est pas distincte de la convention de forfait dite »modalité 2 » prévue par l’accord de branche, à laquelle ils ne sont pas éligibles car leur rémunération est inférieure au PASS (plafond de sécurité sociale).
Il n’est pas contesté que les salariés intimés dont le contrat de travail prévoit une convention de forfait heures ne bénéficiaient pas d’une rémunération au moins égale au PASS (plafond de la sécurité sociale), à la seule exception de M. [DX].
Il résulte des termes clairs et non équivoques de l’article 3 de l’accord de branche du 22 juin 1999, que les partenaires sociaux ont entendu soumettre la validité de la modalité 2 à la condition que les salariés bénéficient d’une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, sans limiter l’application de cette condition à la seule date de l’entrée du salarié dans cette modalité ; cette condition doit donc être remplie tant que le salarié relève de la modalité 2, et si elle ne l’est pas ou cesse de l’être, le forfait horaire en résultant est privé d’effet et est inopposable au salarié concerné.
La société Altran technologies prétend que la convention de forfait heures appliquée aux salariés ne peut être assimilée à la modalité 2 conventionnelle, car elle prévoit que les heures supplémentaires effectuées au-delà de 38,5 heures sont non pas annualisées mais décomptées chaque semaine et payées mensuellement, ce qui correspond d’après elle à une modalité distincte et autonome, de même que le nombre de jours travaillés par an qui est de 218 jours et non de 219 jours.
En vertu de l’article 12 du code de procédure civile le juge doit restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux. Il convient donc d’apprécier si la convention de forfait heures appliquée par l’employeur aux salariés est distincte ou non de la modalité 2 de la convention collective Syntec.
Il ressort de l’examen des bulletins de paie de l’ensemble des salariés appelants que ces documents contiennent la mention « modalité : 2A cadre 38h30 218j », et qu’ils font de toute évidence référence à la modalité 2 de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, annexé à la convention collective nationale Syntec.
La cour constate, au vu des éléments produits aux débats, que les contrats de travail des salariés ne réglementent pas les éventuels dépassements de l’horaire hebdomadaire de 38 heures 30, aucune précision n’étant apportée sur ce point, que les bulletins de salaire qui sont produits par la société sur lesquels figure le paiement d’heures supplémentaires dépassant le forfait hebdomadaire sont très limités, qu’ils ne se rapportent qu’à des événements exceptionnels (soit le travail de nuit ou le travail le week-end), et qu’ils concernent d’autres salariés que ceux visés par le présent litige.
La cour retient de la lecture du rapport d’expertise Syndex réalisé en mars 2016 à la demande de l’instance de coordination du CHSCT que ce document révèle que « les demandes d’heures supplémentaires [au-delà de 38h30] (hors situations d’astreintes ou de travail le week-end ou la nuit) ne sont pas honorées, pas plus hier qu’aujourd’hui malgré la procédure prévue dans Smart RH sur le sujet. Les récupérations d’heures suite à des périodes de travail intenses ne sont pas plus discutées avec le manager. Les dépassements s’opèrent sans aucune compensation formalisée ».
Aussi, les arguments de l’employeur développés au soutien de l’application d’une convention »distincte » des dispositions conventionnelles – soit l’absence de mention sur l’annualisation des heures supplémentaires, et une durée du travail annuelle de 218 jours au lieu de 219 jours – ne suffisent pas à caractériser la spécificité d’un forfait individuel en heures autre que celui relevant de la modalité 2 résultant de l’accord Syntec de 1999, et qui serait plus favorable, dès lors que la rémunération effectivement perçue par les salariés concernés par la présente procédure ne comportait pas d’heures supplémentaires au-delà de 38,5 heures ‘ hormis dans des situations ponctuelles telles que travail de nuit, le week-end, excluant une pratique généralisée d’heures supplémentaires dépassant 38,5 heures -, et qu’elle était inférieure au plafond de la sécurité sociale.
La cour relève d’ailleurs que la référence à la modalité 2 de la convention collective est visée dans le contrat de travail type qui a été transmis par l’employeur au comité d’établissement ainsi que dans les avenants qui ont été soumis aux salariés en début d’année 2016 et qui débutent comme suit : « en application de l’accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail de la branche Syntec et des usages applicables au sein de la société, le salarié se voyait attribuer le forfait horaire de 38 h30 par semaine sur 218 jours travaillés dans l’année, dit « Modalité 2, Réalisation de mission ».
Le rapport Syndex rédigé en mars 2016, déjà évoqué ci-avant, rappelle en effet que dès lors que le niveau de rémunération annuelle de chaque salarié au regard du plafond annuel de la sécurité sociale a été retenu comme une condition permettant ou non « le maintien en modalité 2 » (Cass. soc. 4 novembre 2015), l’employeur a élaboré un cadre juridique pour « régulariser la situation » des salariés dont la rémunération était inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale.
Ainsi, à compter du 1er janvier 2016 la société Altran technologies a fixé, pour les salariés dont la rémunération était inférieure au PASS, la durée du travail à 35 heures hebdomadaires, sans que la rémunération forfaitaire des salariés soit modifiée, et a en outre supprimé les jours de repos payés – RTT appelés JNT (jours non travaillés) – qui avaient été octroyés aux salariés jusqu’alors.
Un accord d’entreprise issu de la négociation entre les partenaires sociaux et signé le 29 février 2016 a prévu six nouvelles modalités d’organisation du temps de travail, et a donné lieu à la rédaction d’avenants soumis à la signature des salariés, qui mentionnent une durée de travail de 158 heures mensuelles et 1 607 heures annuelles, avec une contrepartie de 10 JRTT.
La cour retient de l’ensemble de ces éléments que la convention de forfait heures appliquée aux salariés par la société Altran technologies jusqu’au 1er janvier 2016 répond aux mêmes caractéristiques que la modalité 2 de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale Syntec.
La cour rappelle que pour être valable, la forfaitisation de la durée du travail doit répondre aux conditions suivantes :
– elle doit avoir recueilli l’accord écrit du salarié ;
– elle doit préciser le nombre d’heures inclus dans le forfait ;
– elle doit prévoir une rémunération au moins aussi avantageuse pour le salarié que l’application du régime légal des majorations pour heures supplémentaires ;
– elle doit respecter, le cas échéant, les conditions posées par l’accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche pour recourir au forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
En l’espèce il ressort des éléments ci-avant évoqués que les conditions de la forfaitisation de la durée du travail appliquée aux salariés n’étaient pas remplies, soit en l’absence d’accord écrit du salarié, soit en l’absence de précision du nombre d’heures inclus dans le forfait, soit parce que les conditions posées par l’accord collectif n’étaient pas respectées, les salariés n’étant pas bénéficiaires d’une rémunération annuelle au moins égale au plafond de la sécurité sociale, à l’exception de M. [DX].
En application du principe d’interprétation stricte des accords collectifs, et étant rappelé que le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective, son éligibilité à l’application de la convention de forfait en heures dépend de cette condition impérative de rémunération.
Contrairement à ce que soutient la société Altran technologies, le fait que les salariés n’aient pas bénéficié d’une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale ne permet pas d’exclure que l’employeur avait la volonté de mettre en place la modalité 2 conventionnelle, et ne rend pas la convention de forfait nulle mais inopposable aux salariés pendant la période durant laquelle l’employeur n’a pas respecté la condition relative au montant du salaire.
La convention de forfait appliquée aux salariés sera donc considérée comme leur étant inopposable, et il sera en conséquence fait application du régime de droit commun en matière d’heures supplémentaires hormis en ce qui concerne la situation de M. [DX].
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a fait droit aux demandes des salariés de rappel de salaire pour heures supplémentaires augmentées des congés payés afférents, à l’exception de ses dispositions concernant M. [DX].
En effet M. [DX], qui est employé depuis le 25 mai 2010, et qui a perçu dès sa première année d’embauche une rémunération (JNT/RTT non compris) supérieure au PASS, est éligible à la modalité 2 et a été soumis à une convention de forfait en heures hebdomadaire régulière pendant toute la durée de son contrat de travail. Il sera débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, de congés payés afférents, et de prime de vacances. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a fait droit aux demandes de ce salarié.
Sur la preuve des heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.
En vertu de l’article L.3121-10 du code du travail la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine.
Les heures effectuées au-delà de 35 heures sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse), et de 50% à partir de la 44ème heure.
En application de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, et après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il ressort des développements qui précèdent que la convention individuelle appliquée aux salariés, qui prévoit d’une part un forfait en heures et d’autre part un forfait de rémunération leur est inopposable, et que ces derniers étaient soumis à un horaire mensuel de 151,67 heures de travail, soit 35 heures par semaine.
Il appartient aux salariés d’apporter des éléments de nature à étayer le fait que leur temps de travail était chaque semaine, et de façon habituelle, de 38 heures 30 et qu’ils accomplissaient donc des heures supplémentaires à hauteur de 3 heures 30 par semaine.
Les salariés produisent notamment à cet égard les pièces suivantes :
– des tableaux récapitulatifs individuels de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées jusqu’à 38 heures 30, étant précisé que les salariés n’invoquent aucune demande pour les heures de travail réalisées au-delà,
– leurs bulletins de salaire portant la mention « 2A Cadre 38h30 218 j »,
– divers courriels et relevés de présence révélant l’existence d’heures supplémentaires,
– un courriel du 16 décembre 2013 de M. [B] [U], directeur Business Unit Alsace Altran Est, qui énonce « nos salariés sont payés sur 38h30 et doivent faire leur maximum pour les réaliser »,
– un compte-rendu de réunion avec les délégués du personnel de 2007 dans lequel la direction indique « Le nombre d’heures annuelles travaillées pour un cadre en modalité 2 est de 1 678,6 heures. Cadre en Modalité 2 « réalisation de mission » : 38h30 par semaine (Soit 166,84 heures travaillées par mois) »,
– divers procès-verbaux de réunions des comités d’établissement tenues au cours des années 2007 à 2008, retranscrivant les réponses de responsables des ressources humaines qui reconnaissent que les cadres en modalité 2 travaillaient 166,83 heures par mois ou 38 heures 30 par semaine,
– des documents questions-réponses dans lesquels les délégués du personnel confirment une durée de travail de 38 heures 30,
– un courrier du directeur général Altran technologies Ouest du 27 février 2013 mentionnant une durée de travail hebdomadaire de 38,50 heures par semaine,
– un rapport d’expertise Syndex de mars 2016 établi à la demande du CHSCT qui évoque un temps de travail réel de 38 heures 30,
– un rapport Syndex du 17 mai 2018 qui énonce que « beaucoup de missions sont actuellement vendues sur une base de 38h30 hebdomadaires ».
Les salariés se prévalent de l’existence d’heures supplémentaires avant et à compter du 1er janvier 2016, date à partir de laquelle la société Altran technologies a, comme cela a déjà été évoqué dans les développements ci-avant, décidé, en considération des arrêts rendus par la Cour de cassation, que désormais les salariés dont la rémunération était inférieure au PASS seraient placés en modalité 1, soit à 35 heures par semaine, puis que certains d’entre eux seraient placées en forfait en heures à hauteur de 36h30 par semaine à compter du 1er mars 2016, et que les mentions des bulletins de salaire ont été modifiées dans ce sens, faisant apparaître la mention « CADRE 35 heures » puis « 1t ‘ 158 h mensuelles ».
La société Altran technologies arrête ainsi son contre-chiffrage des heures supplémentaires, proposé à titre subsidiaire, au 31 décembre 2015, en retenant l’absence de toute heure supplémentaire à compter du 1er janvier 2016.
Or les salariés font valoir avec pertinence qu’ils n’ont jamais signé d’avenant réduisant leur temps de travail hebdomadaire à 35 heures, et que la plupart d’entre eux n’ont pas davantage signé d’avenant modifiant leur durée hebdomadaire de travail à 36 heures 30 par semaine à compter du 1er mars 2016.
Les salariés soutiennent sans être efficacement contredits par l’employeur qu’ils ont continué à travailler dans les mêmes conditions après janvier 2016, soit a minima à hauteur de 38 heures 30, en l’absence de toute modification de la charge de travail et de toute information à ce sujet fournie aux clients.
Ils se prévalent en ce sens du contenu du rapport d’expertise Syndex de mars 2016, qui révèle que « pour la majorité des salariés, les clients ne sont pas prêts à accepter 35 h ni 36h30 hebdomadaires, quand leurs propres équipes travaillent 38h30 et/ou sont au forfait jour », que « des salariés se trouvent de ce fait dans une position complexe, puisque s’ils respectent stricto sensu les modalités horaires de leur contrat de travail en modalité 1 depuis janvier 2016, ils devraient justifier de leur temps de travail face à un client à qui il a été vendu une prestation sans évaluation fine de la charge de travail » et que « les salariés qui ont tenté de se rapprocher au mieux des 35h après le passage en modalité 1 ont constaté les difficultés voire l’impossibilité d’y parvenir (« J’ai essayé de réduire mon temps de travail mais j’ai été rattrapé par la réalité, 36h30 C’est incompatible avec la demande du client, quel que soit l’accord, je ferai toujours 40h »).
Ce rapport explique que les exigences sont différentes selon que les salariés travaillent en clientèle ou dans les locaux d’Altran technologies, et que « travailler chez le client signifie’se plier aux contraintes horaires et à l’organisation de celui-ci. Le questionnaire (Q94 ‘ correspondant au suivi du temps de travail -) révèle que pour 55 % des consultants, les horaires de travail sont fixés par les clients. Dans la grande majorité des cas, ceux-ci emploient leurs cadres au forfait’ ».
Ce document constate que « l’organisation attendue du travail reste inchangée : au cours de nos entretiens, de nombreux salariés font état des consignes reçues leur demandant de ne rien modifier à leur aménagement du temps de travail » et que « le décalage entre l’organisation prescrite (« travail hebdomadaire à 35 heures sans compteur de RTT » ) et l’organisation réelle (« travail inchangé de 38,5 heures par semaine ») désoriente les salariés et alimente un climat de perte de confiance dans les discours véhiculés par la direction d’Altran. Ainsi, les salariés basculés administrativement en modalité 1 restent bien en « réalisation de mission » et n’ont pas reçu de nouveaux ordres de mission ».
Il est mentionné que l’activité des consultants est renseignée sur deux outils, Minos et Smart RH, en service depuis octobre 2015 « qui ne permettent pas de suivre le temps de travail et d’évaluer la charge », que l’outil Minos ne mesure pas le temps de travail effectif (deux options de codage : journée ou demi-journée), et que l’outil Smart RH enregistre toutes les demandes de congés, de RTT, de JNT, d’heures supplémentaires et les astreintes, et qu’ « aucune saisie d’heures travaillées n’est possible selon les salariés. C’est le temps de travail contractuel qui est enregistré. Smart RH incrémente automatiquement le temps correspondant à la modalité. C’est au travers de Smart RH que la plupart des consultants ont constaté leur passage en modalité 1. Leur temps de travail a été modifié de 38,5h à 35 h ».
Les salariés évoquent les commentaires de consultants de l’entreprise versés sur le logiciel Smart RH: « Ma hiérarchie ne m’a aucunement baissé mes attributions ou ma charge de travail. Donc, comme depuis le début de mon contrat de travail je dois effectuer au moins 38h30 chaque semaine pour répondre aux tâches demandées. J’ai effectué en temps de travail effectif hors pause : Semaine 1 : 40h04 Semaine 2 : 40h17 Semaine 3 : 39h56 » (M. [CN] [K]) ou encore « ma hiérarchie ne m’a aucunement baissé mes attributions ou ma charge de travail et comme depuis le début de mon contrat de travail je dois effectuer au moins 38h30 chaque semaine pour répondre aux tâches demandées » (M. [N] [EO]) sachant que M. [IP] [AW] a également laissé un commentaire rédigé dans des termes très similaires.
Les salariés se prévalent également de l’avis motivé de l’instance de coordination des CHSCT du 22 mars 2016, qui précise que « Smart RH ne permet pas de déclarer les temps de travail effectifs en heures », et qui observe que « le basculement en modalité 1 est contradictoire avec l’injonction opérationnelle donnée par les managers et les N + 2 visant à ne rien modifier de l’aménagement du temps de travail. ».
Les salariés produisent enfin le deuxième rapport Syndex déposé le 17 mai 2018, qui expose que « Les BM [business manager] demandent donc aux consultants de ne rien changer dans leur organisation actuelle du travail alors même que le contrat de travail change », et qui confirme que le système Smart RH ne permet pas de faire le suivi réel du temps de travail ni le décompte fiable des heures effectuées, alors que sont relevées l’importance et la récurrence des dépassements des temps de travail par rapport à l’horaire théorique.
Les salariés soulignent ainsi que postérieurement au 1er janvier 2016 la société Altran technologies a entrepris de redéfinir leur temps de travail hebdomadaire à 35 heures en janvier et février 2016 puis, pour certains d’entre eux, à 36 heures 30 à compter de mars 2016, sans toutefois modifier leur charge de travail ni la durée de travail demandée de 38 heures 30, et sans leur permettre de déclarer les heures supplémentaires effectuées, malgré leurs nombreuses protestations et demandes, et malgré les termes, ci-dessus rappelés, des rapports Syndex.
Dans ce sens le rapport Syndex du mois de mars 2016 révèle que « seuls 8 % des 4077 salariés visés par la modification de modalité ont réalisé des heures supplémentaires en 2015 » et que l’accord sur l’aménagement et l’organisation du temps de travail de février 2016 « introduit une modalité alternative à la modalité 2 de l’accord de branche », et « une possibilité d’heures supplémentaires, lorsque la demande d’heures supplémentaires est validée.. », mais retient ensuite que « les réponses au questionnaire sur ce sujet, ainsi que les entretiens menés auprès d’une centaine de salariés, montrent que dans la quasi-totalité des cas, sauf demande particulière liée à des astreintes dans l’organisation du travail (travail de nuit ou travail de week-end), les demandes d’heures supplémentaires ne sont pas validées par les managers. ».
Les salariés se rapportent au contenu du deuxième rapport Syndex du 17 mai 2018 relatif aux effets du projet d’évolution de l’outil Smart RH, qui retient que parmi les 55 % de salariés déclarant travailler au-delà de leur horaire théorique, « 89 % des consultants déclarant des dépassements ne bénéficient jamais d’heures supplémentaires », et qui constate « la réalité du temps de travail masquée au sein d’Altran jusqu’à aujourd’hui ».
Ces éléments présentés par les salariés sont suffisamment précis, tant pour la demande antérieure au 1er janvier 2016 que pour la période postérieure au 1er janvier 2016, pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
La société Altran technologies ne produit que quelques plannings de jours d’absence, qui ne précisent pas les horaires réels de travail des salariés, et elle ne produit pas aux débats des éléments de nature à établir le temps de travail effectif réalisé par chacun de ses collaborateurs et à contredire de façon efficace les éléments fournis par ces derniers, d’autant qu’il résulte des pièces du dossier qu’elle n’a jamais mis en place de dispositif permettant aux salariés de déclarer l’ensemble des heures travaillées.
En effet il s’avère que le logiciel Minos exploité par l’employeur ne sert qu’à comptabiliser les journées ou demi-journées de travail, et que le logiciel Smart RH mis en ‘uvre depuis mi 2016 dont l’efficience est évaluée par le rapport d’expertise Syndex du 17 mai 2018 comme suit : « ne permet pas un suivi au réel du temps de travail puisque les horaires de travail sont pré-remplis sur des amplitudes horaires ne dépassant pas 10 heures par jour », et qu’il intègre une fonction permettant de réaliser des demandes d’heures supplémentaires prévisionnelles qui ne sont prises en compte que si elles sont validées.
Ce rapport évoque la position de l’inspection du travail en se rapportant aux termes du constat de l’administration du travail de [Localité 53] dont un inspecteur a en octobre 2020 retenu « je ne peux que constater à ce jour que le logiciel Smart RH ne permet pas d’effectuer un décompte fiable du temps de travail effectif des salariés et empêche nos services de contrôler si les heures de travail effectuées quotidiennement par les salariés sont effectivement payées ».
Ainsi, au vu des éléments du débat, la cour a la conviction que les prétentions des salariés au titre d’un rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées au-delà de 35 heures jusqu’à 38 heures 30 sont fondées.
Sur le montant du rappel de salaire pour heures supplémentaires et au titre de la prime de vacances
La cour constate que la mention « Cadre 38 h 30, 218 jours » portée sur les bulletins de salaire, et la seule indication « salaire de base » sans autre précision de calcul de la rémunération en fonction de laquelle le « salaire de base » a été déterminé, ne permettent pas de vérifier que le salaire perçu par les salariés correspond à la rémunération de 38 heures 30 de travail hebdomadaire, et qu’il tient compte de 3 heures 30 supplémentaires.
Les salariés dont le contrat de travail n’apporte pas davantage de précisions peuvent donc prétendre à la rémunération des heures supplémentaires réellement effectuées, augmentée de la majoration de 25 % afférente aux heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures par semaine.
Il convient de rappeler qu’en cas d’heures supplémentaires habituelles, dites structurelles, ce qui est le cas en l’espèce, le salaire est maintenu au cours des périodes de congés payés sur la base d’un salaire incluant ces heures supplémentaires, comme lors des jours fériés.
De plus, s’agissant des périodes de maladie, les dispositions de la convention collective des bureaux d’études techniques prévoient que tout salarié ayant au moins une année d’ancienneté révolue bénéficie d’un maintien intégral de salaire garanti pendant trois mois, heures supplémentaires régulières comprises.
De même enfin, en ce qui concerne les jours de RTT, les salariés ont accepté en l’état de leurs dernières prétentions d’y renoncer, et dans ces conditions il n’y a pas lieu de tenir compte de ces journées pour réduire les heures de travail des salariés dans le cadre du calcul des heures supplémentaires, sauf à porter atteinte au maintien de la rémunération habituelle et à opérer une double déduction.
Contrairement à ce que soutient la société Altran technologies, il n’y a donc pas lieu de procéder à une quelconque déduction pendant les périodes de congés payés, de RTT, de jours fériés ou de maladie inférieure à trois mois, étant au demeurant observé qu’il n’est pas démenti que les salariés placés en arrêt maladie pour une durée de plus de trois mois ont bien retiré la période au-delà des 90 jours de leur décompte.
A compter du 1er janvier 2016, alors que tous les salariés présents dans les effectifs à cette date travaillaient à hauteur de 38 heures 30 comme retenu ci-avant, l’employeur a mis fin à la modalité 2 et a fait figurer une durée de travail de 35 heures sur leurs bulletins de salaire, à l’exception de M. [JZ] (maintien du forfait heures), de Mme [Y], et de M. [KP] (dont le contrat de travail a pris fin le 18 janvier 2016), de sorte que les salariés peuvent se prévaloir d’un rappel de salaire, tant au titre de la rémunération de base qu’à titre de majorations, pour les heures de travail supplémentaires effectuées jusqu’à 38 heures 30 pendant cette période.
Il en est de même pour M. [A] qui s’est vu imposer dès mars 2016 un forfait en heures de 158 heures par mois, soit 36h30 hebdomadaires, dont 35 heures de travail payées et les heures supplémentaires compensées par des RTT, et ce sans clause contractuelle et sans modification de sa charge de travail.
Les salariés ayant signé le 1er mars 2016 un avenant produit aux débats, en vertu duquel la durée de travail hebdomadaire a été fixée à 36h30, à savoir M. [L] et M. [C], sont bien fondés à demander à compter de cette date un rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées entre la 36,5ème heure et la 38,5ème heure, étant relevé qu’il n’est pas contesté que les sommes réclamées ont été formulées dans cette limite.
Ainsi, à l’examen des tableaux récapitulatifs produits aux débats par les parties, le montant des rappels de salaire que les salariés sont en droit de réclamer s’établit aux sommes suivantes, étant considéré que l’article 31 de la convention collective Syntec prévoit que les salariés bénéficient d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés :
Nom
Prénom
heures
supplémentaires
Congés payés afférents
Prime vacances
[W]
[H]
[Y]
[I]
[A]
[M]
[R]
[L]
[C]
[T]
[E]
[HY]
[RS]
[TB]
[TS]
[ZU]
[MR]
[CF]
[KP]
[XC]
[JZ]
[NI]
[XU]
[LZ]
[BW]
[X]
[V]
[AG]
[Z]
[LH]
[RA]
[AG]
[TT]
[JY]
[HG]
[G]
[S] [OR]
[F]
[P]
[J]
[CX]
[GO]
[UJ]
[D]
[WK]
[VT] [RB]
20 246, 56 euros
44 312, 86 euros
39 100,57 euros
20 582,66 euros
18 027,43 euros
5 124,07 euros
18 328,63 euros
21 241,77 euros
31 880,94 euros
16 348,12 euros
22 780,14 euros
18 142,64 euros
17 028,75 euros
20 059 euros
22 234,55 euros
14 384,60 euros
21 940,56 euros
28 127,42 euros
20 466,31 euros
23 032, 50 euros
53 366,99 euros
26 737 euros
20 827,12 euros
2 024,66 euros
4 431,29 euros
3 910,06 euros
2 058,27 euros
1 802,74 euros
512,41 euros
1 832,86 euros
2 124,18 euros
3 188,09 euros
1 634,81 euros
2 278,01 euros
1 814,26 euros
1 702,88 euros
2 005,90 euros
2 223,45 euros
1 438,46 euros
2 194,06 euros
2 812,74 euros
2 046,63 euros
2 303,25 euros
5 336,70 euros
2 673,70 euros
2 082,71 euros
202,47 euros
443,13 euros
391,01 euros
205,83 euros
180,27 euros
51,24 euros
183,28 euros
212,42 euros
318,81 euros
163,48 euros
227,80 euros
181,43 euros
170,29 euros
200,59 euros
222,34 euros
143,84 euros
219,41 euros
281,27 euros
204,66 euros
230,33 euros
533,67 euros
267,37 euros
208,27 euros
La SA Altran Technologie sera donc condamnée à payer ces sommes à chacun des salariés concernés.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté les salariés de leur demande de prime de vacances, et sera confirmé dans son principe mais amendé quant aux montants retenus au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires et pour les congés payés afférents.
Sur la demande de remboursement des jours non travaillés
La société Altran technologies sollicite au titre d’une répétition de l’indu la restitution des jours non travaillés rémunérés en contrepartie de la convention de forfait.
Dès lors que les salariés se sont prévalus de l’inopposabilité de la convention de forfait à leur égard, le paiement des jours non travaillés accordés en exécution de ladite convention est indu.
La cour constate que les parties s’accordent sur ce point, et que le principe de la répétition de l’indu, sur lequel la société Altran technologies fonde sa demande, n’est pas contesté par les parties intimées. En effet, les salariés déclarent qu’ils acquiescent à la restitution des jours non travaillés, dont les chiffrages ne sont pas critiqués.
En conséquence, il convient de condamner les salariés à payer à la société Altran technologies les sommes suivantes :
Nom
Prénom
Remboursement JNT
[W]
[H]
[Y]
[I]
[A]
[M]
[R]
[L]
[C]
[T]
[E]
[HY]
[RS]
[TB]
[TS]
[ZU]
[MR]
[CF]
[KP]
[XC]
[JZ]
[NI]
[XU]
[LZ]
[BW]
[X]
[V]
[AG]
[Z]
[LH]
[RA]
[AG]
[TT]
[JY]
[HG]
[G]
[S] [OR]
[F]
[P]
[J]
[CX]
[GO]
[UJ]
[D]
[WK]
[VT] [RB]
4 154,40 euros
4 220,74 euros
5 513,64 euros
6 024,13 euros
5 694,07 euros
86,52 euros
3 369,12 euros
6 527,64 euros
3 507,95 euros
2 086,86 euros
4 079,37 euros
4 739,26 euros
3 524,03 euros
3 090,21 euros
2 961,25 euros
2 830,88 euros
4 869,80 euros
6 543,91 euros
5 886,48 euros
6 871,44 euros
9 446,25 euros
8 515,23 euros
2 204,25 euros
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point en ce sens.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Devant le conseil de prud’hommes, les salariés ont été déboutés de leurs demandes au titre du travail dissimulé, et cette disposition a été confirmée par la cour d’appel de Colmar qui a retenu comme les premiers juges que certains des salariés étaient encore liés à l’employeur par un contrat de travail et que les autres salariés ne démontraient pas la mauvaise foi de l’employeur.
La cour d’appel de Colmar, dans son arrêt du 22 janvier 2019, a donc statué sur une demande au titre du travail dissimulé à l’égard des salariés en cause dans le présent dossier.
Or, l’arrêt de cassation partielle rendu le 6 janvier 2021 ne vise pas ce chef de décision relatif au travail dissimulé, en l’absence de tout moyen dirigé à l’encontre de cette disposition.
Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de recueillir les observations des parties sur l’éventuelle irrecevabilité, devant la cour de renvoi, de la demande formulée par les salariés, à l’exception de six d’entre eux, soit M. [H], Mme [Y], M. [R], M. [DX], M. [CF], et M. [JZ], au titre du travail dissimulé.
Sur les dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail
Les salariés dont le contrat de travail n’a pas été rompu, soit M. [H], Mme [Y], M. [R], M. [DX], M. [CF], et M. [JZ], sollicitent devant la cour de renvoi des dommages et intérêts « en raison du préjudice nécessairement subi lorsqu’on dispose de moins de temps libre vis-à-vis de ce qu’on devrait disposer et qu’on ne s’est pas vu pendant des années, attribuer de compensations financières pour les heures de travail fournies au-delà de la durée légale ».
La cour d’appel de Colmar, dans son arrêt du 22 janvier 2019, a statué sur cette demande des salariés et a confirmé le jugement déféré « sur le rejet des demandes pour travail dissimulé et exécution déloyale des contrats de travail », en considérant que « la déloyauté dans l’exécution des contrats de travail ne s’avère pas suffisamment caractérisée ».
La saisine de la présente cour de renvoi suite à l’arrêt de cassation partielle rendu le 6 janvier 2021 ne concerne donc pas ces dispositions.
Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de recueillir les observations des parties sur l’éventuelle irrecevabilité, devant la cour de renvoi, de la demande formulée par M. [H], Mme [Y], M. [R], M. [DX], M. [CF], et M. [JZ], au titre de l’exécution fautive du contrat de travail.
Sur la demande de dommages et intérêts formulée par le syndicat CGT Altran Ouest
La cour relève, ainsi que le syndicat CGT Altran Ouest le fait valoir, que les irrégularités ci-dessus retenues à l’égard de la SA Altran technologies, dans l’organisation du temps de travail des salariés en cause et la rémunération des heures supplémentaires, portent atteinte aux intérêts collectifs défendus par le syndicat, et lui causent un préjudice moral.
Compte tenu de la persistance des manquements de la société Altran technologies sur une période prolongée, il apparaît justifié de condamner la société Altran technologies à verser au syndicat la somme de 100 euros de dommages et intérêts par salarié en réparation du préjudice subi.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des salariés, à l’exception de M. [DX], et en faveur du syndicat CGT Altran Ouest seront confirmées.
La société Altran technologies sera condamnée à verser une somme de 500 euros au titre des frais exposés par chaque salarié en cause d’appel, à l’exception de M. [DX], ainsi qu’à verser au syndicat CGT Altran Ouest la somme de 50 euros par salarié pour les frais que le syndicat a exposés en cause d’appel.
Il n’est pas contraire à l’équité de laisser à la charge de la société Altran technologie et à la charge de la société Altran Lab leurs frais irrépétibles. Leurs demandes à ce titre seront rejetées.
La société Altran Technologies sera condamnée aux dépens de la procédure de fond.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, sur renvoi après cassation partielle et en dernier ressort ;
Vu l’arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la Cour de cassation,
Sursoit à statuer sur les demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé de M. [LZ] [W], M. [Z] [M], M. [V] [I], M. [AG] [A], M. [RA] [L], M. [AG] [C], M. [TT] [T], M. [JY] [E], M. [HG] [HY], M. [G] [RS], M. [F] [TS], M. [S] [OR] [TB], Mme [P] [ZU], M. [J] [MR], M. [GO] [KP], M. [UJ] [XC], M. [WK] [ZC], et M. [VT] [RB] [XU] ;
Sursoit à statuer sur les demandes de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail de M. [BW] [H], Mme [X] [Y], M. [LH] [R], M. [O] [DX], M. [CX] [CF], et M. [D] [JZ] ;
Ordonne la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur la recevabilité des demandes formulées au titre du travail dissimulé et au titre de l’inexécution du contrat de travail devant la cour de renvoi ;
Dit que les salariés devront conclure sur ces points au plus tard le 6 septembre 2023, et que la société Altran technologies devra conclure sur ces points au plus tard le 6 octobre 2023 ;
Dit que l’affaire sera à nouveau plaidée concernant les demandes formulées au titre du travail dissimulé et au titre de l’inexécution du contrat de travail à l’audience collégiale du 27 novembre 2023 à 10 heures ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. [O] [DX] à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, et des congés payés afférents, et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les prétentions des autres salariés que M. [O] [DX] à titre de rappel de salaire sur prime de vacances ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux demandes des autres salariés que M. [O] [DX] à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, mais l’infirme dans ses dispositions relatives aux montants alloués aux salariés ;
Confirme le jugement entrepris dans ses dispositions relatives à l’octroi au syndicat CGT Altran Ouest de dommages-intérêts à hauteur de 100 euros par salarié ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Altran technologies de sa demande de restitution des jours RTT, en ce qu’il a fait application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Altran technologies, et dans ses dispositions relatives aux dépens ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés, et y ajoutant :
Déboute M. [O] [DX] de l’ensemble de ses demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires, de congés payés afférents, de primes de vacances afférentes, et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [LZ] [W] les sommes suivantes :
– 20 246, 56 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 024,66 euros à titre de congés payés afférents,
– 202,47 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [LZ] [W] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 4 154,40 euros au titre des jours non travaillés.
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [BW] [H] les sommes suivantes:
– 44 312, 86 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 4 431,29 euros à titre de congés payés afférents,
– 443,13 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [BW] [H] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 4 220,74 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à Mme [X] [Y] les sommes suivantes :
– 39 100,57 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 3 910,06 euros à titre de congés payés afférents,
– 391,01 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [X] [Y] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
5 513,64 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [V] [I] les sommes suivantes :
– 20 582,66 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 058,27 euros à titre de congés payés afférents,
– 205,83 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [V] [I] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
6 024,13 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [AG] [A] les sommes suivantes :
– 18 027,43 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 1 802,74 euros à titre de congés payés afférents,
– 180,27 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [AG] [A] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
5 694,07 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [Z] [M] les sommes suivantes :
– 5 124,07 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 512,41 euros à titre de congés payés afférents,
– 51,24 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [Z] [M] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 86,52 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [LH] [R] les sommes suivantes :
– 18 328,63 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 1 832,86 euros à titre de congés payés afférents,
– 183,28 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [LH] [R] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
3 369,12 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [RA] [L] les sommes suivantes :
– 21 241,77 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 124,18 euros à titre de congés payés afférents,
– 212,42 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [RA] [L] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
6 527,64 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [AG] [C] les sommes suivantes :
– 31 880,94 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 3 188,09 euros à titre de congés payés afférents,
– 318,81 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [AG] [C] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 3 507,95 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [TT] [T] les sommes suivantes :
– 16 348,12 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 1 634,81 euros à titre de congés payés afférents,
– 163,48 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [TT] [T] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
2 086,86 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [JY] [E] les sommes suivantes :
– 22 780,14 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 278,01 euros à titre de congés payés afférents,
– 227,80 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M.[JY] [E] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
4 079,37 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [HG] [HY] les sommes suivantes:
– 18 142,64 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 1 814,26 euros à titre de congés payés afférents,
– 181,43 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [HG] [HY] à rembourser à la SA Altran technologies la somme de
4 739,26 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [G] [RS] les sommes suivantes :
– 17 028,75 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 1 702,88 euros à titre de congés payés afférents,
– 170,29 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [G] [RS] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 3 524,03 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [S] [OR] [TB] les sommes suivantes :
– 20 059 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 005,90 euros à titre de congés payés afférents,
– 200,59 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] [OR] [TB] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 3 090,21 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [F] [TS] les sommes suivantes :
– 22 234,55 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 223,45 euros à titre de congés payés afférents,
– 222,34 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [TS] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 2 961,25 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à Mme [P] [ZU] les sommes suivantes :
– 14 384,60 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 1 438,46 euros à titre de congés payés afférents,
– 143,84 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [P] [ZU] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 2 830,88 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [J] [MR] les sommes suivantes :
– 21 940,56 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 194,06 euros à titre de congés payés afférents,
– 219,41 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [J] [MR] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 4 869,80 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [CX] [CF] les sommes suivantes :
– 28 127,42 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 812,74 euros à titre de congés payés afférents,
– 281,27 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [CX] [CF] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
6 543,91 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran technologies à payer à M. [GO] [KP] les sommes suivantes :
– 20 466,31 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 046,63 euros à titre de congés payés afférents,
– 204,66 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [GO] [KP] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 5 886,48 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [UJ] [XC] les sommes suivantes :
– 23 032, 50 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 303,25 euros à titre de congés payés afférents,
– 230,33 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [UJ] [XC] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
6 871,44 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [D] [JZ] les sommes suivantes :
– 53 366,99 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 5 336,70 euros à titre de congés payés afférents,
– 533,67 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [D] [JZ] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
9 446,25 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran Technologies à payer à M. [WK] [ZC] les sommes suivantes :
– 26 737 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 673,70 euros à titre de congés payés afférents,
– 267,37 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [WK] [ZC] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de
8 515,23 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la société Altran technologies à payer à M. [VT] [RB] [XU] les sommes suivantes :
– 20 827,12 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– 2 082,71 euros à titre de congés payés afférents,
– 208,27 euros à titre de rappel de prime de vacances afférente,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [VT] [RB] [XU] à rembourser à la SA Altran Technologies la somme de 2 204,25 euros au titre des jours non travaillés ;
Condamne la SA Altran technologies à verser au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel la somme de 500 euros à chaque salarié, et la somme de 50 euros par salarié au profit du syndicat CGT Altran Ouest ;
Rejette les prétentions de la SA Altran technologies et de la SAS Altran Lab au titre de leurs frais irrépétibles exposés en premier ressort et en cause d’appel ;
Condamne la société Altran technologies aux dépens de la procédure de fond.
La Greffière La Présidente