Convention collective SYNTEC : 6 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09931

·

·

Convention collective SYNTEC : 6 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09931

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 06 DECEMBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09931 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYEO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes de PARIS 10 – RG n° F21/01184

APPELANTE

Madame [P] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

S.A.S. DO YOU DREAM UP

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0119

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Stéphane M. MEYER, président de chambre et par M. Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION DES PARTIES

Madame [C] [P] a été engagée par la société Do You Dream Up, pour une durée indéterminée à compter du 12 février 2018, en qualité de directeur de projet, avec le statut de cadre.

La relation de travail est régie par la convention collective «’Syntec’».

Par lettre du 21 juin 2019, Madame [C] était convoquée pour le 4 juillet à un entretien préalable à un licenciement était mise à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié le 10 juillet suivant pour faute grave, caractérisée par une attitude agressive et des propos diffamatoires à l’égard de ses responsables hiérarchiques et de ses collaborateurs, une attitude inadaptée vis-à-vis des clients, des faits de harcèlement moral à l’encontre du co-fondateur de la société et une grande déloyauté vis-à-vis de cette dernière.

Le 31 juillet 2019, Madame [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul pour manquement à la protection due à son état de grossesse et pour harcèlement moral, subsidiairement à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des demandes relatives à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 25 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Madame [C] de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Madame [C] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 décembre 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2023, Madame [C] demande l’infirmation du jugement et la condamnation de la société Do You Dream Up à lui payer les sommes suivantes :

– dommages et intérêts pour licenciement nul : 93’750 €’;

– salaires dus jusqu’à la fin de la période de protection : 46’875 €’;

– congés payés afférents : 4’687,50 €’;

– indemnité de licenciement’: 2 604,17 €’;

– indemnité compensatrice de préavis 18 750,02 €’;

– congés payés afférents’:1 875 €’;

– rappel de salaire sur mise à pied conservatoire’: 3 485,02 €’;

– congés payés afférents’: 348,50 €’;

– dommages et intérêts pour harcèlement moral’: 37 500 €’;

– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 25’000 €’;

– dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire : 18’750 €’;

– rappel d’heures supplémentaires 2018 / 2019 : 18 750 €’;

– congés payés afférents : 1 875 €’;

– indemnité pour travail dissimulé : 37 500 €’;

– indemnité pour frais de procédure : 5 000 €.

– les intérêts au taux légal

– Madame [C] demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de salaire, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes, sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Madame [C] expose

que :

– ses conditions de travail se sont rapidement dégradées, en raison essentiellement d’un management et d’un comportement particulièrement hostile et défaillant, caractéristique

de harcèlement moral, de la part des dirigeants et fondateurs de la société, situation entraînant une dégradation de son état de santé’;

– elle a été licenciée sur la base d’accusations totalement fantaisistes et pour des faits prescrits, alors qu’elle se trouvait enceinte’;

– son licenciement constitue une mesure de rétorsion, suite à sa dénonciation du harcèlement moral qu’elle subissait’;

– son licenciement est donc nul pour ces trois motifs’;

– l’entreprise a manqué à son obligation de sécurité à son égard’;

– elle a accompli des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées’;

– l’employeur s’est rendu coupable de travail dissimulé.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 mai 2022

En défense, la société Do You Dream Up demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Madame [C] et sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 5’000 €’;’elle fait valoir que :

Madame [C], qui faisait preuve d’une attitude agressive et despotique a commis de nombreux manquements, constitutifs d’une faute grave, justifiant la rupture de son contrat de travail malgré la protection due à son état de grossesse’;

Madame [C] ne produit aucun élément laissant supposer un harcèlement moral’;

l’entreprise n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité’;

Madame [C] ne justifie pas des préjudices allégués’;

elle n’a pas accompli d’heures supplémentaires, passant son temps de travail à la gestion de ses affaires personnelles et exerçant parallèlement une autre activité professionnelle.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 septembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement et ses conséquences

Il résulte des dispositions de l’article L.1225-4 du code du travail que l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée, sauf faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Lorsque les faits reprochés sont antérieurs de plus de deux mois à la date de convocation à l’entretien préalable au licenciement, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance qu’à une date ultérieure, incluse dans le délai de prescription disciplinaire.

Il n’est possible de prendre en considération des faits antérieurs à deux mois, que lorsque des faits de même nature ont ensuite été commis dans ce délai.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 10 juillet 2019, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, reproche en substance à Madame [C] une attitude agressive et des propos diffamatoires à l’égard de ses responsables hiérarchiques et de ses collaborateurs, une attitude inadaptée vis-à-vis des clients, des faits de harcèlement moral à l’encontre du co-fondateur de la société et une grande déloyauté vis-à-vis de cette dernière.

Au soutien de ses griefs, la société Do You Dream Up produit tout d’abord des éléments couvertes par la prescription disciplinaire, à savoir un courriel d’un client du 23 juillet 2018, se plaignant du comportement de Madame [C], ainsi que des courriels internes d’août et décembre 2018.

La société Do You Dream Up produit également l’attestation de Monsieur [I], qui déclare que, dès son arrivée en février 2018, Madame [C] a adopté un comportement de défiance voire d’agressivité à l’égard de certains collaborateurs ainsi que les fondateurs de la société, dont elle remettait souvent en cause les orientations stratégiques, qu’elle faisait preuve de dénigrement et de manipulation et que son attitude a entraîné une détérioration de l’ambiance au sein de l’entreprise. Cependant, les faits en cause ne sont pas datés et aucun élément ne permet d’établir qu’ils se seraient produits moins de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable ou que l’employeur n’en aurait eu connaissance que dans ce délai.

En ce qui concerne des faits qui se seraient produits dans la limite du délai de prescription disciplinaire, la société Do You Dream Up produit un courriel de Madame [C] du 16 mai 2019, se plaignant de l’attitude du Codir, en des termes ne dépassant pas les limites admissibles de la liberté d’expression au sein d’une entreprise, ainsi que des échanges internes de courriels du 17 juin 2019 au 30 juillet 2021 qui ne comportant aucun élément concernant le comportement qui lui est imputé.

Enfin, la société Do You Dream Up produit l’attestation de Madame [V], responsable des ressources humaines, qui déclare que Madame [C] faisait preuve d’une forte animosité et agressivité à l’encontre de la société et de ses fondateurs et notamment à l’encontre de Monsieur [T], et que plusieurs membres de son équipe qui se sont plaints de harcèlement moral.

Cependant, Madame [C] relève à juste titre que l’impartialité de ce témoignage est sujette à caution, dès lors qu’il émane de la personne qui l’a convoquée et reçue à entretien préalable à son licenciement et qui a ensuite signé la lettre de licenciement. De plus, cette attestation n’est corroborée par aucun élément matériel.

Par conséquent, contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, le licenciement de Madame [C] était injustifié.

Il est constant que l’employeur avait connaissance de l’état de grossesse de Madame [C] au moment de la notification de ce licenciement, lequel doit donc être déclaré nul.

Madame [C] est donc fondée à obtenir paiement de l’indemnité pour licenciement nul prévue par les dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Madame [C], âgée de 36 ans, comptait environ un an et demi d’ancienneté. Elle ne produit aucun élément relatif à sa situation à la suite de la rupture

du contrat de travail. En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel brut de 6’250 euros.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 40’000 euros.

Par ailleurs, Madame [C], qui ne demande pas sa réintégration, demande la condamnation de la société Do You Dream Up au paiement des salaires qu’elle aurait normalement dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection dont elle bénéficiait en raison de son état de grossesse.

Cependant, les dispositions de l’article L.1225-71 du code du travail sur les quelles elle se fonde, dans leur rédaction applicable au litige compte tenu de la date du licenciement, ne prévoient plus une telle sanction.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Par ailleurs, en licenciant Madame [C] pour des motifs injustifiés, alors qu’elle ne lui avait précédemment adressé aucun reproche et en assortissant cette mesure d’une mise à pied conservatoire, la coupant de façon soudaine de tout contact avec ses collègues, la société Do You Dream Up a adopté à l’égard de Madame [C] une attitude brutale et vexatoire, lui occasionnant un préjudice qu’il convient d’évaluer à 5’000 euros.

En application des dispositions de l’article L. 1332-3 du code du travail, en l’absence de faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n’était pas justifiée et Madame [C] est donc fondée à percevoir le salaire correspondant, soit la somme de 3’485,02 €, ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 348,50 euros.

En application des dispositions de la convention collective applicable, Madame [C] est fondée à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, soit la somme de 18’750,02 euros, ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 1’875 euros.

Madame [C] est également fondée à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, à hauteur de sa demande, soit 2’604,17 euros.

Enfin, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Sur l’allégation de harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlemen t moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

En l’espèce, Madame [C] fait valoir que, dès son entrée dans l’entreprise, elle a subi un management et un comportement caractéristiques de harcèlement moral, essentiellement de la part de l’un des dirigeants fondateurs de la société, en la personne de Monsieur [T].

Elle produit les attestations de Messieurs [L], [S] et [K], qui déclarent qu’elle faisait l’objet «’d’attaques à répétition’» de la part de Monsieur [T], lequel utilisait un ton virulent lorsqu’il s’adressait à elle, Monsieur [K] ajoutant’: «’Il est clair qu’un souhait de faire partir [P] existait de la part des fondateurs [‘] Durant certains Codir, les fondateurs (en particulier [E] [T]) la poussaient à sortir de ses gonds’»

Elle produit également l’attestation Monsieur [H], consultant indépendant en management, dont il est constant qu’il avait été missionné par les dirigeants de la société, pour une mission d’accompagnement du comité de direction, qui déclare avoir reçu en entretien presque tous les salariés de l’entreprise, et que plusieurs cadres ont évoqué le harcèlement dont ils étaient l’objet. Concernant Madame [C], il précise avoir assisté à la dégradation de ses responsabilités, à une dévalorisation de la part de Monsieur [T], que son humiliation a été grande lorsqu’elle s’est vue remplacer sur la moitié de son équipe par une personne sans aucune expérience de management et ajoute’: «’L’objectif de Monsieur [T] était clair, les humiliations se sont succédées jusqu’au départ de Mme [C]. Sous la pression, je l’ai vue perdre confiance en elle, se culpabilisant en se posant des questions sur ses compétences, petit à petit se recroqueviller’».

Par courriel du 17 juin 2019, Madame [C] écrivait à Monsieur [T] pour se plaindre de son comportement humiliant et de son «’ton dédaigneux, hargneux, voire violent, avec des remarques déplacées’» et ajoutait’: «’Avec ce type d’attitude devant tous les autres directeurs, je me sens à chaque fois humiliée, rabaissée et harcelée’».

Il est constant que ce courriel n’a pas fait l’objet de réponse, si ce n’est la convocation du 21 juin suivant à l’entretien préalable au licenciement.

Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer un harcèlement moral.

De son côté, la société Do You Dream Up fait valoir que c’est Madame [C] qui harcelait ses responsables hiérarchiques, dont Monsieur [T], ainsi que ses collaborateurs et produit en ce sens les attestation susvisées de Monsieur [I], et de Madame [V].

Cependant, à eux seuls, ces éléments ne permettent pas de combattre utilement les éléments concordants produits par Madame [C], étant rappelé que le témoignage de Madame [V], qui a mené sa procédure de licenciement, ne présente pas de garanties d’impartialité.

Contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, les faits de harcèlement moral sont donc établis.

Ils ont causé à Madame [C] un préjudice qu’il convient d’évaluer à 5’000 euos.

Sur le manquement allégué à l’obligation de sécurité

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en ‘uvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Aux termes de l’article L. 1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

En l’espèce, alors que, par le courriel précité du 17 juin 2019, Madame [C] s’est plainte de faits de harcèlement moral, la seule réaction de l’entreprise a été de la convoquer à un entretien préalable à un licenciement.

la société Do You Dream Up a ainsi manqué à son obligation de sécurité en ce qui concerne la prévention de faits de harcèlement moral, causant à Madame [C] un préjudice qu’il convient d’évaluer à 5’000 €.

Sur la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, aux termes de son contrat de travail, Madame [C] était soumise à une durée du travail de 38 heures hebdomadaires.

Au soutien de sa demande de rappel de salaires, elle expose qu’elle travaillait systématiquement bien-delà de cette durée contractuelle, sans jamais bénéficier d’aucune contrepartie, ni financière, ni en jours de repos.

Cependant, si elle produit des courriels échangés avec son employeur, elle ne fournit aucune indication quant à ses horaires de travail.

Elle ne fournit donc pas d’éléments précis permettant à l’employeur de les contester utilement.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l’espèce, la demande d’indemnité pour travail dissimulé formée par Madame [C] étant la conséquence de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires, laquelle n’est pas fondée, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Do You Dream Up à payer à Madame [C] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 3 000 euros.

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 août 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Madame [C] de ses demandes de salaires dus jusqu’à la fin de la période de protection, de rappel de salaires pour d’heures supplémentaires, de congés payés afférents et d’indemnité pour travail dissimulé’;

Statuant à nouveau ;

Déclare nul le licenciement de Madame [C] [P]’;

Condamne la société Do You Dream Up à payer à Madame [C] [P] les sommes

suivantes :

– dommages et intérêts pour licenciement nul : 40’000 €’;

– indemnité de licenciement’: 2 604,17 €’;

– indemnité compensatrice de préavis 18 750,02 €’;

– congés payés afférents’:1 875 €’;

– rappel de salaire sur mise à pied conservatoire’: 3 485,02 €’;

– congés payés afférents’: 348,50 €’;

– dommages et intérêts pour harcèlement moral’: 5’000 €’;

– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 5’000 €’;

– dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire : 5’000 €’;

– indemnité pour frais de procédure : 3 000 €.

Dit que les condamnations au paiement, de l’indemnité pour licenciement nul, des dommages et intérêts et de l’indemnité pour frais de procédure porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 août 2019.

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;

Ordonne le remboursement par la société Do You Dream Up des indemnités de chômage versées à Madame [C] [P] dans la limite de six mois d’indemnités ;

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi ;

Déboute Madame [C] [P] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Do You Dream Up de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;

Condamne la société Do You Dream Up aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x