Convention collective SYNTEC : 6 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09933

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Convention collective SYNTEC : 6 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09933

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 06 DECEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09933 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYES

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes de PARIS 10 – RG n° F21/01178

APPELANTE

Madame [R] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

S.A.S. DO YOU DREAM UP

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0119

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Stéphane MEYER, président de chambre et par M. Jadot TAMBUE,greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [R] [U] a été engagée par la société Do You Dream Up, pour une durée indéterminée à compter du 1er février 2016, en qualité de responsable du développement commercial partenaires, avec le statut de cadre.

La relation de travail est régie par la convention collective «’Syntec’».

Madame [U] a fait l’objet d’arrêts de travail du 21 janvier au 25 février 2019, puis à compter du 13 mai 2019.

Par lettre du 7 juin 2019, Madame [U] était convoquée pour le 18 juin à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 21 juin suivant pour cause réelle et sérieuse, caractérisée par des absences prolongées perturbant le fonctionnement de l’entreprise .

Le 31 juillet 2019, Madame [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul pour harcèlement moral ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Parallèlement, par ordonnance du 30 septembre 2019, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Paris a condamné la société Do You Dream Up à payer à Madame [U] une provision sur commissions de’60’000’€’; la société Do You Dream Up a interjeté appel de cette ordonnance et Madame [U] a formé appel incident et par arrêt du 5 novembre 2020, la cour d’appel de Paris a porté le montant de cette provision à 160’329,30 €.

Par jugement du 15 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné la société Do You Dream Up à payer à Madame [U] 18’800 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les intérêts au taux légal, une indemnité pour frais de procédure de 700 €, les dépens et l’a déboutée de ses autres demandes.

Madame [U] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 décembre 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2023, Madame [U] demande l’infirmation du jugement et la condamnation de la société Do You Dream Up à lui payer les sommes suivantes :

– dommages et intérêts pour licenciement nul ou à titre subsidiaire sans cause réelle et

sérieuse : 187’140 €, à titre subsidiaire : 132’420 € et à titre plus subsidiaire : 123’905 €’;

– complément d’indemnité de licenciement : 7’216,24 €, à titre subsidiaire : 1’769,52 € et à titre plus subsidiaire : 921,99 €’;

– rappel de commissions’: 377’050 €, à titre subsidiaire : 189’522,60€ et à titre plus subsidiaire : 160’329,30 € ‘;

– congés payés afférents : 37’705 €, à titre subsidiaire : 18’952,26 € et à titre plus subsidiaire’: 16’032,93 €’;

– dommages et intérêts pour harcèlement moral’: 50’000 €’;

– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité’: 35’000 €’;

– rappel d’heures supplémentaires’: 28’000 €’;

– congés payés afférents : 2’800 €’;

– indemnité pour travail dissimulé : 93’570 €, à titre subsidiaire : 66’209 € et à titre plus

subsidiaire : 61’952 €’;

– indemnité pour frais de procédure : 5’000 €’;

– les intérêts au taux légal’;

– Madame [U] demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de salaire, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes, sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Madame [U] expose

que :

– en l’absence de fixation d’objectifs en 2017 et 2018, l’intégralité des commissions prévues par son contrat de travail lui est due’;

– en intégrant les commissions dues, son salaire de référence doit être fixé à 15’594,97 €, à titre subsidiaire à 11’034,93 € et à titre plus subsidiaire, à 10’325,37’€’;

– son licenciement doit être déclaré nul, car il est l’aboutissement direct d’un processus de harcèlement moral de la part des dirigeants fondateurs de la société, à partir du moment où elle a émis des réclamations relatives à sa rémunération, situation à l’origine d’une dégradation de son état de santé ;

– son licenciement constitue également une mesure de rétorsion, suite à une mise en demeure adressée par son conseil’;

– à titre subsidiaire, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, eu égard à la précipitation dont a fait preuve l’employeur et à l’absence de toute preuve de désorganisation de l’entreprise, ainsi que de son remplacement dans un délai raisonnable’;

– la société Do You Dream Up a manqué à on obligation de sécurité en s’abstenant de réagir pour faire cesser les agissements de harcèlement moral à son encontre’;

– elle a accompli des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées et l’employeur s’est rendu coupable de travail dissimulé.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mai 2022, la société Do You Dream Up demande que Madame [U] soit déclarée «’irrecevable et en tous cas mal fondée’» en ses demandes, la confirmation partielle du jugement, qu’il soit jugé que la demande de rappel de commission n’est recevable qu’à hauteur de 113’224,30 €, l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, que le montant de cette indemnité soit ramené «’à de plus justes proportions’», ainsi que la condamnation de Madame [U] à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 8’000 €. Elle fait valoir que :

– les deman des de Madame [U] relatives aux commissions sont imprécises et elle ne fournit pas d’éléments permettant de calculer son chiffre d’affaires’; le contrat de travail stipulait en que les objectifs et les taux de commissionnement n’étaient valables que pour la première année’; une note du 15 janvier 2018 lui a fixé ses objectifs’;

– le montant des son salaire de référence doit être fixé à 9’405,47 €’;

– Madame [U] ne produit aucun détail ou décompte des heures supplémentaires alléguées’;

– aucun des éléments présentés par Madame [U] n’est susceptible de caractériser un harcèlement moral, alors que ses arrêts de travail ne sont pas d’origine professionnelle’;

– l’entreprise a respecté son obligation de sécurité’;

– l’absence de Madame [U] perturbait le bon fonctionnement de l’entreprise et justifiait son remplacement définitif’;

– en tout état de cause, le barème légal d’indemnisation doit s’appliquer et Madame [U] ne justifie pas du préjudice allégué.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 septembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rappel de commissions

Il résulte des dispositions de l’article 1103 du code civil, que l’employeur est tenu de respecter ses engagements contractés à l’égard du salarié.

Il résulte des dispositions de l’article 1353 du code civil que, lorsqu’un contrat de travail prévoit une rémunération variable en fonction de la réalisation d’objectifs de l’entreprise, il appartient à l’employeur d’établir que ces objectifs ont été définis et s’il prétend qu’ils n’ont pas été atteints, d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, le contrat de travail de Madame [U], daté du 1er février 2016, prévoyait, en plus du salaire fixe, une rémunération variable «’calculée en fonction du chiffre d’affaires signé chaque année’», selon des pourcentages différents selon les tranches prévues, et stipulait en fin de clause’: «’cette rémunération variable est convenue pour la première année du contrat. Les objectifs seront revus chaque année à la date d’anniversaire du contrat’».

La société Do You Dream Up produit un document daté du 15 janvier 2018, intitulé «’Objectifs 2018 et calcul de la rémunération variable’» prévoyant des modalités de calcul de la rémunération variable différentes de celles prévues au contrat de travail .

Cependant, ce document, qui comporte des emplacements destinés à la signature des parties, n’est pas signé et aucun élément ne permet d’établir que Madame [U] en aurait accepté le contenu.

C’est donc à juste titre qu’elle soutient que ce document ne lui est pas opposable, seules les stipulations du contrat de travail devant s’appliquer.

Par ailleurs, Madame [U] fait valoir à juste titre qu’il appartient à l’employeur de lui communiquer les éléments ayant servi de base au calcul de la rémunération variable, afin de lui permettre de vérifier que ce calcul a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.

En l’espèce, au soutien de sa demande de rappel de commissions d’un montant principal de 377’050 €, Madame [U] produit des relevés de facture détaillés, dont elle expose qu’ils ont été extraits de la propre base intranet de la l’entreprise, tandis que la société Do You Dream Up se contente de produire un simple tableau de calcul, aboutissant à un montant dû de 113’224,30 €, alors qu’elle avait expressément reconnu devoir la somme de 160’329,30 € par courriel du 6 mai 2019.

A cet égard, le fait qu’en retour, Madame [U] ait accepté le paiement correspondant à cette dernière somme, ne peut être interprété, comme le prétend la société, comme une renonciation de sa part à réclamer un montant supérieur.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la société Do You Dream Up, les calculs de Madame [U], conformes aux relevés qu’elle produit et aux stipulations contractuelles, tiennent compte des commissions qui lui avaient été versées.

La société Do You Dream Up ne produisant aucun élément comptable et ne fournissant aucune explication de nature à contredire de façon précise les éléments produits par Madame [U], il convient de faire droit à sa demande à hauteur de la somme réclamée à titre principal, outre les congés payés afférents, infirmant le jugement sur ce point, étant précisé que cette somme inclut la provision allouée par la cour d’appel le cadre de l’instance en référé.

Sur l’allégation de harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

En l’espèce, Madame [U] expose qu’elle a commencé à être victime de faits et de comportements caractéristiques d’un harcèlement moral à compter de ses réclamations salariales, pourtant légitimes, essentiellement de la part de l’un des dirigeants fondateurs de l’entreprise, Monsieur [Y]’;

Elle reproche à ce dernier d’avoir délibérément refusé de répondre de façon transparente à ses demandes d’éclaircissements et de justifications, l’empêchant de calculer et vérifier le montant de sa rémunération variable, de s’être soudainement mis à dénigrer la qualité de son travail, arguant de mauvaise foi qu’elle était en grande partie responsable de l’impossibilité de fournir des chiffres précis permettant d’établir le montant exact de son chiffre d’affaires et donc de ses commissions, l’a prise à partie et humiliée, en adressant la copie de ses échanges à l’ensemble des salariés de l’équipe commerciale .

Elle expose également que ces faits sont directement à l’origine de la dégradation de l’état de santé et qu’elle a dû être arrêtée à plusieurs reprises en janvier-février, puis en mai 2019.

Enfin, Madame [U] expose que l’employeur a soudainement décidé d’initier une procédure de licenciement totalement artificielle, aussitôt après avoir reçu de la part de son conseil, une mise en demeure de régler à minima le rappel de commissions reconnu par l’entreprise, ce qu’elle ne finira par faire que contrainte et forcée par voie d’huissier, suite à un arrêt de la cour d’appel de Paris.

Les pièces produites par Madame [U] ne laissent pas supposer l’existence des humiliations et prises à partie alléguées.

Cependant, il résulte des courriels échangés entre les parties qu’à compter de janvier 2019, Madame [U] ayant émis des réclamations relatives aux chiffres lui permettant de calculer ses commissions, l’employeur lui a reproché d’être responsable de l’absence de leur paiement et lui a adressé des reproches, alors qu’elle n’en avait reçu aucun précédemment.

La société a fini par reconnaître lui devoir un arriéré de 160’329,30 € le 6 mai 2019, mais cette somme restant impayée, le conseil de la salariée a, par lettre du 3 juin 2019, mis en demeure la société de la lui régler, et, dès le 7 juin 2019, elle était convoquée pour un entretien préalable à son licenciement.

Ce licenciement a été prononcé le 21 juin pour absences prolongées perturbant gravement le bon fonctionnement de la société.

L’employeur ne rapporte toutefois pas la preuve de la perturbation alléguée.

Bien au contraire, lors de sa convocation, Madame [U] ne se trouvait en arrêt de travail que depuis le 13 mai, après un précédent arrêt de travail d’un mois en début d’année et lorsque, après avoir été déclarée apte à la reprise le 10 juillet 2019, soit en cours de préavis, elle a proposé de reprendre son travail à l’employeur, ce dernier l’a au contraire dispensée d’activité, lui expliquant, aux termes d’une lettre du même jour que «’la situation conflictuelle que nous connaissons rend en effet impossible l’exécution de votre préavis dans des conditions sereines’».

Par ailleurs, la société ne produit aucune preuve du remplacement définitif de Madame [U].

Il résulte ainsi de ces éléments, qu’après avoir manifesté une mauvaise volonté certaine à reconnaître sa dette à l’égard de sa salariée, l’employeur s’est ensuite abstenu de procéder à son règlement et qu’en réponse à la mise en demeure reçue, il lui a adressé subitement des reproches, puis l’a licenciée pour un motif à l’évidence dénué de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, Madame [U], qui a fait l’objet d’arrêts de travail du 21 janvier au 25 février 2019, puis à compter du 13 mai 2019, produit une ordonnance médicale du 26 janvier 2019, lui prescrivant un traitement anxiolytique.

Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

De son côté, la société Do You Dream Up fait valoir que les arrêts de travail de Madame [U] ne sont pas d’origine professionnelle et que le médecin du travail l’a déclarée apte à son poste.

Cependant, ces éléments ne permettent pas de combattre utilement les éléments concordants produits par la salariée.

Les faits de harcèlement moral sont donc avérés et le jugement doit être infirmé sur ce point.

Ils ont causé à Madame [U] un préjudice qu’il convient d’évaluer à 5’000 €.

Sur le manquement allégué à l’obligation de sécurité

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en ‘uvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Aux termes de l’article L. 1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

En l’espèce, Madame [U] soutient que la société et/ou ses responsables n’ont jamais réagi pour faire cesser les agissements de harcèlement moral dont elle a été victime.

Cependant, si les faits de harcèlement moral sont avérés, aucun élément du dossier ne permet d’établir que l’employeur aurait eu connaissance d’alertes de sa part ou d’une souffrance au travail ce dont il résulte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir manqué à son obligation de prévention.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail qu’est nul le licenciement prononcé au motif que le salarié a subi ou a refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.

En l’espèce, il résulte des développements qui précèdent que le licenciement de Madame [U], ne comporte pas d’autre motif qu’une réaction de l’employeur à ses réclamations justifiées, l’ensemble de ces faits étant constitutif de harcèlement moral.

Le licenciement doit donc être déclaré nul et le jugement infirmé sur ce point.

Madame [U] est donc fondée à percevoir l’indemnité pour licenciement nul prévue par les dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Madame [U], âgée de 34 ans, comptait plus de 3 ans d’ancienneté. Elle justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’en septembre 2021.

Son salaire mensuel brut, reconstitué en tenant compte des commissions dues, doit être fixé à 15’594,97 euros, conformément à sa demande

Au vu de sa situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 95’000 euros.

Sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Sur la demande de complément d’indemnité de licenciement

La modification du salaire de référence en fonction des commissions restant dues à Madame [U], entraîne un complément d’indemnité de licenciement dans les termes de la demande.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, aux termes de son contrat de travail, Madame [U] était soumise à une durée du travail de 38 heures hebdomadaires.

Au soutien de sa demande de rappel de salaires, elle expose qu’elle travaillait systématiquement bien-delà de cette durée contractuelle, sans jamais bénéficier d’aucune contrepartie, ni financière, ni en jours de repos.

Cependant, si elle produit des courriels échangés avec son employeur, elle ne fournit aucune indication quant à ses horaires de travail.

Elle ne fournit donc pas d’éléments précis permettant à l’employeur de les contester utilement.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l’espèce, la demande d’indemnité pour travail dissimulé formée par Madame [U] étant la conséquence de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires, laquelle n’est pas fondée, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Do You Dream Up à payer à Madame [U] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 3 000 euros.

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 août 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Madame [R] [U] de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, de rappel de salaires pour d’heures supplémentaires, de congés payés afférents et d’indemnité pour travail dissimulé et sauf en ce qu’il a condamné la société Do You Dream Up aux dépens’;

Statuant à nouveau ;

Déclare nul le licenciement de Madame [R] [U]’;

Condamne la société Do You Dream Up à payer à Madame [R] [U] les sommes

suivantes :

– dommages et intérêts pour licenciement nul : 95’000 €’;

– complément d’indemnité de licenciement : 7’216,24 €’;

– rappel de commissions (somme incluant celle allouée par la cour d’appel dans le cadre de l’instance en référé)’: 377’050 €’;

– congés payés afférents : 37’705 €’;

dommages et intérêts pour harcèlement moral’: 5’000 €’;

indemnité pour frais de procédure : 3’000 €’;

Dit que les condamnations au paiement, de l’indemnité pour licenciement nul, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et de l’indemnité pour frais de procédure porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 août 2019′;

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;

Ordonne le remboursement par la société Do You Dream Up des indemnités de chômage versées à Madame [R] [U] dans la limite de six mois d’indemnités ;

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi ;

Déboute Madame [R] [U] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Do You Dream Up de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;

Condamne la société Do You Dream Up aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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